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Date : 20011031

Dossier : IMM-4918-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1172

ENTRE :

                                                                IBRAHIM HUSSEIN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 La requête du demandeur en vue d'obtenir un sursis d'exécution de la mesure de renvoi prononcée contre lui et prévue le 27 octobre 2001 a été instruite d'urgence par conférence téléphonique le 26 octobre 2001, deux jours après qu'une requête semblable du même demandeur fut entendue et rejetée par mon collège M. le juge Dubé, le 24 octobre 2001.


[2]                 Le demandeur, qui affirme être un ressortissant de la Somalie, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de sept ans, avait vécu en Arabie saoudite pendant dix ans avant que lui-même et sa famille ne soient contraints de partir. Il a vécu brièvement en Éthiopie avant d'arriver au Canada en 1996, à l'âge de 17 ans. Il a revendiqué le statut de réfugié à son arrivée.

[3]                 Sa demande de statut de réfugié a été refusée en avril 1997. Il n'avait aucune pièce d'identité. Il parlait l'arabe, mais ne parlait pas les langues de la Somalie. De 1997 à juin 2001, le demandeur a vécu à Vancouver, après quoi il a déménagé vers l'est, à Toronto, avec sa fiancée, une citoyenne canadienne, qu'il a épousée le 10 août 2001.

[4]                 Le 5 septembre 2001, le demandeur fut arrêté à Toronto sur la foi d'un mandat d'immigration, puis par la suite libéré moyennant un cautionnement garantissant qu'il se conformerait aux conditions de sa comparution ultérieure. Le 11 octobre 2001, il fut convoqué pour une entrevue, qui fut reportée au 17 octobre 2001. Durant cette entrevue, il reçut l'ordre de se présenter le 27 octobre 2001 pour être renvoyé vers Mogadishu, en Somalie.

[5]                 Lorsque sa requête en sursis d'exécution fut instruite le 24 octobre 2001, il avait déposé une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de l'agente d'exécution de ne pas différer l'exécution de la mesure de renvoi du demandeur avant que ne soit faite une dernière évaluation des risques s'il devait être renvoyé en Somalie.


[6]                 Lorsque cette requête en sursis d'exécution a été entendue par téléphone, M. le juge Dubé a rejeté la requête, faisant observer que la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur avait été rejetée, que, en octobre 1998, un agent de révision des revendications refusées avait conclu que le demandeur ne serait pas exposé à un risque objectivement identifiable s'il était renvoyé en Somalie et que, en octobre 1999, sa demande de maintien au Canada pour raisons d'ordre humanitaire avait été rejetée. Le juge Dubé a estimé aussi que l'agente d'exécution avait régulièrement exercé son pouvoir discrétionnaire en ne différant pas le renvoi sur la foi « d'une allégation de dernière minute selon laquelle le renvoi du demandeur en Somalie lui ferait courir des risques » . Manifestement, le juge Dubé a considéré que la requête en sursis d'exécution ne soulevait aucune question grave et qu'aucun préjudice irréparable n'était implicitement établi.


[7]                 Lorsque, deux jours plus tard, j'ai entendu la deuxième requête en sursis d'exécution, le demandeur avait déposé une deuxième demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, cette fois en vue d'obtenir une déclaration selon laquelle l'article 48 de la Loi sur l'immigration, qui prévoit que la mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent, était contraire aux droits garantis au demandeur par la Charte, en particulier ses articles 7 et 12, étant donné qu'aucune évaluation ultime des risques n'avait été effectuée. Le dossier du demandeur présenté à la Cour était pour l'essentiel celui qui avait été présenté à M. le juge Dubé, hormis pour la demande sous-jacente d'autorisation et de contrôle judiciaire, les deuxièmes affidavits du demandeur et de son épouse, dont chacun était accompagné d'un affidavit antérieurement déposé qui avait été produit devant M. le juge Dubé, un exemplaire de la décision de la SSR rejetant la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur, enfin une lettre de l'Association des femmes immigrantes de Somalie à Toronto, au soutien de la requête du demandeur et de son opinion concernant les risques qu'il courait s'il devait être renvoyé en Somalie.

[8]                 J'ai rejeté la requête en sursis d'exécution. À mon avis, le principe de l'autorité de la chose jugée est ici applicable. La preuve produite était essentiellement la même que celle dont disposait M. le juge Dubé, et aucune preuve nouvelle, j'entends par là une preuve qui n'est apparue qu'après que l'affaire avait été instruite par lui, ne m'a été présentée. Par ailleurs, la deuxième requête était fondée sur une question qui intéressait apparemment la Charte, mais elle ne soulevait pas une question qui n'aurait pu être soulevée deux jours auparavant lors de l'audience tenue devant M. le juge Dubé. Dans ces conditions, le principe de l'autorité de la chose jugée, ainsi que l'importance de considérer comme définitives les décisions judiciaires, militent en faveur du rejet de la requête en sursis d'exécution.


[9]                 Même si je devais, par courtoisie judiciaire, étudier l'affaire quant au fond, je n'arriverais pas à une conclusion autre que celle de M. le juge Dubé, à moins d'avoir la conviction qu'il a manifestement commis une erreur eu égard à la preuve dont il disposait. Avant que la deuxième requête ne soit instruite, un avis d'appel de la décision du juge Dubé a été déposé à la Cour d'appel. Il n'a pas été avancé devant moi qu'il a commis une erreur, si ce n'est implicitement par le fait qu'il a confirmé la décision de l'agente d'exécution comme un exercice régulier du pouvoir discrétionnaire de celle-ci. Il n'a pas été avancé que le juge Dubé a appliqué une mauvaise norme de contrôle. Je ne vois aucune raison de conclure autrement qu'il l'a fait.

[10]            L'argument relatif à la Charte qui a été soulevé devant moi ne peut être considéré comme une question nouvelle, malgré les conclusions de l'avocat selon lesquelles cette question n'est apparue qu'après le rejet de la première requête en sursis d'exécution. Vu les circonstances de la présente affaire, cet argument n'établissait pas une question grave. Par ailleurs, puisqu'une évaluation des risques avait été effectuée en conformité avec la Loi, bien qu'environ trois ans auparavant, la preuve dont disposait l'agente d'exécution et qui provenait de documents publiés concernant les risques généralement présents en Somalie, ne permettait pas d'affirmer que la décision de l'agente d'exécution de ne pas différer le renvoi était manifestement déraisonnable ou que, en maintenant cette décision, M. le juge Dubé s'est manifestement fourvoyé.

[11]            À mon avis, abstraction faite du principe de l'autorité de la chose jugée, il n'y avait devant la Cour, dans la deuxième requête en sursis d'exécution de la mesure de renvoi prononcée contre le demandeur, aucune question grave par suite de la demande sous-jacente d'autorisation et de contrôle judiciaire.


Conclusion

[12]            Pour les motifs ci-dessus, après avoir entendu les avocats des parties, la requête a été oralement rejetée, puis le rejet a été confirmé par ordonnance écrite, pour les motifs alors prononcés oralement et ici confirmés.

                                                                                                                                       « W. Andrew MacKay »          

                                                                                                                                                               JUGE

OTTAWA (Ontario)

le 31 octobre 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-4918-01

INTITULÉ :                               Ibrahim Hussein c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :         Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :       le 26 octobre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de M. le juge MacKay

DATE DES MOTIFS : le 31 octobre 2001

ONT COMPARU

Osborne Barnwell                                                                           POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale                                                                  POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Ferguson, Barnwell                                                                         POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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