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Date : 20190531


Dossiers : IMM-5595-18

Référence : 2019 CF 772

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2019

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

GURPREET SINGH GILL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Après avoir obtenu la résidence permanente au Canada, le demandeur a été reconnu coupable d’agression sexuelle. Il a par la suite été déclaré interdit de territoire au Canada pour grande criminalité. Il demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 23 octobre 2018 par un agent principal [l’agent] qui a rejeté sa demande, fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, visant à faire lever l’interdiction de territoire pour criminalité.

[2]  Le demandeur soutient que l’agent n’a pas suffisamment tenu compte de l’intérêt supérieur de ses enfants, qu’il a écarté des éléments de preuve relatifs aux difficultés découlant de la situation en Inde, qu’il n’a pas tenu compte d’éléments de preuve concernant son établissement au Canada et qu’il n’a pas soupesé correctement les motifs d’ordre humanitaires en cause au regard de son interdiction de territoire pour criminalité. Le défendeur s’oppose à la présente demande de contrôle judiciaire et soutient que la décision contestée est raisonnable.

[3]  Le demandeur a également demandé un examen des risques avant renvoi [ERAR], le 28 février 2018. Il a fait valoir qu’il craint que ceux qui sont au courant de sa condamnation criminelle au Canada le prennent pour cible en Inde. Le 18 octobre 2018, un agent a rejeté la demande d’ERAR du demandeur.

[4]  Le 9 janvier 2019, la Cour a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de rejeter la demande d’ERAR (dossier IMM-5597-18), tout en ordonnant un sursis à la mesure de renvoi prise contre le demandeur en attendant qu’il soit statué en dernier ressort sur la présente demande de contrôle judiciaire, que la Cour a par la suite autorisée.

[5]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de rejeter la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

Cadre juridique

[6]  L’article 271 du Code criminel, LRC 1985, c C-46, prévoit que quiconque commet une agression sexuelle est coupable : a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de 10 ans ou, si le plaignant est âgé de moins de 16 ans, d’un emprisonnement maximal de 14 ans, la peine minimale étant de un an; b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de 18 mois ou, si le plaignant est âgé de moins de 16 ans, d’un emprisonnement maximal de 2 ans moins un jour, la peine minimale étant de 6 mois.

[7]  Bien que toute personne ayant le statut de résident permanent au Canada ait le droit de se déplacer dans tout le pays, d’établir sa résidence dans toute province et d’y gagner sa vie en vertu du paragraphe 6(2) de la Charte canadienne des droits et libertés, constituant la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 et l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, seuls les citoyens ont le droit « de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir ». Le Parlement a le droit d’adopter une politique en matière d’immigration et de légiférer en prescrivant les conditions à remplir par les non‑citoyens pour qu’il leur soit permis d’entrer au Canada et d’y demeurer (Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Chiarelli, [1992] 1 RCS 711, aux pages 733-734 [Chiarelli]).

[8]  L’étranger ou le résident permanent qui est déclaré coupable au Canada par suite d’une accusation criminelle relevant de l’alinéa 271a) du Code criminel est passible d’un emprisonnement maximal de 10 ans. Cela signifie que le demandeur en l’espèce – qui a été reconnu coupable au Canada d’une telle infraction – est interdit de territoire pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], et n’a pas le droit de demeurer au Canada parce qu’il a « manqué volontairement à une condition essentielle devant être respectée pour qu’il [lui] soit permis de demeurer au Canada. En pareil cas, mettre effectivement fin à [son] droit d’y demeurer ne va nullement à l’encontre de la justice fondamentale. Dans le cas du résident permanent, seule l’expulsion permet d’atteindre ce résultat ». (Chiarelli, à la page 734).

[9]  Aux termes du paragraphe 44(1) de la LIPR, s’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre. S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration [SI] pour enquête et, dans un tel cas, la SI peut prendre une mesure de renvoi (paragraphe 44(2) et alinéa 45d) de la LIPR). Lorsque la mesure de renvoi entre en vigueur, cette personne perd son statut de résident permanent [alinéa 46(1)c) de la LIPR].

[10]  Même si un appel devant la Section d’appel de l’immigration [SAI] « est le moment le plus approprié pour un résident permanent frappé de renvoi de faire valoir les difficultés à l’étranger » (Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 RCS 84 [Chieu]), il reste que, depuis le 19 juin 2013, conformément au paragraphe 64(2) de la LIPR, le contrevenant qui est condamné à un emprisonnement de plus six mois ne peut interjeter appel devant la SAI de la mesure de renvoi. Toutefois, dans ces cas, le ministre conserve le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 25(1) de la LIPR d’accorder une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

[11]  À cet égard, le juge Norris a fait remarquer ce qui suit, aux paragraphes 17 à 20 de la décision Gannes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 499 :

[17] Ainsi qu’il a été mentionné à maintes reprises, le paragraphe 36(1) de la LIPR définit une forme de contrat social. En échange de la possibilité de résider au Canada, les résidents permanents (et les ressortissants étrangers) ne doivent pas commettre d’infractions criminelles graves. La LIPR reconnaît les nombreux avantages de l’immigration pour le Canada et reconnaît également que « le succès de l’intégration des résidents permanents implique des obligations mutuelles pour les nouveaux arrivants et pour la société canadienne », notamment l’obligation des premiers d’éviter la grande criminalité (Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50 (CanLII), aux paragraphes 1 et 2 [Tran]; voir aussi le paragraphe 3(1) de la LIPR). La LIPR « vise à permettre au Canada de profiter des avantages de l’immigration, tout en reconnaissant la nécessité d’assurer la sécurité et d’énoncer les obligations des résidents permanents » (Tran, au paragraphe 40). Lorsqu’un résident permanent commet une grave infraction criminelle (au sens de la loi), cette violation du contrat social peut donner lieu non seulement aux conséquences imposées par les tribunaux pénaux, mais aussi à la perte de son statut d’immigrant et à son expulsion du Canada.

[18] L’obligation d’éviter de commettre des infractions criminelles graves pour ne pas en subir les conséquences négatives sur le plan de l’immigration s’applique également à tous les résidents permanents (et ressortissants étrangers). Cela dit, l’application uniforme de ce principe dans tous les cas peut mener parfois à une injustice ou une iniquité. Le paragraphe 25(1) de la LIPR se veut une mesure de protection pour éviter cela.

[19] Cette disposition autorise ainsi le ministre à accorder une dispense à un étranger qui demande le statut de résident permanent, mais qui est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la loi. Le ministre peut accorder à cet étranger le statut de résident permanent ou le dispenser de tout critère ou de toute obligation applicable de la loi. Pareille mesure de réparation n’est toutefois accordée que si le ministre « estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient ». Ces considérations s’entendent notamment des droits, des besoins et des intérêts supérieurs des enfants, du maintien des liens entre les membres d’une famille et du fait d’éviter de renvoyer des gens à des endroits où ils n’ont plus d’attaches (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 (CanLII), au paragraphe 41). Voir l’annexe I des présents motifs pour connaître les dispositions législatives pertinentes.

[20] Une demande pour motifs d’ordre humanitaire est un exercice de pondération dans le cadre duquel un agent d’immigration est appelé à examiner des facteurs différents et parfois divergents. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, le demandeur invoque des considérations d’ordre humanitaire à l’appui d’une demande de dispense d’interdiction de territoire pour criminalité, l’agent d’immigration doit examiner la politique d’intérêt public énoncée au paragraphe 36(1) de la LIPR en regard de la situation personnelle du demandeur, et décider si la dernière l’emporte sur la première et justifie l’octroi d’une dispense de la règle habituelle selon laquelle un motif de grande criminalité entraîne la perte du statut de résident permanent et l’expulsion du Canada.

[12]  Je souscris pleinement à ce raisonnement. Rappelons que parmi les objectifs de la LIPR en matière d’immigration, le législateur a notamment jugé bon « de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la sécurité de la société canadienne » et « de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité » [alinéas 3(1)h) et i) de la LIPR].

[13]  Ainsi, il est évident qu’en adoptant le paragraphe 25(1) de la LIPR, qui fait référence aux « motifs d’ordre humanitaire », le législateur a voulu conférer au ministre le pouvoir discrétionnaire exceptionnel « d’assouplir la rigidité de la loi dans des cas spéciaux », et non de détruire la nature essentiellement exclusive de la LIPR (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2015] 3 RCS 909, au paragraphe 14 [Kanthasamy]).

[14]  Par conséquent, la décision contestée, par laquelle l’agent a refusé de faire droit à la demande de dispense fondée sur le paragraphe 25(1) de la LIPR – qui « est essentiellement un plaidoyer auprès de l’exécutif en vue d’obtenir un traitement spécial » et qui repose sur une disposition qui « [n’est] pas aussi [forte] qu’une audience devant la S.A.I. » (Chieu, au paragraphe 54) – est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable. En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants directement touchés, l’agent doit faire plus que simplement déclarer qu’il a été pris en compte; il doit « être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux paragraphes 74 et 75). Autrement dit, l’intérêt supérieur des enfants doit être « bien identifié et défini », puis examiné « avec beaucoup d’attention » eu égard à l’ensemble de la preuve (Kanthasamy, au paragraphe 39).

[15]  Par ailleurs, le caractère raisonnable de la décision tient non seulement à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, mais aussi à l’appartenance de la décision de l’agent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Si les motifs permettent à la Cour de comprendre ce qui a amené l’agent à rendre sa décision et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables, les critères de l’arrêt Dunsmuir sont alors respectés. Dans ce contexte, le rôle de la Cour n’est pas de réexaminer les facteurs pertinents ou d’exercer à nouveau le pouvoir discrétionnaire, mais de simplement vérifier que le décideur a examiné les facteurs pertinents et en a dûment tenu compte (Boukhanfra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 4, aux paragraphes 5 et 6).

[16]  À cet égard, il revient à l’agent d’évaluer le degré d’établissement, l’intérêt supérieur des enfants, les difficultés et d’autres facteurs concernant le pays d’origine ainsi que la gravité de l’infraction – lorsque l’absence de statut est fondée sur l’interdiction de territoire pour criminalité – et ce n’est pas le rôle de la Cour d’intervenir dans sa décision (Khokhar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 555, au paragraphe 16). En outre, la preuve relative aux difficultés ne suffit pas à elle seule à justifier l’intervention de la Cour. Comme l’a déclaré la Cour suprême, « [l]'obligation de quitter le Canada comporte inévitablement son lot de difficultés, mais cette seule réalité ne saurait généralement justifier une dispense pour considérations d’ordre humanitaire », alors que le paragraphe 25(1) de la LIPR « n’est pas censé constituer un régime d’immigration parallèle » (Kanthasamy, au paragraphe 23).

[17]  En gardant ces principes à l’esprit, je vais maintenant aborder les faits sous-jacents de l’affaire qui nous occupe.

Contexte

[18]  Le demandeur, maintenant âgé de 42 ans, est citoyen de l’Inde. C’est un homme très instruit. Il est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en économie agricole et il a travaillé comme assistant de recherche dans une université en Inde pendant plusieurs années. Lui et son épouse – également une femme très instruite – se sont mariés en 2001 et ils ont eu une vie agréable ensemble. Leur fille Ravinta est née en Inde en 2006.

[19]  Il y a dix ans, en juin 2009, le demandeur a déménagé au Canada avec son épouse et sa fille. Les trois ont obtenu la résidence permanente au Canada le 19 juin 2009. Leur fils Ranveer est né au Canada en août 2012. L’épouse du demandeur et sa fille de 12 ans ont obtenu la citoyenneté canadienne en août 2017. Le demandeur était alors incarcéré dans un pénitencier, purgeant une peine pour un acte criminel commis le 2 septembre 2012, 10 jours après la naissance de Ranveer.

[20]  Le demandeur travaillait comme chauffeur de taxi depuis deux ans. Il a été accusé d’avoir agressé sexuellement une passagère de 27 ans en état d’ébriété [la plaignante] alors qu’il la ramenait chez elle en voiture après une fête de fin de soirée [infraction désignée]. Le taxi était muni d’une caméra de sécurité que le demandeur a intentionnellement bloquée pendant l’incident pour empêcher son enregistrement. Le lendemain, la plaignante a subi un examen médico-légal pour agression sexuelle dans un hôpital. On a observé qu’elle avait une lésion vaginale sous la forme d’une abrasion, d’une coupure ou d’une déchirure, et qu’elle avait subi une contusion sur le haut de son bras gauche.

[21]  Après son arrestation, le demandeur a été libéré sous caution. Il a perdu son emploi de chauffeur de taxi en raison de l’infraction reprochée. Il a ensuite commencé à travailler comme vendeur pour deux sociétés de verre différentes jusqu’en avril 2016, date à laquelle il a décidé d’exploiter sa propre entreprise. Par la suite, il a été incarcéré de février 2017 à septembre 2017. Incapable de conserver l’emploi qu’elle occupait en Inde, l’épouse du demandeur était surtout restée à la maison avec ses enfants au Canada. Compte tenu de l’arrestation du demandeur, elle a commencé à travailler en 2015 et travaille à temps plein pour une compagnie d’assurance depuis janvier 2017.

[22]  Au procès, le demandeur a donné une version des événements qui était en contradiction flagrante avec le témoignage de la plaignante; il a déclaré que la plaignante avait amorcé le contact physique entre eux. La plaignante a été appelée à témoigner de nouveau par la Couronne. Elle a formellement rejeté toutes les allégations du demandeur. Le 26 novembre 2014, un jury a déclaré le demandeur coupable de l’infraction désignée. Il a maintenu sa version selon laquelle la plaignante avait amorcé le contact physique – et, apparemment, son épouse était convaincue qu’il avait été condamné à tort. Aujourd’hui, il en assume l’entière responsabilité et son épouse et sa famille le soutiennent.

[23]  Le demandeur a interjeté appel de sa condamnation au motif que le juge de première instance avait commis une erreur en permettant à la plaignante – qui n’avait pas été contre‑interrogée – d’être rappelée par la Couronne pour répondre à la version contradictoire des faits du demandeur, et a demandé la tenue d’un nouveau procès [premier appel].

[24]  Le 3 septembre 2015, le demandeur a été condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans. À l’époque, toujours dans le déni et ne voulant pas compromettre ses chances de voir sa condamnation annulée en appel, le demandeur a soutenu qu’il serait tout à fait spéculatif pour le juge chargé de déterminer la peine de conclure qu’il avait baissé le pare-soleil côté passager dans le but de dissimuler les gestes qu’il comptait poser. Le juge qui a prononcé la peine en a décidé autrement et a conclu qu’il s’agissait d’une circonstance aggravante, en plus de conclure que l’abus de confiance, la pénétration digitale et le préjudice physique subi par la plaignante qui en a résulté constituaient également des circonstances aggravantes. Cela dit, l’absence de casier judiciaire et [traduction] « de toute évidence, un mode de vie positif, tant sur le plan personnel que professionnel, avant l’incident, de même que la contribution [du contrevenant] à sa famille et à la collectivité » constituaient des circonstances atténuantes. Toutefois, le juge chargé de la détermination de la peine a fait remarquer que [traduction] « la compréhension [du délinquant] de la portée de sa conduite qui a mené à l’incident, et l’expression de remords pour ce qui s’est passé ne figuraient pas parmi les facteurs atténuants ». Il y avait au dossier une déclaration de la victime, dans laquelle il était indiqué que la plaignante souffrait toujours de détresse causée par l’agression. Elle écrit que la rencontre avec le demandeur a été traumatisante et que les événements la hantent physiquement, émotionnellement et mentalement.

[25]  Le demandeur était bien conscient de l’incidence de sa condamnation criminelle sur son statut d’immigrant. Il a fait valoir au juge chargé de déterminer la peine qu’une sentence appropriée est une sentence qui n’entraînerait pas un risque important d’expulsion (renvoyant à l’obstacle juridictionnel du paragraphe 64(2) de la Loi; R c Pham, [2013] 1 RCS 739). Le juge n’a pas retenu la conclusion du demandeur selon laquelle une peine avec sursis ou une peine d’emprisonnement maximale de 6 mois moins un jour devrait être infligée. Après avoir conclu qu’une peine appropriée dépasserait largement 6 mois d’emprisonnement, le juge a estimé qu’aucune des conséquences collatérales possibles d’une expulsion n’existait en l’espèce. S’appuyant sur la jurisprudence portant sur des cas semblables, le juge a conclu que la durée minimale de la peine était de 18 mois, tandis que la durée maximale était de 4 à 5 ans. Par conséquent, une peine de 3 ans était appropriée (R c Gill, 2015 BCSC 1907). Le demandeur a interjeté appel de la peine prononcée contre lui [deuxième appel]. Il a été incarcéré pendant 2 mois puis libéré sous caution.

[26]  En mai 2016, après que la Cour suprême de la Colombie-Britannique eut déclaré le demandeur coupable de l’infraction désignée, son épouse a acheté la maison familiale à Surrey, en Colombie-Britannique. Leur maison est grevée d’une hypothèque. La famille loue l’appartement situé au sous-sol de leur maison. Leurs deux enfants fréquentent une école privée.

[27]  Le 14 février 2017, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté le premier appel et confirmé la déclaration de culpabilité (R c Gill, 2017 BCCA 67). La déclaration de culpabilité pour agression sexuelle du demandeur fait suite à la seule accusation criminelle jamais portée contre lui et est la seule condamnation criminelle dont il ait fait l’objet. Le demandeur n’a pas d’autres antécédents criminels, et aucune autre allégation voulant qu’il ait adopté un mode de vie criminel ou trempe dans le crime organisé ne pèse contre lui. Sa famille compte sur lui pour apporter un soutien affectif et contribuer à la stabilité financière. Il est également un membre actif de la communauté sikhe et a participé activement à une ligue de cricket.

[28]  Le 12 septembre 2017, la Commission des libérations conditionnelles du Canada [la Commission] lui a accordé une semi-liberté de six mois assortie de conditions spéciales, à savoir :

  1. Ne pas communiquer directement ou indirectement avec la plaignante et tout membre de sa famille.

  2. Informer le surveillant de libération conditionnelle immédiatement de toutes ses fréquentations et relations intimes (sexuelles et non sexuelles) avec des femmes.

  3. Ne pas conduire un véhicule à moteur dans le but d’occuper un emploi de chauffeur de taxi ou de chauffeur.

[29]  En accordant la semi-liberté, la Commission a fait remarquer que le demandeur bénéficie d’un soutien familial, que sa relation avec son épouse est stable et qu’il va résider dans un établissement résidentiel communautaire près de son domicile familial jusqu’à ce qu’il obtienne sa libération conditionnelle totale.

[30]  Toutefois, la Commission a refusé de lui accorder une libération conditionnelle totale après s’être demandé si le demandeur ne présentera pas, en récidivant, un risque indu pour la société, avant l’expiration de sa peine. À cet égard, bien qu’il admette maintenant sa responsabilité et qu’il ait exprimé culpabilité et remords (une lettre d’excuses non datée aurait été envoyée à la plaignante alors qu’il était incarcéré en 2017), la Commission a conclu que le demandeur ne comprend toujours pas la portée de son agression et qu’il doit encore démontrer qu’il mène une vie stable dans la collectivité.

[31]  En fait, la Commission a jugé que le demandeur [traduction] « continue de minimiser l’incidence de ses actes sur la plaignante ». D’ailleurs, dans sa demande de libération conditionnelle, il a qualifié l’agression sexuelle qu’il a commise de [traduction] « non violente », ce qu’il a expliqué à la Commission comme étant une déclaration faite avant qu’il n’ait eu recours à des services de counselling et entrepris d’autres démarches en prison. Bien que le demandeur ait été en mesure de nommer ses facteurs de risque, la Commission a constaté qu’il [traduction] « avait de la difficulté à cerner les situations à risque élevé dans la collectivité ».

[32]  Le demandeur a été libéré en septembre 2017. Peu après, un agent a établi un rapport d’interdiction de territoire en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR.

[33]  Dans une lettre datée du 10 novembre 2017, le demandeur a demandé sans succès à l’Agence des services frontaliers du Canada de réexaminer sa décision de déférer l’affaire pour enquête, invoquant divers motifs d’ordre humanitaire et le fait qu’il avait été incarcéré et que l’intervention de son ancien avocat était prétendument insuffisante dans les circonstances. Mais en vain; une enquête a été tenue devant la SI et une mesure de renvoi a finalement été prise contre le demandeur le 23 novembre 2017 pour grande criminalité.

[34]  Le 7 février 2018, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté le deuxième appel et confirmé la peine de trois ans d’emprisonnement (R c Gill, 2018 BCCA 60).

[35]  Le 1er mars 2018, le demandeur a présenté une demande de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR, accompagnée du formulaire générique déjà rempli et daté du 17 janvier 2018, et a fourni des observations écrites et des éléments de preuve à l’appui, y compris les observations déposées en novembre 2017 devant la SI. Il a notamment fourni de nombreuses lettres de soutien d’amis de la famille et de collègues, deux rapports rédigés par une psychologue concernant ses enfants, des documents financiers, des photographies de famille, des preuves documentaires sur la discrimination fondée sur l’âge en Inde et des documents concernant les perspectives d’emploi réduites en Inde, ainsi que des lettres d’appui indiquant que le demandeur sera probablement rejeté et socialement stigmatisé en Inde du fait de ses condamnations au Canada.

[36]  La Cour souligne que les questions touchant à la gravité de l’infraction criminelle et à l’interdiction de territoire au Canada sont abordées dans les observations de l’avocat du demandeur du 1er mars 2018 sous la rubrique « Intérêt supérieur des enfants ». À cet égard, le demandeur soutient qu’il ne peut pas immigrer de nouveau au Canada, qu’il ne peut présenter de demande de suspension du casier avant que ne se soit écoulée une période de 10 ans après qu’il ait purgé sa peine, et que sa peine n’est pas encore terminée. Les frais de voyage en Inde sont prohibitifs. L’élément déterminant est que la famille pourrait déménager en Inde, mais que [traduction] « cela placerait la famille dans une situation dont [le demandeur] et son épouse ont convenu qu’elle n’est pas dans l’intérêt supérieur de leurs enfants », comme l’a fait remarquer l’avocat du demandeur. Le 23 octobre 2018, l’agent a rejeté la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, ce qui a mené à la présente demande de contrôle judiciaire.

Décision et motifs de l’agent

[37]  Lors de l’évaluation des divers facteurs pertinents à la lumière de la preuve au dossier et des observations présentées à cet égard, l’agent a apparemment accordé un « poids négatif important » à l’établissement du demandeur au Canada, un « poids positif modéré » à l’intérêt supérieur de ses enfants et « aucun poids » aux facteurs liés à la condition du pays, et a finalement conclu que l’octroi d’une dispense sur le fondement du paragraphe 25(1) de la LIPR n’était pas justifié. En ce qui concerne la gravité de l’infraction criminelle commise par le demandeur, l’agent en aurait parlé sous la rubrique « Établissement au Canada ». Le raisonnement de l’agent est résumé dans les paragraphes qui suivent. Celui-ci est transparent et intelligible.

[38]  Établissement au Canada : Le demandeur a déployé des efforts pour être autosuffisant et productif sur le plan économique; il a travaillé de façon relativement continue depuis son arrivée au Canada en 2009; il a été un bénévole actif auprès de son temple sikh; et il a également entrepris d’obtenir un diplôme en comptabilité au Canada. Bien que ces mesures positives méritent d’être saluées, il a fait preuve d’un degré d’établissement typique compte tenu de son statut de résident permanent. L’agent reconnaît également que le demandeur était un membre de la société canadienne indépendant, productif et respectueux des lois avant de commettre l’infraction désignée en 2012. De nombreux membres de sa famille vivent au Canada et ont fourni des lettres d’appui. Compte tenu de ces liens familiaux, l’expulsion entraînerait inévitablement, pour lui et à sa famille, des bouleversements psychologiques et émotionnels. Toutefois, la séparation familiale est une conséquence inhérente au processus de renvoi.

[39]  Gravité de l’infraction criminelle : L’agent a fait remarquer à cet égard avoir été [traduction] « guidé par l’objectif du droit canadien en matière d’immigration, qui est de protéger la santé et la sécurité des Canadiens et de garantir la sécurité de la société canadienne ». L’agent a tenu compte de la gravité du comportement criminel du demandeur. L’infraction criminelle comportait également le recours à la force physique en vue d’obtenir la participation d’une femme en état d’ébriété à une activité sexuelle non désirée. La plaignante a subi des blessures physiques et des traumatismes émotionnels, et la conduite a été aggravée par les mesures que le demandeur a prises pour dissimuler l’acte. De plus, cela s’est produit dans des circonstances où il était en situation de confiance (en tant que chauffeur de taxi). L’agent a également souligné que le demandeur avait reconnu sa responsabilité et exprimé des remords, qu’il n’avait pas de casier judiciaire et que le risque de récidive était faible. Quoi qu’il en soit, l’agent a déclaré que la gravité de l’infraction criminelle [traduction] « lui est fortement défavorable lorsqu’elle est considérée dans son ensemble avec les autres éléments qu’il a présentés à l’appui de son établissement au Canada. Par conséquent, j’ai attribué un poids négatif important à cet élément de la demande ».

[40]  Intérêt supérieur des enfants : L’agent n’était pas convaincu que la séparation physique entre le demandeur et ses enfants romprait les liens qu’ils avaient établis puisque divers moyens de télécommunication permettent une communication régulière. L’agent a en effet constaté que les photographies, les lettres de sa fille et d’autres preuves documentaires établissent un certain degré de soutien affectif, que la famille est [traduction] « très unie » et que le demandeur a participé activement à la vie de ses enfants. Cependant, les enfants peuvent rester au Canada avec leur mère et vivre dans un environnement favorable comparativement à celui en Inde. Bien que leur mère puisse trouver plus difficile d’élever les enfants sans la présence du demandeur, elle aura le soutien de nombreux membres de la famille élargie, y compris les grands-parents maternels, des tantes, oncles, cousins et cousines. Ils peuvent également réorganiser leurs affaires et leurs biens afin d’atténuer les difficultés financières qui pourraient découler de son renvoi. L’agent a également tenu compte du fait que la psychologue qui a évalué la fille du demandeur a rédigé un rapport indiquant qu’elle montrait des signes de détresse qui s’aggraveraient si le demandeur était renvoyé et qu’il était dans l’intérêt supérieur des enfants qu’il demeure au Canada. L’agent a reconnu l’incidence psychologique que la perspective que le demandeur quitte le Canada a eue sur sa fille. Toutefois, dans une lettre datée du 5 novembre 2017, le demandeur a déclaré que sa famille ne retournerait pas en Inde s’il était renvoyé. L’agent a attribué un [traduction] « poids modéré, mais non déterminant à cet élément de la demande ».

[41]  Facteurs liés au pays d’origine : L’agent a également conclu que le demandeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour démontrer qu’il aurait des perspectives d’emploi réduites en raison de son âge ou de son casier judiciaire. Bien que les employeurs potentiels puissent être mis au courant de l’infraction criminelle, la preuve objective ne permet pas de conclure que sa candidature à un poste serait écartée pour cette seule raison ou qu’il serait victime de stigmatisation sociale en raison de l’infraction. Ces affirmations sont [traduction] « hautement spéculatives ». En effet, le demandeur est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise d’universités indiennes, tous deux en économie agricole, et a travaillé comme agent de recherche dans une université agricole avant de quitter l’Inde. Il n’a pas démontré qu’il ne peut pas tirer profit de ses études, de ses compétences et de son expérience professionnelle pour trouver un emploi et assurer sa subsistance en Inde. Bien que le climat économique de l’Inde soit médiocre comparativement à celui du Canada, cette différence est une conséquence ordinaire du renvoi. L’agent n’a donc accordé « aucun poids » à ce facteur.

[42]  Le demandeur n’accepte pas la conclusion tirée par l’agent. Comme il sera expliqué plus loin, le demandeur conteste le caractère raisonnable de toutes les conclusions de fait clés auxquelles est parvenu l’agent et, concrètement, il demande plus ou moins à la Cour de réévaluer la preuve et de soupeser différemment les facteurs pertinents.

Intérêt supérieur des enfants

[43]  Le demandeur soutient que l’évaluation de l’intérêt supérieur des enfants faite par l’agent est déraisonnable. Essentiellement, le demandeur réaffirme qu’il ne devrait pas être renvoyé en Inde et séparé de sa famille.

[44]  Premièrement, bien que l’autre possibilité soit que la famille déménage en Inde afin de rester ensemble, le demandeur et son épouse ont déjà décidé qu’il est dans l’intérêt supérieur des enfants qu’ils restent au Canada. À cet égard, le demandeur soutient que l’agent n’a apparemment pas tenu compte des répercussions financières que son renvoi en Inde aura sur la famille et les enfants au Canada, à savoir : sa femme perdra la maison familiale qu’elle a achetée en 2016, car elle sera incapable de rembourser elle-même l’hypothèque; les enfants perdront effectivement leur mère, car elle devra travailler plus longtemps pour subvenir à leurs besoins; et ils devront quitter leur école privée et délaisser leurs activités parascolaires. De l’avis du demandeur, il était déraisonnable pour l’agent d’indiquer simplement dans ses motifs que la famille pouvait [traduction] « envisager une réorganisation de ses affaires et de ses biens » pour régler les questions financières, étant donné qu’elle a des dépenses annuelles d’environ 67 000 $ pour couvrir l’hypothèque, les assurances, les services publics, la voiture, la nourriture et les autres dépenses nécessaires. La famille a besoin du revenu du demandeur puisqu’il est son [traduction] « soutien de famille ».

[45]  Deuxièmement, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur dans son appréciation de la preuve psychologique concernant les effets de la séparation sur les deux enfants. Essentiellement, le demandeur conteste la conclusion de l’agent selon laquelle l’incertitude de son statut d’immigration a causé la détresse de sa fille Ranvita. Selon lui, cela suppose qu’une fois qu’il aura été renvoyé et que son statut sera devenu certain, sa détresse diminuera. De plus, l’agent a mentionné le rapport de la psychologue datant de janvier2018, mais n’a pas mentionné un autre rapport de la même psychologue, daté d’octobre 2017, portant sur les conséquences psychologiques défavorables que pourrait avoir son renvoi. L’agent a également pris en considération l’intérêt supérieur des enfants séparément. En l’espèce, il n’y a pas d’analyse de la preuve concernant le fils du demandeur. La situation particulière de son fils doit être prise en considération compte tenu du fait que Ranveer est né quelques jours seulement avant que le demandeur ne commette l’infraction désignée. Une plus grande séparation physique sera très dure pour lui.

[46]  Au cours de sa plaidoirie, l’avocate du demandeur a mentionné que, dans son rapport d’octobre 2017, la psychologue a constaté ce qui suit :

[TRADUCTION]

Ranvita explique qu’ils ne disent pas à son frère que leur père est en prison. Ils lui disent que leur père travaille « là-bas », et parce que c’est loin de chez eux, il doit y vivre. Quand ils rendent visite à leur père, son frère joue beaucoup avec lui et il est très heureux après.

[47]  Le défendeur nie que l’agent n’a pas identifié ou expliqué l’intérêt supérieur des enfants du demandeur. L’agent a essentiellement examiné les répercussions du renvoi du demandeur sur les enfants, après avoir reconnu qu’ils resteraient au Canada avec leur mère, ce qui démontre qu’il a fait une évaluation appropriée de l’intérêt supérieur des enfants. Le défendeur soutient que le demandeur demande à la Cour de réexaminer la preuve présentée à l’agent concernant la situation financière de la famille : les motifs de l’agent montrent qu’il a tenu compte de la question des difficultés financières et reconnu les difficultés que la mère pourrait avoir à élever seule ses deux enfants, tout en soulignant que la famille élargie au Canada peut contribuer financièrement. Le défendeur soutient en outre que l’agent n’était pas tenu de mentionner la première lettre de la psychologue, étant donné qu’elle était essentiellement semblable à la lettre plus récente qu’il a mentionnée et qu’elle avait donc une valeur probante limitée. En ce qui concerne Ranveer, il y avait peu d’éléments de preuve dans le dossier qui le concernaient, alors que la plupart des observations présentées à l’agent portent sur les enfants ensemble ou seulement sur Ranvita.

[48]  Les parties ne nient pas que, dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants, l’agent devait tenir compte de facteurs liés au bien-être émotionnel, social, culturel et physique des enfants. Toutefois, compte tenu de « la multitude de facteurs qui risquent de faire obstacle à l’intérêt de l’enfant », cette évaluation est très contextuelle (Sibanda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 806, au paragraphe 21; Kanthasamy au paragraphe 35). En fin de compte, l’intérêt supérieur des enfants est un facteur important, mais il n’est généralement pas déterminant en soi, car l’intérêt supérieur des enfants milite presque toujours en faveur de la présence continue des deux parents au Canada; par conséquent, ce facteur doit être soupesé avec les autres (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 24; Habtenkiel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 180, au paragraphe 46; Bakal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 417, au paragraphe 23).

[49]  Certes, un autre décideur aurait pu arriver à une conclusion différente, mais je conviens avec le défendeur que l’agent n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en attribuant [traduction] « un poids modéré, mais non déterminant » à l’intérêt supérieur des enfants dans cette affaire. Bien que les motifs de l’agent aient pu être plus détaillés et compte tenu de la généralité des arguments présentés à cet égard, je suis convaincu que l’intérêt supérieur des enfants du demandeur a été suffisamment « identifié », « défini » et « examiné » et que l’agent a été également « réceptif, attentif et sensible » à cet intérêt (Kanthasamy, au paragraphe 39).

[50]  L’agent a précisé que [traduction] « le niveau de dépendance entre les enfants et le demandeur est un facteur important dont il faut tenir compte dans l’évaluation du bien-être de l’enfant ». L’agent reconnaît également que [traduction] « forcer le demandeur à retourner en Inde entraînera une séparation potentiellement permanente entre un père et ses enfants ». Il n’était pas nécessaire d’examiner en détail les incidences financières. En passant, comme l’a fait remarquer le défendeur, le dossier indiquait les périodes pendant lesquelles le demandeur était sans emploi, en déplacement ou incarcéré, mais n’indiquait pas comment la famille s’en est tirée financièrement dans ces circonstances.

[51]  L’agent a également reconnu qu’il serait plus difficile pour l’épouse du demandeur de s’occuper des enfants sans la présence du demandeur au Canada et a accepté implicitement que celui‑ci contribue aussi financièrement à la famille. Toutefois, l’agent a également fait remarquer que la présence de nombreux autres membres de la famille au Canada et la possibilité de réorganiser leurs finances pourraient atténuer les [traduction] « difficultés financières éventuelles » découlant de son renvoi en Inde. À mon avis, il était loisible à l’agent d’arriver à ces conclusions.

[52]  De plus, l’agent a également reconnu que, de l’avis de la psychologue, le renvoi du demandeur causerait une détresse psychologique aux enfants : [traduction] « la psychologue déclare que la fille montre déjà des signes de détresse qui s’aggraveront si le demandeur est séparé de sa famille ». Toutefois, étant donné que l’agent a mentionné et examiné le rapport de la psychologue de janvier 2018, il n’y avait aucune obligation de mentionner explicitement un rapport antérieur de la même psychologue daté d’octobre 2017, qui ne semblait pas sensiblement différent.

[53]  En résumé, il était loisible à l’agent d’attribuer au facteur de l’intérêt supérieur des enfants un [traduction] « poids positif modéré » sans pour autant le trouver déterminant. À mon avis, cette conclusion n’est ni arbitraire ni irrationnelle et elle est appuyée par la preuve.

Difficultés qu’occasionnerait le renvoi

[54]  Bien que l’agent ait cerné avec exactitude les difficultés à l’étranger, le demandeur soutient que l’agent n’a pas fait mention de la preuve documentaire qui contredit ses conclusions avant de déterminer que cette preuve était « insuffisante ».

[55]  Le demandeur s’appuie notamment sur les éléments de preuve non mentionnés ci‑après :

  • a) Une disposition du règlement de la fonction publique du Pendjab (conditions d’emploi) [Punjab Civil Services (Conditions of Service) Rules], qui dispose que nul ne peut être recruté par le gouvernement s’il est âgé de plus de 37 ans. Le demandeur a également fait valoir qu’il existe une limite d’âge générale de 40 ans pour l’emploi dans le secteur privé.

  • b) Une lettre d’appui d’un ami du demandeur en Inde indiquant que sa condamnation pour agression sexuelle a été publiée dans un journal indien.

  • c) Une lettre d’appui du père du demandeur indiquant que lui et son épouse ont été reniés par leur famille élargie en Inde en raison de la condamnation criminelle du demandeur.

  • d) Un article de journal indien résumant une décision de la Cour suprême indienne selon laquelle il est obligatoire de divulguer un casier judiciaire avant de postuler un emploi en Inde.

[56]  Le défendeur soutient que l’agent est présumé avoir pris en considération tous les éléments de preuve dont il disposait. En fin de compte, rien n’indique que le demandeur ne pourrait pas chercher un emploi à l’extérieur de la fonction publique ou qu’il ne répond pas aux conditions d’application des exceptions prévues par la loi. Le défendeur affirme en outre que l’article de journal n’a qu’une valeur limitée, puisque des exigences de divulgation semblables s’appliquent également au Canada; le demandeur a pourtant réussi à s’assurer un revenu en travaillant à son compte au Canada et il pourrait probablement y parvenir en Inde. Le défendeur soutient en outre que les lettres d’appui concernant le caractère notoire de la condamnation du demandeur en Inde sont vagues par nature et ont donc une valeur probante limitée. En outre, ces lettres manquent d’objectivité étant donné qu’elles ont été rédigées par des personnes ayant un intérêt personnel à l’égard du demandeur et ne sont pas corroborées par des sources objectives.

[57]  Je conclus que l’agent n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en n’accordant [traduction] « aucun poids » à ce facteur d’ordre humanitaire. J’aimerais premièrement faire remarquer que même si des documents objectifs sur les conditions d’un pays peuvent suffire pour établir les difficultés à l’étranger, il n’en demeure pas moins qu’un demandeur doit « montrer qu’il sera vraisemblablement touché par une condition défavorable comme la discrimination » (Kanthasamy, au paragraphe 56). Dans cette optique, l’agent n’a pas commis d’erreur en ne mentionnant pas explicitement la disposition de la loi concernant la limite d’âge pour un emploi dans la fonction publique en Inde.

[58]  En l’absence d’un avis juridique concernant l’application pratique de cette disposition au cas du demandeur et à la lumière des exceptions applicables, il était raisonnable pour l’agent de conclure qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs établissant que le demandeur aurait probablement des perspectives d’emploi réduites à cause de son âge. De plus, il y avait peu d’éléments établissant que le demandeur ne serait pas en mesure de travailler dans le secteur privé ou de retourner travailler dans un établissement d’enseignement, étant donné sa formation supérieure en économie agricole. Il était loisible à l’agent de conclure que le demandeur pouvait tirer profit de ses études pour obtenir un emploi dans une université comme il l’avait fait dans le passé.

[59]  Deuxièmement, même si le demandeur serait probablement contraint de divulguer ses antécédents criminels avant de postuler un emploi en Inde, l’agent a tenu compte de ses observations concernant [traduction] « la connaissance qu’a la collectivité de sa condamnation criminelle et sa divulgation aux employeurs éventuels ». Toutefois, l’agent était en droit de conclure que [traduction] « même si les employeurs potentiels pourraient avoir connaissance de son infraction criminelle, la preuve objective est insuffisante pour établir que, de manière générale, la candidature du demandeur à un poste ne serait pas prise en compte uniquement en raison de ce fait ». Les éléments de preuve présentés par le demandeur ne semblent pas contredire cette conclusion.

[60]  Troisièmement, je conclus qu’aucune erreur susceptible de révision ne découle du silence de l’agent au sujet des deux lettres d’appui dans lesquelles il est question de stigmatisation sociale ou d’évitement. À cet égard, je conviens avec le défendeur que ces lettres sont de nature relativement vague et qu’elles semblent reposer sur des hypothèses quant à ce qui pourrait se produire si le demandeur était renvoyé en Inde. La première lettre a été rédigée par le père du demandeur, qui parle de sa propre expérience d’évitement par des membres de sa famille élargie alors qu’il résidait en Inde, et la seconde a été rédigée par un ami du demandeur qui résidait au Canada au moment où l’infraction a été commise et qui y réside encore, et qui n’a pas vécu de près le comportement d’évitement. En définitive, ces lettres ne permettent pas de conclure qu’il était déraisonnable pour l’agent de n’accorder [traduction] « aucun poids » aux difficultés auxquelles le demandeur se heurterait en raison de la situation en Inde. J’ajouterais que le dossier du tribunal contenait de nombreux reportages provenant de médias canadiens locaux au sujet de la déclaration de culpabilité et de la sentence du demandeur. On peut supposer que ce n’est pas uniquement au moment de son renvoi en Inde que le demandeur subirait les conséquences négatives telles que l’évitement et la stigmatisation sociale.

Établissement au Canada

[61]  Le demandeur soutient également que l’agent a commis une erreur susceptible de révision en n’expliquant pas pourquoi son établissement était [traduction] « attendu » et [traduction] « typique ». Le demandeur conteste un certain nombre d’éléments de preuve non mentionnés par l’agent au sujet de son établissement et de ses liens familiaux au Canada. Notamment, l’agent n’a pas tenu compte de l’observation du demandeur selon laquelle toute sa famille réside au Canada, de la preuve de la participation importante du demandeur en tant que capitaine d’une équipe de cricket et organisateur d’une ligue, ni des observations concernant l’incidence du renvoi du demandeur sur les aspirations de son épouse à se requalifier comme enseignante au Canada.

[62]  En revanche, le défendeur soutient que l’agent a manifestement tenu compte de la preuve d’établissement du demandeur. Le défendeur soutient en outre qu’il n’est pas déraisonnable de conclure que le degré d’établissement du demandeur est [traduction] « typique » ou [traduction] « attendu ».

[63]  Aucune erreur susceptible de révision n’a été commise en l’espèce. Il ne fait aucun doute que l’agent est tenu « d’examiner et de soupeser toutes les considérations d’ordre humanitaire pertinentes » (Kanthasamy, au paragraphe 33). Toutefois, le fait que l’agent ait qualifié l’établissement du demandeur de [traduction] « typique » et d’[traduction] « attendu » parce que le demandeur est un résident permanent du Canada depuis de nombreuses années ne constitue pas une erreur susceptible de révision si l’agent a par ailleurs examiné adéquatement la preuve d’établissement dont il disposait. En l’espèce, c’est exactement ce que l’agent a fait.

[64]  J’ajouterais qu’il ressort clairement des motifs de l’agent que celui‑ci était au courant des liens familiaux importants du demandeur au Canada. L’agent a souligné la présence de tantes, d’oncles, de cousins, de cousines et de grands-parents qui pouvaient aider l’épouse du demandeur à s’occuper des enfants. En outre, bien que certains éléments de preuve relatifs à l’établissement n’aient pas été mentionnés (comme le rôle du demandeur en tant que capitaine de son équipe de cricket ou les aspirations de son épouse à se requalifier comme enseignante), l’agent chargé de l’examen des motifs d’ordre humanitaire n’est pas tenu de faire état de chaque élément de preuve dans ses motifs.

[65]  Enfin, les éléments de preuve relatifs à l’établissement qui n’ont pas été mentionnés n’étaient pas importants pas plus qu’ils contredisaient la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur a pris des mesures positives pour s’établir, mais que son établissement est typique pour un résident permanent. La Cour peut donc présumer que l’agent a tenu compte de ces documents et observations.

Gravité de l’infraction criminelle

[66]  Le demandeur soutient en outre que l’agent a erronément traité la question de son interdiction de territoire pour criminalité dans le cadre de l’évaluation de son établissement au Canada. À son avis, l’agent devait d’abord examiner et évaluer les facteurs d’ordre humanitaire, puis déterminer s’il était justifié de lever l’interdiction de territoire. Autrement dit, la criminalité ne doit pas être mise en balance avec un seul facteur d’ordre humanitaire, mais doit plutôt être évaluée en fonction de tous ces facteurs. Le demandeur soutient qu’il était déraisonnable d’attribuer un [traduction] « poids négatif important » à son établissement malgré ses neuf années passées au Canada. Il soutient en outre que l’agent n’a pas raisonnablement examiné la question de sa criminalité, car il n’a pas tenu compte de façon significative de sa réadaptation.

[67]  Le défendeur soutient que, en l’espèce, l’agent a en fait tenu compte de la réadaptation du demandeur en plus de souligner les circonstances aggravantes exposées par le juge chargé de la détermination de la peine. De l’avis du défendeur, l’agent a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en soupesant les facteurs d’intérêt public mis en jeu par la criminalité du demandeur et en concluant que les facteurs d’ordre humanitaire ne l’emportaient pas sur cette interdiction de territoire pour criminalité.

[68]  Avant d’examiner le bien-fondé de cette question, j’aimerais faire remarquer que, selon les Instructions et lignes directrices opérationnelles [Lignes directrices], les agents chargés de l’examen des motifs d’ordre humanitaire doivent tenir compte des facteurs suivants lorsqu’ils traitent une demande de dispense concernant une interdiction de territoire pour criminalité en vertu de l’article 36 de la Loi :

L’agent doit évaluer si l’interdiction de territoire connue, par exemple, une déclaration de culpabilité, l’emporte sur les considérations d’ordre humanitaire. Il peut tenir compte de facteurs tels que les actes du demandeur, y compris ceux ayant conduit à la déclaration de culpabilité et l’ayant suivie.

  le type de déclaration de culpabilité;

  la peine infligée;

  le temps écoulé depuis la déclaration de culpabilité;

  si l’infraction est un incident isolé ou dénote un profil de comportement récidiviste;

  tout autre renseignement pertinent sur les circonstances du crime.

[69]  Il va sans dire que les Lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes et qu’elles ne se veulent ni exhaustives ni restrictives; cela dit, elles peuvent « servir à déterminer ce qui constitue une interprétation raisonnable d’une disposition donnée de la Loi » (Kanthasamy, au paragraphe 32). Néanmoins, il convient de mentionner que l’agent a tenu compte de ces facteurs en l’espèce et qu’il n’a pas négligé d’examiner tout autre renseignement pertinent concernant le crime commis.

[70]  Je ne vois aucune raison d’intervenir en l’espèce. Il aurait peut-être été préférable que l’agent déclare clairement avoir soupesé la gravité de l’infraction criminelle par rapport à tous les facteurs d’ordre humanitaire favorables, au lieu d’examiner cet obstacle dans le cadre de l’évaluation de l’établissement. Quoi qu’il en soit, la Cour a récemment statué que l’examen des antécédents criminels d’un demandeur lors de l’évaluation de la qualité de son établissement au Canada ne constitue pas nécessairement une erreur susceptible de révision (Felix c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 1132, aux paragraphes 4, 9, 11, 21 et 22). La Cour a notamment statué, et c’est moi qui souligne, que « l’agent a le droit de mettre l’accent sur les antécédents judiciaires de la demanderesse et de déterminer que les antécédents l’emportent sur toute considération d’ordre humanitaire, particulièrement lorsque la dispense sollicitée pour des motifs d’ordre humanitaire est liée à une interdiction de territoire pour criminalité » (Chaudhary c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 128, aux paragraphes 16, 24 et 25; Arshad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 510, aux paragraphes 9 et 31; Horvath c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1261, aux paragraphes 19, 20 et 46 à 53). Cette déclaration est particulièrement pertinente en l’espèce, où la plupart des années d’établissement du demandeur au Canada se sont accumulées après qu’il a commis l’infraction (le 2 septembre 2012), pour laquelle il a finalement été déclaré coupable et condamné après un long procès et un appel.

[71]  S’agissant des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire présentées à la SAI en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR, dont l’examen repose sur le critère énoncé dans Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1986), [1985] DSAI no 4 – elles présentent plusieurs similitudes avec les demandes présentées en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi – une fois l’audience tenue, le décideur doit se livrer à une appréciation de nature qualitative plutôt que quantitative (Wang c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2016 CF 705, au paragraphe 19). La Cour a statué que le décideur qui conclut qu’un obstacle à l’admissibilité (comme la criminalité ou les fausses déclarations) l’emporte sur un facteur individuel favorable (comme l’établissement ou les difficultés) plutôt que sur tous les facteurs, et qui effectue ainsi une partie de l’analyse « sous la mauvaise rubrique », ne commet pas nécessairement une erreur susceptible de révision (Dhaliwal c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 157, aux paragraphes 104 à 108).

[72]  Je retiens de ces décisions que, dans la mesure où les motifs de l’agent montrent que ce dernier a suivi l’approche prescrite par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kanthasamy, à savoir qu’il a tenu compte de « toutes les considérations d’ordre humanitaire pertinentes », l’agent a rempli son obligation légale sans commettre d’erreur susceptible de révision. Dans cette optique, la Cour suprême du Canada a également ordonné aux cours de révision de ne pas se limiter au libellé des motifs et de considérer la décision « comme un tout » (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, [2013] 2 RCS 458, au paragraphe 54).

[73]  Après avoir examiné et apprécié toutes les circonstances de l’affaire et tous les facteurs pertinents, l’agent pouvait certainement conclure que ces facteurs d’ordre humanitaire ne l’emportaient tout simplement pas sur l’interdiction de territoire du demandeur en raison de la gravité de l’agression sexuelle pour laquelle il a été déclaré coupable et condamné à trois ans d’emprisonnement. Rappelons que l’agent a énoncé les mesures positives que le demandeur a prises pour s’établir, ce pour quoi il l’a félicité, en plus d’évaluer l’intérêt supérieur de ses enfants, auquel l’agent a accordé un [traduction] « poids positif modéré ». Toutefois, l’agent a finalement accordé un [traduction] « poids négatif important » à l’établissement du demandeur en raison de la condamnation criminelle et a conclu que l’octroi d’une dispense n’était pas justifié. Je conclus que les motifs de l’agent sont justifiés, transparents et intelligibles et démontrent qu’il a examiné et soupesé de façon appropriée les facteurs d’ordre humanitaire qui lui ont été présentés.

[74]  En l’espèce, il s’avère que la gravité de l’infraction, qui était de nature sexuelle et, comme l’a mentionné le juge qui a prononcé la peine, [traduction] « était une conduite scandaleuse et dégoûtante, commise par un homme qui, se trouvant dans une situation de confiance, devait transporter une jeune femme en toute sécurité vers sa destination », a entraîné l’interdiction de territoire du demandeur pour criminalité. Ce manquement au contrat social peut se traduire non seulement par la peine que lui a infligée la cour criminelle, mais aussi par la perte de son statut d’immigrant et des privilèges y afférents.

[75]  Il était loisible à l’agent, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, de conclure que la réadaptation apparente du demandeur, ses remords tardifs et l’acception de la responsabilité de ses actes, ne suffisaient pas pour l’emporter sur la gravité de l’infraction désignée, au point de justifier l’octroi d’une dispense de la règle habituelle selon laquelle un motif de grande criminalité entraîne la perte du statut de résident permanent et l’expulsion du Canada.

Conclusion

[76]  En conclusion, l’agent a tenu compte des éléments de preuve substantiels présentés par le demandeur en vue de démontrer son degré d’établissement favorable, l’intérêt supérieur de ses enfants et les facteurs liés à la situation en Inde, en plus d’examiner la question de la criminalité du demandeur. Dans l’ensemble, la décision de l’agent de rejeter la demande visant à faire lever l’interdiction de territoire pour criminalité du demandeur est raisonnable.

[77]  Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Les avocats n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier. Aucune question ne sera donc certifiée par la Cour.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5595-18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 19e jour de juillet 2019.

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5595-18

INTITULÉ :

GURPREET SINGH GILL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 MAI 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :

LE 31 MAI 2019

COMPARUTIONS :

Eric C. Roth

Pour le demandeur

Courtenay Landsiedel

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edelmann & Compagnie

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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