Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190530


Dossier : T‑2145‑18

Référence : 2019 CF 763

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 30 mai 2019

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

R.J. POTOMSKI

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Potomski, a déposé une requête, en date du 28 février 2019, devant la Cour. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, la requête et la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente sont rejetées.

I.  Contexte

[2]  La requête a été initialement déposée par écrit conformément à l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), mais, en raison d’un certain flou dans les actes de procédure relatifs aux nombreuses instances tenues devant diverses tribunes pendant plusieurs années, dont font état les documents de la requête, ainsi que des demandes visant l’obtention de diverses réparations (comme il est expliqué en détail ci‑dessous), la requête en date du 28 février 2019 présentée en vertu de l’article 369 a fait place à une audience. Celle‑ci a eu lieu le 15 mai 2019 lors d’une séance spéciale de la Cour fédérale qui visait à faire en sorte que la Cour saisisse bien le contexte sous-jacent à la requête ainsi que le fondement de la réparation demandée.

[3]  Finalement, les parties ont été entendues à deux reprises. La première fois, le 15 mai 2019, un projet d’exposé des faits (le projet d’exposé) a été remis aux parties pour clarifier le contexte de la requête et la réparation demandée au regard de la nature, de la séquence et du dénouement des événements clés.

[4]  Le matin de l’audience, après avoir reçu le projet d’exposé, M. Potomski a informé la Cour qu’il n’aurait pas suffisamment de temps pour examiner et commenter adéquatement le projet d’exposé en raison de son envoi tardif.

[5]  Les parties ont été entendues dans le temps alloué pour la séance spéciale, au cours de laquelle j’ai accepté d’ajourner l’affaire jusqu’au 23 mai 2019 afin de donner à M. Potomski et à l’avocat du défendeur le temps de discuter du projet d’exposé. Les parties ont déclaré qu’elles tenteraient de s’entendre sur les faits. Elles ont toutefois été incapables de le faire. Le 17 mai 2019, M. Potomski a présenté un [traduction] « Sommaire des faits et des questions » dans lequel il expose sa version du contexte de l’affaire. L’avocat du défendeur a fourni sa réponse à la Cour dans une lettre datée du 21 mai 2019. Il y déclare qu’il ne pouvait pas souscrire au document de M. Potomski, mais qu’il était d’accord avec les faits énoncés dans le projet d’exposé de la Cour. Le 22 mai 2019, M. Potomski a présenté d’autres observations de nature procédurale.

[6]  Les cinq années qui ont précédé la requête qui nous occupe ont été constamment, et bien souvent inutilement, compliquées par une correspondance et des contestations procédurales incessantes de la part du demandeur. Dans la plupart des cas, il semblait y avoir des solutions simples, ainsi que de multiples occasions de fournir les renseignements et les documents élémentaires exigés par le gouvernement pour prouver l’admissibilité aux prestations de sécurité sociale qui font l’objet du litige. Le projet d’exposé visait à clarifier cet historique complexe. À défaut d’un tel exposé, voici le contexte factuel et procédural de la requête et de la demande, présenté de la façon la plus simple qu’il m’est possible de le faire.

II.  Contexte factuel et procédural

[7]  Le 23 mai 2019, en séance spéciale, la Cour a tenu une audience. Elle a examiné les documents écrits des parties avant et après l’audience et écouté leurs observations orales. M. Potomski continue toujours de demander des prestations d’assurance‑emploi (AE) et de la Sécurité de la vieillesse (SV), et la Cour traitera ci‑dessous de ces deux demandes.

A.  Demande de prestations d’AE

[8]  Le 27 juin 2014, M. Potomski a présenté une demande d’assurance‑emploi. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) a demandé à M. Potomski de se présenter à une entrevue en personne pour fournir certains renseignements conformément au paragraphe 50(6) de la Loi sur l’assurance‑emploi, LC 1996, c 23 (la Loi sur l’AE). On lui a demandé de remplir une demande de numéro d’assurance sociale (NAS), car son NAS était inactif. On lui a également demandé de présenter une pièce d’identité en personne. On avait remarqué que la date de naissance figurant sur sa demande différait de la date de naissance figurant sur son NAS.

[9]  En juillet 2014, M. Potomski s’est présenté à l’entrevue, mais il n’a fourni ni pièce d’identité ni preuve de son adresse résidentielle. Il n’a pas non plus rempli une demande de NAS. Par conséquent, sa demande d’assurance‑emploi était incomplète et a été annulée.

[10]  M. Potomski a demandé une révision de la décision. La Commission a indiqué qu’elle ne pouvait pas réexaminer sa demande parce qu’elle n’avait pas rendu de décision sur la demande incomplète.

(1)  Appels au Tribunal de la sécurité sociale

[11]  M. Potomski a ensuite interjeté appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (la division générale du TSS). Celle‑ci a ordonné à la Commission (comme le prévoit le paragraphe 7) de rendre une décision sur la demande de révision de M. Potomski et a recommandé que la Commission dresse une liste claire et informe M. Potomski des renseignements qu’il doit lui fournir. La Commission a donc envoyé une lettre à M. Potomski dans laquelle elle mentionne les renseignements dont elle avait besoin pour confirmer son identité et son numéro d’assurance sociale et lui dit qu’il doit se présenter à une entrevue à la Commission.

[12]  M. Potomski ne s’est toutefois pas présenté à l’entrevue. Par conséquent, la Commission a décidé qu’il n’avait pas droit à l’assurance‑emploi parce qu’il ne s’était pas conformé à une exigence de l’article 50 de la Loi sur l’AE. M. Potomski a ensuite interjeté appel de ce refus auprès de la division générale du TSS. Cet appel a été rejeté sommairement, car la division générale du TSS a conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès étant donné que M. Potomski n’avait pas respecté l’obligation de se présenter à une entrevue et de fournir des renseignements conformément à l’article 50 de la Loi sur l’AE.

[13]  M. Potomski a par la suite interjeté appel du rejet sommaire de la division générale du TSS auprès de la division d’appel du TSS (division d’appel du TSS). Il a également déposé deux requêtes devant cette division, respectivement le 29 octobre 2018 et le 19 novembre 2018.

B.  Prestations de la Sécurité de la vieillesse

[14]  Dans une demande distincte, M. Potomski a présenté une demande de prestations de la SV, laquelle a été approuvée en décembre 2015.

[15]  Toutefois, le 16 décembre 2016, la Direction générale des services d’intégrité de Service Canada a envoyé une lettre à M. Potomski pour lui expliquer que de plus amples renseignements étaient requis en vertu du paragraphe 23(2) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, CRC c 1246 (le Règlement sur la SV). Dans la lettre, M. Potomski a été averti que l’omission de remplir le questionnaire de la SV pourrait entraîner la suspension des prestations. La même lettre a de nouveau été envoyée le 5 janvier 2017.

[16]  Le 25 janvier 2017, au lieu de remplir le questionnaire, M. Potomski a interjeté appel auprès de la Division générale du TSS pour contester le pouvoir légal du ministre de l’Emploi et du Développement social (le ministre) d’exiger des renseignements concernant son adresse résidentielle. M. Potomski a affirmé qu’il satisfaisait aux exigences en matière de résidence pour la SV et a contesté les lettres de la Direction générale des services d’intégrité de Service Canada, faisant valoir que la décision initiale d’accepter les renseignements qu’il avait fournis dans sa demande de SV acceptée en décembre 2015 avait été révisée.

[17]  En outre, M. Potomski a déposé une requête devant la Division générale du TSS pour obtenir plusieurs réparations, y compris une ordonnance provisoire empêchant le ministre [traduction] « de prendre toute mesure contre l’appelant sans autorisation ou ordonnance définitive du Tribunal de la sécurité sociale ».

[18]  Le 28 janvier 2017, M. Potomski a écrit une lettre au ministre pour lui dire qu’il était préoccupé par le « harcèlement » dont il avait été la cible ces 18 derniers mois. Il a déclaré que son admissibilité à la SV avait déjà été décidée, puis révisée, même si sa situation n’avait aucunement changé. Il a fait valoir que le ministre n’avait pas le pouvoir de faire enquête et de réexaminer son admissibilité à la SV.

[19]  Le 17 février 2017, le ministre a répondu à M. Potomski et lui a répété qu’il devait remplir et retourner le questionnaire, qui, encore une fois, exigeait de fournir des renseignements sur la résidence. La lettre indiquait encore une fois que l’omission de retourner le questionnaire pourrait entraîner la suspension de ses prestations de la SV et du Supplément de revenu garanti (SRG).

[20]  Le 12 juillet 2017, le ministre a envoyé une autre lettre à M. Potomski pour lui donner plus de temps pour remplir le questionnaire et a réitéré que l’omission de le faire pourrait entraîner la suspension des prestations de la SV et du SRG. M. Potomski n’a toutefois pas rempli le questionnaire, de sorte que ses prestations de la SV et du SRG ont été suspendues en janvier 2018.

[21]  En mai 2018, M. Potomski a demandé une révision de la décision de suspendre ses prestations de la SV et du SRG. En réponse, le ministre l’a informé par lettre que ses prestations continueraient d’être suspendues jusqu’à ce que le questionnaire soit reçu et que son admissibilité soit déterminée.

[22]  En septembre 2018, M. Potomski a réécrit au ministre pour lui demander de réviser sa décision de suspendre ses prestations de la SV et du SRG.

[23]  Le 11 octobre 2018, le ministre a envoyé à M. Potomski une lettre indiquant qu’il considérait maintenant la suspension des prestations comme une décision officielle, puisqu’il avait terminé son examen du dossier de M. Potomski. La lettre informait M. Potomski qu’il pouvait présenter une demande de révision en vertu du paragraphe 27.1(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, LRC 1985, c O‑9 [Loi sur la SV].

[24]  Aucune demande de révision subséquente n’a été reçue.

III.  Réparation demandée par le demandeur dans la requête

[25]  M. Potomski demande les réparations suivantes dans sa requête, que je cite :

[TRADUCTION]

1.  Autorisation de raccourcir la période de signification et de dépôt de la présente requête, au besoin.

2.  Ordonnance provisoire suspendant les questions dont le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (TSSC) est saisi dans les dossiers no G13752, GE‑16‑3958 et AD‑18‑460 et l’avis d’appel, daté du 13 juin 2018, jusqu’à ce que la Cour rende une nouvelle ordonnance.

3.  Autorisation de modifier l’avis de demande, présenté le 17 décembre 2018, de la façon suivante :

4.  Supprimer le paragraphe 3 sous « Le demandeur présente une demande pour : »

a.  Supprimer le mot « Subsidiairement » au paragraphe 4 sous « Le demandeur présente une demande pour : »

b.  Une ordonnance portant que le TSSC est dessaisi des requêtes du demandeur datées du 29 octobre 2018 et du 19 novembre 2018.

5.  Autorisation accordée au demandeur de demander que soit supprimé le paragraphe 24(2) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, DORS/2013‑60, car il nie les droits accordés au demandeur en vertu de l’article 7, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11, et permission donnée au demandeur de présenter d’autres observations sur la question.

6.  Présentation par le TSSC des documents demandés dans l’avis de demande, présenté le 17 décembre 2018.

7.  Dépôt par le TSSC de tous les documents ainsi que des enregistrements relatifs au dossier no GE‑14‑3752 du TSSC.

8.  Paiement de 120 $ au demandeur pour couvrir les frais de préparation des affidavits relativement à la présente requête.

IV.  Analyse

[26]  Je suis d’accord avec la position du défendeur, qui soutient que la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente est prématurée et que la requête dans son ensemble est prématurée et que la Cour n’a par ailleurs pas été régulièrement été saisie de cette requête.

A.  Demande de contrôle judiciaire

[27]  La demande de contrôle judiciaire sous‑jacente de M. Potomski est prématurée parce que ni la division générale ni la division d’appel du TSS n’ont entendu ou tranché les appels ou les requêtes en instance de M. Potomski. La requête dont la Cour est saisie ne règle pas ce problème sous‑jacent et fondamental. À l’heure actuelle, il n’existe aucune décision du TSS rendue par l’une ou l’autre des divisions en vue d’un contrôle judiciaire. Il en va de même pour les requêtes en instance devant les deux divisions. Je reconnais qu’il y a eu une décision antérieure de la division générale du TSS et que M. Potomski a eu gain de cause dans cette contestation, mais il s’agit d’un dossier fermé qui n’a aucune incidence sur sa demande actuelle de contrôle judiciaire.

B.  Requête

[28]  La requête que M. Potomski présente maintenant à la Cour pour modifier la demande de contrôle judiciaire prématurée et sous‑jacente est donc également prématurée, car les modifications que M. Potomski demande dans cette requête ne tiennent pas compte du fait que sa demande de contrôle judiciaire sous‑jacente est prématurée.

[29]  L’article 2 des Règles définit une « requête » comme un « [d]ocument par lequel une personne demande à la Cour de se prévaloir des présentes règles ou de les faire appliquer ». Une requête est donc une demande faite à la Cour dans le contexte d’une instance; il ne s’agit pas en soi d’une instance (Gholipour c Canada (Procureur général), 2017 CAF 99, au paragraphe 8; Vaughan c Canada, 2000 CanLII 15069, au paragraphe 23).

[30]  La demande de contrôle judiciaire présentée par M. Potomski est en soi une instance et, par conséquent, ne constitue pas une requête. Outre la demande de modification de la demande prématurée de contrôle judiciaire, M. Potomski ne présente aucune demande dans le contexte de sa demande de contrôle judiciaire (p. ex. une requête en réexamen d’une ordonnance en vertu de l’article 397 ou une requête en annulation ou modification d’une ordonnance au titre de l’article 399. Il cherche plutôt à tort à demander des réparations supplémentaires à celles qui sont demandées dans la demande de contrôle judiciaire, ce qui constitue un vice fondamental en raison de son caractère prématuré.

[31]  À l’audience du 23 mai 2019, la Cour a été en mesure de dégager certains faits clés des nombreuses et disparates observations, y compris d’une série d’observations entièrement nouvelles formulées à la séance spéciale qui ne figuraient dans les documents ni de la demande de contrôle judiciaire ni de la requête. M. Potomski a demandé et continue de demander différentes réparations devant de multiples tribunes, y compris maintenant devant la Cour, mais il refuse toujours de fournir les renseignements de base exigés par la loi en ce qui concerne ses demandes de SV et d’AE (p. ex. article 23 du Règlement sur la SV; articles 7, 50 de la Loi sur l’AE; article 17 du Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96‑332), visant principalement (mais pas exclusivement) son lieu de résidence. Il n’a pas non plus suivi les procédures appropriées pour contester les diverses décisions découlant de son refus de se conformer à la loi (p. ex. articles 28, 27.1 de la Loi sur la SV; article 113 de la Loi sur l’AE).

[32]  Par exemple, en ce qui concerne ses prestations de la SV, M. Potomski n’a pas cherché à obtenir d’abord une révision de la décision officielle, en date du 11 octobre 2018, par laquelle le ministre a suspendu ses prestations de la SV.

[33]  En ce qui concerne ses prestations d’AE, M. Potomski a interjeté appel auprès de la division d’appel du TSS du rejet sommaire de la division générale du TSS, en déposant des requêtes les 29 octobre 2018 et 19 novembre 2018. Puis, plutôt que d’attendre une décision du tribunal, il a déposé la demande de contrôle judiciaire sous-jacente devant la Cour.

[34]  M. Potomski a choisi de refuser a) de fournir les renseignements requis pour les prestations d’AE et de la SV et b) de suivre les procédures prescrites par la loi, ou du moins d’attendre la conclusion du tribunal, avant de contester les décisions défavorables qui ont été prises en raison de sa non‑conformité.

[35]  M. Potomski présente également, avec la requête dont la Cour est saisie, un argument concernant la validité constitutionnelle du paragraphe 24(2) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, DORS/2013‑60. Cet argument n’a rien à voir avec la réparation demandée dans sa demande de contrôle judiciaire sous‑jacente et n’a pas été soulevé devant la division générale du TSS, étant donné qu’aucune audience n’a été tenue et qu’aucune décision n’a été rendue. Cet argument est donc aussi prématuré.

[36]  Enfin, je m’en voudrais de ne pas formuler une dernière observation en aparté. Bien que je ne sois pas en mesure de me prononcer sur le résultat final de ses demandes de prestations, il semble qu’il y ait une façon facile de se sortir de l’impasse procédurale que M. Potomski a créée et continue à exacerber dans les diverses tribunes. Si M. Potomski avait simplement fourni les renseignements requis pour la détermination de son admissibilité aux prestations (notamment son adresse résidentielle), il aurait fort bien pu déjà les recevoir. Or, M. Potomski refuse de fournir les renseignements élémentaires dont le gouvernement a besoin, malgré tous les efforts déployés par de nombreux employés pour l’aider et le diriger dans la bonne direction.

[37]  M. Potomski a également refusé de se présenter à des entrevues demandées par le gouvernement, malgré plusieurs invitations, pour s’expliquer ou pour fournir les renseignements manquants afin que son admissibilité aux prestations puisse finalement être établie. Il persiste par ailleurs à essayer d’obtenir réparation sans laisser suffisamment de temps aux instances pour que ses recours soient réglés.

[38]  Le juge David Stratas de la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit dans l’arrêt Canada (Agence des services frontaliers) c C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, fréquemment cité. Je reproduis à l’intention de M. Potomski les passages essentiels de cet arrêt, en omettant les renvois à la jurisprudence :

[30] En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif […].

[31] La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

[32] On évite ainsi le fractionnement du processus administratif et le morcellement du processus judiciaire, on élimine les coûts élevés et les délais importants entraînés par une intervention prématurée des tribunaux et on évite le gaspillage que cause un contrôle judiciaire interlocutoire alors que l’auteur de la demande de contrôle judiciaire est de toute façon susceptible d’obtenir gain de cause au terme du processus administratif […].

[33] Partout au Canada, les cours de justice ont reconnu et appliqué rigoureusement le principe général de non‑ingérence dans les procédures administratives […].

[39]  En continuant de contester l’effet plutôt que de s’attaquer à la cause de ses problèmes, je crains que M. Potomski n’alimente le cercle vicieux de sa frustration, tout en épuisant inutilement les maigres ressources des organismes devant lesquels il présente ses multiples contestations, y compris, maintenant, la Cour.

V.  Conclusion

[40]  Comme ni l’une ni l’autre des divisions du TSS n’a entendu ni tranché les appels en cours et les requêtes connexes de M. Potomski, la Cour juge que la requête et la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente sont présentées de façon irrégulière en raison de leur caractère prématuré, et elles sont donc rejetées.


JUGEMENT dans le dossier T‑2145‑18

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La requête et la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente du demandeur sont rejetées.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de juillet 2019

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

t‑2145‑18

INTITULÉ :

R.J. POTOMSKI c PGC

REQUÊTE INSTRUITE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 23 MAI 2019 DE TORONTO (ONTARIO), WINDSOR (ONTARIO) ET GATINEAU (QUÉBEC)

jugement et motifs :

LE JUGE DINER

DATE DES MOTIFS :

le 30 mai 2019

COMPARUTIONS :

R.J. Potomski

POUR LE DEMANDEur

(pour son compte)

Marcus Dirnberger

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Gatineau (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.