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Date : 20190523


Dossier : 16-T-6

Référence : 2019 CF 726

ENTRE :

DAVID LESSARD-GAUVIN

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE LA TAXATION

JOHANNE PARENT, Officier taxateur

[1]  Le 19 février 2016, la Cour accordait la prorogation de délai afin de produire la demande en contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la Commission de la fonction publique, et pour le reste,  rejetait la requête du demandeur avec dépens contre ce dernier.

[2]  Le 15 janvier 2019, le défendeur signifiait et produisait son mémoire de dépens ainsi que l’affidavit de Cynthia Gaulin Gallant déclaré solennellement le 10 décembre 2018. Des directives furent émises informant les parties que la taxation du mémoire de dépens procéderait sur la base de représentations écrites ainsi que des délais impartis pour le dépôt des dites représentations. Des soumissions en réponse ainsi qu’en réplique furent produites. Compte tenu de la surréplique présentée pour dépôt au dossier de la Cour par le demandeur le 12 mars 2019, il fut offert au défendeur de déposer des soumissions concernant le rajustement de la valeur unitaire.

[3]  Dans ses représentations en réponse, le demandeur, arguant qu’il « existe un principe de taxation voulant que les dépens soient taxés à la fin du continuum de recours reliés », réclame que soit reportée la demande de taxation jusqu’à ce qu’une décision finale dans le dossier
T-1136-16 soit rendue. Il allègue que le fardeau de la dette nuirait à son droit d’obtenir justice alors que le défendeur ne subirait aucun préjudice significatif. Il argumente ensuite manquer d’informations afin de répondre aux unités réclamées dans le cadre de la préparation du mémoire de dépens alors qu’il est manifeste que le travail fut effectué par un parajuriste, non par un avocat. Finalement, référant à la règle 60 des Règles des Cours fédérales, le demandeur exprime le souhait que « la Cour lui signale toute lacune de preuve ou de procédure …».

[4]  En réplique, le défendeur allègue que le demandeur n’a soumis aucun motif pouvant justifier le report de la taxation. Citant le paragraphe 6 de l’arrêt Suresh c Canada, 2000 Can LII 15812 l, il est argué qu’aucune « circonstance impérieuse » ne pourrait motiver un officier taxateur à reporter la taxation des dépens et que les dossiers 16-T-6 et T-1136-16 sont distincts. Référant à la décision Suresh et aux paragraphes 12 et 13 de l’affaire Almacon Industries Ltd. c Anchortek Ltd., 2003 CFPI 127, le défendeur note que l’existence d’un appel ne justifie pas le report de la taxation des dépens. Comme indiqué dans la décision Suresh, le défendeur soutient qu’une requête en sursis d’exécution aurait été la procédure adéquate visant le report de l’exécution de l’ordonnance du 19 février 2016. De surcroît, le défendeur reconnaît que le mémoire de dépens fut préparé par une parajuriste et qu’à ce titre, la réclamation sous l’article 26 du tableau du Tarif B doit être ajustée en conformité avec l’article 28. Finalement, le défendeur maintien que la valeur unitaire utilisée au mémoire de dépens devrait être rajustée à 150 $ l’unité afin de refléter le changement en vigueur depuis le 1er avril 2018.

[5]  Le 12 mars 2019, le demandeur présentait une surréplique qui fut acceptée pour dépôt au dossier de la Cour en regard du nouvel élément apporté par le défendeur dans ses représentations concernant le rajustement de la valeur unitaire. Dans ses représentations, le demandeur soutient que la valeur unitaire à être utilisée est celle en vigueur au moment où les dépens furent octroyés. Il allègue qu’il « existe une jurisprudence fédérale peu détaillée/argumentée voulant que la taxation se fasse selon la valeur au moment du dépôt de la requête en taxation » et que cette dernière, ne s’appuyant sur aucune règle de droit, devrait « être mise de côté afin de tenir compte des règles d’interprétation existantes » alors qu’est soulevée une « question juridique nouvelle » (Canada (Procureur général) c Bedford, 2013 CSC 72 et Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5). Citant la décision Al Sammour c Jamour, 2016 QCCS 46, note 22, le demandeur invoque l’existence d’une règle d’interprétation nouvelle voulant que « la loi qui règle les formes et les effets du jugement est la loi du jour du jugement ». Alléguant que les Règles des Cours fédérales ne donnent pas de réponse sur ce sujet, il est proposé d’utiliser la jurisprudence québécoise via l’application de la règle 4. Référant aux décisions Canada (Procureur général) c Almalki, 2015 CF 1278 et Canada (Procureur général) c Almalki, 2016 CAF 195, le demandeur soutient « qu’il faut distinguer une disposition de nature purement procédurale et une modification à une disposition sur un droit substantif lié à la procédure », que « le droit aux dépens s’est cristallisé le jour du jugement et l’officier taxateur n’a d’autre rôle que de déterminer les caractéristiques de ce cristal ».

[6]  Dans sa surréponse au sujet du rajustement de la valeur unitaire, le défendeur cite la règle 4 et les décisions Tucker c Canada, 2007 CAF 133 et Kumar c Canada, 2006 CAF 256, soutenant que la valeur unitaire à être utilisée par l’officier taxateur est celle en vigueur au moment de la taxation.

I.  TAXATION

[7]  Considérant le premier argument du demandeur eut égard à la prématurité de la taxation des dépens, je suis d’opinion à la lumière des observations des parties, de la jurisprudence citée par le défendeur et des décisions Latham c Canada, 2007 FCA 179, ITV Technologies, Inc. v WIC Television Ltd., 2000 FCJ No 67 et Mennes v Canada (Correctional Service), 1999 FCJ No 664 que l’existence d’un appel ou d’affaires non réglées dans des dossiers possiblement connexes ne peut justifier le report de la taxation des dépens.

[8]  Au sujet du rajustement de la valeur unitaire, j’ai eu l’opportunité de prendre connaissance des représentations des parties, de la jurisprudence citée ainsi que du Tarif B des Règles des Cours fédérales. Les articles 2, 3 et 4 du Tarif B se lisent :

2 (1) Lors de la taxation, l’officier taxateur détermine les dépens taxables au moyen de la formule suivante :

A × B + C

où :

A représente :

(a) soit le nombre d’unités attribué à chaque service à taxer,

(b) soit si le service est taxable selon un nombre d’heures, le nombre d’unités attribué à ce service multiplié par le nombre d’heures;

B la valeur unitaire établie à l’article 3 et rajustée selon l’article 4;

C les débours taxables.

(2) Aux fins de la taxation, l’officier taxateur ne peut attribuer à un service un nombre d’unités comportant une fraction.

3 Au 1er janvier l998, la valeur unitaire est de 100 $.

4 (1) Le 1er avril de chaque année, les juges en chef de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale, après s’être consultés, rajustent la valeur unitaire en la multipliant par le résultat de la formule suivante :

A/B × 100

où :

A représente l’indice d’ensemble des prix à la consommation pour le Canada, publié par Statistique Canada en vertu de la Loi sur la statistique, pour le mois de décembre de l’année précédente;

B l’indice d’ensemble des prix à la consommation pour le Canada, publié par Statistique Canada en vertu de la Loi sur la statistique, pour le mois de décembre 1994.

(je souligne)

2 (1) On an assessment, the assessment officer shall determine assessable costs by applying the formula

A × B + C

where

A is

(a) the number of units allocated to each assessable service, or

(b) where the service is based on a number of hours, the number of units allocated to that service multiplied by the number of hours;

B is the unit value as established in section 3 and adjusted in accordance with section 4; and

C is the amount of assessable disbursements.

(2) On an assessment, an assessment officer shall not allocate to a service a number of units that includes a fraction.

3 The unit value as at January 1, 1998 is $100.

4 (1) On April 1 in each year, the Chief Justices of the Court of Appeal and the Federal Court, in consultation with one another, shall adjust the unit value by multiplying it by the amount determined by the formula

A/B × 100

where

A is the Consumer Price Index for all items for Canada, as published by Statistics Canada under the authority of the Statistics Act, in respect of December of the preceding year; and

B is the Consumer Price Index for all items for Canada, as published by Statistics Canada under the authority of the Statistics Act, in respect of December 1994.

(je souligne)

[9]  À la lumière des paragraphes 2(1) et 4(1) du Tarif B et de la jurisprudence existant devant la Cour fédérale, la valeur unitaire qui sera utilisée lors de la taxation des dépens de l’affaire en cours sera la valeur unitaire rajustée selon l’article 4 du Tarif, soit 150 $.

[10]  Dans ses représentations en réponse au mémoire de dépens, le demandeur conteste le nombre d’unités réclamées sous l’article 26 du tableau du Tarif B au sujet de la préparation du mémoire de dépens en rapport avec le travail effectué par une parajuriste sous l’article 28 du tableau. Tenant compte de l’admission du défendeur au sujet du travail d’une parajuriste, les unités réclamées sous l’article 26 seront allouées, mais sous l’article 28 à 50% du montant qui serait calculé pour les services d’un avocat. Aucune autre représentation ne fut présentée quant aux autres services et débours réclamés par le défendeur au mémoire de dépens. Ces autres services et débours seront alloués tenant compte de mon devoir de réserve et de la décision Dahl c Canada, 2007 CF 192, où il est indiqué au paragraphe 2 :

Effectivement, l'absence d'observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m'aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l'officier taxateur ne peut certifier d'éléments illicites, c'est-à-dire des postes qui dépassent ce qu'autorisent le jugement et le tarif.

[11]  Le mémoire de frais présenté par le défendeur est taxé et alloué au montant de
2 157,25 $.

« Johanne Parent »

Officier taxateur

Toronto (Ontario)

Le 23 mai 2019


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

16- T-6

INTITULÉ :

DAVID LESSARD-GAUVIN c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES.

MOTIFS DE LA TAXATION par :

johanne parent, officier taxateur

DATE DES MOTIFS :

LE 23 MAI 2019

OBSERVATIONS ÉCRITES :

David Lessard-Gauvin

Pour LE DEMANDEUR

(Se représentANT lui-même)

Me Marilou Bordeleau

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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