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Date : 20001023


Dossier : T-1383-00

OTTAWA (Ontario), le 23 octobre 2000

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rouleau


     Action réelle contre les propriétaires et toutes les autres

     personnes ayant un droit sur les frets et les sous-frets du navire

     GTS KATIE


ENTRE :

     THIRD OCEAN MARINE NAVIGATION COMPANY, LLC

     demanderesse


ET :

     LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES

     AYANT UN DROIT SUR LES FRETS ET LES SOUS-FRETS

     DU NAVIRE GTS KATIE

     défendeurs



     ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]      Les présentes demandes présentées par les défendeurs découlent des faits suivants. Le 2 juin 2000, la demanderesse a affrété à temps son navire, le G.T.S. KATIE, à la société Andromeda Navigation Inc. À son tour, Andromeda a conclu un contrat d'affrètement avec la société SDV Logistics (Canada) Inc. (SDV), qui à son tour a conclu un contrat d'affrètement avec le ministère de la Défense nationale pour le transport d'une partie de son matériel militaire de la Grèce au Canada. Dans le connaissement, le gouvernement du Canada apparaît à la fois comme l'expéditeur et le destinataire tandis que le transporteur apparaît comme étant le propriétaire du navire.

[2]      Le 27 juillet 2000, la demanderesse a déposé à la Cour une déclaration dans laquelle elle sollicite la mesure de réparation suivante :

         A. Un jugement ordonnant aux propriétaires défendeurs et aux personnes ayant un droit sur les frets et les sous-frets à bord du GTS KATIE de déposer à la Cour la somme de 1 311 000 $ en attendant qu'il soit statué sur les réclamations de la demanderesse contre Andromeda Navigation Inc. par voie d'arbitrage en vertu de la charte-partie en date du 2 juin 2000.
         B. Un sursis des présentes instances en attendant qu'il soit statué sur les réclamations de la demanderesse contre Andromeda Navigation Inc. par voie d'arbitrage en vertu de la charte-partie en date du 2 juin 2000 ou, subsidiairement, un jugement déclaratoire portant que le litige entre la demanderesse et Andromeda Navigation Inc. sera tranché par voie d'arbitrage en Angleterre conformément aux dispositions de ladite charte-partie.



[3]      Le même jour, la demanderesse a obtenu un mandat de saisie de biens conformément aux règles 481 à 484 des Règles de la Cour fédérale. Le mandat de saisie est délivré par un fonctionnaire désigné du greffe sur dépôt d'un affidavit portant demande de mandat. Le mandat, l'affidavit portant demande de mandat et la déclaration sont ensuite signifiés relativement aux biens et, une fois saisis, les biens tombent sous l'autorité de la Cour. En l'espèce, le mandat prévoyait : [traduction] « À tout shérif ou huissier du Canada : Il vous est ordonné de saisir les frets et les sous-frets en ce qui concerne le navire G.T.S. KATIE et de les garder sous saisie jusqu'à nouvel ordre de la Cour. »

[4]      Le mandat a été signifié aux avocats agissant pour le compte de la Couronne, à SDV Logistics Canada Inc. et à Andromeda Navigation Inc., qui ont ensuite déposé les avis de requête dont la Cour est maintenant saisie. Les demandes sollicitent la mesure de réparation suivante :

     1. une ordonnance annulant la saisie des frets et des sous-frets des défendeurs dans l'action réelle en ce qui concerne le navire G.T.S. KATIE; exercée conformément au mandat délivré par la Cour le 27 juillet 2000;
     2. une ordonnance portant que la demanderesse n'a pas de privilège sur les frets et les sous-frets en ce qui concerne le navire G.T.S. KATIE ni de réclamation contre eux;
     3. une ordonnance radiant la déclaration de la demanderesse;
     4. les dépens sur une base avocat-client.


[5]      J'accueille les demandes pour les motifs suivants.

[6]      Il est clair que la soi-disant saisie des frets et des sous-frets du G.T.S. KATIE n'est pas valide. Les biens en possession de l'État, qu'ils appartiennent à l'État ou à quelqu'un d'autre, ne peuvent pas être saisis, faire l'objet d'un privilège ou être autrement confisqués de quelque façon que ce soit. L'immunité de l'État à cet égard, reconnue depuis longtemps en common law, est maintenant prévue par la loi et énoncée ainsi dans la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif :


14. Nothing in this Act authorizes proceedings in rem in respect of any claim against the Crown, or the arrest, detention or sale of any Crown ship or aircraft, or of any cargo or other property belonging to the Crown, or gives to any person any lien on any such ship, aircraft, cargo or other property.

29. No execution shall issue on a judgment against the Crown.


30. (1) On receipt of a certificate of judgment against the Crown issued pursuant to the regulations, the Minister of Finance shall authorize the payment out of the Consolidated Revenue Fund of any money awarded by the judgment to any person against the Crown.

(2) Any money or costs awarded to the Crown in any proceedings shall be paid to the Receiver General.

14. La présente loi n'a pas pour effet d'autoriser les actions réelles visant des demandes contre l'État, non plus que la saisie, détention ou vente d'un navire, d'un aéronef, d'une cargaison ou d'autres biens appartenant à l'État, ni de conférer à quiconque un privilège sur un tel bien. S.R., ch. C-38, art. 6.

29. Les jugements rendus contre l'État ne sont pas susceptibles d'exécution par voie de contrainte.

30.(1) Sur réception d'un certificat réglementaire, le ministre des Finances autorise le paiement, sur le Trésor, de toute somme d'argent accordée à un particulier, par jugement contre l'État.


(2) Les sommes d'argent ou les dépens adjugés à l'État dans toutes procédures sont versés au receveur général.



[7]      De plus, ni le connaissement ni aucun contrat de transport de la cargaison auxquels SDV ou l'État était partie ne comprennent la clause de privilège qui figure dans la charte-partie. Le contrat d'affrètement à temps apparaissant dans la formule du New York Produce Exchange (Bourse de marchandises de New-York) et intervenu entre la demanderesse et Andromeda prévoit à la clause 18 : [traduction] « Que les propriétaires ont un privilège sur toutes les cargaisons et tous les sous-frets pour toute somme due en vertu de la présente charte. » Une telle clause est parfaitement valide entre les parties. Elle constitue une cession en equity par Andromeda des frets qu'elle peut posséder.

[8]      Cependant, cette disposition relative au privilège ne s'est pas retrouvée dans toute la série de contrats intervenus par la suite entre Andromeda et SDV et plus tard entre SDV et l'État. Ni le contrat entre Andromeda et SDV ni celui entre SDV et l'État ne contiennent de disposition relative à un privilège résultant d'un contrat.

[9]      En dernier lieu, le privilège prévu dans le connaissement figure à la clause 12, qui mentionne que [traduction] « Le transporteur possède un privilège pour toute somme due et a le droit de vendre les marchandises à l'amiable ou à l'enchère pour couvrir toute réclamation. » Cette clause envisage un privilège possessoire sur la cargaison qui a été éteint par le déchargement de la cargaison et n'avait rien à voir avec les frets, c'est-à-dire les biens que la demanderesse aurait saisis et sur lesquels sa réclamation est fondée.

[10]      En résumé, ni le connaissement délivré ni aucun autre contrat relatif au transport de la cargaison à bord du G.T.S. KATIE ne comprend les dispositions de la charte-partie intervenue entre la demanderesse et Andromeda Navigation Ltd. Par conséquent, la demanderesse ne possède pas de privilège sur quelque fret ou sous-fret dû en rapport avec le transport de la cargaison.

[11]      Pour ces motifs, la demande des défendeurs est accueillie. La déclaration de la demanderesse en ce qui a trait à l'État et à SDV est radiée. Les dépens sont adjugés aux demandeurs sur la base des frais entre les parties.



[12]      J'aimerais ajouter que, à l'audition de la présente instance, la demanderesse a présenté une requête pour faire radier les paragraphes 13 et 14 de l'affidavit de M. Keith Harrison, soumis à l'appui de l'avis de requête de la Couronne. J'accueille la demande de la demanderesse pour le motif que le déposant est arrivé à des conclusions de droit qui relèvent du seul domaine de la Cour.



                             « P. ROULEAU »


                                 JUGE


Traduction certifiée conforme


Yvan Tardif, B.A., LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :      T-1383-00

INTITULÉ :      THIRD OCEAN MARINE NAVIGATION      COMPANY, LLC c. LES PROPRIÉTAIRES      ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES      AYANT UN DROIT SUR LES FRETS ET LES      SOUS-FRETS DU NAVIRE GTS KATIE


LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :      18 SEPTEMBRE 2000


MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROULEAU

EN DATE DU :      23 OCTOBRE 2000


ONT COMPARU :

NICHOLAS J. SPILLANE

TREVOR BISHOP      POUR LA DEMANDERESSE

GEORGE J. POLLACK      POUR LES DÉFENDEURS DANS L'ACTION RÉELLE

SEAN J. HARRINGTON      POUR SA MAJESTÉ LA REINE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BRISSET BISHOP

MONTRÉAL      POUR LA DEMANDERESSE

SPROULE CASTONGUAY POLLACK

MONTRÉAL      POUR LES DÉFENDEURS DANS L'ACTION RÉELLE

BORDEN LADNER GERVAIS

MONTRÉAL      POUR SA MAJESTÉ LA REINE

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