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     Date: 19990426

     Dossier: T-394-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 26 AVRIL 1999

EN PRÉSENCE DU JUGE PELLETIER

E N T R E:

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA,

     demandeur,

     " et "

     LE MINISTRE DE L'INDUSTRIE DU CANADA,

     défendeurs

     ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


[1]      Le 4 novembre 1996, M. Patrick McIntyre a demandé des renseignements sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi). Le 6 juin 1997, le ministre lui a communiqué certains des renseignements demandés, mais en a retenu un grand nombre en invoquant diverses exceptions à la communication, notamment les exceptions prévues aux articles 15 (affaires internationales et défense), 20 (renseignements de tiers), 21 (activités du gouvernement), 23 (secret professionnel des avocats) et 69 (documents du cabinet). Le 3 juillet 1997, M. McIntyre a déposé une plainte concernant les exceptions précitées, invoquées par le ministre pour refuser de lui communiquer les renseignements. Un enquêteur a été nommé à la suite de quoi un long processus de négociation et de consultation s'est amorcé, au cours duquel de nombreux autres documents ont été communiqués. À la fin, le ministre a toutefois refusé, dans une lettre datée du 17 décembre 1998, de communiquer certains documents qui, d'après le commissaire, n'étaient pas couverts par l'exception invoquée par le ministre (ou par d'autres personnes). Le 22 janvier 1999, le commissaire à l'information a informé M. McIntyre, conformément à l'article 37 de la Loi, qu'il reconnaissait le bien-fondé de certaines exceptions invoquées par le ministre mais qu'il ne partageait pas l'avis de ce dernier quant au refus de communiquer des renseignements particuliers, savoir le poids proportionnel accordé aux critères appliqués pour évaluer les propositions reçues par le ministre (le poids proportionnel). Le commissaire a alors sollicité le consentement de M. McIntyre pour demander la révision par la Cour du refus du ministre, ainsi que le prévoit le paragraphe 42(1) de la Loi. M. McIntyre a donné son assentiment et, le 5 mars 1999, un avis de demande a été déposé. Il a été suivi par une requête visant la désignation de la demande comme instance à gestion spéciale sous le régime de la règle 384 et la formulation de directives accessoires à cette désignation.


[2]      Avant l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), des usages s'étaient établis relativement à la gestion des demandes déposées en vertu de la Loi. Dans une note du 2 décembre 1993 préparée à l'intention du public et des avocats, le juge en chef adjoint faisait état de ces usages. La pratique voulait que les demandes relevant de la Loi soient accompagnées d'une requête pour directives concernant un ensemble de questions relatives aux parties et au calendrier de l'instance. Le commissaire à l'information continue à demander des directives à l'égard des demandes fondées sur l'article 42 de la Loi, même si les Règles ont changé et prévoient maintenant, à la partie V, la procédure et l'échéancier applicables aux demandes. Le défendeur s'oppose à cette façon de procéder, soutenant que les demandes comme celle qui nous occupe sont maintenant régies par les Règles et qu'il est donc inutile de demander des directives, lesquelles tendent au surplus à imposer d'avance des étapes qu'il vaudrait mieux aborder au fur et à mesure qu'elles se présentent. Le défendeur exprime en outre des réserves particulières quant au type de directives qui ont été formulées dans le passé.


[3]      Le défendeur s'en prend à la qualité en laquelle M. McIntyre participe à la demande. Après avoir consenti à ce que le commissaire à l'information dépose la présente demande, M. McIntyre a produit un avis de comparution à titre de partie, exerçant son droit d'être ajouté comme partie à l'instance en vertu du paragraphe 42(2) de la Loi.

(2) Where the Information Commissioner makes an application under paragraph (1)(a) for a review of a refusal to disclose a record requested under this Act or a part thereof, the person who requested access to the record may appear as a party to the review.

(2) Dans le cas prévu à l'alinéa (1)a), la personne qui a demandé communication du document en cause peut comparaître comme partie à l'instance.

[4]      Le défendeur demande que M. McIntyre soit traité comme intervenant et que sa participation à l'instance soit assujettie à de strictes restrictions. Il existe certes des précédents concernant l'ajout d'un intervenant à une instance relevant de la Loi (voir Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre de la défense) (1996), J.C.F. no 927, où la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie a été ajoutée comme intervenante), mais la Loi prévoit expressément que l'auteur de la demande de renseignements a le droit de comparaître en tant que partie. Sauf pour énoncer que l'ordonnance octroyant le statut d'intervenant doit préciser les conditions de la participation de l'intervenant ainsi que son droit d'appel, les Règles ne prévoient pas expressément les différences entre les parties et les intervenants. Voir la règle 109. Les parties ne sont pas astreintes à de pareilles restrictions. En interprétant la Loi selon son sens ordinaire, j'estime que je n'ai pas le pouvoir discrétionnaire de traiter M. McIntyre autrement que comme une partie.

[5]      L'intitulé de l'instance est donc modifié pour faire état de l'addition de M. McIntyre comme partie, et ce dernier jouira des mêmes droits que les autres parties, sous réserve des restrictions suivantes.

     (1)      En adhérant à la demande déposée par le commissaire à l'information, M. McIntyre est réputé avoir accepté la question en litige telle qu'elle a été définie par le commissaire dans l'avis de demande. M. McIntyre n'a pas la latitude de soulever d'autres points que ceux qui ont été soumis par le commissaire; s'il souhaite le faire, il devra déposer une demande en vertu de l'article 41 de la Loi.
     (2)      Parce que M. McIntyre et le commissaire partagent le même intérêt, ils ne sont pas autorisés à aborder les mêmes questions dans leurs observations ou dans les contre-interrogatoires sur affidavits. Ils devront déterminer entre eux, pour chaque étape, à qui il appartiendra de prendre les initiatives. La partie à qui le rôle secondaire sera dévolu sera limitée à aborder les questions non soulevées par l'autre.
     (3)      M. McIntyre n'aura pas accès aux affidavits confidentiels qui seront déposés, car autrement l'instance, dont l'objet est de déterminer s'il peut avoir accès à l'information en cause, perdrait tout son sens. Si M. McIntyre retient les services d'un avocat, celui-ci aura accès aux affidavits confidentiels suivant les conditions de l'ordonnance de maintien de la confidentialité que je prononcerai.

[6]      Dans le projet d'ordonnance soumis par le commissaire à l'information, ce dernier et M. McIntyre obtiennent le droit de soumettre des affidavits en réponse aux affidavits du défendeur. Le défendeur s'oppose à être ainsi coincé entre les observations du commissaire, mais ce dernier soutient que la présente instance diffère de la plupart des autres en ce que la demande émane du commissaire mais que le fardeau de justifier le refus de communication repose sur le défendeur, ainsi que l'énonce l'article 48 de la Loi. Si l'on ne reconnaît pas au commissaire le droit de répondre (par voie d'affidavit), on le prive de la possibilité de contester l'argumentation du défendeur, sur laquelle il en est réduit à des conjectures tant qu'il ne peut voir les affidavits à l'appui. Le défendeur répond qu'il est possible de résoudre le problème en présentant une demande en vue d'être autorisé à déposer des affidavits en réponse, dans les circonstances où cela est indiqué.

[7]      Je conviens avec le commissaire à l'information que le dépôt d'éléments de preuve doit refléter le fait qu'il incombe au défendeur de justifier le bien-fondé du refus de communiquer. Il faut que le fondement du refus soit exposé pour que le commissaire puisse lier contestation sur cette question. L'affidavit que le commissaire dépose lors de l'introduction de la demande a pour objet d'établir le refus de communiquer ainsi que sa portée. Une fois le refus établi, c'est au défendeur qu'il incombe de justifier sa décision, ce qu'il fait dans un affidavit exposant le fondement du refus. Il faut bien que le commissaire ait alors la possibilité de répondre aux arguments présentés par le défendeur.

[8]      Aux termes du projet d'ordonnance, M. McIntyre et le commissaire à l'information pourraient déposer des documents à des moments différents, c'est-à-dire que l'un aurait la possibilité de consulter les observations de l'autre avant de déposer les siennes. Je ne suis pas d'avis qu'il y ait lieu de décaler le dépôt des documents du commissaire et de la partie ajoutée, en l'instance M. McIntyre, de façon que ce dernier puisse voir l'affidavit du défendeur, puis celui du commissaire avant de déposer le sien. De la même façon que les défendeurs multiples doivent déposer simultanément leur défense, le commissaire et la partie ajoutée doivent produire leur affidavit en même temps. Leurs intérêts sont identiques, et ils ont la possibilité de se consulter avant de rédiger et de déposer la version définitive de leur affidavit ainsi que de leur dossier.

[9]      La question de l'ordonnance de maintien de la confidentialité prévue à la règle 152 ne soulève pas de contestation, en conséquence la Cour prononcera une telle ordonnance.

[10]      Finalement, les parties conviennent que si la Cour établit un calendrier analogue à celui qui est proposé dans le projet d'ordonnance déposé par le commissaire à l'information (modifié en fonction des présents motifs), le juge assigné à la gestion de l'instance n'aurait plus rien à faire. Dans les circonstances, donc, il n'est pas nécessaire de désigner la présente instance comme instance à gestion spéciale. Si pour une raison ou pour une autre les parties ont besoin de directives supplémentaires, elles pourront s'adresser au juge siégeant en chambre. Cette façon de procéder pourra en fait être plus rapide que de tenter de saisir un juge désigné de la question.

[11]      Je donne donc les directives suivantes en vertu de la règle 54.

     (1)      Il convient de modifier l'intitulé de la cause pour ajouter M. Patrick McIntyre comme partie à l'instance.
     (2)      La Cour rend une ordonnance de maintien de la confidentialité sous le régime des règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998).
     (3)      Les documents demandés faisant l'objet de la présente demande et tout affidavit ou autre document dont il est allégué qu'il renferme des renseignements confidentiels peuvent être déposés sous le sceau de la confidentialité conformément à la règle 152. Jusqu'à ce que la Cour en ordonne autrement, seuls la Cour, le commissaire à l'information, le ministre de l'Industrie du Canada ainsi que leurs avocats et conseillers auront accès aux documents confidentiels. Les affidavits et les autres documents renfermant des renseignements non confidentiels seront versés au dossier public.
     (4)      Sous réserve des directives susmentionnées relatives aux documents confidentiels, le calendrier suivant s'applique au déroulement de la présente instance :
         a)      tout autre affidavit du demandeur doit être signifié et déposé au plus tard le 15 mai 1999;
         b)      tout autre affidavit de la partie ajoutée doit être signifié et déposé au plus tard le 15 mai 1999;
         c)      la preuve par affidavit du défendeur doit être signifiée et déposée au plus tard le 15 juin 1999;
         d)      le demandeur et la partie ajoutée doivent déposer tout affidavit en réponse au plus tard le 15 juillet 1999;
         e)      le cas échéant, les contre-interrogatoires se tiendront suivant l'ordre chronologique du dépôt des affidavits; ils se dérouleront hors la présence des témoins autres que le témoin contre-interrogé, exception faite d'un représentant du demandeur, du défendeur et de la partie ajoutée, pouvant donner des instructions. Si la partie ajoutée dépose un affidavit, elle sera contre-interrogée la première, sinon les premiers à être contre-interrogés seront les représentants agissant comme témoins. Tous les contre-interrogatoires devront être terminés au plus tard le 30 septembre 1999;
         f)      le demandeur et la partie ajoutée doivent signifier et déposer chacune leur dossier de demande ainsi que leur dossier confidentiel, le cas échéant, suivant la forme prescrite par la règle 309(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), au plus tard le 1er novembre 1999;
         g)      le défendeur doit signifier et déposer son dossier ainsi que son dossier confidentiel, le cas échéant, suivant la forme prescrite par la règle 310(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), au plus tard le 1er décembre 1999;
         h)      l'audition de la présente demande d'examen aura lieu à Calgary, le mardi 14 décembre 1999 à compter de 9 h 30; elle durera une journée.

                             J.D. Denis Pelletier

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      T-394-99
INTITULÉ :                              LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA c. LE MINISTRE DE L'INDUSTRIE DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 6 avril 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER

EN DATE DU 26 AVRIL 1999

COMPARUTIONS :

M. DANIEL BRUNET                      POUR LE DEMANDEUR
M. CHRISTOPHER RUPAR                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA      POUR LE DEMANDEUR

MORRIS ROSENBERG,

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA          POUR LE DÉFENDEUR

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