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Date : 20190521


Dossier : IMM-4350-18

Référence : 2019 CF 715

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 mai 2019

En présence de monsieur le juge James W. O'Reilly

ENTRE :

TSERING LHAZOM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Mme Tsering Lhazom a demandé l’asile au Canada en raison de sa crainte d’être persécutée du fait de sa religion en Chine. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande de Mme Lhazom après avoir conclu qu’elle était admissible à la citoyenneté en Inde, où elle ne serait pas persécutée.  

[2]  Mme Lhazom fait valoir que la décision de la Commission était déraisonnable, car elle n’a pas tenu compte de la preuve concernant les difficultés qu’elle aurait à essayer d’obtenir la citoyenneté indienne. Elle me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner à un autre tribunal de réexaminer sa demande. Je suis d’accord avec Mme Lhazom que la Commission a omis de tenir compte d’éléments de preuve importants militant en sa faveur, ce qui a mené à une conclusion déraisonnable. 

[3]  La seule question en litige est de savoir si la conclusion de la Commission selon laquelle Mme Lhazom pouvait obtenir la citoyenneté en Inde était déraisonnable.

II.  Contexte

[4]  D’origine tibétaine, Mme Lhazom est née en Inde, mais est citoyenne chinoise. Elle a quitté l’Inde en 2003 et a demandé l’asile aux États‑Unis. Elle craignait que, si l’Inde l’expulsait en Chine, elle soit persécutée par les autorités chinoises parce qu’elle est une disciple du dalaï‑lama. À la suite du rejet de sa demande, elle s’est rendue au Canada et a demandé l’asile. 

[5]  La Commission a indiqué que, selon le droit indien, les personnes qui, comme Mme Lhazom, sont nées en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987 reçoivent la citoyenneté. La Commission s’est ensuite demandé si Mme Lhazom avait démontré qu’il existait un obstacle important l’empêchant d’obtenir sa citoyenneté indienne et qu’elle avait fait des efforts raisonnables pour surmonter l’obstacle, mais que ces efforts avaient été vains (Tretsetsang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 175). La Commission a conclu que Mme Lhazom n’avait satisfait à aucun de ces critères et a donc considéré l’Inde comme un refuge sécuritaire pour elle.

III.  La conclusion de la Commission était‑elle déraisonnable?

[6]  Le ministre soutient que la Commission a raisonnablement conclu que Mme Lhazom pouvait obtenir la citoyenneté en Inde. Il fait valoir qu’à juste titre, la Commission a accordé peu de valeur à une opinion juridique qui avait été préparée pour une autre personne et qu’elle a raisonnablement conclu que Mme Lhazom n’avait pas fait des efforts importants pour obtenir la citoyenneté indienne.

[7]  Je suis en désaccord.

[8]  La lettre d’opinion fournie par Mme Lhazom traitait d’une personne se trouvant dans une situation semblable à la sienne. Plus particulièrement, comme Mme Lhazom, cette personne ne possédait pas les types de documents d’identité devant être présentés afin d’obtenir la citoyenneté indienne selon le site Web du ministère indien des Affaires étrangères. La Commission ne disposait d’aucune preuve que tout autre document ferait l’affaire. Elle a également rejeté l’opinion, car elle n’était pas définitive. Toutefois, il incombait à Mme Lhazom d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était confrontée à un obstacle important, et non de présenter une preuve définitive.

[9]  La Commission a invoqué la jurisprudence indienne, suivant laquelle le gouvernement indien doit accorder la citoyenneté aux demandeurs tibétains admissibles. Cependant, cette jurisprudence n’est d’aucune utilité pour Mme Lhazom, qui n’est pas admissible à la citoyenneté selon les critères officiels, car elle ne possède pas la documentation exigée.

[10]  Quant aux efforts de Mme Lhazom pour obtenir la citoyenneté indienne, la Commission a indiqué qu’elle n’avait même pas présenté de demande. En fait, la preuve dont disposait la Commission montrait que Mme Lhazom, une femme analphabète ayant une scolarité de première année, avait demandé à un ami de l’aider à déposer une demande de passeport, l’un des documents dont elle pouvait se servir à l’appui de sa demande de citoyenneté. Mme Lhazom a témoigné que son ami avait consulté le formulaire de demande de passeport en ligne et avait conclu que Mme Lhazom n’avait pas les documents nécessaires. Comme Mme Lhazom ne possédait pas les documents, et ne pouvait pas les obtenir, la conclusion de la Commission selon laquelle elle n’avait pas fait suffisamment d’efforts pour obtenir la citoyenneté indienne était déraisonnable.

IV.  Conclusion et dispositif

[11]  Les conclusions de la Commission selon lesquelles Mme Lhazom n’avait pas démontré l’existence d’un obstacle important l’empêchant d’obtenir la citoyenneté indienne et qu’elle n’avait pas fait des efforts raisonnables pour surmonter cet obstacle étaient déraisonnables. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner à un autre tribunal de réexaminer la demande de Mme Lhazom. Aucune des parties n’a proposé une question de portée générale à certifier, et aucune question n’est énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4350‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre tribunal pour nouvel examen. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de juin 2019.

Sophie Reid‑Triantafyllos, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4350‑18

 

INTITULÉ :

TSERING LHAZOM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 AVRIL 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O'REILLY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 21 MAI 2019

 

COMPARUTIONS :

Jack C. Martin

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Monmi Goswami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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