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Date : 20190523


Dossier : IMM-3033-18

Référence : 2019 CF 728

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 mai 2019

En présence de monsieur le juge James W. O’Reilly

ENTRE :

JIANCHU HE

YUZHEN XIAO

ZICONG HE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs, M. Jianchu He, sa femme Mme Yuzhen Xiao et leur fils Zicong He ont demandé l’asile au Canada parce qu’ils craignaient d’être persécutés en Chine. Ils soutiennent être recherchés par le Bureau de la sécurité publique (le BSP) depuis que M. He a protesté contre un dirigeant soi-disant corrompu l’ayant exproprié de sa propriété.

[2]  Un tribunal de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a maintenu la décision précédente par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande d’asile des demandeurs en raison d’un manque d’éléments de preuve crédibles. La SPR avait douté du témoignage de M. He, car il n’avait pas fourni de preuve concernant le voyage des demandeurs au Canada, n’avait pas présenté de citation à comparaître du BSP, faisait valoir que les demandeurs avaient quitté la Chine sans difficulté munis de leurs propres passeports, et parce que les éléments de preuve corroborant l’expropriation n’étaient pas suffisants.

[3]  Les demandeurs soutiennent qu’il était déraisonnable de la part de la SAR de maintenir les conclusions de la SPR en matière de crédibilité. Ils font aussi valoir que la SAR n’a pas tenu compte de la preuve documentaire au sujet du traitement réservé aux personnes qui contestent les expropriations en Chine. Ils me demandent d’annuler la décision de la SAR et d’ordonner à un tribunal différemment constitué d’examiner à nouveau leur demande.

[4]  Rien ne permet d’infirmer la décision de la SAR. Ses conclusions n’étaient pas déraisonnables compte tenu de la preuve dont elle disposait. De plus, puisque la SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas pris part à une manifestation contre une expropriation, elle n’était pas contrainte d’examiner la preuve documentaire relative aux traitements subis par ceux dont c’est le cas.

[5]  Il y a deux questions en litige :

  1. Les conclusions de la SAR en matière de crédibilité étaient-elles déraisonnables?

  2. La SAR aurait-elle dû tenir compte de la preuve documentaire au sujet des manifestants?

II.  Première question – Les conclusions de la SAR en matière de crédibilité étaient-elles déraisonnables?

[6]  Les demandeurs soutiennent qu’il était déraisonnable de la part de la SAR de s’attendre à ce qu’ils aient photocopié leurs passeports pour confirmer les détails de leur voyage au Canada. Ils avaient expliqué à la SPR que leurs passeports originaux avaient été remis au passeur qui avait planifié leur voyage de la Chine vers le Canada. La SPR n’a pas accepté cette explication. La SAR a convenu avec les demandeurs que la SPR avait spéculé sur ce qu’un passeur ferait avec les passeports des demandeurs. Toutefois, la SAR a ensuite conclu que, dans ces circonstances, les demandeurs auraient fait des photocopies de leurs passeports.

[7]  Je suis d’accord avec les demandeurs pour dire qu’il n’était peut-être pas réaliste pour la SAR de s’attendre à ce qu’ils auraient prévu la nécessité de faire des photocopies de leurs passeports. De plus, ils avaient présenté à la SPR des copies de leurs billets d’avion et de leurs documents de récupération de bagages. Par conséquent, il n’y avait aucun motif réel de remettre en question leurs antécédents de voyage.

[8]  La SAR disposait néanmoins d’un motif raisonnable pour rejeter l’appel des demandeurs.

[9]  Les demandeurs soutiennent que la SAR leur a reproché à tort de ne pas avoir déposé une citation à comparaître écrite du BSP pour confirmer qu’ils étaient bien recherchés. Ils citent un élément de preuve documentaire indiquant que les pratiques du BSP en matière de citation à comparaître sont incohérentes; le BSP laisse parfois une citation à un membre de la famille du suspect ou à un de ses amis, mais pas toujours.

[10]  En l’espèce, toutefois, les demandeurs prétendent que les agents du BSP poursuivaient M. He depuis plus de 18 mois, qu’ils avaient visité sa maison à six reprises et qu’ils avaient présenté un mandat d’arrestation à sa mère. Dans les circonstances, la SAR a conclu qu’il était improbable que le PSB n’aurait pas laissé de citation écrite lors d’au moins une de ses visites.

[11]  Compte tenu des divergences dans les méthodes employées, on aurait tort de s’attendre à ce que toutes les personnes affirmant être recherchées par le BSP fournissent une preuve corroborante sous la forme d’une citation à comparaître écrite. En l’espèce, toutefois, vu l’acharnement allégué du BSP, il n’était pas déraisonnable pour la SAR de s’attendre à ce que le demandeur en présente une. 

[12]  Les demandeurs font également valoir que la conclusion de la SPR selon laquelle il était peu probable qu’ils aient été en mesure de quitter la Chine sans difficulté avec leurs propres passeports était déraisonnable. En particulier, bien que la SAR ait conclu que M. He aurait probablement été repéré au moyen d’un logiciel de reconnaissance faciale, cette technologie, au mieux, aurait simplement associé le visage de M. He à sa photo de passeport. Les demandeurs affirment qu’elle n’aurait pas permis de lier M. He à la liste des personnes recherchées par le BSP.

[13]  La preuve documentaire indique que le logiciel de reconnaissance faciale permet de lier les passagers à la photo de leur passeport, mais il n’est pas clair si des liens sont établis avec d’autres bases de données. Toutefois, même une correspondance avec une photo de passeport confirmerait aux autorités l’identité de la personne quittant le pays. La SAR a eu raison de conclure que si M. He avait été activement recherché par le BSP, son départ aurait probablement été détecté.

[14]  Les demandeurs contestent également la conclusion de la SAR selon laquelle M. He aurait dû être détecté par le Système chinois d’information préalable sur les voyageurs. Ils soulignent que le recours au Système n’est pas systématique et que, de toute façon, ils avaient embauché un passeur qui les a aidés à se soustraire aux mesures de sécurité à l’aéroport.

[15]  La preuve documentaire confirme que le recours au Système d’information préalable sur les voyageurs n’est pas systématique. Toutefois, les demandeurs étaient incapables d’expliquer comment leur passeur les a aidés à contourner les mesures de sécurité de l’aéroport en général. Là encore, il n’était pas déraisonnable pour la SAR de douter du récit des demandeurs concernant leur départ de la Chine.

[16]  Enfin, sur ce point, les demandeurs remettent en question les conclusions de la SAR selon lesquelles la corruption dans les aéroports chinois est négligeable et qu’il est peu probable qu’ils aient été en mesure d’éviter les contrôles de sortie.

[17]  Je ne vois pas de problèmes avec les conclusions de la SAR. Elle a reconnu que certains éléments de preuve montrent qu’il est possible de soudoyer les autorités aéroportuaires, mais a conclu, selon la prépondérance de la preuve, que la majorité des autorités aéroportuaires contrôlent minutieusement les passagers. 

[18]  Les demandeurs contestent aussi la conclusion de la SAR selon laquelle ils auraient dû prouver la participation de M. He à une manifestation contre les expropriations. Ils indiquent que la SAR aurait dû croire leur témoignage sans réserve.

[19]  À mon avis, comme la SAR avait d’autres préoccupations en matière de crédibilité, il n’était pas déraisonnable pour elle de tenir compte de l’absence de preuve documentaire corroborante dans son évaluation globale de la crédibilité.

[20]  Je ne peux conclure que, prises dans leur ensemble, les conclusions de la SAR en matière de crédibilité étaient déraisonnables.

III.  Seconde question : la SAR aurait-elle dû tenir compte de la preuve documentaire au sujet des manifestants?

[21]  Les demandeurs soutiennent que la SAR a agi de façon déraisonnable en ne tenant pas compte de la preuve documentaire démontrant que les personnes qui s’opposent aux expropriations en Chine sont persécutées.

[22]  Je ne suis pas de cet avis. La SAR a conclu que l’allégation des demandeurs selon laquelle ils étaient recherchés par le BSP en raison de leurs protestations n’était pas crédible. Compte tenu de cette conclusion, la SAR n’avait pas à examiner la nature du traitement réservé aux manifestants.

IV.  Conclusion et dispositif

[23]  Les conclusions de la SAR en matière de crédibilité n’étaient pas déraisonnables et rien ne l’obligeait à tenir compte de la preuve documentaire relative aux manifestants contre les expropriations. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à faire certifier et aucune n’est formulée. 


JUGEMENT dans le dossier IMM-3033-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est formulée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 14e jour de juin 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3033-18

 

INTITULÉ :

JIANCHU HE, YUZHEN XIAO, ZICONG HE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 FÉVRIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 MAI 2019

COMPARUTIONS :

Chloe Turner-Bloom

POUR LES DEMANDEURS

 

James Todd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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