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Date : 20190405

Dossiers : IMM-2977-17

IMM-2229-17

IMM-775-17

Référence : 2019 CF 418

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2019

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

LE CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS, AMNISTIE INTERNATIONALE,

LE CONSEIL CANADIEN DES ÉGLISES,

ABC, DE [REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, ABC], FG [REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, ABC]

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

Dossier : IMM-2229-17

ET ENTRE :

 

NEDIRA JEMAL MUSTEFA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

Dossier : IMM-775-17

ET ENTRE :

MOHAMMAD MAJD MAHER HOMSI

HALA MAHER HOMSI

KARAM MAHERHOMSI

REDA YASSIN AL NAHASS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs


ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La Cour rend l’ordonnance et les motifs ci‑dessous relativement aux trois requêtes présentées, en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales (les Règles), par trois intervenants  proposés, nommément : l’Association canadienne des libertés civiles (l’ACLC), le West Coast Legal Education and Action Fund (le West Coast LEAF) et la British Columbia Civil Liberties Association (la BCCLA). Chacun de ces organismes désire intervenir dans les demandes de contrôle judiciaire sous‑jacentes.

[2]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, je rejette les requêtes, car je suis convaincue que les perspectives et commentaires qui seraient offerts par les intervenants  proposés sont déjà adéquatement représentés par les trois organisations ayant obtenu la qualité pour agir dans l’intérêt public, soit le Conseil canadien pour les réfugiés (le CCR), Amnistie internationale (Amnistie) et le Conseil canadien des Églises (le CCE).

Le contexte

[3]  Le contexte des demandes de contrôle judiciaire sous‑jacentes est résumé aux paragraphes 4 et 5 de l’ordonnance rendue le 10 août 2018 par le juge Diner :

En l’espèce, les demandeurs contestent la constitutionnalité des lois qui mettent en œuvre l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) du Canada. Ils allèguent qu’en renvoyant les demandeurs d’asile interdits de territoire aux États-Unis en application de l’ETPS, le Canada expose ces demandeurs à des risques substantiels sous forme de détention, de refoulement et d’autres violations de leurs droits consentis par la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, 28 juillet 1951, 189 STNU 137. Les demandeurs allèguent que, en conséquence, les lois mettant en œuvre l’ETPS vont à l’encontre des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte), partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 (Charte).

Dans la décision Conseil canadien pour les réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 1131, le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie internationale et le Conseil canadien des Églises se sont vu accorder la qualité pour agir dans l’intérêt public dans la présente demande. Les autres demandeurs individuels sont a) une mère et ses enfants de l’Amérique centrale, dont la demande d’asile se rattache aux bandes et à la persécution fondée sur l’appartenance sexuelle, et qui étaient précédemment en détention aux États-Unis, b) une famille musulmane de la Syrie qui a quitté les États-Unis à la suite de la délivrance d’une première interdiction de voyager par le gouvernement des États-Unis, c) une femme musulmane d’Érythrée qui était gardée en détention depuis une période prolongée après avoir tenté d’entrer au Canada depuis les États-Unis.

[4]  Le 18 août 2017, la protonotaire Milczynski a ordonné que les trois demandes de contrôle judiciaire soient réunies. Ces demandes contestent l’Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs (l’ETPS), qui est régie par l’alinéa 102(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), et par l’article 159.3 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) (collectivement, le « régime de l’ETPS »).

[5]  Les demandeurs affirment que le fonctionnement du régime de l’ETPS viole les dispositions de la Charte des droits et libertés (la Charte).

[6]  L’audition des demandes est prévue pour septembre 2019.

Les observations des intervenants

[7]  Les demandeurs consentent à l’ensemble des trois requêtes des intervenants, tandis que les défendeurs s’opposent aux requêtes. Les observations sont résumées ci‑dessous.

Les observations de l’ACLC

[8]  L’ACLC est une organisation nationale vouée à la défense des libertés civiles au Canada. L’ACLC a un historique d’intervention devant les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada. L’ACLC est intervenue dans les affaires touchant à la Charte, notamment dans le contexte de l’immigration.

[9]  Dans son avis de requête, l’ACLC sollicite le statut d’intervenante afin de faire valoir ce qui suit :

[traduction]

L’incidence de l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire s’étendra au‑delà des intérêts des parties immédiatement visées. Le présent contrôle judiciaire soulève de nouvelles questions juridiques concernant l’application de l’article 7 de la Charte, lorsque le renvoi vers les États‑Unis, exigé par l’ETPS, accroît les risques de refoulement, de détention et de séparation des familles. L’espèce sera de l’une des premières affaires à examiner l’application du critère du lien de causalité, à la suite de l’arrêt Bedford de la Cour suprême du Canada, et elle aura de très vastes répercussions au‑delà de la présente affaire, lesquelles présentent un intérêt important pour l’ACLC et le contexte de l’immigration.

[…]

L’espèce soulève aussi d’importantes questions liées à l’interaction entre l’article premier et l’article 7 de la Charte. Selon la preuve déposée à ce jour par les ministres, il appert que l’on peut tenter de justifier le régime de l’ETPS aux termes de l’article premier de la Charte en invoquant de grands avantages pour la société. L’application de l’article premier dans une affaire comme l’espèce est une question juridique importante qui pourrait avoir une valeur de précédent allant au‑delà de l’espèce, y compris dans les domaines de la prise de décisions par le gouvernement ainsi que de la constitutionnalité d’autres dispositions de la LIPR et de régimes administratifs, autres que celui du droit de l’immigration.

[10]  L’ACLC fait valoir qu’elle offrira à la Cour une perspective utile et unique concernant la portée des engagements juridiques du Canada, au titre de l’article 7 de la Charte, et la nécessité d’adopter une méthode cohérente et fondée sur des principes lorsque la Cour examine la question de savoir si l’inadmissibilité d’un demandeur d’asile est en cause, en raison du fait que le régime de l’ETPS déclenche l’application de l’article 7 de la Charte.

[11]  Si elle obtient l’autorisation, l’ACLC fait observer qu’elle ne sollicitera pas les dépens. Elle fait également valoir que sa participation ne retardera pas l’affaire, et qu’elle ne sollicitera pas d’ajouts au dossier et ne soulèvera pas de questions additionnelles.

Les observations du West Coast LEAF

[12]  La mission du West Coast LEAF est de se servir du droit pour créer une société juste et équitable pour toutes les femmes et toutes les personnes victimes de discrimination fondée sur le sexe en Colombie‑Britannique. L’organisation dispose d’une large base représentative et reconnaît que l’interaction et le chevauchement de marqueurs de désavantage présentent des enjeux uniques et complexes pour l’atteinte d’une égalité juridique réelle.

[13]  Le West Coast LEAF demande l’autorisation d’intervenir afin de présenter à la Cour des observations qui aideront celle‑ci à statuer sur les demandes fondées sur l’article 15 de la Charte en l’espèce. À l’appui de sa requête, elle affirme ce qui suit :

[TRADUCTION]

L’espèce concerne la constitutionnalité du régime de l’ETPS, au titre de l’article 7 et du paragraphe 15(1) de la Charte. Les intérêts du West Coast LEAF en l’espèce ont trait à l’égalité des intérêts des femmes et des demandeurs d’asile de genres divers qui sollicitent l’asile au Canada, notamment ceux parmi eux qui demandent l’asile en raison de la persécution fondée sur le sexe. L’espèce nécessitera l’interprétation et l’application du paragraphe 15(1) de la Charte. En particulier, elle nécessitera de comprendre le lien entre la discrimination avancée et le régime législatif contesté, dans le contexte d’une demande fondée sur la discrimination indirecte découlant d’effets préjudiciables. Le West Coast LEAF possède une expérience et des connaissances importantes concernant l’interprétation de l’article 15 de la Charte ainsi que l’application d’une analyse intersectorielle et subjective de l’égalité aux expériences de diverses femmes, y compris les réfugiées, les femmes sans statut et les femmes victimes de préjudices fondés sur le sexe.

[14]  Le West Coast LEAF entend centrer ses observations sur les deux éléments suivants de l’analyse de la Cour portant sur la discrimination découlant d’effets préjudiciables, au titre de l’article 15 : premièrement, il fera valoir que les tribunaux doivent effectuer une analyse contextuelle complète pour apprécier la discrimination indirecte découlant d’effets préjudiciables, et qu’une telle analyse doit commencer par l’examen du désavantage préexistant dont sont victimes les femmes ayant survécu à la violence; deuxièmement, il énoncera un certain nombre de considérations que la Cour devrait appliquer.

[15]  S’il obtient l’autorisation d’intervenir, le West Coast LEAF affirme qu’il collaborera avec les parties et tout autre intervenant afin de s’assurer d’offrir une perspective qui ne fera pas double emploi, et qui sera unique et utile à la décision de la Cour dans la présente affaire.

Les observations de la BCCLA

[16]   La BCCLA est un groupe de défense sans but lucratif, apolitique et non affilié. Les objectifs de  la BCCLA comprennent la promotion, la défense, le maintien et l’expansion des libertés civiles et des droits de la personne partout en Colombie‑Britannique et au Canada.

[17]  Si elle obtient l’autorisation,  la BCCLA demande à présenter des observations visant les répercussions de l’application l’article 7 sur les risques de préjudices auxquels sont exposés les demandeurs d’asile à leur retour aux États‑Unis et à l’intérieur de ce pays, peu importe qu’ils soient finalement refoulés ou non.

[18]   La BCCLA déclare ce qui suit :

[traduction]

 La BCCLA fera valoir que, dans le présent contexte, les principes de justice fondamentale doivent être interprétés et appliqués, et que tout équilibre doit être établi d’une manière qui tient compte a) des obligations juridiques internationales du Canada; b) d’autres droits garantis par la Charte, et les reflète. À ces deux égards, les observations proposées par  la BCCLA diffèrent de celles des parties et sont utiles à la Cour pour qu’elle détermine comment l’article 7 devrait être interprété et appliqué.

[19]  Comme les autres intervenants  proposés,  la BCCLA affirme aussi qu’elle ne causera pas de préjudice aux parties ni ne retardera la procédure.

Les observations opposées des défendeurs

[20]  Les défendeurs soutiennent que les requêtes devraient être rejetées. Ils soutiennent que les intervenants  proposés ne sont pas directement touchés par l’issue de l’affaire et que, par conséquent, leurs intérêts ne sont que jurisprudentiels.

[21]  Ils soutiennent aussi que les questions à trancher soulevées par les intervenants sont déjà avancées par les six demandeurs principaux, notamment les trois parties ayant obtenu la qualité pour agir dans l’intérêt public. Ainsi, leur octroyer le statut d’intervenant ne ferait que renforcer la cause des demandeurs et engendrerait le dédoublement des arguments.

[22]  Les défendeurs soutiennent qu’il n’y a pas de preuve que la Cour ne peut pas statuer sur les questions litigieuses relatives aux articles 7 et 15 ainsi qu’à l’article premier de la Charte, sans entendre la perspective des intervenants.

[23]  Les défendeurs soulèvent aussi la question du retard susceptible d’être engendré par les intervenants.

[24]  Enfin, les défendeurs soutiennent que les préoccupations relevées par  la BCCLA relativement à la détention et aux poursuites judiciaires des demandeurs d’asile renvoyés aux États‑Unis, en application du régime de l’ETPS, ne ressortent pas des faits de l’espèce. Par conséquent, les défendeurs soutiennent que la présente intervention  proposée traiterait d’une préoccupation théorique.

La question en litige

[25]  La seule question litigieuse à trancher consiste à déterminer si le statut d’intervenant devrait être octroyé à l’ACLC, au West Coast LEAF et à  la BCCLA.

Analyse

[26]  Selon les dispositions de l’article 109 des Règles des Cours fédérales, DORS 98/106, l’un des éléments que la Cour doit examiner est la manière dont la participation de l’intervenant proposé aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance.

[27]  Le critère d’intervention est énoncé dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges Inc c Canada (Procureur général), [1990] 1 CF 90 (CAF) (Rothmans), et est élaboré davantage dans les arrêts subséquents de la Cour d’appel fédérale : Canada (Procureur général) c Première Nation Pictou Landing, 2014 CAF 21 (Pictou Landing); Prophet River First Nation c Canada (Procureur général), 2016 CAF 120 (Prophet River); Sport Maska Inc c Bauer Hockey Corp, 2016 CAF 44 (Sport Maska).

[28]  Le critère de l’arrêt Rothmans comprend six facteurs, à savoir :

  1. La personne qui se propose d’intervenir est‑elle directement touchée par l’issue du litige?

  2. Y a‑t‑il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

  3. S’agit‑il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

  4. La position de la personne qui se propose d’intervenir est‑elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

  5. L’intérêt de la justice sera‑t‑il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

  6. La Cour peut‑elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

[29]  Ces facteurs sont souples et non exhaustifs, et la Cour dispose du pouvoir discrétionnaire d’accorder le poids qu’elle juge adéquat à chaque facteur, compte tenu des faits, des questions de droit et du contexte de chaque affaire. Lorsqu’elle a analysé le cinquième facteur de l’arrêt Rothmans concernant l’intérêt de la justice, par exemple, la Cour d’appel fédérale a examiné des facteurs additionnels énoncés au paragraphe 11 de l’arrêt Pictou Landing. D’autres facteurs ressortent des paragraphes 29 et 42 du récent arrêt Sport Maska, notamment :

  • l’intervenant fournira d’autres précisions et perspectives utiles qui aideront la Cour à trancher les questions litigieuses;

  • l’apparence d’équité est compromise par l’intervention;

  • l’affaire comporte une dimension publique importante et complexe, de sorte que la Cour doit prendre connaissance d’autres points de vue que ceux exprimés par les parties à l’instance;

  • l’intervention est compatible avec une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[30]  Comme cela a été relevé à la fois au paragraphe 40 de l’arrêt Sport Maska et au paragraphe 9 de l’arrêt Pictou Landing, il est indéniable que, dans la majorité des affaires, la Cour peut entendre et trancher une affaire sans intervenant, et que « la question la plus importante consiste à se demander si l’intervenant fournira à la Cour d’autres précisions et perspectives utiles qui l’aideront à la prise d’une décision ».

[31]  En l’espèce, il y a déjà trois parties ayant obtenu la qualité pour agir dans l’intérêt public, le facteur déterminant est donc de savoir si les intervenants apportent « d’autres précisions et perspectives utiles » qui aideront la Cour.

[32]  Je passe à l’examen de la décision du juge Diner octroyant la qualité pour agir dans l’intérêt public au CCR, à Amnistie et au CCE dans la décision Conseil canadien pour les réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 1131 (Conseil canadien pour les réfugiés). Au paragraphe 74, il a conclu ainsi :

Après avoir exercé mon pouvoir discrétionnaire pour trancher — de manière définitive — la question concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public, je conclus que le critère a été rempli : la demande soulève une question justiciable sérieuse dans laquelle les organisations ont un intérêt véritable.

[33]  Le juge Diner a mis en œuvre le critère de la qualité pour agir dans l’intérêt public tel qu’il avait été énoncé par la Cour suprême du Canada au paragraphe 37 de l’arrêt Canada (Procureur général) c Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45 (Downtown Eastside). Pour satisfaire à ce critère, les trois organisations devaient démontrer : (1) qu’une question justiciable sérieuse était soulevée, (2) que les organisations ont un intérêt réel ou véritable dans l’issue de cette question, et (3) que la poursuite proposée constituait une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour.

[34]  Au paragraphe 39 de la décision Conseil canadien pour les réfugiés, la Cour a fait ressortir les questions envisagées par les parties ayant la qualité pour agir dans l’intérêt public de la manière suivante :

[TRADUCTION]

  • a) L’article 159.3 des Règles est‑il ultra vires ou par ailleurs illégal parce que la désignation des États‑Unis d’Amérique n’est pas et/ou n’était pas, au moment de la décision, conforme à l’alinéa 102(1)a) et aux paragraphes 102(2) et (3) de la LIPR?

  • b) L’article 159.3 du Règlement est‑il incompatible avec les obligations internationales du Canada en vertu de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et de la Convention contre la torture?

  • c) L’article 159.3 du Règlement est‑il inopérant en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 parce qu’il contrevient à l’article 7 et/ou au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés?

  • d) L’alinéa 101(1)e) de la LIPR est‑il inopérant en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 parce qu’il contrevient à l’article 7 et/ou au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés?

[35]  Le juge Diner a été convaincu que le CCR, Amnistie et le CCE avaient satisfait aux critères de la qualité pour agir dans l’intérêt public et a déclaré ce qui suit au paragraphe 68 :

En premier lieu, je ne suis pas saisi du statut d’intervenant. Les organisations demandent la qualité pour agir dans l’intérêt public et j’ai appliqué ce critère. En deuxième lieu, vu l’étendue de l’expertise et de la participation des organisations dans les questions, je ne souscris pas à la proposition des défendeurs selon laquelle les organisations devraient simplement « aider » la famille. En général, il n’est pas approprié que des parties « fantômes » hantent les couloirs, en fournissant des fonds considérables, des éléments de preuve, des conseils ou des renseignements.

[36]  Je relève que les trois premiers éléments du critère de l’arrêt Rothmans sont semblables au critère de la qualité pour agir dans l’intérêt public, et, dans l’examen de la première partie du critère de la qualité pour agir dans l’intérêt public, le juge Diner fut convaincu que les questions que les parties avanceraient seraient importantes et loin d’être futiles (Downtown Eastside, aux paragraphes 54 à 56).

[37]  Comme il a été énoncé ci-dessus, les intervenants en l’espèce proposent de traiter des répercussions que le régime de l’ETPS aura sur l’application des articles 7 et 15 de la Charte, ainsi que sur les obligations juridiques internationales du Canada. Il s’agit pour l’essentiel des mêmes questions justiciables soulevées par les parties ayant obtenu la qualité pour agir dans l’intérêt public.

[38]  Ainsi, dans les présentes circonstances, je ne suis pas convaincue que les intervenants  proposés fourniront des précisions et perspectives qui seraient différentes de celles fournies par les parties ayant obtenu la qualité pour agir dans l’intérêt public (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Ishaq, 2015 CAF 151, au paragraphe 7).

[39]  L’équité à l’égard du défendeur est aussi un élément à prendre en compte, et je tiens compte des commentaires formulés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Nation Gitxaala c Canada, 2015 CAF 73, au paragraphe 23 :

Ces préoccupations sont bien fondées. Un des éléments de l’équité générale du processus judiciaire réside dans « l’égalité des moyens » : Lord Woolf, Access to Justice: Interim Report to the Lord Chancellor on the Civil Justice System in England and Wales (Londres, R.‑U. : Lord Chancellor’s Department, 1995). Dans la mesure du possible, les tenants d’une thèse dans un différend ne doivent pas dominer, en nombre ou autrement, leurs adversaires au point de les écraser et de les empêcher de s’exprimer adéquatement.

[40]  Considérant que les trois parties ayant obtenu la qualité pour agir dans l’intérêt public traiteront des mêmes questions que les intervenants  proposés ont désiré avancer, l’équité est un facteur pesant à l’encontre des requêtes.

[41]  Enfin, les questions soulevées par  la BCCLA relativement aux obligations juridiques internationales du Canada, et d’autres questions relatives à la Charte pouvant être déclenchées, nonobstant le refoulement, peuvent très bien s’étendre au-delà de la portée du présent contrôle judiciaire. Comme il a été souligné dans l’arrêt Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 102, un intervenant ne saurait transformer l’instance en soulevant des questions étrangères aux demandes que la Cour doit trancher (au paragraphe 48).

[42]  Compte tenu de l’article 109 des Règles et du critère relatif à l’intervenant, je ne suis pas convaincue que les intervenants  proposés fourniraient des précisions et perspectives qui seraient totalement différentes de celles fournies par les parties ayant obtenu la qualité pour agir dans l’intérêt public. Je reconnais la crédibilité et l’expertise des intervenants  proposés, je reconnais aussi l’expérience et les compétences des avocats représentant les demandeurs; je ne suis donc pas convaincue que la participation des intervenants est nécessaire.

[43]  Par conséquent, je conclus qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accueillir les requêtes présentées par l’ACLC, le West Coast LEAF, et  la BCCLA en vue d’obtenir le statut d’intervenant.


ORDONNANCE dans les dossiers IMM-2977-17, IMM-2229-17 et IMM-775-17

LA COUR STATUE que :

  1. Les requêtes présentées par l’Association canadienne des libertés civiles (l’ACLC), le West Coast Legal Education and Action Fund (le West Coast LEAF), et la British Columbia Civil Liberties Association (la BCCLA) en vue d’une autorisation pour intervenir dans les présentes demandes sont rejetées;

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour de mai 2019.

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS


DOSSIERS :

IMM-2977-17, IMM-2229-17, IMM-775-17

INTITULÉ :

LE CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS, AMNISTIE INTERNATIONALE, LE CONSEIL CANADIEN DES ÉGLISES, ABC, DE [REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE ABC], FG [REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE ABC], MOHAMMAD MAJD MAHER HOMSI, HALA MAHER HOMSI, KARAM MAHER HOMSI, REDA YASSIN AL NAHASS ET NEDIRA JEMAL MUSTEFA c MIRC ET AUTRES

REQUÊTES PRÉSENTÉES PAR ÉCRIT, EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO),

au titre de l’article 369 des règles des cours fédérales

ORDONNANCE ET MOTIFS :

La juge mcdonald

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

Le 5 avril 2019

OBSERVATIONS ÉCRITES DE :

Peter Edelmann

Efrat Arbel

Will Tao

Aris Daghbighian

Pour l’intervenante  proposée

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES LIBERTÉS CIVILES

 

Lobat Sadrehashemi

Rajwant Mangat

 

Pour l’intervenant  proposé

LE WEST COAST LEAF

 

Jared Will

Joshua Blum

Pour l’intervenante  proposée

LA BRITISH COLUMBIA CIVIL LIBERTIES ASSOCIATION


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Downtown Legal Services

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour LES DEMANDERESSES

NEDIRA JEMAL MUSTEFA

ABC

DE [REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE ABC]

FG [REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE ABC]

 

Refugee Law Office

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES ÉGLISES

LE CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS

AMNISTIE INTERNATIONALE

 

Jared Will & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

MOHAMMAD MAJD MAHER HOMSI

HALA MAHER HOMSI

KARAM MAHER HOMSI

REDA YEASSIN AL NAHASS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour les défendeurs

 

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