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Date : 20031202

Dossier : T-631-02

Référence : 2003 CF 1413

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                       BERNICE BOUDREAU et

ROSEMARY HANEY

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision rendue le 15 mars 2002 par le Comité d'appel de la Commission de la fonction publique à l'égard d'un concours, effectué sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 (la Loi), dont le processus était contesté.

[2]                Les demanderesses prient la Cour de rendre une ordonnance annulant cette décision et renvoyant l'affaire à la Commission de la fonction publique pour examen par un comité d'appel nouvellement constitué en vertu des dispositions de la Loi.

Contexte

Introduction

[3]                Le 3 décembre 1999, la Commission de la fonction publique du Canada a annoncé un concours pour doter des postes de conseiller/conseillère en régimes de pension (CR-05) à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.

[4]                Les demanderesses, Bernice Boudreau et Rosemary Haney, se sont portées candidates. Elles affirment être employées au sein de la fonction publique du Canada.

[5]                L'énoncé de qualités pour le poste dressait la liste des divers éléments requis au chapitre des études, de l'expérience, des connaissances, des capacités et compétences et des qualités personnelles.


[6]                Des 84 candidatures reçues, toutes sauf une ont été retenues à la présélection pour le concours. Les candidats ont été évalués au moyen d'un examen écrit, d'une entrevue et de vérifications de référence. Le jury de sélection était composé de quatre membres, dont une présidente. Le jury de sélection pouvait accorder jusqu'à 200 points pour les connaissances, 300 points pour les capacités et 725 points pour les qualités personnelles. L'examen écrit mesurait les connaissances (200 points), les capacités (200 points) et les qualités personnelles (125 points). L'entrevue évaluait les capacités (100 points) et les qualités personnelles (300 points). Des vérifications de référence ont été effectuées pour apprécier davantage les qualités personnelles (300 points). La note de passage globale pour qu'un candidat soit qualifié a été établie à 796 points (65 p. 100) pour toutes les qualités combinées.

[7]                Le jury de sélection a déterminé que 71 candidats étaient qualifiés. Une liste d'admissibilité a été établie et tous les candidats reçus ont été nommés pour une période indéterminée. Ni l'une ni l'autre des demanderesses n'a été candidate reçue. Elles ont obtenu une note finale de 728 points dans le cas de Bernice Boudreau et de 740 points dans le cas de Rosemary Haney.

[8]                Les deux demanderesses ont contesté les nominations en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, précitée. L'audition de l'affaire par un comité d'appel présidé par Michael Sloan a eu lieu le 24 octobre 2000.

Décision rendue par le premier comité d'appel - président Michael Sloan


[9]                Les demanderesses ont soulevé deux allégations : (i) le principe du mérite n'a pas été respecté; et (ii) le facteur des qualités personnelles, lequel comptait pour 725 points sur une possibilité de 1225 points, a été indûment pondéré, ce qui a entraîné un abus des vérifications de référence dans le cadre du concours. Dans son témoignage, la présidente du jury de sélection, Rose Marie Allain, a confirmé la décision d'évaluer les candidats globalement pour leurs qualités générales à l'égard des connaissances, des capacités et des qualités personnelles. Elle a également reconnu avoir fourni des références au sujet de certains candidats.

[10]            Le comité d'appel Sloan a accueilli l'appel en affirmant ce qui suit :

[traduction]

En conclusion, l'intervention du comité d'appel est justifiée étant donné que le jury de sélection ne s'est pas assuré que les candidats avaient réussi au titre de chacune des qualités requises - connaissances, capacités et qualités personnelles. L'établissement d'une note de passage générale pour les qualités combinées était une erreur en droit, pour ce qui est de l'application du principe de la sélection au mérite. Toutefois, le recours à des références et le poids accordé à ces dernières, pour évaluer les qualités personnelles, n'étaient pas déraisonnables.

En conséquence, il est recommandé à la Commission de prendre des mesures correctives pour s'assurer que les candidats répondent à chacune des qualités requises, par l'établissement de notes de passage significatives au titre des connaissances, des capacités et des qualités personnelles. Si nécessaire, des modifications devront être apportées à la liste d'admissibilité. La nomination d'un candidat ne répondant pas à chacune des qualités requises devrait être révoquée.

Mesures correctives


[11]            La Commission de la fonction publique du Canada a mis en oeuvre les mesures correctives suivantes : la liste d'admissibilité qui avait été établie a été écartée; le jury de sélection devait déterminer des notes de passage appropriées pour chaque facteur; le ministère devait communiquer à tous les candidats la justification des notes de passage ainsi établies; une nouvelle liste d'admissibilité devait être établie, avec les nouveaux droits d'appel s'appliquant en conformité avec le paragraphe 21(4) de la Loi; et le ministère devait informer tous les candidats des mesures correctives prises. Le jury de sélection, sur l'avis d'un conseiller en ressources humaines n'ayant pas été associé au concours initial, a décidé que la note minimale pour chacun des trois facteurs serait de 50 p. 100. La note de passage globale fixée à 65 p. 100 n'a pas été changée.

[12]            La situation des demanderesses n'a pas changé par suite de la mise en oeuvre des mesures correctives et leur nom n'a pas été inscrit sur la nouvelle liste d'admissibilité. Les demanderesses ont interjeté appel à l'encontre de cette décision en vertu du paragraphe 21(4) de la Loi. Les audiences du comité d'appel ont eu lieu le 18 septembre 2001, le 28 février 2002 et le 1er mars 2002. Une décision a été rendue le 15 mars 2002.

Décision du second comité d'appel

[13]            Le comité d'appel a affirmé que l'appel des demanderesses ne pourrait être entendu qu'au motif que les mesures prises étaient contraires au principe de la sélection au mérite. Il a rejeté l'appel des demanderesses en déclarant ce qui suit :

Après avoir examiné la preuve et les arguments soumis à l'audition des présents appels, j'ai conclu que mon intervention dans ce processus de sélection n'est pas justifiée, simplement parce qu'il n'existait pas de preuve admissible, et encore moins d'arguments valables selon lesquels les personnes dont le nom figure sur la liste d'admissibilité établie par suite des mesures correctives prises par le ministère n'étaient pas les mieux qualifiées parmi les candidats ayant pris part à ce concours de CR-05. [¼]

[14]            Cette décision rendue par le comité d'appel en date du 15 mars 2002 fait l'objet du présent contrôle judiciaire.


Arguments des demanderesses

[15]            Les demanderesses soutiennent que la norme de contrôle applicable à la décision rendue par le comité d'appel est celle de la décision correcte.

[16]            Elles allèguent que le comité d'appel a outrepassé sa compétence en dérogeant aux règles de l'équité procédurale lorsqu'il a refusé d'autoriser la présentation de la preuve concernant les références de certaines personnes qui se sont portées candidates aux postes à pourvoir dans la fonction publique.

[17]            Les demanderesses font valoir que le comité d'appel a commis une erreur de droit en ne concluant pas que le jury de sélection avait fait preuve de parti pris parce que sa présidente, qui a participé à la sélection des candidats et à l'établissement des notes de passage, avait fourni des références au sujet de certains candidats sélectionnés pour l'inscription sur la liste d'admissibilité.

[18]            Elles prétendent que le comité d'appel a commis une erreur de droit du fait que, après avoir conclu que la demanderesse Rosemary Haney était qualifiée, il n'a pas exercé son autorité pour l'inscrire sur la liste d'admissibilité comme l'ordonnait une décision d'un comité d'appel antérieur.

[19]            Elles soutiennent que le comité d'appel a commis une erreur de droit ou tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable lorsqu'il a estimé qu'une note de passage de 50 p. 100 était raisonnable pour la sélection des candidats à ces postes malgré le fait que l'employeur ait informé les candidats (y compris les demanderesses) à l'ouverture du concours qu'aucune note de passage n'était requise pour les nominations à ces postes.

Arguments du défendeur

[20]            Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable à la décision du comité d'appel est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[21]            Il allègue que le comité d'appel n'avait pas compétence pour inscrire la demanderesse Rosemary Haney sur la liste d'admissibilité.


[22]            S'appuyant sur la décision Scarizzi c. Marinaki, [1994] A.C.F. no 1881 (1re inst.) (QL), le défendeur fait valoir qu'il revient au jury de sélection, et non au comité d'appel, d'évaluer les candidatures et de déterminer la composition d'une liste d'admissibilité. Le rôle du comité d'appel, de l'avis du défendeur, consiste exclusivement à déterminer si le principe de la sélection au mérite est respecté. Le président Sloan, selon les observations du défendeur, a reconnu que le comité d'appel jouissait de pouvoirs restreints et il n'a à aucun moment ordonné que la demanderesse Rosemary Haney soit inscrite sur la liste d'admissibilité. Il prétend que le comité d'appel n'a pas compétence pour faire enquête sur la façon dont la liste d'admissibilité a été établie, sauf si des candidats non qualifiés y sont inscrits. Par conséquent, il allègue que c'est à bon droit que la présidente du second comité a refusé d'annuler les nominations même si le jury de sélection a fait erreur en maintenant la note de passage globale à 65 p. 100. Le défendeur soutient que le comité d'appel n'était pas autorisé à intervenir parce qu'aucun candidat non qualifié n'était inscrit sur la liste d'admissibilité.

[23]            Il est allégué que le comité d'appel a à juste titre décidé qu'une fois qu'un appel a été formé à l'égard d'un processus de sélection particulier, les appels suivants formés à l'égard de ce même processus sont strictement limités aux matières découlant des mesures correctives.

[24]            Le défendeur soutient que les arguments des demanderesses sur la question de la partialité du jury de sélection qui était présidé par la répondante de certains candidats se rapportaient à la décision du comité d'appel Sloan à la première audition. Les demanderesses n'ont pas sollicité le contrôle judiciaire de cette décision. Il est allégué que les demanderesses ne peuvent pas maintenant attaquer cette décision de façon indirecte dans le présent contrôle judiciaire qui devrait, à juste titre, se limiter à la décision du second comité d'appel.


[25]            Le défendeur soutient que les demanderesses n'ont pas réussi à démontrer de manière suffisante que le jury de sélection avait fait preuve de parti pris en fixant des notes de passage raisonnables et appropriées pour chacun des facteurs. Même si le jury de sélection a consulté le comité directeur du ministère sur cette question, les discussions ont eu lieu sans qu'aucun nom de candidat ne soit mentionné et les propositions faites au jury de sélection ne le liaient d'aucune manière. Le défendeur prie la Cour de confirmer la décision du comité d'appel qui a estimé que les demanderesses n'avaient pu même établir une crainte raisonnable de partialité.

Questions en litige

[26]            1.     Le comité d'appel a-t-il outrepassé sa compétence en dérogeant aux règles de l'équité procédurale lorsqu'il a refusé d'autoriser la présentation de la preuve concernant les références de certaines personnes qui se sont portées candidates aux postes à pourvoir dans la fonction publique?

2.     Le comité d'appel a-t-il commis une erreur de droit en ne concluant pas que le jury de sélection avait fait preuve de parti pris parce que sa présidente, qui a participé à la sélection des candidats et à l'établissement des notes de passage, avait fourni des références au sujet de certains candidats sélectionnés pour la liste d'admissibilité?

3.     Le comité d'appel a-t-il commis une erreur de droit du fait que, après avoir conclu que la demanderesse Rosemary Haney était qualifiée, il n'a pas exercé son autorité pour l'inscrire sur la liste d'admissibilité comme l'ordonnait une décision d'un comité d'appel antérieur?


4.     Le comité d'appel a-t-il commis une erreur de droit ou tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable lorsqu'il a estimé qu'une note de passage de 50 p. 100 était raisonnable pour la sélection des candidats à ce poste malgré le fait que l'employeur ait informé les candidats (y compris les demanderesses) à l'ouverture du concours qu'aucune note de passage n'était requise pour les nominations à ce poste?

Dispositions législatives pertinentes

[27]            Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, précitée, sont rédigées comme suit :

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

17. (1) Parmi les candidats qualifiés à un concours, la Commission sélectionne ceux qui occupent les premiers rangs et les inscrit sur une ou plusieurs listes, dites listes d'admissibilité, selon le nombre de vacances auxquelles elle envisage de pourvoir dans l'immédiat ou plus tard.

17. (1) From among the qualified candidates in a competition the Commission shall select and place the highest ranking candidates on one or more lists, to be known as eligibility lists, as the Commission considers necessary to provide for the filling of a vacancy or anticipated vacancies.

18. (1) Les nominations à des postes pourvus par voie de concours sont effectuées d'après la liste d'admissibilité conformément aux règlements de la Commission.

18. (1) An appointment under this Act made to a position by competition shall be made from an eligibility list in accordance with the regulations of the Commission.

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

[¼]

21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

[¼]

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.

Analyse et décision

Régime de la Loi


[28]            Le paragraphe 10(1) de la Loi prescrit que les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une « sélection fondée sur le mérite » . Le paragraphe 17(1) prévoit l'établissement de listes d'admissibilité sur lesquelles sont inscrits les candidats qui occupent les premiers rangs parmi ceux qui ont été jugés qualifiés. Conformément au paragraphe 18(1), les nominations à des postes pourvus par voie de concours doivent être effectuées d'après la liste d'admissibilité.

[29]            Le paragraphe 21(1) décrit le droit d'appel des candidats non reçus à un concours interne dans le cas d'une nomination effective ou imminente. Ce paragraphe est rédigé comme suit :

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

En vertu du paragraphe 21(3), « [l]a Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité » signalée par le comité d'appel relativement à la procédure de sélection. Le paragraphe 21(4) qui restreint la portée des appels subséquents énonce ce qui suit :

21.(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

Norme de contrôle

[30]            La décision Barbeau c. Canada (Procureur général), [2002] A.C.F. no 582 (1er inst.) (QL), 2002 CFPI 454, établit ce qui suit aux paragraphes 18 à 21 :

La Cour d'appel fédérale a confirmé que le comité d'appel ne possède pas suffisamment de connaissances lui permettant d'interpréter la Loi pour justifier que la Cour fasse preuve de retenue, sauf dans des circonstances particulières. En conséquence, les erreurs de droit, les erreurs de compétence et les exigences du principe du mérite qui soulèvent une question de droit sont toutes susceptibles d'un contrôle en fonction de la norme de la décision correcte. Ce principe a été confirmé dans les décisions suivantes :

Dans Boucher c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1557 (C.F. 1re inst.), le Juge McKeown a statué ce qui suit :


De nombreux arguments ont été invoqués au sujet de la norme de contrôle à appliquer en l'espèce. À mon avis, en ce qui concerne les conclusions de fait, la norme se trouve à un bout du spectre - c'est-à-dire que la Cour appelée à exercer le contrôle judiciaire doit faire preuve d'énormément de retenue à l'égard de pareilles conclusions. Par contre, les conclusions relatives aux erreurs de droit se trouvent à l'autre bout du spectre et sont traitées avec moins de retenue.

Ce principe a été confirmé ultérieurement par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Boucher c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 86 (C.A.F.).

Il a aussi été question de la norme de contrôle applicable dans le cadre d'un appel interjeté en vertu de l'article 21 dans l'arrêt Buttar c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 437 (C.A.F.) où les juges Décary, Sharlow et Malone ont statué ce qui suit :

Le Dr Buttar a cherché à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision. Cela soulève une question de droit quant aux exigences relatives au principe du mérite et la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte : Boucher c. Procureur général du Canada, A-699-98, 20 janvier 2000; [2000] A.C.F. no 86.

[31]            Dans Maassen c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 961 (1re inst.) (QL), 2001 CFPI 633, le juge McKeown a écrit ce qui suit au paragraphe 14 :

[¼] La norme de contrôle de la décision du comité d'appel est celle de la décision correcte en ce qui concerne les questions de droit comme l'interprétation de la LEFP. Voir : Boucher c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 86 (C.A.F.). Toutefois, les conclusions de fait tirées par les comités d'appel ont droit au plus haut degré de retenue, sauf si elles sont tirées sans tenir compte de la preuve présentée au comité d'appel. Voir : Canada (Procureur général) c. Rogerville, (1996) 117 F.T.R. 53 (1re inst.).

[32]            Dans l'arrêt Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia (2003), 302 N.R. 34, 2003 CSC 19, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit aux paragraphes 25 et 26 à propos de la norme de contrôle applicable dans une procédure de contrôle judiciaire :


C'est pour cette raison que, dorénavant, il ne suffit plus de classer une question donnée dans une catégorie précise de contrôle judiciaire et d'exiger sur ce fondement que le décideur ait rendu une décision correcte. De même, l'interprétation donnée par une cour de révision à une clause privative ou à un mécanisme de contrôle ne suffit plus à elle seule pour déterminer la norme de contrôle applicable : Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 100, 2001 CSC 36, par. 27. La méthode pragmatique et fonctionnelle appelle une analyse plus nuancée fondée sur l'examen de plusieurs facteurs. Cette méthode s'applique chaque fois qu'une cour entreprend le contrôle d'une décision d'un organisme administratif. Comme le professeur D. J. Mullan le signale dans Administrative Law (2001), p. 108, avec la méthode pragmatique et fonctionnelle, [TRADUCTION] « la Cour a établi une théorie générale ou unificatrice du contrôle des décisions de fond prises par tout décideur qui exerce une prérogative ou un pouvoir conféré par la loi » . Le contrôle des conclusions d'une instance administrative doit commencer par l'application de la méthode pragmatique et fonctionnelle.

Selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs contextuels -- la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel; l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l'objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question -- de droit, de fait ou mixte de fait et de droit.[¼]

Comme la méthode dont il est question dans l'arrêt Dr. Q., précité, le reconnaît, il se peut très bien qu'il faille appliquer différentes normes de contrôle à différentes questions dans un même cas.

[33]            La méthode pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle appropriée en l'espèce s'applique de la manière suivante :

1.     La présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel

La Loi ne comporte ni clause privative ni droit d'appel. Puisque le texte législatif est muet relativement à la question de la révision, ce facteur est neutre.

2.     L'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige


La question consiste à se demander si le principe du mérite a été respecté pour l'inscription des candidats qualifiés sur la liste d'admissibilité. Dans Barbeau, précité, on a considéré que les exigences du principe du mérite soulevaient des questions de droit. Bien que j'estime que les décisions des instances administratives exigent qu'on fasse preuve de retenue sur des questions de droit dans certaines circonstances, ce n'est pas le cas en l'espèce. Ni la Loi ni le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (2000), DORS/2000-80, n'exigent qu'un comité d'appel ait des connaissances spécialisées et une expérience ou des compétences particulières pour appliquer le principe du mérite. Comme le juge Strayer de la Cour d'appel fédérale l'a reconnu dans Boucher c. Canada (Procureur général) (2000), 252 N.R. 186 (C.A.F.), un comité d'appel est un comité ad hoc, désigné par la Commission de la fonction publique, sans expertise particulière en matière d'interprétation de la Loi. Il n'existe pas non plus de procédure spéciale ni de mode non judiciaire de mise en oeuvre de la Loi qui obligerait à une plus grande retenue judiciaire à l'égard des décisions du comité d'appel. Par conséquent, je suis d'avis que le comité d'appel n'a pas plus d'expertise que la Cour pour trancher cette question.

3.     L'objet de la loi et de la disposition particulière

L'objet de la loi, et du processus de sélection en particulier, est de trouver les personnes les mieux qualifiées en vue de pourvoir aux divers postes. Pour faire en sorte que les mesures correctives choisies par la Commission de la fonction publique soient conformes au principe de la sélection au mérite, le paragraphe 21(4) de la Loi prévoit des droits d'appel limités. Le cas échéant, le comité d'appel ne s'engage pas dans un processus de prise de décision polycentrique comportant la pondération d'intérêts multiples ou faisant intervenir des questions de politiques de manière que la cour de révision soit incitée à faire preuve de retenue. Dans leur ensemble, ni le régime de la Loi, ni la disposition en particulier, n'indique que le législateur a voulu que l'interprétation et l'application du principe du mérite soient laissées à l'appréciation du comité d'appel. Ce facteur incite à moins de retenue.


4.     La nature de la question -- de droit, de fait ou mixte de fait et de droit

La question en litige en l'espèce concerne l'application du principe du mérite qui, selon ce que la Cour d'appel fédérale a estimé, soulève une question de droit (voir Buttar c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 437 (C.A.)).

[34]            Après avoir soupesé ces facteurs, je suis d'avis que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte. J'ajouterais que cette même norme s'appliquerait également aux questions d'équité procédurale et de justice naturelle.

[35]            Question 1

Le comité d'appel a-t-il outrepassé sa compétence en dérogeant aux règles de l'équité procédurale lorsqu'il a refusé d'autoriser la présentation de la preuve concernant les références de certaines personnes qui se sont portées candidates aux postes à pourvoir dans la fonction publique?

Le paragraphe 21(4) est rédigé comme suit :

Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

[36]            Dans Johnson c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 191 (1re inst.) (QL), le juge Hugessen a écrit ce qui suit aux paragraphes 11 et 14 :


Même s'il est fort possible que des mesures correctives incomplètes ou insatisfaisantes soient visées par cette disposition, il est tout à fait clair, à mon sens, que seules les mesures qui ont été prises ou omises en application du paragraphe 21(3), c'est-à-dire les mesures visant à remédier à une irrégularité signalée par un comité d'appel, peuvent faire l'objet d'un appel supplémentaire. En d'autres termes, le paragraphe 21(3) concerne les irrégularités et les mesures prises pour y remédier. Un appel supplémentaire fondé sur le paragraphe 21(4) porte uniquement sur les répercussions de ces mesures sur les irrégularités en question. Les trois nouveaux motifs que les requérants ont invoqués devant le troisième comité d'appel et qu'ils soulèvent à nouveau en l'espèce ne respectent manifestement pas ce critère.

[¼]

Examinés sous cet angle, les paragraphes 21(3) et 21(4) ne comportent aucun élément très draconien ou radical. Ils énoncent simplement que, lorsque la Commission décide de prendre des mesures correctives plutôt que de revenir au point de départ et de lancer un nouveau concours, le moment pertinent pour l'évaluation du mérite des candidats demeure le même. Lors du deuxième appel, les mesures correctives sont évaluées sur le plan de leur conformité avec le principe de la sélection au mérite, mais aucune autre question, qu'elle ait pu ou non être soulevée lors du premier appel, ne peut être examinée. Le législateur a décidé de mettre un terme de cette façon à la procédure de nomination.

L'interprétation du juge Hugessen concernant les appels du paragraphe 21(4) a été confirmée par la Cour d'appel fédérale : (1999), 249 N.R. 136 (C.A.F.).

[37]            Dans la présente affaire, le comité d'appel n'a pas autorisé les demanderesses à présenter la preuve que les références de certaines personnes qui se sont portées candidates aux postes à pourvoir avaient été fournies par la présidente du jury de sélection. Les demanderesses ont soutenu que le fait que l'un des membres du jury de sélection ait fourni des lettres de recommandation au sujet de certains candidats équivalait à une crainte de partialité de la part de ce jury. Les demanderesses font valoir que le refus de la présidente d'admettre cette preuve constituait un manquement à l'obligation du comité d'appel d'agir équitablement à leur égard en matière de procédure.


[38]            Dans ses motifs, à la page 20, la présidente a écrit ce qui suit :

Par conséquent, je conclus que les appelantes peuvent être entendues à l'audition de leur appel uniquement en ce qui concerne les mesures prises par le jury de sélection dans le but de se conformer aux directives de la Commission, dans la mesure où ces mesures n'ont pas mené à la sélection en vue d'une nomination selon le principe du mérite. Par conséquent aussi, les prétentions selon lesquelles les vérifications des références ont été entachées d'irrégularités ne sauraient être considérées comme faisant partie des allégations. Cette question a été examinée et rejetée par le président Sloan, à la lumière de la preuve qui lui a été soumise. Les appelantes doivent assumer la responsabilité à l'égard de la nature de la preuve et de l'argumentation qui ont été soumises ou, moyennant diligence raisonnable, auraient pu être soumises à M. Sloan.

[39]            Cette conclusion peut être confirmée aux pages 5 et 15 de la décision du président Sloan :

[traduction]

[¼] [La présidente du jury de sélection] a admis avoir fourni des références au sujet de certains candidats faisant partie de sa propre section en expliquant que leur note pour le concours était établie conjointement avec d'autres personnes.

[¼]    

Les questionnaires de référence de neuf candidats reçus, ainsi que ceux des deux appelantes, ont été produits en preuve. Plusieurs personnes qui ont participé à la partie référence du processus en qualité de membre du jury de sélection ou de répondant ont témoigné. Après avoir soigneusement examiné la preuve, je ne vois aucun motif de conclure que la partie référence du processus d'évaluation a été menée de manière inappropriée. Je ne suis pas non plus en mesure de conclure que les références fournies au sujet des appelantes et examinées par le jury de sélection n'auraient pas dû être prises en compte dans le cadre de l'évaluation. Les évaluations du jury de sélection semblent raisonnables et cohérentes.

[40]            Compte tenu du paragraphe 21(4) de la Loi, une nomination ne peut faire l'objet d'un appel qu'au motif que les mesures correctives prises par la Commission de la fonction publique sont contraires au principe de la sélection au mérite. Puisque la preuve que les demanderesses voulaient présenter n'avait aucun lien avec les mesures correctives prises, j'estime que le comité d'appel n'a pas commis d'erreur en refusant de l'admettre.


[41]            Question 2

Le comité d'appel a-t-il commis une erreur de droit en ne concluant pas que le jury de sélection avait fait preuve de parti pris parce que sa présidente, qui a participé à la sélection des candidats et à l'établissement des notes de passage, avait fourni des références au sujet de certains candidats sélectionnés pour la liste d'admissibilité?

La demanderesse allègue que le comité d'appel a commis une erreur de droit en ne concluant pas que le jury de sélection avait fait preuve de parti pris parce que la présidente de ce jury, qui a participé à la sélection des candidats et à l'établissement des notes de passage, avait fourni des références au sujet de certains candidats sélectionnés pour la liste d'admissibilité. Elle soutient que, malgré la décision Canada (Procureur général) c. Mirabelli, [1987] A.C.F. no 142 (C.A.) (QL), le comité d'appel était tenu de vérifier s'il y avait eu parti pris. Il est allégué que cette question était au coeur même de la décision à l'étude et que le comité d'appel a manqué à son obligation d'agir équitablement sur le plan de la procédure en refusant de tenir compte des allégations de parti pris relativement au processus de sélection.

[42]            Après avoir examiné ces deux allégations de parti pris, la présidente a écrit ce qui suit aux pages 25 et 26 de sa décision :

Je ne relève rien dans ces arguments qui, séparément, équivaudrait à de la partialité réelle, par opposition à une crainte raisonnable de partialité ou, globalement, rien ne permet de conclure à de la « partialité réelle présumée » , à la lumière de la preuve que j'ai devant moi, sauf, bien entendu, pour ce qui est de l'établissement d'une note de passage générale de soixante-cinq pour cent; à cet égard, j'ai déjà conclu qu'il n'était pas du ressort du comité de trancher cette question, et conséquemment cet argument n'a aucun poids. [¼]

[¼]


Après avoir examiné la preuve et les arguments soumis à l'audition des présents appels, j'ai conclu que mon intervention dans ce processus de sélection n'est pas justifiée, simplement parce qu'il n'existait pas de preuve admissible, et encore moins d'arguments valables selon lesquels les personnes dont le nom figure sur la liste d'admissibilité établie par suite des mesures correctives prises par le ministère n'étaient pas les mieux qualifiées parmi les candidats ayant pris part à ce concours de CR-05.[¼]

[43]            Dans Mirabelli, précité, la Cour d'appel fédérale a affirmé ce qui suit :

Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'était pas loisible au comité d'appel, qui n'avait à se prononcer que sur la question de savoir si une nomination violerait le principe du mérite, de s'appuyer sur la conclusion qu'il y avait crainte raisonnable de partialité. Seule la partialité réelle peut montrer que la méthode de sélection « [¼] n'a pas été suivie de manière à identifier le candidat le plus méritant. » [¼] La crainte raisonnable de partialité implique la possibilité de l'existence de la partialité. Elle ne répond pas à l'exigence selon laquelle le résultat du concours doit avoir été influencé par une irrégularité. [¼]

[44]            Dans Hnatiuk c. Canada (Conseil du Trésor), [1993] A.C.F. no 703 (1re inst.) (QL), le juge Gibson a écrit ce qui suit au paragraphe 14 :

[¼] Il ressort clairement des arrêts Henri et Mirabelli qu'une « crainte raisonnable de partialité » est insuffisante pour étayer la conclusion selon laquelle le principe du mérite a été violé. Cependant, je n'interprète pas ces arrêts comme allant jusqu'à empêcher une conclusion de partialité réelle, ou de ce que je pourrais appeler une présumée partialité réelle, lorsqu'il est possible de conclure à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité, comme l'a fait la présidente en l'espèce, compte tenu du témoignage essentiellement non contredit d'un tiers apparemment digne de foi, désintéressé et qualifié selon lequel le requérant ici en cause, et je cite la décision de la présidente, [TRADUCTION] « [¼] avait les connaissances et autres qualités requises pour être reçu au concours concernant le poste de gestionnaire, ingénierie des communications » .

[45]            La Cour d'appel fédérale, en confirmant cette décision (publiée à (1994), 170 N.R. 364 (C.A.F.)) a mentionné ce qui suit au paragraphe 2 :

Nous convenons tous avec le juge Gibson que pour conclure à une partialité réelle de la part du comité de sélection, il n'est pas nécessaire que cette partialité soit évidente à la lecture du dossier. On peut, en effet, également la rechercher dans l'ensemble des circonstances entourant le concours. [¼]


[46]            Les demanderesses fondent leurs allégations de parti pris sur deux faits : (i) Rosemary Haney avait participé à une plainte de harcèlement visant l'un des membres du comité directeur consulté pour l'établissement des notes de passage; (ii) la présidente du jury de sélection avait fourni des lettres de recommandation au sujet de certains candidats et avait cherché à dissimuler ce fait. Premièrement, je noterais que la question des lettres de recommandation a été soulevée devant le président Sloan du premier comité d'appel et que ce dernier a conclu que [traduction] « le recours à des références et le poids accordé à ces dernières, pour évaluer les qualités personnelles, n'étaient pas déraisonnables » . Cette conclusion, même si elle n'était pas formulée comme un argument concernant le parti pris, n'a pas été contestée par les demanderesses dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire.

[47]            En ce qui a trait aux allégations de parti pris fondées sur les lettres de recommandation, j'estime que cette question a été tranchée par le président Sloan de manière défavorable à l'égard des demanderesses. Le président Sloan n'a pas déclaré qu'il s'agissait d'une irrégularité dans la première procédure de sélection et, par conséquent, la présidente du second comité d'appel a eu raison de conclure comme elle l'a fait à cet égard car le paragraphe 21(4) de la Loi n'autorise les appels « qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite » .


[48]            En ce qui a trait aux allégations de parti pris fondées sur la consultation de l'un des membres du comité directeur, on peut dire que cette question découle bel et bien des mesures correctives prises par la Commission dans son processus d'établissement d'une note de passage. Je ne suis pas convaincu qu'il y a eu parti pris ou une crainte raisonnable de parti pris de la part du jury de sélection sur ce point. Les noms des candidats n'ont pas été mentionnés et les discussions ne semblent pas avoir mené à des solutions imposées au jury.

[49]            Question 3

Le comité d'appel a-t-il commis une erreur de droit du fait que, après avoir conclu que la demanderesse Rosemary Haney était qualifiée, il n'a pas exercé son autorité pour l'inscrire sur la liste d'admissibilité comme l'ordonnait une décision d'un comité d'appel antérieur?

Après avoir examiné la décision du comité d'appel antérieur, je ne suis pas convaincu que le président Sloan a ordonné au jury de sélection d'inscrire la demanderesse Rosemary Haney sur la liste d'admissibilité. Aux pages 15 et 16 de sa décision, le président Sloan a écrit ce qui suit :

[traduction]

[¼] Le jury de sélection doit exécuter cette tâche de façon équitable et honnête pour faire en sorte que la sélection soit faite au mérite. L'évaluation d'un candidat est souvent une question d'opinion. Toutefois, l'on peut s'attendre à ce que le jury de sélection se montre raisonnable dans les opinions qu'il se forme. Il n'appartient pas au comité d'appel d'évaluer à nouveau les candidats ou de substituer son opinion à celle du jury de sélection. Le comité d'appel doit plutôt mener une enquête pour déterminer si les sélections en vue de la nomination ont été faites d'une manière qui respecte le principe de la sélection au mérite. Le comité d'appel peut intervenir dans les décisions du jury de sélection seulement si celui-ci s'est formé une opinion qui n'est pas raisonnable.

Nulle part dans sa conclusion, aux pages 16 et 17 de ses motifs, le président Sloan n'a-t-il ordonné que le nom de l'une ou l'autre des demanderesses soit inscrit sur la liste d'admissibilité.

[50]            Les demanderesses ont fait valoir que le comité d'appel a refusé de les inscrire sur la liste d'admissibilité parce que cette liste était valide seulement jusqu'au 26 septembre 2001.

[51]            La présidente a écrit ce qui suit à la page 29 de sa décision :

Deuxièmement, et cela est plus important encore, le paragraphe 21(1) de la Loi autorise des appels seulement à l'encontre de personnes qui ont été nommées ou qui sont sur le point d'être nommées en vertu de la Loi. Seules les personnes qui ont déjà été nommées à partir de l'actuelle liste d'admissibilité appartiennent à cette catégorie. Aucun autre candidat n'est admissible à une nomination, même si l'on détermine que ces personnes sont entièrement qualifiées par suite de cette décision, étant donné que la liste était valide uniquement jusqu'au 26 septembre 2001. Par conséquent, même si on confirmait la validité de la note de passage minimale de cinquante pour cent pour ce qui est des connaissances, des capacités et des qualités personnelles et si l'on laissait tomber la note de passage globale de soixante-cinq pour cent, il n'y a pas d'effet rétroactif sur le mérite relatif des personnes qui ont déjà été nommées, à partir de la liste d'admissibilité. Manifestement, les personnes nommées étaient plus qualifiées que l'appelante Haney ou que tout autre candidat ou candidate non reçu qui pourrait maintenant être réputé qualifié, suite à la présente décision.

[52]            Toutefois, la présidente a également tiré la conclusion suivante aux pages 28 et 29 de sa décision :

Toutefois, j'ai conclu que pareille intervention de la part du comité d'appel serait de toute façon illégale ou, au mieux, spéculative.

En premier lieu, les pouvoirs qui me sont délégués, en vertu des pouvoirs accordés par la Commission de la fonction publique au vice-président de la Direction générale des recours, se limitent ici à l'exécution d'enquêtes, en conformité avec les paragraphes 21(1) et 21(1.1) de la Loi, au sujet des appels à l'encontre de nominations au sein de la fonction publique. Je n'ai pas compétence pour mener enquête à propos de la façon dont la Commission, agissant par l'intermédiaire de Norm Denis, a exercé son pouvoir d'établir la liste d'admissibilité sous le régime du paragraphe 17(1), à l'exception possible de circonstances comme celles qui ont présidé à l'arrêt Asselin, situation dans laquelle la liste renfermait le nom de candidats non qualifiés. La preuve déposée dans le cas de la décision du comité d'appel Sloan montre que tous les candidats sur la liste d'admissibilité établie par suite de l'accueil de l'appel étaient à la fois entièrement qualifiés et les plus qualifiés parmi ceux qui s'étaient inscrits au concours, sur la base de la note de passage minimale de cinquante pour cent pour ce qui est des connaissances, des capacités et des qualités personnelles.


[53]            Pour expliquer que Mme Haney ne serait pas inscrite sur la liste d'admissibilité, la présidente a souligné que le paragraphe 17(1) de la Loi permet à la Commission de la fonction publique de choisir « [p]armi les candidats qualifiés » , ce qui indique qu'il n'est pas nécessaire que les noms de tous les candidats qualifiés soient inscrits sur la liste d'admissibilité. Il est loisible à la Commission d'inscrire sur cette liste les noms des candidats les plus qualifiés. Je suis d'avis que la présidente n'a pas commis d'erreur à cet égard.

[54]            Les demanderesses ont également allégué que même si la présidente a invoqué la décision de la Cour d'appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Asselin, [1986] A.C.F. no 307 (C.A.), le critère a été mal appliqué. Le juge Marceau a déclaré ce qui suit à la page 3 de cette décision :

[¼] D'autre part, s'il est évident qu'en pratique c'est surtout le travail du jury de sélection et le respect du principe du mérite dont aura à se préoccuper le comité d'appel agissant sous l'article 21 puisque c'est là, bien sûr, que les problèmes sont susceptibles de se poser, rien dans la loi telle que je la lis ne permet de penser que toutes autres préoccupations lui seraient interdites. Si une nomination est faite ou est sur le point d'être faite à partir d'une liste d'admissibilité qui n'a que les apparences d'une telle liste parce qu'elle est informe, imparfaite, ou qu'elle a été confectionnée illégalement, comment penser que le comité d'appel peut pouvoir se fermer les yeux et n'en faire aucun cas.

[55]            Dans Asselin, précité, l'annonce du concours publiée par la Commission de la fonction publique, précisait, à la suite des qualités requises pour occuper le poste à pourvoir, qu'une autorisation sécuritaire et un examen médical étaient nécessaires. Aucune des personnes dont le nom apparaissait sur la liste d'admissibilité n'avait fait l'objet d'une enquête de sécurité ou d'un examen médical. Le comité d'appel dans cette affaire a annulé la liste d'admissibilité. La demande de contrôle judiciaire du procureur général du Canada a été rejetée par la Cour d'appel fédérale.

[56]            Dans la présente affaire, la liste d'admissibilité est irrégulière en ce sens que la Commission n'a peut-être pas tenu compte de tous les candidats qualifiés lorsqu'elle a établi cette liste. Le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale a mentionné dans l'arrêt Asselin, précité, qu'un comité d'appel ne peut fermer les yeux sur des irrégularités et n'en faire aucun cas. Après avoir annulé la note de passage globale qui était à fixée à 65 p. 100, ce qui permettait alors à Mme Haney d'être qualifiée pour le poste à pourvoir, le comité d'appel aurait dû s'en remettre à la décision Asselin, précitée.

[57]            Mme Haney aurait fait partie du groupe des candidats qualifiés à partir duquel la Commission aurait établi la liste d'admissibilité en application du paragraphe 17(1) de la Loi. Par conséquent, la liste d'admissibilité préparée à partir du groupe de candidats admissibles dont Mme Haney ne faisait pas partie ne pouvait être une liste complète, comme la Cour d'appel fédérale l'a mentionné dans l'arrêt Asselin, précité. Le comité d'appel a conclu que son intention eu égard aux circonstances serait illégale ou, au mieux, spéculative. Je ne suis pas d'accord. À mon avis, le comité d'appel a fait erreur en donnant une interprétation aussi étroite à la décision Asselin, précitée.

[58]            En outre, le comité d'appel a accordé beaucoup d'importance à la date d'expiration de la liste d'admissibilité pour tirer la conclusion selon laquelle il ne pouvait pas intervenir. L'expiration d'une liste d'admissibilité ne peut mettre le processus à l'abri de la révision lorsque le principe de la sélection au mérite a été miné.

[59]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un comité d'appel différent pour qu'il procède à un examen en conformité avec la présente décision.

[60]            Compte tenu de la conclusion que j'ai tirée relativement à la question 3, je ne trancherai pas la question 4.

ORDONNANCE

[61]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un comité d'appel différent pour qu'il procède à un examen en conformité avec la présente décision.

                                                                            « John A. O'Keefe »             

                                                                                                     Juge                         

Ottawa (Ontario)

Le 2 décembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   T-631-02

INTITULÉ :                                  BERNICE BOUDREAU et

ROSEMARY HANEY

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              FREDERICTON (N.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MARDI 3 JUIN 2003

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :           LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                   LE MARDI 2 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

David Brown, c.r.                            POUR LES DEMANDERESSES

Melissa Cameron                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brown MacGillivray                         POUR LES DEMANDERESSES

Saint John (Nouveau-Brunswick)

Morris Rosenberg                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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