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     Date : 20000908

     Dossier : T-872-99


Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2000

En présence de Monsieur le juge MacKay


Entre

     PAUL UNRAU

     demandeur

     - et -


     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeur




     ORDONNANCE



     LA COUR,

     Vu le recours en contrôle judiciaire tendant à l'annulation du rejet, le 13 avril 1999, par la section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles, de l'appel formé par le demandeur contre la décision en date du 10 décembre 1998, par laquelle la Commission a rejeté sa demande de libération conditionnelle, et si besoin est, au contrôle judiciaire de cette décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles,

     Ouï les avocats respectifs du demandeur et du procureur général du Canada à l'audience tenue à Calgary (Alberta) le 23 novembre 1999, à l'issue de laquelle la Cour a pris l'affaire en délibéré, et vu les conclusions des parties,



     Ordonne ce qui suit :

     1.      Le recours tendant à l'annulation de la décision en date du 13 avril 1999 de la section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles est rejeté.
     2.      Le défendeur a droit aux dépens habituels entre parties.

     Signé : W. Andrew MacKay

     __________________________________

     Juge



Traduction certifiée conforme,




Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




     Date : 20000908

     Dossier : T-872-99


Entre

     PAUL UNRAU

     demandeur

     - et -


     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Le juge MacKAY


[1]      Les présents motifs se rapportent au contrôle judiciaire exercé contre le rejet, le 13 avril 1999, par la section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles, de l'appel formé par le demandeur contre une décision en date du 10 décembre 1998 de la Commission. Par son recours, M. Unrau conclut au contrôle judiciaire et à l'annulation à la fois de la décision d'avril 1999 et, dans la mesure où ce serait nécessaire, de la décision de décembre 1998.

[2]      Bien que la seconde décision ait un lien avec la première, la Loi sur la Cour fédérale1 et les Règles de la Cour fédérale (1998)2 prévoient que sauf ordonnance contraire de la Cour, le contrôle judiciaire ne porte ordinairement que sur une seule décision à la fois. Le demandeur soutient que, du fait que la décision contestée émane d'un tribunal d'appel, il y a lieu pour la Cour de contrôler à la fois la décision du premier ressort et celle de la juridiction d'appel, ou de suivre la procédure de redressement adoptée par le juge Campbell dans Mackie c. Canada (Procureur général)3. Dans cette affaire où il y avait recours en contrôle judiciaire contre une autre décision de la même section d'appel qu'en l'espèce, la Cour a jugé que celle-ci a commis la même erreur que celle commise par la Commission nationale des libérations conditionnelles dans l'instruction initiale de la demande de libération conditionnelle; elle a ainsi annulé la décision entreprise de la section d'appel et renvoyé l'affaire à la Commission nationale des libérations conditionnelles pour nouvelle instruction à la lumière de son erreur de droit. Cette décision illustre la volonté de la Cour de façonner un redressement efficace après avoir annulé la décision d'un tribunal d'appel.

[3]      En l'espèce, c'est le recours contre la décision de la section d'appel qui est recevable, et le contrôle de cette décision, au cas où la Cour y trouverait une erreur à redresser, pourra aboutir à la mesure de redressement appropriée que décidera la section d'appel ou que la Cour prescrira à son intention. Le processus d'appel institué par le législateur est ainsi préservé sous réserve seulement de contrôle judiciaire de la décision de la section d'appel en cas d'erreur de droit, ou même de fait, qui justifierait l'intervention du juge judiciaire et le renvoi de l'affaire pour nouvel examen par l'organisme désigné par le législateur dans le cadre de la législation en vigueur.

[4]      J'estime que dans le cas où la loi prévoit l'appel au niveau intermédiaire de la décision d'un tribunal administratif, la Cour saisie du contrôle judiciaire en application de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, doit faire preuve d'une grande réserve, en particulier au sujet des points de fait et des conclusions tirées des éléments de preuve produits devant ce tribunal. Dans la plupart des cas, l'intervention de la Cour dépendra de la question de savoir si le tribunal d'appel a commis une erreur de droit sur appel de la décision du tribunal de premier ressort. Je ne vois aucune erreur de ce genre en l'espèce, et la Cour ne touchera pas à la décision de la section d'appel.

[5]      Le demandeur, M. Unrau, purgeait une peine d'emprisonnement de six ans à l'établissement de Drumheller pour trafic de stupéfiants. Il avait plaidé coupable de trafic d'héroïne et de cocaïne. Après avoir purgé le minimum requis de sa sentence, il est devenu admissible à la semi-liberté le 21 septembre 1998. Par la suite, il est devenu admissible à la libération conditionnelle totale et a comparu à une audience à cet effet de la Commission nationale des libérations conditionnelles le 10 décembre 1998. À l'issue de cette audience, il a été informé que sa demande avait été rejetée. Il a porté la décision de la Commission devant la section d'appel, laquelle a rejeté son appel.

[6]      Le demandeur soutient que la section d'appel a commis des erreurs de droit et de fait dans l'instruction au fond du dossier et, en particulier, qu'elle a appliqué le mauvais critère en matière d'admissibilité à la libération conditionnelle, ou a mal appliqué le critère approprié. Quant aux erreurs de fait, il soutient que la section d'appel a tiré sur les faits des conclusions arbitraires, au mépris des éléments de preuve dont elle disposait. Et enfin, que la procédure suivie par la Commission allait à l'encontre des principes de justice naturelle.

Erreurs de droit

[7]      Le demandeur soutient que la Commission, suivie en cela par la section d'appel, a commis une erreur dans son application du critère juridique de la libération conditionnelle et de la semi-liberté, en particulier dans l'interprétation de la notion de « risque inacceptable pour la société » , telle qu'elle figure à l'alinéa 102a) de la loi :


102. The Board or a provincial parole board may grant parole to an offender if, in its opinion,

     (a) the offender will not, by reoffending, present an undue risk to society before the expiration according to law of the sentence the offender is serving; and
     (b) the release of the offender will contribute to the protection of society by facilitating the reintegration of the offender into society as a law-abiding citizen.

102. La Commission et les commissions provinciales peuvent autoriser la libération conditionnelle si elles sont d'avis qu'une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société et que cette libération contribuera à la protection de celle-ci en favorisant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois.

                                                     [non souligné dans l'original]

[8]          Le demandeur soutient que les facteurs pris en compte par la Commission ne justifiaient pas la conclusion que sa libération présenterait un « risque inacceptable pour la société » . Je ne vois dans le dossier ou la décision rien qui permette de dire que la Commission a seulement examiné s'il y avait un risque, et non si le risque, si risque il y a, serait inacceptable. La conclusion de la Commission sur ce point a été confirmée par la section d'appel. À mon avis, la Commission est investie de la responsabilité de juger, à la lumière des éléments de preuve dont elle est saisie, s'il y a un risque de récidive et si ce risque est « inacceptable » vu la gravité de l'infraction ou des infractions commises par le délinquant qui demande la libération conditionnelle. Il s'agit d'une question mixte de fait et de droit, qui relève parfaitement de l'expertise de la Commission en premier ressort, et d'une question de droit relevant de l'expertise de la section d'appel lorsqu'elle se pose en appel, comme en l'espèce. En fait, la Commission est la mieux placée de décider cette question à la lumière de l'ensemble du dossier du demandeur, y compris ses évaluations et toutes observations qu'il pourrait faire. À mon avis, le jugement par la section d'appel que la conclusion de la Commission sur ce point était raisonnable au regard des éléments de preuve produits, était lui-même une décision raisonnable et, de fait, il était fondé. Lorsqu'il y a des preuves sur lesquelles la conclusion peut se fonder, celle-ci est raisonnable et la Cour n'y touchera pas, quand bien même son appréciation de ces éléments de preuve pourrait être différente de celle faite par la Commission et la section d'appel.



Erreur de fait

[9]      Le demandeur soutient que la Commission a commis des erreurs de fait par ses conclusions arbitraires, tirées au mépris des éléments de preuve dont elle était saisie. Et en particulier qu'elle a commis une erreur en concluant qu'il refusait de participer aux programmes offerts au sein de l'établissement, qu'il avait des résultats moins que favorables dans trois cours suivis, qu'il « s'éloignait » de l'équipe de gestion de son cas, et en concluant implicitement qu'il était violent par la mention qu'il « n'a généralement pas été violent » . À mon avis, la section d'appel n'a pas commis une erreur de droit en décidant qu'il y avait des preuves à l'appui de la conclusion tirée par la Commission, en dehors de toute conclusion sur la violence.

[10]      Quant à la conclusion tirée par la Commission que le demandeur « n'a généralement pas été violent » , j'interprète les termes employés dans sa décision comme une note favorable dans le dossier de ce dernier :

     [TRADUCTION]

     La Commission sait aussi que ses mises en liberté antérieures ont mal fini, mais il n'a généralement pas été violent.

                                                 [non souligné dans l'original]

La Commission, par cette observation que M. Unrau ne manifestait pas une prédisposition à la violence, y voyait un facteur positif et ne tirait pas la conclusion défavorable qu'il avait fait preuve de violence. La section d'appel n'a pas commis une erreur en concluant que cette observation de la Commission était raisonnable et non erronée.

Équité procédurale

[11]      À l'audience de la section d'appel, le demandeur soutenait qu'il y avait eu atteinte à son droit à l'audition équitable de son cas puisqu'il ne s'était pas vu donner la possibilité de répondre aux questions concernant les programmes qu'il avait suivis pendant son incarcération. La section d'appel, après examen de l'enregistrement de l'audience de la Commission et des observations du demandeur, a conclu que cette audience était équitable. J'ai examiné la transcription de cette dernière, telle qu'elle a été faite par le demandeur, et je partage l'avis de la section d'appel. Il ressort de cette transcription que l'audience de la Commission était relativement informelle et que M. Unrau s'était vu donner la possibilité de faire valoir ses arguments et de réfuter les réserves de la Commission ainsi que les réserves formulées à l'intention de cette dernière par les responsables de l'établissement dans leur évaluation du demandeur. La transcription de l'audience de la Commission ne referme aucune preuve que le demandeur se soit vu dénier la possibilité de réfuter les réserves touchant sa personne et ses antécédents.

Conclusion

[12]      La section d'appel a certes relevé que la Commission avait tiré certaines conclusions inexactes, mais a jugé que l'audition de l'affaire par celle-ci était équitable et que sa décision était raisonnable au regard des preuves dont elle était saisie. Je ne vois dans la décision de la section d'appel aucune erreur de droit ou de procédure qui justifie l'intervention de la Cour dans ce recours en contrôle judiciaire.

[13]      Par ces motifs, la Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.

     Signé : W. Andrew MacKay

     __________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 8 septembre 2000


Traduction certifiée conforme,




Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              T-872-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Paul Unrau c. Le procureur général du Canada


LIEU DE L'AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)


DATE DE L'AUDIENCE :          23 novembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE MACKAY


LE :                      8 septembre 2000



ONT COMPARU :


M. Charles B. Davison              pour le demandeur

Mme Christine Ashcroft              pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Charles B. Davison              pour le demandeur

Edmonton (Alberta)

M. Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      L.R.C. (1985) ch. F-7, art. 18.1.

2      DORS/98-106, r. 302.

3      [1998] A.C.F. no 1731.

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