Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040126

Dossier : IMM-5341-02

Référence : 2004 CF 115

Ottawa (Ontario), le 26 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                          

ENTRE :

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                          OLUKOREDE SHOTE

      

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE                                

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée suivant le paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), de la décision rendue le 17 octobre 2002 par la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal). Par sa décision, le tribunal a prononcé, en imposant certaines conditions, la mise en liberté du défendeur dans l'attente de son renvoi du Canada.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Les questions en litige sont les suivantes :

1.         Le tribunal a-t-il outrepassé sa compétence en se fondant sur un facteur ou critère inapproprié, à savoir l'intérêt supérieur d'un enfant, pour prononcer la mise en liberté du défendeur?

2.         Le tribunal a-t-il refusé d'exercer ou a-t-il outrepassé sa compétence en prononçant la mise en liberté du défendeur bien qu'il ait conclu que le défendeur ne se présenterait pas pour son renvoi du Canada s'il était requis de le faire?

3.         Le tribunal a-t-il refusé d'exercer ou a-t-il outrepassé sa compétence en omettant de prendre en compte le facteur mentionné à l'alinéa 245a) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), à savoir que le défendeur avait la qualité de fugitif à l'égard de la justice des États-Unis quant à une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale?

4.         Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu que le défendeur avait une appartenance réelle à une collectivité au Canada simplement parce qu'il a un jeune enfant au Canada?


5.         Le tribunal a-t-il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire lorsqu'il a conclu que la caution de 5 000 $ versée par l'épouse du défendeur assurerait le respect de toutes les autres conditions que le tribunal pourrait imposer au défendeur et le fait qu'il se présenterait pour son renvoi du Canada?

[3]                Pour les motifs ci-après énoncés, je réponds par l'affirmative à toutes les questions à l'exception de la deuxième à laquelle je ne répondrai pas. Par conséquent, j'accueillerai la demande de contrôle judiciaire.

LES FAITS

[4]                Le défendeur est citoyen du Soudan et du Nigéria. Il est entré au Canada le 27 janvier 2000. Il a revendiqué le statut de réfugié le 1er février 2000 et il a obtenu ce statut le 26 mars 2001.

[5]                Le 23 juillet 2001, la demande de résidence permanente présentée par le défendeur a été approuvée selon un accord de principe sous réserve des exigences en matière médicale, criminelle et de sécurité.


[6]                Le 10 avril 2002, un rapport suivant le paragraphe 27(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l'ancienne loi), a été préparé à l'endroit du défendeur. Dans ce rapport, il était allégué que le défendeur avait été reconnu coupable aux États-Unis de possession de stupéfiants, de vol, de quatre chefs de possession de biens obtenus par la perpétration d'un crime et de fabrication et d'usage d'un document contrefait. Le défendeur n'a pas divulgué ces déclarations de culpabilité dans sa demande de résidence permanente. Les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) ont obtenu du Federal Bureau of Investigation (FBI) les renseignements à l'égard de ces déclarations de culpabilité aux États-Unis. Toujours le 10 avril 2002, le défendeur a été arrêté et il a été détenu au Centre de prévention de l'immigration, à Montréal.

[7]                Le 19 avril 2002, un deuxième rapport suivant le paragraphe 27(2) de l'ancienne loi a été préparé à l'endroit du défendeur. Il était allégué dans ce rapport que le défendeur était une personne non admissible au Canada suivant l'alinéa 19(1)c.1) et le sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de l'ancienne loi étant donné qu'il avait revendiqué le statut de réfugié sous un faux nom et qu'il n'avait pas divulgué ses déclarations de culpabilité aux États-Unis.

[8]                Le 2 mai 2002, à la fin de l'enquête touchant le rapport préparé suivant le paragraphe 27(2), un arbitre a conclu que le défendeur était une personne décrite à l'alinéa 27(2)g) de l'ancienne loi et qu'il était ainsi une personne non admissible au Canada. Le 19 septembre 2002, par suite d'une requête présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, la CISR a annulé la décision par laquelle le statut de réfugié avait été accordé au défendeur.

[9]                À la suite de son arrestation et de sa détention par CIC le 10 avril 2002, le défendeur a fait l'objet de nombreux contrôles des motifs de la détention avant de finalement obtenir sa mise en liberté par la décision de la commissaire Dianne Tordorf le 17 octobre 2002.

[10]            Au cours des audiences tenues pour le contrôle des motifs de la détention, il a été révélé que le défendeur avait utilisé au moins 13 pseudonymes aux États-Unis et au Canada, y compris celui d'Olukerede Olate Shote, né au Nigéria le 14 juillet 1961.

[11]            Le défendeur serait entré aux États-Unis en 1995 et il y aurait résidé jusqu'au 27 janvier 2000, date à laquelle il est venu au Canada. Au cours de ces cinq années, le défendeur a été reconnu coupable de nombreux actes criminels aux États-Unis, notamment de vol, de fabrication de faux, de fraude de carte de crédit, et une sentence de 15 ans d'emprisonnement lui a été infligée à l'égard de l'une des déclarations de culpabilité, une fraude de carte de crédit s'élevant à 100 000 $. La sentence a été réduite à neuf ans et le défendeur a purgé quatre ou cinq ans.

[12]            Le défendeur fait encore l'objet de trois mandats d'arrestation aux États-Unis pour des voies de fait graves.


[13]            En septembre 2001, le défendeur a été accusé au Canada de voies de fait causant des blessures corporelles à l'endroit de son épouse canadienne, Marie-Noëlle Poirier. Il a été révélé lors de l'une des audiences tenues pour le contrôle des motifs de sa détention que le défendeur s'était marié sous un faux nom, soit Peter Kori Loguti. Mme Poirier est la mère des trois enfants du défendeur au Canada. Le défendeur a en outre deux autres enfants qui vivent aux États-Unis.

[14]            Le 17 octobre 2002, la commissaire Dianne Tordorf a procédé à un contrôle des motifs de la détention du défendeur et elle a prononcé sa mise en liberté en lui imposant certaines conditions, y compris une caution de 5 000 $.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[15]            La commissaire Dianne Tordorf a déclaré qu'elle avait l'obligation, compte tenu de l'adoption de la nouvelle loi, de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est-à-dire l'enfant auquel l'épouse canadienne du défendeur a donné naissance en juin 2002, lorsqu'elle rendrait sa décision à l'égard du contrôle des motifs de la détention. Par conséquent, malgré sa conclusion selon laquelle il était très peu probable que le défendeur se présente aux autorités pour son renvoi s'il était requis de le faire, elle a prononcé sa mise en liberté en raison de l'intérêt supérieur du nouveau-né du défendeur à ce moment. Elle a conclu qu'en raison de la caution de 5 000 $ qui lui était imposée, le défendeur serait « enclin » à respecter toutes les autres conditions et à se présenter pour son renvoi. Les extraits suivants sont les extraits pertinents de la décision du tribunal :


Je suis tenue par la Loi et par la jurisprudence de tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce; ce qui est nouveau, c'est qu'en juin 2002, une nouvelle loi sur l'immigration a été promulguée et qu'elle renferme un critère très précis concernant les enfants, « l'intérêt supérieur de l'enfant » , ainsi qu'en ce qui concerne le risque de fuite, que la personne ait ou non des liens dans la collectivité. Je ne me souviens pas du libellé exact du Règlement en ce moment, mais je sais qu'on doit tenir compte du fait qu'une personne a ou non des liens importants dans la collectivité, au Canada.

[...]

Vous étiez très près d'être renvoyé du Canada; ce qu'il reste à régler, c'est votre examen des risques avant renvoi, et il sera effectué sans délai. Alors, d'une part, il y a de nombreux, nombreux doutes dans mon esprit que vous vous présenteriez de votre plein gré pour votre renvoi.

[...]

Je tiens compte du fait que vous avez une famille et un nouveau-né, qui est né en juin 2002, et je ne tiens aucunement compte de tout motif d'ordre humanitaire. Mais, je me base sur ce que le Règlement exige : je dois tenir compte de vos liens solides dans une collectivité du Canada ainsi que de l'intérêt supérieur de l'enfant.

[...]

[...] [J]e crois qu'en vous imposant une caution de 5 000 $, une caution en espèces, vous seriez enclin à respecter toutes les autres conditions que je vais établir et que vous vous présenteriez aux fins de votre renvoi. [Non souligné dans l'original.]

LES PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[16]            Premièrement, le tribunal a outrepassé sa compétence parce qu'il s'est fondé sur un facteur ou critère inapproprié (voir l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, _1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, et l'arrêt Glaxo Wellcome PLC c. M.R.N., _1998] 4 C.F. 439 (C.A.)), soit l'intérêt supérieur du jeune enfant du défendeur au Canada, pour prononcer la mise en liberté du défendeur. Les critères qui doivent être pris en compte lors de la détermination de la question de savoir si une personne constitue un « risque de fuite » sont énoncés à l'article 245 du Règlement et la liste de ces critères n'inclut pas l'intérêt supérieur de l'enfant. Bien que le critère de « l'appartenance réelle à une collectivité au Canada » prévu à l'alinéa 245g) puisse inclure la présence d'enfants, ce critère ne peut pas remplacer les autres critères énumérés à l'article 245.


[17]            Deuxièmement, le tribunal a refusé d'exercer ou a outrepassé sa compétence parce qu'il a prononcé la mise en liberté du défendeur bien qu'il ait conclu que ce dernier ne se présenterait pas aux autorités pour son renvoi s'il était requis de le faire.

[18]            Troisièmement, le tribunal a refusé d'exercer ou a outrepassé sa compétence parce qu'il a omis de prendre en compte le critère énoncé à l'alinéa 245a) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), à savoir que le défendeur avait la qualité de fugitif à l'égard de la justice des États-Unis quant à une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale. Tous les critères énumérés à l'article 245 doivent être pris en compte et l'omission de le faire constitue une erreur au même titre que la prise en considération inappropriée d'un facteur extrinsèque (voir l'arrêt Oakwood Development Ltd. c. St. François Xavier (Municipalité rurale de), _1985] 2 R.C.S. 164, aux pages 174 et 175, qui cite l'arrêt Baldwin and Francis Ltd. v. Patents Appeal Tribunal, [1959] A.C. 663, à la page 693).

[19]            Quatrièmement, le tribunal a commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu que le défendeur avait une appartenance réelle à une collectivité au Canada simplement parce qu'il avait à ce moment un jeune enfant au Canada.

[20]            Cinquièmement, le tribunal a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire lorsqu'il a conclu que la caution de 5 000 $ versée par l'épouse du défendeur assurerait le respect de toutes les autres conditions que le tribunal pourrait imposer au défendeur et le fait qu'il se présenterait pour son renvoi du Canada. Cette conclusion de fait est abusive et arbitraire étant donné que la preuve démontre que le fait que le défendeur ait une famille aux États-Unis ne l'avait pas empêché d'avoir la qualité de fugitif dans ce pays et qu'il était accusé de voies de fait contre son épouse au Canada.

LES PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[21]            Essentiellement, le défendeur prétend que la décision est bien fondée en droit parce que l'intérêt supérieur des enfants confirme l'appartenance réelle du défendeur à une collectivité au Canada. Le défendeur prétend en outre que le tribunal a apprécié tous les éléments de preuve pertinents en l'espèce et que la décision devrait être maintenue. En outre, il a eu un troisième enfant avec son épouse au Canada.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[22]            Les paragraphes 55(1), 55(2) et 58(1) de la Loi prévoient ce qui suit :



55. (1) L'agent peut lancer un mandat pour l'arrestation et la détention du résident permanent ou de l'étranger dont il a des motifs raisonnables de croire qu'il est interdit de territoire et qu'il constitue un danger pour la sécurité publique ou se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi.

55. (1) An officer may issue a warrant for the arrest and detention of a permanent resident or a foreign national who the officer has reasonable grounds to believe is inadmissible and is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.(2) L'agent peut, sans mandat, arrêter et détenir l'étranger qui n'est pas une personne protégée dans les cas suivants :

(2) An officer may, without a warrant, arrest and detain a foreign national, other than a protected person,

a) il a des motifs raisonnables de croire que celui-ci est interdit de territoire et constitue un danger pour la sécurité publique ou se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

(a) who the officer has reasonable grounds to believe is inadmissible and is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2); or

b) l'identité de celui-ci ne lui a pas été prouvée dans le cadre d'une procédure prévue par la présente loi.

[...]

(b) if the officer is not satisfied of the identity of the foreign national in the course of any procedure under this Act.

[...]

58. (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l'étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

[...]

58. (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

[...]

b) le résident permanent ou l'étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2); [Non souligné dans l'original.]

                                                               

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2); (my emphasis)


[23]            Les articles 244 et 245 du Règlement prévoient ce qui suit :


244. Pour l'application de la section 6 de la partie 1 de la Loi, les critères prévus à la présente partie doivent être pris en compte lors de l'appréciation :

244. For the purposes of Division 6 of Part 1 of the Act, the factors set out in this Part shall be taken into consideration when assessing whether a person

a) du risque que l'intéressé se soustraie vraisemblablement au contrôle, à l'enquête, au renvoi ou à une procédure pouvant mener à la prise, par le ministre, d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi;

[...]

(a) is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2) of the Act;

[...]


245. Pour l'application de l'alinéa 244a), les critères sont les suivants :

245. For the purposes of paragraph 244(a), the factors are the following:a) la qualité de fugitif à l'égard de la justice d'un pays étranger quant à une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;

(a) being a fugitive from justice in a foreign jurisdiction in relation to an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament;

b) le fait de s'être conformé librement à une mesure d'interdiction de séjour;

(b) voluntary compliance with any previous departure order;

c) le fait de s'être conformé librement à l'obligation de comparaître lors d'une instance en immigration ou d'une instance criminelle;

(c) voluntary compliance with any previously required appearance at an immigration or criminal proceeding;

d) le fait de s'être conformé aux conditions imposées à l'égard de son entrée, de sa mise en liberté ou du sursis à son renvoi;

(d) previous compliance with any conditions imposed in respect of entry, release or a stay of removal;

e) le fait de s'être dérobé au contrôle ou de s'être évadé d'un lieu de détention, ou toute tentative à cet égard;

(e) any previous avoidance of examination or escape from custody, or any previous attempt to do so;

f) l'implication dans des opérations de passage de clandestins ou de trafic de personnes qui mènerait vraisemblablement l'intéressé à se soustraire aux mesures visées à l'alinéa 244a) ou le rendrait susceptible d'être incité ou forcé de s'y soustraire par une organisation se livrant à de telles opérations;

(f) involvement with a people smuggling or trafficking in persons operation that would likely lead the person to not appear for a measure referred to in paragraph 244(a) or to be vulnerable to being influenced or coerced by an organization involved in such an operation to not appear for such a measure; and

g) l'appartenance réelle à une collectivité au Canada. [Non souligné dans l'original.]

(g) the existence of strong ties to a community in Canada. (my emphasis)


ANALYSE

[24]            J'adopte le raisonnement du demandeur et je ne ferai qu'ajouter quelques commentaires lorsque cela sera approprié. Comme la preuve le démontre, le défendeur fait encore l'objet de trois mandats d'arrestation aux États-Unis pour des voies de fait graves. Les transcriptions de l'audience du tribunal, aux pages 7 et 8, montrent qu'il a été discuté des accusations dont le défendeur faisait l'objet lors de l'audience et que la commissaire Tordorf en était informée.


[TRADUCTION]    

PAR LA COMMISSAIRE (s'adressant au revendicateur)

Q. J'ai une question. Aux États-Unis, faites-vous encore, Monsieur, l'objet d'accusations?

R. Non.

Q. Non. D'accord. Parce que je n'étais pas certaine si vous aviez ou non la qualité de fugitif à l'égard de la justice. Vous ne violez aucune probation?

PAR L'AVOCATE

- Non, il a été expulsé des États-Unis vers le Nigéria...

PAR LA COMMISSAIRE

- En 1999? D'accord.

PAR L'AVOCATE

- Parce qu'une fois que vous y avez un dossier, c'est fini. Ils vous renvoient dans votre pays.

PAR LA COMMISSAIRE

- D'accord, d'accord.

PAR LA COMMISSAIRE (s'adressant au revendicateur)

Q. Vous n'êtes pas retourné après 1999?

R. Non, il en était question en avril (inaudible) lorsque j'y ai été arrêté, qui était la même que j'avais...

Q. Des accusations dont vous faites l'objet?

R. ... un mandat en cours, qui... je m'excuse, est-ce que je peux expliquer?

Q. Oui.

R. Ce que M. (inaudible) devait vérifier auprès du gouvernement américain c'est si le mandat devait vraiment être envoyé là-bas, et ce que j'ai expliqué à (inaudible), je ne me rappelle pas qui était la femme, c'est que si vous êtes en prison là-bas, vous êtes (inaudible), mais avant ils peuvent vous laisser partir n'importe où.

Q. D'accord.


R. Alors, ils ne me laisseront pas partir jusqu'à ce que j'aie réglé tous les mandats.

Q. D'accord.

R. Ils ne sont pas en vigueur.

Q. D'accord. Oui, je sais que cela a été mentionné lors du contrôle des motifs de la détention, mais je ne pense pas qu'il ait été démontré que vous faisiez l'objet d'accusations...

PAR L'AVOCATE DU MINISTRE

- Bon, il y en trois qui sont énumérés ici, trois photocopies d'une... cour de première instance du Massachusetts.

PAR L'AVOCATE

- Alors, à ce point, je pense que ce que monsieur a dit, c'est que s'il y a encore des instances, ils ne le déporteront pas. Ils vont régler les questions. [...]

[Non souligné dans l'original.]                

[25]            Le fait qu'il y ait encore des mandats en cours est également mentionné dans la décision datée du 19 septembre 2002, à la page 2 :

[TRADUCTION]

Il y a encore plusieurs mandats en cours à l'égard d'infractions criminelles commises aux États-Unis (pièce 8) [...].

[26]            En résumé, la preuve dont disposait le tribunal démontrait que le défendeur était un fugitif à l'égard de la justice d'un autre pays et, pourtant, le tribunal n'a pas pris en compte ce facteur qui est expressément énuméré à l'alinéa 245a) du Règlement comme critère devant être pris en compte.

[27]            La Cour doit en outre prendre en compte le fait que l'épouse canadienne du défendeur ait porté contre lui des accusations de voies de fait ayant causé des blessures corporelles comme les transcriptions de l'audience tenue devant le tribunal le démontrent aux pages 13 et 14 :

[TRADUCTION]

PAR LA COMMISSAIRE (s'adressant à l'épouse du revendicateur)

Q. Je me rappelle effectivement avoir vu qu'il y avait des accusations à l'égard de voies de fait à votre endroit. Voulez-vous m'en dire un peu à ce sujet?

R. Certainement. Nous nous sommes disputés et c'était juste, j'étais atterrée et je... je pense que j'ai appelé la police parce que j'étais vraiment atterrée et c'était comme si je voulais porter des accusations.

Q. Mais vous a-t-il frappée, vous a-t-il agressée?

R. Nous nous sommes disputés, au fond nous l'avons fait tous les deux.

Q. Et cela a-t-il entraîné une déclaration de culpabilité pour votre époux?

R. Non, parce que je n'ai pas... bien, il a été détenu...

[...]

Q. Vous n'avez pas retiré les accusations?

R. Non, je n'ai pas eu l'occasion d'y aller. Je ne savais pas où...

[...]

PAR LE REVENDICATEUR

R. Ce qui s'est passé c'est que je suis allé à la cour, le juge m'a dit d'obtenir de l'aide pour maîtriser ma colère et, ensuite, je dois retourner à la cour et ils vont retirer les accusations (inaudible) conditionnelles.

[...]

PAR LA COMMISSAIRE (s'adressant au revendicateur)

Q. D'accord. Alors, vous avez rencontré de nouveau le juge et il a retiré les accusations?

R. Non, non, non.


[...]

R. ... Je dois aller à la cour avec elle et ils les retireront.

Le simple fait que l'épouse ait porté des accusations contre le défendeur tend à montrer que l'appartenance à une collectivité au Canada n'est pas tellement « réelle » .

[28]            La commissaire elle-même a déclaré ce qui suit dans sa décision : « [I]l y a de nombreux, nombreux doutes dans mon esprit que vous vous présenteriez de plein gré pour votre renvoi » .

[29]            Quant à l'intérêt supérieur des enfants, il s'agit d'un critère qui n'est pas mentionné aux alinéas 245a) à g). La simple mention suivante dans la décision n'est pas suffisante :

Je tiens compte du fait que vous avez une famille et un nouveau-né, qui est né en juin 2002, et je ne tiens aucunement compte de tout motif d'ordre humanitaire. Mais, je me base sur ce que le Règlement exige : je dois tenir compte de vos liens solides dans une collectivité du Canada ainsi que de l'intérêt supérieur de l'enfant.


Il ne s'agit pas en l'espèce d'une demande de sursis présentée après qu'une mesure d'expulsion eut été prise ou d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, mais d'une détention dans l'attente d'un renvoi. L'alinéa 245g) prévoit le critère de « l'appartenance réelle à une collectivité au Canada » qui peut inclure la présence d'enfants, mais je partage l'opinion du demandeur selon laquelle ce critère ne remplace pas les autres critères énumérés à l'article 245. La présence d'enfants doit être examinée et appréciée au même titre que les autres facteurs. Ce n'est pas ce qui a été fait. Ainsi, le tribunal a outrepassé sa compétence en se fondant sur un critère inapproprié et en omettant de prendre en compte un critère approprié et il a tiré des conclusions de fait déraisonnables : voir l'arrêt Oakwood Development Ltd., précité, à la page 174, qui a statué ce qui suit :

[...] l'omission d'un organe de décision administrative de tenir compte d'un élément très important constitue une erreur au même titre que la prise en considération inappropriée d'un facteur étranger à l'affaire. [...]

[30]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du tribunal est annulée et l'affaire est renvoyée au tribunal afin qu'une formation différemment constituée entende à nouveau l'affaire et rende une nouvelle décision.

[31]            Les parties ont eu la possibilité de soulever une question grave de portée générale suivant l'alinéa 74d) de la Loi et elles ne l'ont pas fait. Aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision du tribunal est annulée et l'affaire est renvoyée au tribunal afin qu'une formation différemment constituée entende à nouveau l'affaire et rende une nouvelle décision. Aucune question n'est certifiée.

                                                                              _ Michel Beaudry _              

                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-5341-02

INTITULÉ :                                                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

c.

OLUKOREDE SHOTE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 10 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                         LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                         LE 26 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Lisa Maziade                                                           POUR LE DEMANDEUR

Jeannine Landry                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                    POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Jeannine Landry                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Montréal (Québec)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.