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T-2084-94

 

 

Ottawa (Ontario), le lundi 28 avril 1997.

 

En présence de : monsieur le juge Gibson

 

 

 

                                   LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                            POUR LES DOUANES ET L’ACCISE,

 

appelant,

 

 

                                                                             et

 

 

                                                    DANNYCO TRADING LTD.,

 

intimée.

 

 

                                                                   JUGEMENT

 

 

 

                        L’appel est accueilli.  La Cour déclare que les marchandises sur lesquelles porte le présent appel, soit les diffuseurs d’air utilisés avec des sèche-cheveux, ont été convenablement classées par l’appelant sous le numéro tarifaire 3926.90.90 de l’annexe I du Tarif des douanes.

 

 

 

 

     FREDERICK E. GIBSON    

                                                                                                                        Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                            ________________________

                                                                                                            Bernard Olivier, LL.B.


 

 

 

 

T-2084-94

 

 

 

                                   LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                            POUR LES DOUANES ET L’ACCISE,

 

appelant,

 

 

                                                                             et

 

 

                                                    DANNYCO TRADING LTD.,

 

intimée.

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

 

LE JUGE GIBSON

 

                       

                        Les présents motifs font suite à un appel, interjeté sous le régime de l’article 68 de la Loi sur les douanes[1], de la décision par laquelle le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a conclu, le 16 juin 1994, que les [TRADUCTION] « diffuseurs d’air » importés par l’intimée [TRADUCTION] « [...] devraient être classés sous le numéro tarifaire 8516.90.10 en tant que parties « des marchandises classées sous le numéro tarifaire 8516.31.10 ou 8516.31.90 », s’agissant de parties de sèche-cheveux pour usage domestique ».

 

                        Voici le libellé de l’article 68 de la Loi sur les douanes en vigueur à l’époque :

 

68.    (1)  La décision sur l'appel prévu à l'article 67 est, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date où elle est rendue et avec l’autorisation d’un juge de la Cour fédérale, susceptible de recours devant celle-ci, sur tout point de droit, de la part de toute partie à l'appel, à savoir_:

 

          a) l'appelant;

 

          b) le sous‑ministre;

 

          c) quiconque a remis l'acte de comparution visé au paragraphe 67(2).

 

          (2) La Cour fédérale peut statuer sur le recours, selon la nature de l'espèce, par ordonnance ou constatation, ou renvoyer l'affaire au Tribunal  canadien du commerce extérieur pour une nouvelle audience.

 

 

                   Aux termes de l’article 24 de la Loi sur la Cour fédérale[2], le renvoi à la Cour fédérale prévu à l’article 68 est un renvoi à la Section de première instance.

 

               Le 1er septembre 1994, le juge Pinard a accordé, dans les termes suivants, l’autorisation prévue à l’article 68 de la Loi sur les douanes :

[TRADUCTION]  l’autorisation d’appel est accordée vu l’existence d’une question grave à régler en ce qui concerne la distinction à faire, en l’espèce, entre les termes « parties » et « accessoires ».

                        Les faits ayant donné lieu à la présente affaire ne sont pas contestés dans l’ensemble.  En voici un résumé :

 

-  entre le 24 mars 1992 et le 1er février 1993, l’intimée a importé des diffuseurs d’air au Canada;

 

-  les diffuseurs d’air importés étaient en plastique et ils étaient conçus de manière à être fixés à des sèche-cheveux;

 

-  lors de chaque importation, les diffuseurs d’air ont été classés sous le numéro tarifaire 3926.90.90 de l’annexe I du Tarif des douanes[3] en tant que [TRADUCTION] « autres objets de matières plastiques »;

 

-  l’intimée a soutenu que les diffuseurs d’air devraient être classés sous le numéro tarifaire 8516.31.10 en tant que parties de sèche-cheveux pour usage domestique; elle a donc demandé, aux termes de l’alinéa 60(1)b) de la Loi sur les douanes, une révision du classement tarifaire des diffuseurs d’air.  Il a été conclu que les marchandises importées avaient, à bon droit, été classées sous le numéro tarifaire 3926.90.90 en tant qu’autres objets en matières plastiques;

 

-  par la suite, l’intimée a demandé au sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise de réexaminer la révision du classement tarifaire des diffuseurs d’air, en application de l’alinéa 63(1)a) de la Loi sur les douanes;

 

-  le 26 août 1993, l’appelant a confirmé le classement des diffuseurs d’air sous le numéro tarifaire 3926.90.90;

 

-  le 15 septembre 1993, l’intimée a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes;

 

- dans la décision qui fait l’objet du présent appel, le Tribunal a donné raison à l’intimée;

 

-  les parties conviennent que le classement des marchandises aux termes de l’annexe I du Tarif des douanes est régi par les Règles générales d’interprétation du Système harmonisé, les Règles canadiennes et les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises.

            Dans une brève décision, le Tribunal a conclu :

La question de savoir si les marchandises en cause sont des parties ou des accessoires aux fins du classement tarifaire a été traitée dans de nombreuses causes.  Le Tribunal estime avant tout qu’il n’existe aucun critère universel et que chaque cause doit être jugée selon ses particularités propres.  De plus, il faut tenir compte des pratiques et usages commerciaux courants pour toute détermination de ce genre.

 

Un diffuseur d’air est uniquement utilisé avec un sèche-cheveux.  Il n’a aucune autre application ni aucun autre usage.  Les diffuseurs d’air sont des éléments essentiels aux sèche-cheveux ou en font partie intégrante; ils permettent de coiffer d’une certaine façon.  En outre, ils sont habituellement importés et vendus avec les sèche-cheveux, le plus souvent sans frais supplémentaires.  En résumé, le Tribunal estime qu’il ressort clairement des éléments de preuve produits par le représentant de l’appelant que les diffuseurs d’air sont des parties de sèche-cheveux.  Ayant conclu qu’ils sont des parties, le Tribunal doit déterminer dans quel numéro il convient de classer les marchandises en cause.

 

Aux fins de l’application des Règles générales et des Règles canadiennes, le Tribunal constate que les termes de la position no 85.16 ne comprennent pas les parties des marchandises mentionnées dans cette position.  La nomenclature de l’annexe I du Tarif des douanes étant structurée de façon hiérarchique, les diffuseurs d’air, en leur qualité de parties de sèche-cheveux, doivent être inclus dans les termes de la position no 85.16 pour être classés dans un numéro tarifaire compris dans cette position.  À cet égard, la Note 2 b) de la Section XVI de l’annexe I du Tarif des douanes (applicable aux Chapitres 84 et 85) stipule que «lorsqu’elles sont reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinées à une machine particulière [...], les parties [...] sont classées dans la position afférente à cette ou ces machines».  En conséquence, les diffuseurs d’air étant des «parties» de sèche-cheveux et étant «reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinés» aux sèche-cheveux, ils doivent être compris dans les termes de la position no 85.16.  Ils peuvent donc être classés dans un numéro tarifaire figurant dans cette position.

 

À titre de parties, les diffuseurs d’air doivent être classés dans la sous-position visant les parties de sèche-cheveux.  À cet égard, le Tribunal conclut que les diffuseurs d’air doivent être classés dans le numéro tarifaire no 8516.90.10 à titre de parties «[d]es marchandises des nos tarifaires 8516.31.10 ou 8516.31.90» et non dans le numéro tarifaire 8516.31.10, comme l’a prétendu l’appelant.  Comme dans la cause F.W. Woolworth Co. Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise, l’appelant aurait dû plaider pour le classement des marchandises dans la sous-position qui porte sur les parties.  [Des citations et d’autres références ont été omises.]

                        En un mot, la question litigieuse est donc de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que les diffuseurs d’air constituaient des parties et non des accessoires de sèche-cheveux.  Même si le Tribunal a commis une telle erreur, le classement, par l’appelant, des diffuseurs d’air en tant que [TRADUCTION] « autres objets de matières plastiques » n’a pas été contesté.  Bien que certains numéros tarifaires englobent les parties de même que les accessoires sous la position décrivant l’objet principal, cela n’est pas le cas pour les sèche-cheveux.   La position tarifaire applicable aux sèche-cheveux n’englobe que les parties et non les accessoires de ces derniers.

 

            Voici des éléments de la définition du mot « part » [ partie ] qu’on trouve dans le Concise Oxford Dictionary of Current English[4] :

[TRADUCTION] [...] 1.  une fraction mais non l’ensemble d’une chose ou d’un certain nombre de choses 2. un élément ou une partie constitutive essentiel de quoi que ce soit [...] 3.  une composante d’une machine etc. [...]

Le même dictionnaire définit le mot « accessory » [ accessoire ], en partie de la façon suivante :[TRADUCTION] [...]  1. une chose additionnelle ou supplémentaire.  2.  [...] une petite fixation ou installation [...]

et sa forme adjectivale, en partie de la façon suivante :[TRADUCTION] [...] additionnelle;  contribuant ou aidant de façon secondaire; jetable [...]

Le Webster's Ninth New Collegiate Dictionary contient des définitions similaires quoique non identiques[5].

 

                        Il est ressorti de la preuve présentée au Tribunal qu’à l’époque visée, les diffuseurs d’air étaient rarement intégrés aux sèche-cheveux.  Dans certains cas, les diffuseurs d’air se vendaient séparément des sèche-cheveux, mais dans plusieurs cas ils les accompagnaient.  Selon les estimations produites, entre 60 et 85 % des sèche-cheveux vendus étaient munis de diffuseurs d’air.  Il est ressorti de la preuve qu’il n’était pas essentiel d’avoir un diffuseur d’air pour sécher ses cheveux à l’aide d’un sèche-cheveux, mais que les diffuseurs d’air étaient essentiels, à toutes fins pratiques, pour coiffer les cheveux et contrôler leur séchage.  Selon la preuve produite, la grande puissance et chaleur des sèche-cheveux modernes rendaient souhaitable, voire essentielle, l’utilisation d’un diffuseur d’air pour convenablement sécher ses cheveux à l’aide d’un sèche-cheveux.  Cela dit, seulement deux modèles de sèche-cheveux munis de diffuseurs d’air inamovibles ont été présentés au Tribunal.  Bien que la preuve mentionnait brièvement que les diffuseurs d’air constituaient des composantes sécuritaires des sèche-cheveux modernes vu la grande chaleur générée par ces derniers, l’accent n’a nullement été mis sur l’aspect sécuritaire de ceux-ci.

 

                       

            Dans Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise c. General Supply Company of Canada Limited[6], le juge Cameron écrit :

[TRADUCTION]  Il est donc clair que la Commission disposait d’éléments de preuve indiquant que, du moins dans une partie de l’industrie, les bouteurs latéraux étaient considérés comme des « accessoires » des tracteurs.  Il incombait à la Commission de déterminer si cette preuve devait être acceptée au lieu de la preuve établissant le contraire.  Il incombait également à la Commission de déterminer, à partir de la preuve, si le bouteur latéral était un outil accessoire et, par conséquent, un accessoire du tracteur, au sens de la définition d’accessoire qu’on trouve dans le dictionnaire.

            Dans Philips Electronics Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise[7], une affaire de classement soumise au Tribunal et traitant de convertisseurs de canaux, le Tribunal, en concluant que les convertisseurs faisaient partie des téléviseurs, a écrit :

Bien que l’appareil récepteur de télévision puisse fonctionner sans convertisseur en augmentant le nombre de canaux qu’un téléviseur peut capter, un convertisseur contribue directement à la fonction principale d’un appareil récepteur de télévision, c’est-à-dire capter des signaux audio-visuels.  Il n’exerce pas de fonction distincte ni accessoire.  Un autre facteur indique le rôle intégral que jouent les convertisseurs dans le fonctionnement d’appareils récepteurs de télévision : les convertisseurs sont maintenant intégrés aux appareils récepteurs.  De nos jours, les appareils récepteurs de télévision ne sont pas fabriqués sans la capacité intégrée que comportent les marchandises en cause dans le présent appel.

 

Dans Robert Bosch (Canada) Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise[8], la Commission du tarif a conclu :Le vrai critère permettant d’établir si un article peut être dûment considéré comme une pièce de marchandises dont les pièces sont mentionnées dans le numéro tarifaire est le fait que l’article est destiné à servir avec de telles marchandises.  Cela dépend, dans chaque cas, de la portée de la description des marchandises.  Un article qui peut être utilisé avec d’autres marchandises que celles décrites est considéré comme un article qui n’y est pas destiné et un article qui ne peut servir autrement qu’avec les marchandises et qui est nécessaire à leur fonction est destiné à servir avec elles.

 

 

                        À partir de la preuve dont disposait le Tribunal en l’espèce, il a été clairement établi que les diffuseurs d’air servaient uniquement avec les sèche-cheveux.  La question de savoir s’ils étaient destinés à servir avec des sèche-cheveux, au sens de la décision Bosch, dépend uniquement de celle de savoir s’ils étaient « essentiels » à la fonction des sèche-cheveux.  Il est clairement ressorti de la preuve dont disposait le Tribunal que la fonction originale des sèche-cheveux, soit le séchage des cheveux, était en évolution.  Les sèche-cheveux tendent de plus en plus à servir à coiffer les cheveux et non simplement à les sécher.  Cependant, encore selon la preuve dont disposait le Tribunal, cette évolution n’a pas été aussi complète que celle dont faisait état l’affaire Philips Electronics, une décision dans laquelle le Tribunal a conclu que les appareils récepteurs de télévision n’étaient plus fabriqués sans la capacité intégrée que comportent les convertisseurs.

 

                        À la lumière de la jurisprudence et des définitions des mots « part » [partie] et « accessory » [accessoire] qu’on trouve dans le dictionnaire, je conclus que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a déterminé qu’à l’époque visée, les diffuseurs d’air constituaient des « parties » de sèche-cheveux.  L’évolution de la fonction des sèche-cheveux n’a pas, selon la preuve dont disposait le Tribunal, atteint le stade où l’on pouvait considérer que les diffuseurs d’air étaient « essentiels » à la fonction des sèche-cheveux.  Ainsi, on ne pouvait considérer que les diffuseurs d’air étaient destinés à servir avec les sèche-cheveux, malgré le fait qu’ils servaient uniquement avec ces derniers.  Autrement dit, la fonction des sèche-cheveux n’a pas évolué au point de faire des diffuseurs un élément essentiel ou constitutif des sèche-cheveux.  Ils demeuraient plutôt une chose additionnelle ou supplémentaire, dont on pouvait se passer, dans l’atteinte de l’objectif ultime des sèche-cheveux, soit le séchage des cheveux.  En général, ils demeuraient un accessoire ou une pièce de raccord et ils étaient fabriqués comme tel.  Encore une fois, de façon générale, ils n’étaient pas intégrés aux sèche-cheveux mêmes.  Ainsi, ils demeuraient des accessoires.

 

                        Compte tenu de l’analyse qui précède, le présent appel sera accueilli.  La décision du Tribunal sera annulée et une déclaration sera faite voulant que les diffuseurs d’air importés sur lesquels porte le présent appel devraient être classés sous le numéro tarifaire 3926.90.90 de l’annexe I du Tarif des douanes.

 

 

     FREDERICK E. GIBSON    

                                                                                    Juge

 

 

Ottawa, Ontario

Le 28 avril 1997.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                __________________

                                                                                    Bernard Olivier, LL.B.


 

 

 

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

                                                                 

 

NO DU GREFFE :      T-2084-94

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L’ACCISE c.

                                                            DANNYCO TRADING LTD.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 14 AVRIL 1997

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE GIBSON

 

EN DATE DU :28 AVRIL 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

 

STÉPHANE LILKOFF                                                                     POUR L’APPELANT

 

 

FILIPE MORALES                                                   POUR L’INTIMÉE

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

GEORGE THOMSON                                                                      POUR L’APPELANT

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

DIAMOND & ASSOCIATES                                                          POUR L’INTIMÉE

MONTRÉAL (QUÉBEC)



          [1]          L.R.C. (1985), ch. 1 (2e Suppl.), modifié.

          [2]          L.R.C. (1985), ch. F-7.

          [3]          L.R.C. (19850, ch. 41 (3e Suppl.).

          [4]          R. E. Allen, ed., Concise Oxford Dictionary of Current English, 8th ed. (Oxford: Clarendon Press, 1990).

          [5]          Webster's Ninth New Collegiate Dictionary (Markham: T. Allen, 1983).

          [6]          [1956] Ex. C.R. 248.

          [7]          [1992] C.I.T.T. No. 73 (QL).

          [8]          (1995), 10 T.B.R. 110.

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