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Date : 19980424


Dossier : T-2514-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 AVRIL 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MULDOON

ENTRE :

     ANATOLIJ LOGUNOV, KAZYS VALENTINAS DICKUS,

     ROBERTAS RIMKUS, VASIIJI SANIKOV, JURIJ

     GAMILOVSKIJ, JURIJ TURLOV, ALEKSANDR BUKATYJ,

     JEVGENIJ GAMILOVSKIJ, FINOGEJ CELPANOV,

     VLADIMIR MAMEDOV, VYTAUTAS SMILGINIS,

     ROLANDAS LUKOSEVICIUS, MIKALOJUS SUJETA,

     STEPAN BOGANOV, VLADIMIR ALISEIKO, JURIJ

     JEMELJANOV, JURIJ VDOVIN, JUOZAS URNIKIS, PETRAS

     KERSYS, ANTANAS SERPENSKAS, VIKTOR KULIGIN,

     GERMANAS SARAPOVAS, KAZYYS PAULAUSKAS, et

     FELIKSAS SALTYS,

     demandeurs,

     - et -

     LES PROPRIÉTAIRES, UAB AZALIJA, ET TOUTES AUTRES

     PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE " SHEDUVA ",

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     Vu la requête en révision de la taxation de l"officier taxateur, qui a taxé le compte du prévôt le 17 octobre 1997 (et sur une requête incidente visant à faire déclarer que la première requête a été produite à l"intérieur du délai prévu),

     LA COUR déclare que la requête des demandeurs a été déposée à l"intérieur du délai prévu; et

     LA COUR, en révision de ladite taxation, réduit, par les présentes, le montant à payer à titre de compte du prévôt, de 7 089,50 $ à seulement 2 089,50 $, laissant ainsi 5 000 $ de plus pour la réclamation des demandeurs; et

     LA COUR ORDONNE au prévôt de payer aux demandeurs les dépens partie-partie de la présente procédure, lesquels devront être établis par accord ou par taxation: aucuns autres dépens ne seront adjugés.

     F.C. MULDOON

     Juge

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


Date : 19980424


Dossier : T-2514-96

ENTRE :

     ANATOLIJ LOGUNOV, KAZYS VALENTINAS DICKUS,

     ROBERTAS RIMKUS, VASIIJI SANIKOV, JURIJ

     GAMILOVSKIJ, JURIJ TURLOV, ALEKSANDR BUKATYJ,

     JEVGENIJ GAMILOVSKIJ, FINOGEJ CELPANOV,

     VLADIMIR MAMEDOV, VYTAUTAS SMILGINIS,

     ROLANDAS LUKOSEVICIUS, MIKALOJUS SUJETA,

     STEPAN BOGANOV, VLADIMIR ALISEIKO, JURIJ

     JEMELJANOV, JURIJ VDOVIN, JUOZAS URNIKIS, PETRAS

     KERSYS, ANTANAS SERPENSKAS, VIKTOR KULIGIN,

     GERMANAS SARAPOVAS, KAZYYS PAULAUSKAS, et

     FELIKSAS SALTYS,

     demandeurs,

     - et -

     LES PROPRIÉTAIRES, UAB AZALIJA, ET TOUTES AUTRES

     PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE " SHEDUVA "

     défendeurs.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Il s"agit d"une requête inusitée de la part des demandeurs, lesquels sont le capitaine, les officiers et l"équipage du N.M. Sheduva. Il est fort probable que plusieurs créanciers aux termes d"un jugement, faisant face au mémoire de commission

d"un shérif, aient envisagé la possibilité d"intenter des procédures semblables aux présentes. L"avis de requête invoque les règles 3(1)c), 346(2) et 1007(8). Un appel de la décision de l"officier taxateur formé par l"autorité portuaire de Port Grace faisait partie de la présente affaire mais cette procédure a été abandonnée. Les références audit appel ont donc été enlevées en grande partie de la présente.

[2]      L"avis de requête des demandeurs, qui, par ailleurs, circonscrit de façon opportune les questions en litige soumises à la Cour, énonce :

[TRADUCTION]

             Avis de requête             
             [Règle 490 (Ajournement)             
             Règle 3(1)c) (Prorogation de délai)             
             Règle 346(2)(Révision de taxation)             
             Règle 1007(8) (Révision de la taxation de l"officier taxateur du compte du prévôt)]             
             SACHEZ que les demandeurs, le capitaine, les officiers et l"équipage du N.M. Sheduva, vont, par l"entremise de leur avocat John L. Joy, *** présenter une requête à la Cour fédérale du Canada ***.             
             Les requêtes visent à obtenir l"émission des ordonnances :             
             a)      ***             
             b)      Prorogeant le délai prévu par les présentes règles pour le dépôt d"une demande de révision de la taxation des frais du shérif que l"officier taxateur François Pilon a établie le 17 octobre 1997 en vertu de la règle 346(2);             
             c)      Refusant le paiement de la commission du prévôt, réclamée dans la demande d"approbation de la commission du prévôt en vertu de la règle 346(2);             
             d)      Accordant aux demandeurs les frais reliés à la saisie et à la conservation du navire, à l"obtention d"un jugement sommaire, à l"organisation de l"évaluation et de la vente du navire, à l"organisation de la vente aux enchères publique et à l"obtention de l"ordonnance confirmant la vente du navire, à titre de commission du prévôt ou, subsidiairement, à titre de montant prenant rang en concurrence avec le paiement de la commission du prévôt en vertu de la règle 346(2);             
             e)      Rejetant la réclamation de l"autorité portuaire de Port Grace *** [abandonnée le 10 novembre 1997 (document 64)];             
             f)      Subsidiairement aux alinéas b), c), d) et e) révisant la taxation de la commission du prévôt établie par l"officier taxateur en vertu de la règle 1007(8) et accordant les mesures demandées aux alinéas b), c), d) et e); et             
             g)      adjugeant les dépens.             
             2. Les motifs de la requête sont :             
             Ajournement (Règle 490)             
             1.      Les demandeurs demandent un délai additionnel pour préparer leur réponse à la demande de l"autorité portuaire de Grace. *** Les demandeurs n"ont pas reçu l"avis de la demande avant le mercredi 5 novembre 1997 en fin de journée.             
             Prorogation de délai (Règle 3(1)c))             
             2.      Les demandeurs ont considéré que la taxation de la commission du prévôt a eu lieu en vertu de la règle 1007(8) et que les demandeurs pouvaient présenter à la Cour une demande de révision de la taxation de la commission du prévôt, établie par l"officier taxateur, en tout temps avant la conclusion finale du dossier, jusqu"à l"établissement d"un ordre de priorités et le paiement de la somme consignée à la Cour et jusqu"à l"expiration de tout délai d"appel. La règle comporte une ambiguïté inhérente, qui ne devrait pas être interprétée contre les demandeurs.             
             3.      À sa face même, la règle 346 paraît viser la taxation des dépens partie-partie et avocat-client en vertu du Tarif.             
             4.      Les demandeurs vont subir un préjudice du fait que le paiement de la commission du shérif va faire en sorte que ces fonds ne seront pas disponibles pour satisfaire au jugement rendu en faveur des demandeurs.             
             5.      Les demandeurs ont dû encourir des frais considérables, s"élevant à plus de 120 000 $, pour amener le présent dossier à son état actuel, et le prévôt et l"autorité portuaire de Port Grace essaient de profiter des efforts des demandeurs afin de toucher des frais de commission déraisonnables ainsi que des redevances portuaires et des droits de quai injustifiés, contrairement à l"intention du Parlement.             
             Révision de taxation (Règle 346(2))             
             6.      L"officier taxateur, François Pilon, bien qu"impressionné par les arguments des demandeurs, a estimé ne pas avoir compétence pour refuser d"accorder la commission du prévôt, telle que réclamée. Les demandeurs soutiennent que l"officier taxateur avait compétence pour rendre une telle décision et que, étant donné ses commentaires, il aurait refusé d"accorder la commission demandée et aurait accordé une commission n"excédant pas 1 000 $.             
             7.      Subsidiairement, les demandeurs affirment que si l"officier taxateur n"avait pas compétence pour rejeter la commission du prévôt, la Cour, par contre, a certainement compétence pour le faire et, compte tenu de l"ensemble des arguments exposés lors de la taxation, la Cour devrait refuser d"accorder la commission du prévôt, ou devrait, à tout le moins, la réduire à un montant n"excédant pas 1 000 $.             
             8.      [Autorité portuaire de Port Grace encore]             
             9.      Les demandeurs soutiennent que l"officier taxateur ou, subsidiairement, la Cour, devrait prendre en considération les frais encourus par les demandeurs relativement à la saisie et à la conservation du navire, l"obtention d"un jugement sommaire, l"organisation de son évaluation et de sa vente, la direction de sa vente aux enchères et l"organisation de la confirmation de la vente, à titre de commission du prévôt ou, subsidiairement, à titre de frais prenant rang en concurrence avec la commission du prévôt.             
             Révision de la taxation de l"officier taxateur (Règle 1007(8))             
             10.      Les demandeurs exercent en vertu de ladite règle le même recours que celui prévu par la règle 346(2) concernant la commission du shérif, qui est déraisonnable en raison de l"ensemble des circonstances et que l"officier taxateur a laissé à la discrétion de la Cour en raison du fait qu"il ne croyait pas avoir compétence pour décider de la question, *** et accordant les frais reliés à la saisie et à la conservation du navire, l"obtention d"un jugement sommaire, l"organisation de l"évaluation et de la vente, la direction de la vente aux enchères publique et la confirmation de la vente du navire, et le paiement du produit de la vente à la Cour à titre de commission du prévôt ou, subsidiairement, à titre de frais prenant rang en concurrence avec la commission du prévôt. N"eûssent été les efforts des demandeurs, il n"y aurait aucuns fonds disponibles. Les efforts des demandeurs ont été substantiels et réparateurs. La politique officielle de la Cour devrait favoriser une compensation juste aux demandeurs et, en particulier, aux marins, pour ces frais, sinon la Cour niera à ces demandeurs l"accès aux tribunaux et à la justice.             
             11.      La preuve documentaire suivante sera produite :             
                  1.      L"affidavit du capitaine Anatolij Logunov, en date du 4 février 1997.             
                  2.      L"affidavit de John Pratt, en date du 11 avril 1997.             
                  3.      L"affidavit de Vitas Pujanauskas, en date du 11 avril 1996 [sic - 1997].             
                  4.      L"affidavit d"Anatolij Logunov, en date du 20 mars 1997.             
                  5.      L"affidavit de Guergi Skhirtladze, en date du 28 [sic 26] septembre 1997.             

[3]      Le principal grief formulé par les demandeurs est que le High Sheriff de Terre-Neuve, ci-après appelé le prévôt (en vertu de l"article 13 et du paragraphe 55(4) de la Loi sur la Cour fédérale ), n"a tout simplement pas accompli les tâches liées à la fonction de prévôt, et qu"il n"a pas droit au montant total de la commission du prévôt, telle que taxée. De plus, ils disent avoir eux-mêmes exécuté les fonctions du prévôt par défaut parce que le prévôt connaissait mal les fonctions prescrites, qu"il était incapable de les accomplir ou qu"il ne voulait pas le faire, et qu"en tant que demandeurs, ils devraient bénéficier d"une plus grande part du produit de la vente du navire au moyen d"une réduction du compte du prévôt.

[4]      Le prévôt demande le rejet de la demande car elle a été intentée hors délai, tandis que les demandeurs demandent à la Cour de proroger le délai pour présenter cette demande de révision de la taxation du compte du prévôt établie par l"officier taxateur. Si la prorogation du délai doit avoir une justification, on la trouvera dans les faits de l"espèce, qui seront examinés ci-après.

[5]      La saveur exotique de cette affaire, qui fait appel à l"esprit de justice de quiconque s"y arrête, peut être perçue dès les quelques premiers extraits de la transcription des notes sténographiques. M. Joy a comparu pour les demandeurs et M. McDonald pour le prévôt.

             [TRADUCTION]             
             M. JOY : À titre de mise en situation ***, en ce qui concerne tout le contexte général de la demande, le dossier des demandeurs, monsieur le juge, a quatre pieds d"épaisseur. Cela a été un grand honneur et un privilège de présenter, de représenter ce client. Il s"agit d"abord et avant tout d"une cause de réclamation de salaires de marins, mais il s"agit aussi d"autres choses. C"est un cas de voies de fait, de menaces, de fusils, de brutes et de mépris de la part des propriétaires du navire défendeurs, UAB Azalija. Monsieur le juge, c"est un cas d"abus de pouvoir sous le couvert de l"immunité diplomatique de la part de Gueorgei Skhirtladze [? ] de l"ambassade lithuanienne. C"est un cas de manque à gagner, le navire ne suffisant pas à procurer les fonds nécessaires au paiement de la réclamation de l"équipage et du jugement rendu en sa faveur. C"est un cas où, en raison de la nécessité de prendre possession du navire et d"organiser sa vente, des frais ont été encourus, où des fournisseurs de services et de biens ont - - cela a constitué un coût fixe dans cette affaire et nous avons déjà payé 35 000 $ de frais à divers fournisseurs pour organiser la -             
             LA COUR :             
             Q.      Si vous voulez, M. Joy, dites-moi donc, est-ce que vos adversaires admettent cela? C"est toute une série de faits que vous racontez là.             
             M. JOY :             
             Q.      Monsieur le juge, les faits sont exposés dans les affidavits -             
             LA COUR :             
             Q.      Oui.             
             M. JOY :             
             Q.      - qui ont été produits dans le présent dossier, et pour le bénéfice de la Cour, je les ai rassemblés et mis dans un recueil, et tous ces faits, monsieur le juge, y sont énoncés. Je ne crois pas que mes savants amis contestent essentiellement -             
             M. MCDONALD :             
             Q.      Monsieur le juge, le prévôt ne conteste pas les difficultés que les demandeurs ont rencontrées dans cette affaire, mais je vais en parler plus loin dans ma plaidoirie.             
             LA COUR :             
             Q.      C"est une chose d"admettre; c"en est une autre de contester.             
             M. MCDONALD :             
             Q.      Exactement, monsieur le juge.             
             LA COUR :             
             Q.      Et, est-ce que vous contestez?             
             M. MCDONALD :             
             Q.      Bien, monsieur le juge, il y a la question de -             
             LA COUR :             
             Q.      En quoi M. Joy devrait-il tenter de me convaincre de la crédibilité? Il n"y a pas eu de contre-interrogatoire sur les affidavits, n"est-ce pas?             
             M. MCDONALD :             
             Q.      Non, monsieur le juge, il n"y en a pas eu.             
             M. JOY :             
             Q.      Non, monsieur le juge.             
             M. MCDONALD :             
             Q.      Monsieur le juge, la question qui se pose ici pour le bureau du prévôt est que, oui, nous admettons que l"équipage du " Sheduva " et les demandeurs dans ce dossier ont fait face à toutes sortes de difficultés et au désespoir dans cette affaire, mais il y a la question de savoir quel effet cela devrait avoir sur les fonctions exercées en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, que le prévôt exerce en vertu de l"article 13. Quel effet le préjudice subi par les demandeurs devrait-il - - devrait être pris en considération de quelque façon pour réduire la commission du prévôt quand le prévôt a l"obligation, en vertu de l"article 13 de la Loi sur la Cour fédérale, d"exercer une fonction?             
                  Cette fonction a été exercée au meilleur de la connaissance et des capacités du bureau du prévôt, et le bureau du prévôt a exécuté toutes ses obligations pour vendre ce navire, bien que le prévôt admette que M. Joy ait été plus loin que le bureau du shérif et ait effectué des travaux additionnels. Mais, à bon droit, nous avons rempli notre obligation, en vertu de l"ordonnance de la Cour, de vendre le navire, et, en conséquence, les difficultés rencontrées par l"équipage devraient avoir peu d"incidences, bien que le bureau du prévôt admette qu"il a effectivement subi des épreuves.             
                  (Notes sténographiques, p. 8 à 11)             

[6]      L"affidavit d"Anatolij Logunov, le capitaine du N.M. Sheduva, souscrit le 4 février 1997, raconte la triste histoire des propriétaires qui ont dépouillé l"équipage de son salaire, fait obstacle aux efforts de l"équipage d"obtenir réparation et qui, à l"aide d"hommes de main, ont fait preuve de brutalité sauvage envers les membres de l"équipage. Ledit affidavit du capitaine Logunov parle de pauvreté extrême et de la générosité [TRADUCTION] " des gens de Port Grace et des gens de Terre-Neuve et du Labrador en général, qui ont fourni [à l"équipage] la nourriture et les fournitures nécessaires pour continuer à vivre à bord du navire ". Il parle d"enquêtes de la G.R.C., sur des menaces contre les membres de l"équipage et leurs familles en Lithuanie, qui ont donné lieu à des accusations de nature criminelle, parmi lesquelles, selon l"avocat, certaines ont abouti à des verdicts de culpabilité. Le capitaine Logunov a déclaré que [TRADUCTION] " ces actes criminels d"agression par l"administrateur du propriétaire et les personnes mentionnées dans [ledit affidavit] ont fait en sorte que les membres de l"équipage ont craint pour leur sécurité et celle de leurs familles ", desquelles ils ont été séparés pendant une période de plusieurs mois.

[7]      L"affidavit de Vitas Pujanauskas, désigné par le propriétaire à titre de capitaine substitut du Sheduva, souscrit le 11 avril 1997 (date erronément désignée comme étant 1996), constitue une révélation. Du 8 novembre 1996 au 23 janvier 1997, date à laquelle il a présenté une demande de statut de réfugié, il n"a pas reçu son salaire non plus. Il a déclaré que :

[TRADUCTION]

             5. J"ai été avisé par le capitaine Logunov et par d"autres membres de l"équipage, et je tiens ces renseignements pour véridiques, que Saulius Staskus, un des administrateurs et actionnaires du propriétaire du navire, UAB Azalija, fait l"objet d"accusations, portées par la G.R.C. dans un dossier criminel, pour avoir proféré des menaces contre l"équipage le 22 novembre 1996, soit seulement quelques jours après que l"équipage a fait saisir le navire dans la présente action, le 16 novembre 1996.             
             6. Le 11 mars 1997, Alexander Konstantinov, au nom de Saulius Staskus, un des administrateurs et actionnaires du propriétaire du navire, m"a demandé de rendre un faux témoignage au procès de Saulius Staskus relativement à l"accusation d"avoir proféré des menaces. Il voulait que je rende un faux témoignage afin de contredire la preuve de la Couronne et, en particulier, les témoignages du capitaine et du second officier dans la cause criminelle contre Saulius Staskus pour avoir proféré des menaces contre l"équipage le 22 novembre 1996. Il voulait que je témoigne que Saulius Staskus n"avait menacé personne même s"il savait que je n"étais pas présent au moment où les menaces auraient été proférées.             
             7. En contrepartie, il a dit que Saulius Staskus a promis de ne faire aucun cas du fait que la compagnie soit obligée de payer 7 000 $ en argent canadien aux autorités canadiennes en raison du fait que j"aie présenté une demande de statut de réfugié. Il m"a aussi promis de me payer le salaire qui m"était dû. Il a aussi dit que Saulius Staskus ne ferait de mal ni à moi, ni à ma famille et qu"il n"exercerait pas de représailles contre moi ou ma famille.             
             8. Le ou vers le 24 ou 25 mars 1997, Saulius Staskus s"est présenté au bureau de l"Association des nouveaux Canadiens, à l"intersection de Barnes Road et de Military Road pour me parler. Il a clairement confirmé qu"il était au courant de ma conversation avec Alexander Konstantinov et qu"il avait autorisé Alexander Konstantinov à me faire l"offre. À un certain moment, dans la conversation, je lui ai demandé s"il m"avait fait offrir l"argent pour témoigner et sa réaction à ma question a confirmé qu"il avait effectivement fait l"offre.             
             9. En décembre 1996, j"étais présent lorsque des représentants du propriétaire, dont Renaldas Zakas, ont menacé des membres de l"équipage, dont Jurij Jemeljamov, et je sais que des membres de l"équipage ont porté plainte auprès de la G.R.C. et ont fait des déclarations en bonne et due forme.             

[8]      Bien entendu, aucun des crimes des administrateurs ni l"obstruction de l"ambassade ne peuvent être attribués au prévôt. Ces épreuves subies par l"équipage sont mentionnées en ce qui a trait à l"esprit de justice de la Cour, de façon à permettre aux demandeurs d"obtenir réparation, bien que celle-ci soit mineure.

[9]      L"affidavit de Gueorgi Skhirtladze, l"avocat, interprète et traducteur désigné des demandeurs, souscrit le 26 septembre 1997, énonce en détails les efforts faits par les demandeurs en vue de réaliser la vente finale du navire. Cela est trop volumineux pour être cité en entier ici, ceux-ci étant exposés du paragraphe 6 au paragraphe 24 de l"affidavit de M. Skhirtladze et connaissant leur aboutissement aux paragraphes suivants :

[TRADUCTION]

             25. Les demandeurs s"opposent à la réclamation du bureau du shérif d"une commission de 7 089,50 $. Tout en admettant que le bureau du shérif a effectué certains travaux relatifs à l"organisation de la vente judiciaire et de la possession du navire, les demandeurs ont exécuté la majeure partie des travaux reliés à ces tâches.             
             26. Les demandeurs ont encouru des déboursés et honoraires professionnels au montant de 120 012,63 $, qui se détaillent comme suit :             
             Facture #      Montant      Intérêts          Total             
             Facture # 33664                      1 585,80 $ (payé)             
             Facture # 34683      32 036,85 $      2 559,44 $      34 596,29 $ (impayé)             
             Facture # 34870      11 985,52 $      857,04 $      12 842,56 $ (impayé)             
             Facture # 35281      10 683,22 $      605,87 $      11 289,09 $ (impayé)             
             Facture # 35488      17 960,21 $      744,00 $      18 704,21 $ (impayé)             
             Facture # 35769      17 513,91 $      466,39 $      17 980,30 $ (impayé)             
             Temps et et déboursés non facturés             
             du 1er juillet au 23 septembre 1997              1 518,00 $ (impayé)             
             Déboursés pour             
             traduction 13 500,00 $ US (@ 1,40 $)          18 900,00 $ (impayé)             
             Déboursés du traducteur                  2 596,38 $ (impayé)             
                                                  
             MONTANT TOTAL DES DÉBOURSÉS & HONORAIRES             
             PROFESSIONNELS ENCOURUS PAR LES DEMANDEURS : 120 012,63 $             
             27. Les demandeurs ont encouru des frais et contracté des dettes à titre de déboursés et honoraires professionnels au montant de 120 012,63 $ et plus, comme indiqué au paragraphe précédent, afin de soumettre la réclamation des demandeurs à la Cour, tenter de négocier un règlement, obtenir jugement ainsi qu"une ordonnance d"évaluation et de vente, procéder à la vente en justice du navire, faire en sorte que le shérif prenne possession du navire, conserver et assurer le navire, fournir un équipage portuaire pour le navire et fournir un ensemble de services juridiques, encourir un ensemble de déboursés, le tout ayant mené à la vente du navire et au dépôt de 100 000 $ US, convertis en 136 790 $ CAN, en lieu et place du navire, pour servir au paiement de la commission du shérif, agissant à titre de représentant du prévôt, et au paiement du jugement rendu en faveur des demandeurs.             

DÉLAI DE PRÉSENTATION DE LA REQUÊTE DES DEMANDEURS

[10]      Quatorze jours est le délai normal à l"intérieur duquel les requêtes interlocutoires peuvent être présentées en vertu des règles actuelles de la Cour. En effet, la règle 346(2) prévoit un délai de quatorze jours pour présenter une demande de révision de la taxation des frais en vertu de la règle 346. La règle 346 régit les frais taxés en vertu de la partie II du Tarif B " HONORAIRES DES AVOCATS ET DÉBOURS QUI PEUVENT ÊTRE ACCORDÉS LORS DE LA TAXATION DES FRAIS ".

[11]      Certaines demandes ou requêtes et certains appels ne font pas l"objet d"un délai prescrit, comme, par exemple, la règle 349(4) qui, curieusement, prescrit elle-même un délai avant l"événement, la règle 355(4), à laquelle pourraient s"appliquer des délais prescrits dans le Code criminel , sauf en ce qui concerne les déclarations de culpabilité par voie de procédure sommaire ou les infractions punissables par voie de mise en accusation [?], la règle 401.1 qui pourrait faire l"objet d"un délai " naturel " ou " fonctionnel ", aucun n"étant prescrit, la règle 454, peut-être de même nature que la règle 401.1, et de nature semblable, peut-être également que les règles 327 and 327.1. La règle 1007(8), qui régit spécifiquement la taxation du compte du prévôt, ne prescrit pas non plus de délai à l"intérieur duquel une requête en révision de la taxation de l"officier taxateur doit être produite.

[12]      Les demandeurs ont droit à ce que justice soit rendue en vertu de la loi. Ils ont été traités sauvagement par les propriétaires et ils ont été dans l"obligation de faire ce que le prévôt aurait dû faire. Les demandeurs se sont eux-mêmes chargés d"appliquer une partie du droit substantif et de lui donner force exécutoire en contrecarrant les plans infâmes des propriétaires. En vertu de la règle 2(2), les règles visent à faire apparaître le droit, et non pas à brimer des demandeurs comme ceux en l"espèce. La Cour ne permettrait pas qu"une lacune mineure des règles fasse échec à ce que la Cour estime juste, conformément à la règle 3(1)c), en l"empêchant d"accorder aux demandeurs un délai pour rendre leur requête conforme. La requête des demandeurs est par les présentes régularisée et peut procéder sans entrave. Le délai prescrit, établi dans les présentes circonstances, est prorogé pour les fins sus-mentionnées.

LE COMPTE DU PRÉVÔT

[13]      L"article 13 de la Loi sur la Cour fédérale rend par défaut, ou plutôt d"office, les shérifs provinciaux prévôts de cette Cour. De cette manière, le Parlement respecte la compétence provinciale en matière d"administration de la justice dans la province conformément à l"article 92, rubrique 14, de la Loi constitutionnelle de 1867 , à moins qu"une province ne refuse de collaborer, le gouverneur-en-conseil pouvant dans ce cas nommer un shérif, ou prévôt. De par leurs exigences, les fonctions du shérif, prévôt d"office en vertu de la législation fédérale ne sont alors pas différentes de celles imposées par la législation provinciale. Les exigences de la Cour fédérale constituent donc une partie normale des fonctions d"un shérif provincial, à moins que la province ne renonce à sa compétence constitutionnelle, amenant par là la nomination d"un shérif fédéral, prévôt d"office. Dans le présent cas, il n"y a aucune indication selon laquelle le High Sheriff de Terre-Neuve n"est pas un prévôt dûment nommé, agissant en tant que tel avec l"approbation tacite de la législature de Terre-Neuve.

[14]      Dès lors, il est bien connu, depuis des siècles semble-t-il, que les shérifs et les prévôts accomplissent leurs fonctions, parfois difficiles et dangereuses, avec différents degrés de compétence et d"énergie (et d"honnêteté, ce qui n"est pas en cause en l"espèce). Certains sont diligents, d"autres moins. Ce fait constitue probablement la principale raison de l"existence du pouvoir discrétionnaire de l"officier taxateur et de la possibilité de révision de la taxation, tous prévus à la règle 1007(8), qui se trouve au chapitre G des règles : RÈGLES SPÉCIALES DE PROCÉDURE EN AMIRAUTÉ. C"est cette règle qui ne prescrit aucun délai pour produire une requête en révision de la taxation de l"officier taxateur. Cette règle prévoit :

             1007.(8) Un officier taxateur doit taxer le compte du prévôt, et il doit faire rapport du montant qu"il estime devoir être approuvé; et toute partie ayant des droits sur le produit peut être entendue sur la procédure de la taxation. On peut, par voie de requête, demander à la Cour la révision de la taxation de l"officier taxateur.             
[15]      La preuve soumise à la Cour démontre que le prévôt n"a pas été aussi diligent dans l"exécution de ses fonctions qu"il aurait pu et dû l"être, mais que, plutôt que de subir la perte de leur réclamation prioritaire pour salaires, les demandeurs ont dû s"approprier le rôle principal en menant à terme l"évaluation et la vente du Sheduva. Le prévôt a joué le rôle le plus minimal qu"il pouvait jouer dans cette affaire. Peut-être les menaces et la violence du propriétaire ont-elles refroidi les ardeurs au travail du prévôt, une possibilité que la Cour mentionne simplement, sans tirer de conclusion à cet effet. La Cour tient compte de la proportionalité des efforts, de même que de l"équité. Les demandeurs ont fait un effort extraordinaire pour assister.
[16]      La Cour considère que, pour ses efforts en l"espèce, révélés par la preuve, sur laquelle il n"y a eu aucun contre-interrogatoire, le prévôt est suffisamment payé pour ses services dans le présent cas si son compte au montant de 7 089,50 $ est réduit à 2 089,50 $ et payé en conséquence - ce que la Cour ordonne, comme l"officier taxateur aurait pu le faire suivant le sens ordinaire de la règle 1007(8). Cela a pour effet de laisser davantage d"argent pour la réclamation des demandeurs. L"arrêt International Marine Banking Co. Ltd. c. La " Dora " [1977] 2 C.F. 506, est instructif.
[17]      Les demandeurs ont droit aux dépens partie-partie de la présente requête en révision de la taxation de l"officier taxateur, datée du 17 octobre 1997. La Cour accorde ces dépens, ceux-ci devant être payés par le prévôt. Ces dépens peuvent être fixés selon entente ou taxés. Aucuns autres dépens ne sont adjugés, bien que l"assistance de l"avocat de Royal Fishing Seafood ait été prise en considération. Puisqu"elle repose sur ses propres faits particuliers, cette affaire constituera, espérons-le, une rare exception parmi celles qui se seront présentées à l"avenir à l"officier taxateur. La Cour exprime sa reconnaissance pour l"abondante jurisprudence citée par les avocats.
OTTAWA (ONTARIO)
Le 24 avril 1998      F.C. MULDOON
                                     Juge
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-2514-96     

INTITULÉ DE LA CAUSE :          ANATOLI LOGUNOV et al c. LES                      PROPRIÉTAIRES UAB AZALIJA ET                      TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT

                 UN DROIT SUR LE NAVIRE

                 " SHEDUVA "

LIEU DE L"AUDIENCE :          St. John"s (Terre-Neuve)

DATE DE L"AUDIENCE :          Le 15 janvier 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :                  24 avril 1998

COMPARUTIONS

John Joy                          pour les demandeurs

John MacDonald                          High Sheriff de Terre-Neuve

David Bussey                          Royal Fishing Seafood Ltd.

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

White Ottenheimer & Baker                  pour les demandeurs

St. John"s (Terre-Neuve)

Procureur général de Terre-Neuve              High Sheriff de Terre-Neuve

St. John"s (Terre-Neuve)

Williams Roebothan                      Royal Fishing Seafood Ltd.

St. John"s (Terre-Neuve)

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