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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Hua (1re inst.) [2001] 4 C.F. 272

                                                                                                                                           Date : 20010628

                                                                                                                              Dossier : IMM-4225-00

                                                                                                           Référence neutre : 2001 CFPI 722

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     demandeur

et

HOAN LOI HUA

                                                                                                                                                      défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) à l'encontre d'une décision de Colin MacAdam, membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (section d'appel) (ci-après le Tribunal). Dans sa décision, le Tribunal a accueilli l'appel que le défendeur avait interjeté contre la mesure d'expulsion prise conformément à l'alinéa 70(1)b) de la Loi et a ordonné l'annulation de cette mesure.

[2]                 Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision susmentionnée du Tribunal.


Les faits

[3]                 Le défendeur est un vietnamien âgé de 36 ans; il s'agit d'un immigrant ayant obtenu le droit d'établissement; il a de la difficulté à parler l'anglais. Le défendeur est entré au Canada au mois d'août 1995. À la page 44 du dossier du demandeur figure la fiche relative au droit d'établissement, qui montre que le défendeur est apatride.

[4]                 Le défendeur vivait seul au sous-sol d'un immeuble où il donnait des leçons de danse à des adultes célibataires. Les jeunes du voisinage entraient chez lui et assistaient aux leçons. Le défendeur laissait les jeunes entrer chez lui à leur guise pour écouter de la musique et regarder la télévision. En rentrant chez lui après son travail de chef cuisinier un soir de l'été 1997, le défendeur a trouvé des agents de police qui étaient en train d'arrêter trois jeunes qui avaient été pris à voler dans son appartement. Il s'agissait des jeunes mêmes qui allaient chez le défendeur pour regarder la télévision et écouter de la musique. Peu de temps après, ces jeunes ont accusé le défendeur de les avoir agressés sexuellement. En fin de compte, le défendeur a été arrêté une semaine après le vol.


[5]                 Au mois d'août 1997, huit accusations ont été portées contre le défendeur, notamment des accusations de contacts sexuels, d'agression sexuelle et d'incitation à des contacts sexuels, ces infractions ayant censément été commises entre le 1er mai et le 4 août 1997. Il y avait censément quatre victimes. Le 15 octobre 1998, le défendeur a plaidé coupable au deuxième chef d'accusation concernant une victime. Il s'est vu infliger une peine d'un an avec sursis et a été soumis à la probation pour une période de deux ans. Toutes les autres accusations ont été retirées par la Couronne.

[6]                 Le défendeur maintient que les allégations ont été faites en vue d'amener les jeunes à justifier le vol et qu'il a plaidé coupable parce que son avocat lui avait conseillé de le faire et parce qu'il voulait éviter des frais.

[7]                 Le 11 août 1999, un rapport a été préparé en vertu de l'article 27 contre le défendeur, qui y était décrit comme un résident permanent visé à l'alinéa 27(1)d) de la Loi sur l'immigration. Une enquête a eu lieu le 5 octobre 1999 devant un arbitre en vue de déterminer si le défendeur était une personne visée à l'alinéa 27(1)d) de la Loi. L'arbitre a conclu que le défendeur était de fait une telle personne et il a pris une mesure d'expulsion.

[8]                 Le défendeur en a appelé de la décision du 5 octobre 1999 devant la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié (section d'appel) conformément à l'alinéa 70(1)b) de la Loi. Il a sollicité un sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion. L'appel a été entendu le 7 juin 2000. À l'audience, une amie du défendeur a témoigné au sujet de son cercle d'amis. La mère de la victime a également témoigné, en disant qu'elle ne croyait pas que le défendeur eût commis l'infraction. Le Tribunal disposait également d'un rapport récent renfermant une conclusion selon laquelle le défendeur n'était pas un pédophile, de deux lettres d'un agent de probation et du compte rendu des antécédents criminels.


[9]                 Par une décision en date du 24 juillet 2000, après avoir tenu compte des circonstances de l'affaire dans leur ensemble, le Tribunal a accueilli l'appel du défendeur et a annulé la mesure d'expulsion. Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.

Les points litigieux

[10]            Le demandeur soulève trois questions à l'appui de la présente demande :

1.          Le Tribunal a-t-il excédé sa compétence en déterminant qu'en fait, le défendeur n'avait pas commis d'infraction, et ce, même s'il avait plaidé coupable à l'infraction d'agression sexuelle, même s'il s'était vu infliger une peine au criminel devant la Cour de l'Ontario (Division générale) et même s'il avait témoigné devant l'arbitre et le Tribunal qu'il avait assumé la responsabilité de l'infraction?

2.          Le Tribunal a-t-il tiré une conclusion de fait abusive et arbitraire sans tenir compte des éléments dont il disposait en concluant que le défendeur ne constituait un risque pour personne, y compris les enfants, et ce, même si selon le rapport de probation d'un agent de liberté conditionnelle, il n'avait aucun remords?


3.          Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des facteurs appropriés énoncés dans les décisions Ribic c. Canada, I.A.B.D. no 4 (20 août 1985) no T84-9623 (CAI) et Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 1 C.F. 605 (C.A.F.) lorsqu'il s'est demandé s'il devait exercer sa compétence en equity en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi?

[11]            Le Tribunal a excédé sa compétence

Le demandeur soutient que l'avocat du défendeur a concédé plus d'une fois au cours de l'audience que l'appel était fondé sur l'alinéa 70(1)b) de la Loi et qu'étant donné que la déclaration de culpabilité avait [TRADUCTION] « déjà été inscrite » , il n'y avait pas lieu d'en appeler de la déclaration de culpabilité elle-même. Le demandeur affirme que le Tribunal a excédé sa compétence en vérifiant la déclaration de culpabilité et en déterminant en fait que le défendeur n'avait pas commis l'infraction en question même s'il avait présenté un plaidoyer de culpabilité et même si une déclaration de culpabilité avait été prononcée. En outre, le Tribunal n'a pas tenu compte des déclarations de la victime et du témoignage de l'agent de liberté conditionnelle.


[12]            Le demandeur fait remarquer que bien que le défendeur ait uniquement sollicité un sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion, le Tribunal a décidé d'accueillir l'appel à tous les égards et d'annuler la mesure. En sollicitant un sursis, l'avocat du défendeur a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Puisque, sur le plan juridique, un plaidoyer de culpabilité a été inscrit au dossier, je croyais ne pouvoir solliciter aucune autre recours, si ce n'est un sursis, parce qu'il - il est coupable - il a plaidé coupable, il y a une déclaration de culpabilité, parce que je ne croyais pas que la Commission aurait compétence pour vérifier de fait la déclaration de culpabilité et qu'en fait [...] » .

[13]            Le demandeur soutient qu'en ce qui concerne les facteurs énoncés dans les décisions Ribic, précitée, et Chieu, précitée, le Tribunal a commis une erreur de droit et a excédé sa compétence en omettant d'apprécier les facteurs énoncés ci-dessous.

[14]            Les circonstances de l'affaire dans leur ensemble, et notamment la gravité de l'infraction, ont mené à l'expulsion.

On a accordé beaucoup d'importance au fait que le défendeur avait eu des relations avec des femmes. Selon le demandeur, le Tribunal a utilisé cet élément en vue d'absoudre complètement le défendeur de toute participation à des agressions sexuelles contre de jeunes garçons. Le Tribunal n'a fait aucun cas du compte rendu des antécédents criminels, de la déclaration de la victime figurant dans le rapport de police supplémentaire et des deux lettres des agents de probation et de liberté conditionnelle. La première de ces lettres disait que le défendeur n'avait manifesté aucun remords et que l'agent de liberté conditionnelle ne croyait pas pouvoir dire avec certitude si le défendeur constituait un danger pour la société en général. La deuxième lettre disait qu'en ce qui concerne l'infraction initiale, le défendeur avait tenté plus d'une fois de blâmer la jeune victime.


[15]            Le demandeur affirme que ce facteur comprend également « le bien de la société » , ce dont le Tribunal a omis de tenir compte. Contrairement aux exigences des décisions Ribic, précitée, et Chieu, précitée, le Tribunal n'a pas effectué d'analyse appropriée des intérêts contradictoires en jeu et il n'a pas tenu compte du facteur crucial de la sécurité publique et de l'ordre de la société canadienne.

[16]            Le demandeur déclare qu'en entendant le témoignage de la mère de la victime, le Tribunal a complètement absous le défendeur de son crime. Même si la victime avait été déclarée coupable du vol chez le défendeur, ce qui n'avait pas été corroboré à l'audience (la victime ne savait pas que la mère témoignait à l'audience), cela ne change rien au fait que le défendeur a commis les crimes et qu'il a plaidé coupable à une accusation.

[17]            La possibilité de réadaptation

Le demandeur mentionne la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Saintelus, (11 septembre 1998) dossier IMM-1542-97 (C.F. 1re inst.), où il a été statué qu'en exerçant son pouvoir discrétionnaire, la section d'appel doit respecter les objectifs de la Loi et tenir compte notamment de la protection, de la sécurité et de l'ordre public au Canada. Le demandeur soutient qu'en l'espèce, le Tribunal ne l'a pas fait puisqu'il ne s'est pas demandé si le défendeur risquait de récidiver et s'il s'était réadapté.

[18]            La durée du séjour au Canada

Le demandeur soutient que l'on n'a accordé aucune importance ou que l'on a accordé peu d'importance au fait que le défendeur n'était au Canada que depuis cinq ans.


[19]            La mesure dans laquelle le défendeur est établi au Canada et l'appui dont il dispose non seulement au sein de sa famille mais aussi dans la collectivité

Le Tribunal n'a pas tenu compte du fait que le défendeur avait peu de liens avec la collectivité ou qu'il participait peu à la vie sociale au Canada. Le témoignage du défendeur était incohérent en ce qui concerne les relations qu'il entretenait avec des femmes au Canada et le fait qu'il avait travaillé pendant moins d'un an (il avait touché des prestations d'assistance sociale au cours des deux années antérieures). Une connaissance qui a témoigné pour le compte du défendeur ne savait pas où celui-ci vivait et n'avait pas été chez lui depuis le début de l'année précédente.

[20]            La famille au Canada

Le frère et la belle-soeur du défendeur, qui vivent à Toronto, n'ont pas assisté à l'audience. Le défendeur a témoigné que son frère n'était pas au courant de la déclaration de culpabilité. Les autres membres de sa famille sont au Vietnam. Le demandeur fait remarquer que le Tribunal n'était pas convaincu que les membres de la famille éprouveraient des difficultés excessives si le défendeur était renvoyé du Canada.

[21]            Les difficultés auxquelles le défendeur ferait face s'il était renvoyé du Canada

Selon le demandeur, les seuls motifs à l'appui de la conclusion du Tribunal selon laquelle le défendeur éprouverait de grandes difficultés étaient fondés sur le fait que le défendeur avait eu une vie très dure pendant les cinq années qui avaient précédé son arrivée au Canada. Aucun autre détail n'a été donné à ce sujet.


Arguments du défendeur

[22]            L'arbitre n'a pas tiré de conclusions abusives ou arbitraires

Le défendeur convient avec le demandeur que la CISR devrait tenir compte des facteurs énoncés dans la décision Ribic, précitée, lorsqu'elle se demande si elle doit exercer sa compétence en equity. Le défendeur affirme que le Tribunal a tenu compte des circonstances de l'affaire dans leur ensemble, et notamment de la déclaration de culpabilité, de la négociation de plaidoyer et de l'évaluation psychologique, qui montrait qu'il n'était pas un pédophile.

[23]            Le bien de la société

Le Tribunal était convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur avait plaidé coupable pour un certain nombre de raisons, notamment en vue d'économiser de l'argent, d'assurer le règlement rapide de l'affaire et d'exclure d'autres accusations censément fausses. Le défendeur soutient également que le Tribunal a conclu que son témoignage était crédible. En outre, le défendeur affirme qu'il ne constitue pas un danger pour la société parce qu'il n'est pas un pédophile et que, de toute façon, il semble n'avoir commis qu'une seule infraction, plutôt que d'être un récidiviste.

[24]            Le défendeur fait remarquer que le Tribunal a conclu qu'il assumait la responsabilité en ce qui concerne son plaidoyer de culpabilité et que, dans ces conditions, cela constituait du remords. Il s'agit d'un fait dont le Tribunal a minutieusement tenu compte et cette conclusion n'est donc pas abusive.


[25]            Le tribunal n'a pas excédé sa compétence

À la page 7 de ses motifs, le Tribunal dit ce qui suit :

[...] je ne suis pas en mesure de vérifier la condamnation, mais je trouve que l'appelant s'est acquitté du fardeau de prouver pourquoi il maintient son innocence à l'égard de sa condamnation. Son témoignage concernant la raison pour laquelle il a été accusé de l'infraction est convaincant, tout comme celui qui concerne la raison pour laquelle il a été condamné.

[26]            Le Tribunal a ensuite conclu que le défendeur s'était réadapté. Le défendeur soutient également qu'il n'existe aucun fondement factuel à l'appui de l'assertion du demandeur selon laquelle le Tribunal n'a pas tenu compte des déclarations de la victime. La mère de la victime a témoigné qu'elle ne croyait pas que le défendeur eût agressé sexuellement son fils. Le témoignage de la mère a été jugé « particulièrement crédible » .

[27]            Le défendeur soutient également que le Tribunal a tenu compte de la preuve fournie par l'agent de liberté conditionnelle, étant donné que les pages 5 et 6 de ses motifs sont en bonne partie consacrées à l'examen des lettres de l'agent. Le Tribunal a en outre donné des précisions au sujet de ces lettres à la page 6 de ses motifs et il a déclaré ne pas croire pleinement le témoignage de l'agent.

[28]            Le Tribunal a examiné les circonstances de l'affaire dans leur ensemble.


Le défendeur soutient que le Tribunal a tenu compte de la preuve dans son ensemble, et notamment du compte rendu des antécédents criminels mentionné à la page 3 de ses motifs, de la déclaration de la victime, auquel il avait accordé moins d'importance qu'au témoignage de la mère et des lettres des agents de probation et de liberté conditionnelle.

[29]            Le défendeur soutient que le demandeur demande à la présente cour de substituer son avis à celui du Tribunal et qu'il n'a pas démontré que la décision n'était fondée sur aucun élément de preuve ou que les conclusions de fait étaient abusives ou arbitraires.

Les dispositions législatives pertinentes

[30]            Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration sont ainsi libellées :

3. La politique canadienne d'immigration ainsi que les règles et règlements pris en vertu de la présente loi visent, dans leur conception et leur mise en oeuvre, à promouvoir les intérêts du pays sur les plans intérieur et international et reconnaissent la nécessité_:

[...]

i) de maintenir et de garantir la santé, la sécurité et l'ordre public au Canada; [...]

3. It is hereby declared that Canadian immigration policy and the rules and regulations made under this Act shall be designed and administered in such a manner as to promote the domestic and international interests of Canada recognizing the need

. . .

(i) to maintain and protect the health, safety and good order of Canadian society; and . . .

27. (1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui-ci, selon le cas_:

[...]

d) a été déclaré coupable d'une infraction prévue par une loi fédérale, autre qu'une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions:

(i) soit pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a été imposée,

(ii) soit qui peut être punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans; [...]

27. (1) An immigration officer or a peace officer shall forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a permanent resident is a person who

. . .

(d) has been convicted of an offence under any Act of Parliament, other than an offence designated as a contravention under the Contraventions Act, for which a term of imprisonment of more than six months has been, or five years or more may be, imposed; . . .

70. (1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants_:

[...]

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

70. (1) Subject to subsections (4) and (5), where a removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely,

. . .

(b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada.

73. (1) Ayant à statuer sur un appel interjeté dans le cadre de l'article 70, la section d'appel peut_:

a) soit y faire droit;

b) soit le rejeter;

c) soit, s'il s'agit d'un appel fondé sur les alinéas 70(1)b) ou 70(3)b) et relatif à une mesure de renvoi, ordonner de surseoir à l'exécution de celle-ci;

73. (1) The Appeal Division may dispose of an appeal made pursuant to section 70

(a) by allowing it;

(b) by dismissing it;

(c) in the case of an appeal made pursuant to paragraph 70(1)(b) or 70(3)(b) respecting a removal order, by directing that execution of the order be stayed; or

d) soit, s'il s'agit d'un appel fondé sur les alinéas 70(1)b) ou 70(3)b) et relatif à une mesure de renvoi conditionnel, ordonner de surseoir à l'exécution de celle-ci au moment où elle deviendra exécutoire.

(d) in the case of an appeal made pursuant to paragraph 70(1)(b) or 70(3)(b) respecting a conditional removal order, by directing that execution of the order on its becoming effective be stayed.

Analyse et décision

[31]            Le défendeur a interjeté appel devant le Tribunal conformément à l'alinéa 70(1)b) de la Loi. Monsieur le juge MacKay a examiné le pouvoir discrétionnaire conféré à la section d'appel à l'alinéa 70(1)b) dans la décision Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 3 C.F. 299 (C.F. 1re inst.), à la page 332 :

Le pouvoir discrétionnaire étendu qui est conféré à la section d'appel en ce qui concerne sa compétence en equity est prévu à l'alinéa 70(1)b) de la Loi, qui habilite la section d'appel à déterminer « eu égard aux circonstances particulières de l'espèce » , si un résident permanent devrait être renvoyé du Canada. Lorsque ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi et sans être influencé par des considérations non pertinentes et qu'il n'est pas exercé de façon arbitraire ou illégale, la Cour n'a pas le droit d'intervenir, même si elle aurait pu exercer ce pouvoir discrétionnaire différemment si elle avait été à la place de la section d'appel.

[32]            Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. McCormack (2000), 8 Imm.L.R. (3d) 121 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Pinard a dit ce qui suit à la page 123 :

Par ailleurs, la Cour d'appel fédérale a conclu, dans l'arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] 1 C.F. 605, à la page 614 :

C'est ainsi qu'il faut interpréter le libellé de l'alinéa 70(1)b), dans un contexte global. Cet article permet à la Commission de se demander si une mesure de renvoi ou une mesure de renvoi condition­nel prononcée contre un résident permanent devrait être annulée ou suspendue pour le motif que, eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, la personne ne devrait pas être renvoyée du Canada. La Commis­sion a ordre d'examiner la validité et l'équité de la mesure de renvoi. La question est la suivante: Cette personne devrait-elle être renvoyée ou non? [...]


[...] la SACISR peut, et même doit [...] examiner de façon générale les circonstances particulières de l'affaire afin de détermi­ner si la mesure d'expulsion a été prononcée correcte­ment et équitablement. Ces considérations peuvent comprendre les sujets suivants, mais elles ne seraient pas limitées à celles-ci:

• la gravité de l'infraction à l'origine de l'expulsion;

• la possibilité de réhabilitation (si un crime a été commis);

• les répercussions du crime (si un crime a été com­mis) pour la victime;

• les remords du demandeur (si un crime a été com­mis);

• la durée de la période passée au Canada et le degré d'établissement de l'appelant ici;

• la présence de la famille qu'il a au pays et les bouleversements que l'expulsion de l'appelant occasionnerait pour cette famille;

• les efforts faits par le demandeur pour s'établir au Canada, notamment en ce qui concerne l'emploi et l'instruction;

• le soutien dont bénéficie le demandeur, non seule­ment au sein de sa famille, mais également de la collectivité.

En l'espèce, après avoir conclu que le défendeur avait violé les conditions qui lui avaient été imposées, la SAI a examiné les circonstances de l'affaire et conclu que le défendeur ne devait pas être renvoyé du pays. À mon avis, la SAI pouvait raisonnablement parvenir à cette conclusion, compte tenu de la preuve qui a été produite. Le demandeur a souligné quelques erreurs de fait que la SAI a commises dans sa décision, qui, compte tenu du contexte de l'ensemble de la preuve, ne sont pas importantes, à mon avis. Dans un tel contexte, considérant les principes applicables susmentionnés que la Cour suprême du Canada et la Cour d'appel fédérale ont énoncés, j'estime que l'intervention de notre Cour ne serait pas justifiée.

[33]            J'aborderai la présente affaire en tenant compte de ces jugements. En ce qui concerne la présumée erreur de compétence, la norme de contrôle est celle de la décision correcte.

[34]            Première question

Le Tribunal a-t-il excédé sa compétence en déterminant qu'en fait, le défendeur n'avait pas commis d'infraction, et ce, même s'il avait plaidé coupable à l'infraction d'agression sexuelle, même s'il s'était vu infliger une peine au criminel devant la Cour de l'Ontario (Division générale) et même s'il avait témoigné devant l'arbitre et le Tribunal qu'il avait assumé la responsabilité de l'infraction?


Le demandeur soutient que le Tribunal a excédé sa compétence en vérifiant le plaidoyer de culpabilité qui a donné lieu à la déclaration de culpabilité prononcée au criminel et à l'imposition d'une peine contre le défendeur. Il est certain que pareille déclaration est admissible dans une affaire civile subséquente telle que la présente espèce. Toutefois, l'accusé peut expliquer pourquoi il a fait l'objet d'une déclaration de culpabilité lorsque l'affaire est entendue au civil ou encore il est possible d'atténuer l'effet de cette déclaration. Dans la décision Cromarty c. Monteith (1957), 8 D.L.R. (2d) 112 (C.S.C.-B.), à la page 114, le juge Wilson a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Dans Wigmore on Evidence, 3e éd., article 1066, l'auteur dit ce qui suit : « Il semble possible de présenter le plaidoyer qu'un accusé a présenté dans une affaire pénale dans une affaire civile subséquente. »

À mon avis, M. Phillipps a énoncé le droit correctement. Le plaidoyer de culpabilité est recevable en preuve à titre d'aveu fait contre ses intérêts, mais il n'est pas concluant. Il doit en être tenu compte de la même façon que tout autre aveu qu'un plaideur fait, et la preuve des circonstances dans lesquelles cet aveu a été fait doit être reçue afin de pouvoir déterminer l'importance qu'il convient de lui accorder. Le fait que l'aveu a été fait dans une procédure judiciaire est un facteur à prendre en considération, mais toute présomption susceptible de découler de cette circonstance pourrait être réfutée par la preuve, par exemple si le plaidoyer a été obtenu par la fraude ou au moyen de menaces. À mon avis, le défendeur peut également être entendu dans une audience civile subséquente, et il peut affirmer que l'aveu résulte d'une mauvaise interprétation du droit (voir Roscoe's Evidence in Civil Actions, 20e éd., p. 65, et Newton v. Liddiard (1848), 12 Q.B. 925, 116 E.R. 1117, qui y est cité). Cependant, je crois qu'une fois que l'aveu a été consigné au dossier, il incombe au plaideur de prouver l'existence des circonstances qui en atténuent l'effet apparent.


Le défendeur a témoigné devant le Tribunal qu'il avait plaidé coupable à une accusation parce que l'avocat qui le représentait alors lui avait fait savoir qu'il ne gagnerait pas pareille cause et qu'il pourrait éviter une peine d'emprisonnement s'il présentait ce plaidoyer. Le défendeur a également témoigné qu'il avait eu de la difficulté à se faire comprendre par son avocat au moment où les accusations criminelles avaient été portées. De plus, à l'audience qui a eu lieu devant le Tribunal, la mère de la victime a témoigné qu'elle ne croyait pas que l'agression avait eu lieu. La mère de la victime ne connaissait pas très bien le défendeur. Le membre du tribunal, Colin MacAdam, a reconnu que, même s'il n'était pas en mesure de vérifier la déclaration de culpabilité prononcée au criminel, la preuve susmentionnée ainsi que la conclusion du psychiatre selon laquelle le défendeur n'était pas un pédophile l'avaient convaincu que le défendeur s'était « acquitté du fardeau de prouver pourquoi il maint[enait] son innocence à l'égard de sa condamnation » . À mon avis, cette conclusion est exacte puisque le Tribunal a conclu que tous les témoignages susmentionnés étaient crédibles. Le Tribunal n'a donc pas excédé sa compétence.

[35]            Deuxième question

Le Tribunal a-t-il tiré une conclusion de fait abusive et arbitraire sans tenir compte des éléments dont il disposait en concluant que le défendeur ne constituait un risque pour personne, y compris les enfants, et ce, même si selon le rapport de probation d'un agent de liberté conditionnelle, il n'avait aucun remords?


Premièrement, le demandeur soutient que le Tribunal a tiré une conclusion de fait abusive et arbitraire en statuant que le défendeur ne constituait pas un risque pour personne, et ce, même si dans son rapport l'agent de liberté conditionnelle avait dit que le défendeur n'éprouvait aucun remords. Dans sa décision, M. MacAdam a analysé à fond les rapports de l'agent de probation. Il a noté que les rencontres avec l'agent duraient de dix à 15 minutes et que l'accent était mis sur l'emploi du défendeur. Par conséquent, la remarque de l'agent selon laquelle le défendeur est un « isolé social » ne peut pas être étayée. Le membre du Tribunal a également examiné le rapport du psychiatre, dans lequel il était conclu que le défendeur n'était pas un pédophile et il a dit qu'il accordait « une pleine valeur probante » à cette conclusion, mais qu'il accordait moins de valeur probante à l'inférence défavorable que l'agent de probation avait faite au sujet du manque de remords du défendeur. Le membre du Tribunal a noté qu'il n'était pas convaincu que l'agent de probation eût parfaitement bien compris la version que le défendeur avait donnée au sujet de la condamnation dont il avait fait l'objet, telle qu'il l'avait expliquée à l'audience qui avait eu lieu devant le Tribunal. Contrairement à ce que le demandeur allègue, je ne suis pas convaincu que le Tribunal ait tiré une conclusion de fait abusive et arbitraire.

[36]            Troisième question

Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des facteurs appropriés énoncés dans les décisions Ribic c. Canada, [I.A.B.D. no 4] (20 août 1985) no T84-9623 (CAI) et Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 1 C.F. 605 (C.A.F.) lorsqu'il s'est demandé s'il devait exercer sa compétence en equity en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi?

J'ai examiné la décision du Tribunal et j'estime que le Tribunal a tenu compte des facteurs appropriés, tels qu'ils sont énumérés dans la décision Ribic, précitée. Les facteurs pertinents ont été énumérés dans la décision Chieu, précitée. Ainsi, le Tribunal a tenu compte de la gravité de l'infraction, de la possibilité de réadaptation, du remords du défendeur et des autres facteurs énumérés dans les arrêts, dans la mesure où ils s'appliquent en l'espèce. Le Tribunal a retenu les explications que le défendeur avait données au sujet de son plaidoyer de culpabilité. J'estime que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit à cet égard.


[37]            Le défendeur a demandé que les dépens lui soient adjugés sur la base avocat-client. Je ne suis pas prêt à adjuger pareils dépens au défendeur.

[38]            Les parties disposeront d'un délai d'une semaine à compter de la date de la présente décision pour me soumettre une question grave de portée générale, le cas échéant, aux fins d'un examen.

« John A. O'Keefe »

Juge

Halifax (Nouvelle-Écosse),

le 28 juin 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER :                                                         IMM-4225-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

HOAN LOI HUA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE MARDI 24 AVRIL 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                   MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                                  LE MARDI 19 JUIN 2001

ONT COMPARU

Mme Claire Le Riche                                                          POUR LE DEMANDEUR

M. Cecil Rotenberg, c.r.                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Ministère de la Justice

Bureau régional de Toronto

2 First Canadian Place

Bureau 3400, Exchange Tower, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6                                                                          POUR LE DEMANDEUR

M. Cecil L. Rotenberg, c.r.

255, chemin Duncan Mill

Bureau 808

Don Mills (Ontario)

M3B 3H9                                                                          POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                             Date : 20010619

                                                Dossier : IMM-4225-00

                             Référence neutre : 2001 CFPI 722

                                                                                         

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                       demandeur

et

HOAN LOI HUA

                                                                        défendeur

                                                                                       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                      

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