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     Date: 19980116

     No du greffe: IMM-4811-96

OTTAWA (ONTARIO), le 16 Janvier 1998.

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE WETSTON

ENTRE

     AIYOUB CHOUBDARI BASMENJI,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision est infirmée et renvoyée à un tribunal composé de membres différents aux fins d'une nouvelle audience et d'un nouvel examen.

         Howard I. Wetston

        

         Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date: 19980116

     No du greffe: IMM-4811-96

ENTRE

     AIYOUB CHOUBDARI BASMENJI,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE LA DÉCISION

LE JUGE WETSTON :

[1]      Le requérant interjette appel contre la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 14 novembre 1996, qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention, au sens de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]      La Commission a conclu que le requérant n'avait pas raison de craindre d'être persécuté en Iran, son pays d'origine. Cette conclusion était fondée sur la conclusion que la Commission avait tirée, soit que la preuve présentée par le requérant n'était pas digne de foi, étant donné que le comportement de ce dernier, avant qu'il arrive au Canada, ne lui semblait pas conforme à l'allégation qui avait été faite, à savoir qu'il serait persécuté s'il retournait en Iran.

[3]      La Commission a conclu que le requérant avait vécu au Japon, où il avait épousé sa conjointe actuelle, mais qu'il était volontairement retourné en Iran. Elle a également conclu que le requérant aurait pu "revendiquer un statut" au Japon, puisque sa conjointe était citoyenne japonaise, mais qu'il avait décidé de ne pas le faire. Il a été jugé que ce comportement n'était pas conforme à la revendication du statut de réfugié que le requérant avait présentée au Canada en alléguant qu'il serait persécuté s'il retournait en Iran. En outre, la Commission a conclu qu'il fallait que le requérant essaie de revendiquer un statut au Japon avant de pouvoir revendiquer le statut de réfugié au Canada.

[4]      Le requérant soutient qu'il ne craignait pas d'être persécuté en Iran lorsqu'il s'est rendu au Japon, mais que peu de temps après son retour du Japon, il y avait lieu de le craindre. Il a quitté le Japon volontairement, mais uniquement après qu'on l'eut menacé d'une expulsion imminente, étant donné que son visa était expiré. Le requérant soutient que la question de savoir s'il peut revendiquer un statut quelconque au Japon, du fait que sa conjointe est une citoyenne japonaise, n'a rien à voir avec la reconnaissance du statut de réfugié en vertu de la Loi. En outre, il soutient que la Commission a commis une erreur en tirant sa conclusion au sujet de la crédibilité, en ce sens qu'elle a interprété d'une façon incorrecte la preuve dont elle disposait et qu'elle a violé son obligation d'équité en omettant de l'aviser que sa revendication possible du statut de réfugié serait remise en question dans sa décision.

[5]      L'intimé soutient que, même si la Commission a commis une erreur en concluant que le requérant doit en premier lieu se réclamer de la protection du Japon avant de pouvoir demander le statut de réfugié au Canada, les motifs énoncés par la Commission étaient principalement fondés sur ce que cette dernière ne croyait pas que les événements que le requérant avait allégués à l'appui de sa revendication s'étaient produits. Il appartenait à la Commission de tirer cette conclusion relative à la crédibilité et cette cour ne devrait pas substituer son avis à celui de la Commission, dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

[6]      Il s'agit ici de savoir si la Commission a commis une erreur en tirant sa conclusion au sujet de la crédibilité, en se fondant en partie sur la conclusion selon laquelle le requérant aurait dû essayer de revendiquer un statut quelconque au Japon, avant de le revendiquer au Canada.

[7]      L'argument de l'intimé laisse entendre qu'en fait, la Commission a tiré deux conclusions distinctes : une conclusion primaire au sujet de la crédibilité du requérant et une conclusion secondaire, non déterminante, au sujet de la nécessité de demander un statut quelconque au Japon avant de revendiquer le statut de réfugié au Canada. L'intimé soutient que la Commission a peut-être commis une erreur en tirant cette dernière conclusion, mais que pareille erreur ne porte pas à conséquence, compte tenu de la conclusion qui a été tirée au sujet de la crédibilité : Sandhu c. MCI (IMM-299-96, 22 novembre 1996, C.F. 1re inst.), Manu c. MCI (IMM-1505-92, 21 juin 1995, C.F. 1re inst.).

[8]      Je ne puis retenir cette interprétation. La Commission ne s'est pas simplement fondée sur son appréciation de la preuve mise à sa disposition pour conclure que les allégations du requérant n'étaient pas dignes de foi. Elle s'est plutôt également fondée sur la conclusion qu'elle avait tirée au sujet de la possibilité pour le requérant de bénéficier d'une protection au Japon en vue d'étayer la conclusion selon laquelle le requérant n'était pas digne de foi.

[9]      La Commission a dit que [TRADUCTION] "la principale raison justifiant [...] cette conclusion est que le comportement [du requérant] n'est pas conforme aux faits allégués. Le [requérant] aurait pu se réclamer de la protection de l'État japonais lorsqu'il a épousé une citoyenne japonaise". La Commission a également dit ceci :

         [TRADUCTION]                 
         Il est clair, selon le tribunal, que le demandeur avait la possibilité, et a encore la possibilité, de revendiquer un statut au Japon. Ce tribunal conclut donc qu'étant donné que le demandeur peut encore revendiquer un statut au Japon, il doit d'abord se réclamer de la protection de l'État japonais avant de se tourner vers la collectivité internationale pour revendiquer le statut de réfugié, et ce, qu'il veuille se prévaloir de la protection qui lui est fournie ou non. [Je souligne.]                 

[10]      La Commission a établi un lien étroit entre le fait que le requérant pouvait revendiquer un statut au Japon, comme il devait le faire, a-t-elle conclu, avant de présenter une revendication au Canada, et la conclusion qu'elle a tirée au sujet de la crédibilité. Partant, la conclusion de la Commission selon laquelle le requérant doit d'abord demander une forme quelconque de protection au Japon est essentielle à sa décision.

[11]      "Dès lors que la Cour conclut que la décision de la Commission est fondée sur une erreur importante sans laquelle la Commission aurait peut-être tiré une conclusion différente, cette décision doit être annulée et l'affaire renvoyée à une autre formation de la Commission pour réexamen" Abdullahi v. MCI (IMM-1610-95, 10 janvier 1996, C.F. 1re inst.), à la page 2. Par conséquent, si la Commission a commis une erreur en concluant qu'il fallait que le requérant essaie de revendiquer un statut quelconque au Japon avant de revendiquer le statut de réfugié au Canada, sa décision ne peut pas être maintenue.

[12]      Il ne semble y avoir aucun ouvrage ou arrêt étayant la thèse selon laquelle le requérant doit d'abord avoir revendiqué un statut quelconque au Japon (probablement à titre de réfugié ou de conjoint d'une citoyenne japonaise) avant de pouvoir revendiquer le statut de réfugié au Canada. Il est uniquement clair que le demandeur doit se réclamer de la protection des pays dans lesquels il peut invoquer la nationalité comme fondement de la citoyenneté avant de revendiquer le statut de réfugié au Canada : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689; M.E.I. v. Akl (1990), 140 N.R. 323 (C.A.F.); Grygorian c. MEI (IMM-5158, 23 novembre 1995, C.F. 1re inst.).

[13]      En l'espèce, il n'y a qu'un pays dans lequel le requérant peut demander la citoyenneté sur la base de sa nationalité : l'Iran. Le requérant n'a pas le droit de demander la citoyenneté au Japon, même s'il est peut-être en mesure d'obtenir une protection quelconque du fait qu'il a épousé une citoyenne japonaise. Le présent cas est donc différent des cas dans lesquels une personne pourrait de plein droit être admissible à la citoyenneté dans un autre pays avant de revendiquer le statut de réfugié au Canada.

[14]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à un tribunal composé de membres différents aux fins d'une nouvelle audience et d'un nouvel examen.

[15]      J'ai décidé de ne pas certifier de question en l'espèce.

                                 Howard I. Wetston

                                

                                         Juge

Ottawa (Ontario),

le 16 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :      IMM-4811-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      AIYOUB CHOUBDARI BASMENJI c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 14 novembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      du juge Wetston

en date du      16 janvier 1998

ONT COMPARU :

Michael Crane      POUR LE REQUÉRANT

Jeremiah Eastman      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane      POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

George Thomson      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

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