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Date : 20040130

Dossier : T-718-03

Référence : 2004 CF 217

ENTRE :

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                       MICHELINE BORMAIS et SUSAN KROEKER

défenderesses

                                                                                   et

                       JAMES ADAMS, VERONICA AMBROZIAK, ELEVER BAKER,

                          DENISE CLÉMENT, SUSAN CORDUKES, ANDREW CRAN,

                          CLAIRE L'HEUREUX, DIANE LALONDE, JANE MURPHY,

                     GINETTE PILON, FLORDERIZA REYES, MARYANNE ST-ONGE,

                      LALITHA SASTRI, JEAN SERRE, ELAINE SMITH, MORGAN S,

                          KIMBERLY BG, MEIER L, EARL C, CLARKE JG, PAUL P,

                     BERNARD K, FERGUSON F, ROSE A, LACROIX KLM, KAAT M,

                  MILLOY P, SIMARD JOBIN C, MCPHERSON GP, DAMPHOUSE M,

                     KENT RUSSEL K, PARISE DL, GUILLEMETTE L, RAYMOND D,

                             CLOUTIER J, LEVERE S, SIMONEAU R, MAXWELL TL,

                               KHATRI N, DUCKWORTH ANSON JM, GREGOIRE S,

                                 ROBITAILLE D, DESORMEAUX JM, SALISBURY D,

                      MWANZALA AL, ROLLING F, CAILLER A, VERTEFEUILLES J,

                      STEVENS PL, MIRON R, PERRIN GP, LABELLE T, ZIEGLER S,

                             GAUTHIER S, WOOD J, O'CONNELL KL, ST-AMOUR L,

                         MCGEE T, CARRIERE J, BONTEMPS A, PLOUFFE DUBE J,

                      RICHARD J, LYNCH EA, HENDRICK J, MAICZAN SJ, FORD P,

                             DESJARDINS L, CHONA M, D ANGELO SD, CARON SC,

                          RIZCALLAH GP, MICHAEL AMY, CHANTALE BRISSON,

                      PIERRE DESCHAMBAULT, BRIAN JORDAN, JOSEPH KIWAN,

                                  CINDY LEE, LOUISE MALOUIN, IAN MARSHALL,

                        ROLEX MESIDOR, BETTY PINAUD, HARVINDLA RANGAR

défendeurs


                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]                 Les présents motifs font suite à l'instruction, le 22 janvier 2004, d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 3 avril 2003 par laquelle Mme Nathalie Leblanc, présidente du Comité d'appel de la Commission de la fonction publique (le comité d'appel) a fait droit aux appels interjetés par les défenderesses Micheline Bormais et Susan Kroeker (les défenderesses principales) contre les nominations proposées des autres défendeurs aux postes de chef d'équipe, Traitement des demandes et de chef d'équipe, Opérations centrales, au Ministère du Développement des ressources humaines (le Ministère) à Ottawa. Voici le passage crucial de la décision à l'examen :

[TRADUCTION] J'ai décelé dans la procédure qu'a suivie le jury de sélection pour évaluer les compétences des candidats une irrégularité qui m'amène à croire que le principe du mérite consacré par le paragraphe 10(1) de la Loi n'a pas été respecté en l'espèce. J'accepte donc l'allégation commune formulée par les appelants. Il ressort de la preuve que les membres du jury de sélection étaient bien au courant des conditions à remplir pour être jugé admissible dans le cadre de ce processus de sélection. En conséquence, en agissant à titre de répondants dans le cadre du processus de sélection sans exiger un autre répondant, ces deux membres du jury de sélection se sont placés dans une situation de conflit d'intérêts, celle-là même qu'ils avaient tâché d'éviter en insistant pour que les candidats qui étaient des superviseurs n'agissent pas à titre de répondants pour d'autres candidats. Même s'ils ont vérifié les références avec la plus grande rigueur, on ne peut faire abstraction du fait que ces candidats ont probablement bénéficié d'un avantage indu par rapport aux autres candidats qui ont dû recourir à un répondant qui n'avait pas accès à tous les éléments d'information. L'allégation commune de tous les appelants est bien fondée et l'appel est accueilli sur ce fondement.

[2]                 Le paragraphe 10(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique[1] consacre le principe du mérite qui constitue la clef de voûte du régime de l'emploi au sein de la fonction publique. En voici le texte :


10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.


[3]                 Une demande de contrôle judiciaire parallèle introduite par le même demandeur, dans laquelle Louise Malouin est la défenderesse principale et qui porte sur une décision pratiquement identique, à cette exception près qu'elle est en langue française, a été introduite simultanément avec la présente demande de contrôle judiciaire. Aux termes de l'ordonnance qu'il a prononcée le 7 août 2003, l protonotaire Tabib a ordonné la jonction des deux instances [TRADUCTION] « [...] de manière à ce qu'elles soient instruites ensemble » . Aucun des défendeurs n'a déposé l'avis de comparution prévu à l'article 305 des Règles de la Cour fédérale (1998) et, à l'ouverture de l'audience, l'avocate de Mmes Bormais et Kroeker a informé la Cour qu'elle n'était pas mandatée pour représenter Mme Malouin. En conséquence, l'instruction de la présente demande s'est déroulée sans qu'il soit fait mention de la demande de contrôle judiciaire dans laquelle Mme Malouin est désignée comme défenderesse principale. L'autre instance en question est le dossier T-716-03.


GENÈSE DE L'INSTANCE

[4]                 Les parties s'entendent pour l'essentiel sur les faits suivants. Avant 2002, la Direction des opérations centrales du Programme de la sécurité du revenu du Ministère du Développement des ressources humaines (le Ministère) comptait un pourcentage élevé d'employés en affectation et d'employés nommés pour une période déterminée aux niveaux CR-03 et CR-04. Dans le but de stabiliser ses effectifs, le Ministère a décidé d'organiser un concours interne unique pour les deux catégories, c'est-à-dire pour les employés des niveaux CR-03 et CR-04. La procédure d'évaluation que le jury de sélection devait suivre consistait en une sélection préliminaire, une entrevue, un exercice écrit et une vérification des références. C'est le volet de la vérification des références qui est en litige dans le cas qui nous occupe.

[5]                 Sur les 147 personnes qui ont posé leur candidature, 102 répondaient aux critères exigés pour ce qui était des études et de l'expérience et ces 102 candidats ont été retenus en vue d'une évaluation plus approfondie. Le jury de sélection a procédé à l'évaluation des 102 candidats.

[6]                 Le Ministère a annoncé les résultats du processus de sélection à la fin de mai 2002. Les résultats étaient défavorables aux défenderesses principales dans le présent dossier ainsi qu'à Louise Malouin, la défenderesse principale dans le dossier T-716-03.

[7]                 En juin 2002, les candidates Micheline Bormais, Susan Kroeker et Louise Malouin ont chacune déposé un document d'appel dans lequel elles contestaient les résultats du processus de sélection. Chacune des trois candidates nommément désignées a invoqué plusieurs moyens pour contester les résultats du processus de sélection, mais le comité d'appel a rejeté la plupart d'entre eux. Le seul moyen d'appel que les trois candidates invoquent et qui a jusqu'ici été retenu se rapporte à la question de savoir si les membres du jury de sélection pouvaient, vu l'ensemble des faits de la présente affaire, servir de répondants pour des candidats, alors que les références qu'ils pouvaient donner constituaient un élément central du processus de sélection et qu'elles s'inspiraient d'une façon très structurée du Guide de vérification des références[2] élaboré par des membres du jury de sélection ainsi que d'un barème de correction officiel connexe qui avait lui aussi été élaboré par des membres du jury de sélection.

[8]                 On a interdit aux superviseurs des candidats au concours, qui avaient eux-mêmes postulé mais qui n'avaient pas en mains le Guide de vérification des références et ne connaissaient pas le barème de correction utilisé pour la vérification des références, d'agir comme répondants pour d'autres candidats. Les membres du jury de sélection n'ont pas été frappés de cette interdiction, malgré leur participation à l'élaboration au guide de vérification des références et le fait qu'ils connaissaient le barème de correction.

[9]                 Deux membres du jury de sélection ont servi de répondants pour cinq des participants au concours sans toutefois participer à l'évaluation des références qu'ils avaient fournies. Il n'y a, dans le dossier de la Cour et dans celui du comité d'appel, aucun élément de preuve qui permette de penser que les membres du jury de sélection qui ont servi de répondants n'ont pas agi de façon juste ou honnête. Quoi qu'il en soit, la participation de ces membres du jury de sélection qui ont servi de répondants à certains candidats est la question au coeur de la décision à l'examen.

QUESTIONS EN LITIGE

[10]                Les seules questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire sont, premièrement, celle de la norme de contrôle applicable, et, en second lieu, celle de savoir si, d'après ce critère, le comité d'appel a agi d'une manière qui justifierait l'intervention de la Cour.

ANALYSE

a)         Norme de contrôle

[11]            Les avocats conviennent que la question de savoir si, par ses agissements, le jury de sélection a contrevenu au principe du mérite constitue une question de droit et qu'en conséquence, la norme de contrôle de la décision prise par le comité d'appel à cet égard devrait être celle de la décision correcte. Dans l'arrêt Boucher c. Canada (Procureur général)[3], le juge Strayer a écrit ce qui suit au nom de la Cour, au paragraphe [7] :


Quant à la première question en litige, celle du traitement du facteur des connaissances par le comité de sélection, nous sommes d'avis qu'elle constitue une question de droit en ce qui a trait aux exigences du principe du mérite et nous considérons par conséquent que la décision du CACFP de confirmer ce procédé constituait également une question de droit. Nous ne sommes pas convaincus que nous devrions considérer que le CACFP est un tribunal qui possède une telle expertise en matière d'interprétation de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique que nous devrions faire preuve d'un haut degré de retenue à son égard quant à cette question. Le comité de sélection est un comité ad hoc. Nous concluons à cet égard que la norme de révision que la Section de première instance aurait dû appliquer est celle de la décision correcte.

[12]            Je suis convaincu qu'on pourrait dire la même chose en ce qui concerne la question soumise à la Cour en l'espèce.

[13]            L'avocate des défenderesses principales affirme que les considérations que je viens d'évoquer ne mettent pas un terme au débat entourant la question de la norme de contrôle. Elle soutient que les conclusions de fait tirées par le comité d'appel qui sont à la base de sa décision sur la question de savoir si le principe du mérite a été respecté ont droit à un degré de retenue élevé. À l'appui de cette proposition, elle cite l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale[4]. Voici les dispositions pertinentes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale :


18.1(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

...

18.1(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

...


d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose; [...]


(d) based its décision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it; ...

[14]            Bien que je sois convaincu que l'avocate des défenderesses a raison sur ce point, je suis également persuadé que les conclusions de fait tirées par le comité d'appel ne soulèvent aucune question en l'espèce. La question de la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait ne se pose donc pas en l'espèce.

[15]            En outre, je suis convaincu qu'aucune des conclusions qui précèdent sur la norme de contrôle appropriée ne serait modifiée par l'application de l'analyse pragmatique et fonctionnelle, que je n'ai pas l'intention d'aborder ici, s'agissant de déterminer la norme de contrôle applicable conformément aux directives récentes de la Cour suprême du Canada en la matière[5].

b)          Erreur justifiant l'intervention de la Cour dans les conclusions tirées par le comité d'appel au sujet de l'inobservation du principe du mérite

[16]            Par souci de commodité, je cite à nouveau un bref passage des motifs de la décision du comité d'appel qui illustre bien l'analyse et les conclusions du comité en ce qui concerne l'inobservation du principe du mérite :


[TRADUCTION] J'ai décelé dans la procédure qu'a suivie le jury de sélection pour évaluer les compétences des candidats une irrégularité qui m'amène à croire que le principe du mérite consacré par le paragraphe 10(1) de la Loi n'a pas été respecté en l'espèce. J'accepte donc l'allégation commune formulée par les appelants. Il ressort de la preuve que les membres du jury de sélection étaient bien au courant des conditions à remplir pour être jugé admissible dans le cadre de ce processus de sélection. En conséquence, en agissant à titre de répondants dans le cadre du processus de sélection sans exiger un autre répondant, ces deux membres du jury de sélection se sont placés dans une situation de conflit d'intérêts, celle-là même qu'ils avaient tâché d'éviter en insistant pour que les candidats qui étaient des superviseurs n'agissent pas à titre de répondants pour d'autres candidats. Même s'ils ont vérifié les références avec la plus grande rigueur, on ne peut faire abstraction du fait que ces candidats ont probablement bénéficié d'un avantage indu par rapport aux autres candidats qui ont dû recourir à un répondant qui n'avait pas accès à tous les éléments d'information. L'allégation commune de tous les appelants est bien fondée et l'appel est accueilli sur ce fondement. [Non souligné dans l'original.]

[17]            Le passage souligné dans la citation qui précède constitue à mon sens un emploi malheureux de mots qui permet de conclure à l'existence d'une erreur de droit. Je suis convaincu qu'on peut à juste titre affirmer que les membres du jury de sélection cherchaient à éviter un conflit d'intérêt ou du moins une apparence de conflit d'intérêts lorsqu'ils ont empêché les superviseurs des candidats au concours de servir de répondants alors que les superviseurs en question avaient eux-mêmes posé leur candidature. Mais on ne saurait guère qualifier de « conflit d'intérêts » la situation dans laquelle ces membres du jury de sélection se sont placés en servant eux-mêmes de répondants après avoir participé à l'élaboration du guide de vérification des références susmentionné et à la mise au point du barème de correction des références données conformément au guide. D'ailleurs, aucun des avocats qui a plaidé devant la Cour n'a essayé de qualifier ainsi cette situation.


[18]            L'avocat du demandeur affirme que, si le fait que des membres du jury de sélection ont servi de répondants a pu soulever un problème, c'est bien davantage sur le plan de la crainte raisonnable de partialité que leurs agissements ont pu susciter. Mais l'avocat poursuit en soulignant que le comité d'appel ne disposait d'aucun élément de preuve permettant de conclure que les membres du jury de sélection ont effectivement fait preuve de partialité et il ajoute que, suivant le critère posé dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'Énergie[6], toute personne bien renseignée qui étudierait la question d'une manière réaliste et pratique et qui aurait bien réfléchi à la situation ne serait pas encline à penser que le jury de sélection ne pouvait rendre, consciemment ou non, une décision non équitable en raison du rôle de répondants joué par deux de ses membres.

[19]            L'avocate des défenderesses a, à l'instar de l'avocat du demandeur, choisi de ne pas qualifier de conflit d'intérêts le problème - si tant est qu'il y en ait un - créé par les membres du jury de sélection. Elle estime qu'il s'agit plutôt d'un acte ou d'une série d'actes qui, selon ce qu'on pourrait raisonnablement considérer, ont conféré un avantage ou un désavantage indu. Elle m'a cité le jugement Sudbury c. Canada (Procureur général)[7], dans lequel la juge Sharlow, alors juge à la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, écrit aux paragraphes [20] et [21] :

Il convient de réitérer le fait que l'attribution des notes était subjective, et que M. Ramsoondar [un des membres du jury de sélection] était en mesure d'influencer le processus d'attribution des notes et du rang des candidats d'une manière qu'il n'est pas possible d'apprécier. Acceptant cette prémisse, la commission d'appel a déterminé qu'il était impossible d'affirmer que la note attribuée à Mme Parasram reflétait adéquatement ses compétences. C'est la raison pour laquelle sa sélection ne peut être maintenue.

Cependant, la commission d'appel a omis de reconnaître que, vu la participation illégitime de M. Ramsoondar au processus de sélection, il est tout aussi impossible d'arriver à la conclusion que les autres candidats ont été évalués de manière équitable. La présence de M. Ramsoondar au sein du jury de sélection aurait pu donner lieu à une évaluation inéquitable à l'égard de certains autres candidats ou de tous les autres candidats.


Vu les faits de la présente affaire, on ne peut certes prétendre que les agissements des deux membres du jury de sélection qui ont servi de répondants à certains candidats constituaient une « participation illégitime » . L'avocate affirme toutefois qu'on ne peut prétendre pour autant que le raisonnement suivi par la Cour dans le passage précité ne s'applique pas aux faits de la présente espèce.

[20]            Je suis convaincu que les paragraphes précités tirés du jugement Sudbury s'appliquent au cas qui nous occupe. J'estime que, même s'ils n'ont pas eux-mêmes participé à l'évaluation des références qu'ils avaient données, le fait pour certains membres du jury de sélection de servir de répondants après avoir participé à l'élaboration du guide de vérification des références des candidats était suffisant en soi pour susciter une crainte raisonnable que les candidats pour lesquels ils avaient servi de répondants avaient ainsi fait l'objet d'un avantage ou d'un désavantage indu.


[21]            Mais la question n'est pas vidée pour autant. Ainsi qu'il a déjà été signalé, le comité d'appel n'a pas estimé qu'il y avait raisonnablement lieu de craindre en l'espèce que les candidats en question avaient fait l'objet d'un avantage ou d'un désavantage indu. Il s'est plutôt dit préoccupé par le fait que deux des membres du jury de sélection s'étaient placés dans une situation de conflit d'intérêts et il a ensuite caractérisé cette situation d'une façon que j'estime tout à fait erronée. La question qui se pose donc est celle de savoir s'il est loisible à la Cour de conclure que ce que le comité d'appel voulait dire par la conclusion qu'il a tirée au sujet de l'inobservation du principe du mérite était exact alors que ce qu'il a effectivement dit était, de l'avis du soussigné, erroné. Je suis convaincu qu'il n'est pas loisible à la Cour de récrire la décision du comité d'appel à la place de celui-ci et qu'en conséquence, en s'exprimant comme il l'a fait, le comité d'appel a commis une erreur qui justifie l'intervention de la Cour.

[22]            Ainsi qu'il a déjà été signalé dans les présents motifs, le comité d'appel a rendu deux décisions, une en anglais et une en français, la première pour les défenderesses principales dans la présente affaire, et la seconde au sujet de Mme Malouin, la défenderesse principale dans le dossier T-716-03. J'ai examiné les passages pertinents de la décision rendue en français et j'estime qu'elle ne change en rien l'erreur dont est entachée la décision de langue anglaise, erreur qui, selon ce que j'ai conclu, justifie l'intervention de la Cour.

DISPOSITIF

[23]            La présente demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie. La décision à l'examen sera annulée et l'affaire sera renvoyée à un comité d'appel différemment constitué pour qu'il tienne une nouvelle audience et rende une nouvelle décision. Vu le résultat qui précède, l'avocat du demandeur est invité à examiner la question de savoir si la cause T-716-03 pourrait être jugée sans qu'il soit nécessaire de tenir une audience.

[24]            Les motifs et l'ordonnance prononcés en l'espèce seront publiés simultanément dans les deux langues officielles.

DÉPENS

[25]            Les avocats ont convenu devant la Cour que les dépens devaient suivre l'issue de la cause. La Cour rendra donc une ordonnance adjugeant les dépens au demandeur, lesquels dépens devront être calculés selon le barème ordinaire.

Frederick E. Gibson                                                                

                                                                                                             Juge                      

Ottawa (Ontario)

Le 30 janvier 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                     T-718-03

INTITULÉ :                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.      MICHELINE BORMAIS et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                                OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 22 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS : LE 30 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

ALEXANDRE GAY                                                     POUR LE DEMANDEUR

JACQUIE DE AGUAYO                                                POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MORRIS ROSENBERG                                                 POUR LE DEMANDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA   

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

234 RUE WELLINGTON

OTTAWA (ONTARIO)

K1A 0H8

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA            POUR LES DÉFENDEURS

SERVICES JURIDIQUES

233 RUE GILMOUR, BUREAU 200

OTTAWA (ONTARIO)

K2P 0P1




[1]         L.R.C. 1985, ch. P-33.

[2]         Dossier des défendeurs, volume 1, pages 37 à 42.

[3]         (2000), 252 N.R. 186 (C.A.F.).

[4]         L.R.C. 1985, ch. F-7.

[5]         Voir, par exemple, l'arrêt Dr. Q c. College of Physicians and Surgeon of British Columbia [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 40.

[6]         [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.

[7]         [2000] A.C.F. no 1470 (Q.L.), (C.F. 1re inst.)


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