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Date : 20040609

Dossier : T-633-92

Référence : 2004 CF 824

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS,

COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                    LANDMARK CINEMAS OF CANADA LTD., BRIAN MCINTOSH,

TOWNE CINEMA THEATRES (1975) LTD., ROKEMAY THEATRES LTD. et

COSMOPOLITAN CINEMAS LTD.

- et -

TOWN CINEMA THEATRES (1975) LTD., CEECO INVESTMENTS INC., et

PLACID DEVELOPMENTS LIMITED, FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM

THE BANFF CINEMA PARTNERSHIP

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une requête présentée par le défendeur, Brian McIntosh (McIntosh), qui a interjeté appel de la décision de la protonotaire, datée du 28 octobre 2003. L'ordonnance de la protonotaire se lit en partie comme suit :


[traduction]

2.              Les défendeurs Brian McIntosh, Towne Cinema Theatres (1975) Ltd., Rokeway Theatres Ltd., Cosmopolitan Cinemas Ltd., Ceeco Investments Inc. et Placid Developments Limited doivent fournir des affidavits de documents plus amples et plus précis, comme l'a demandé la demanderesse, au plus tard dans les quinze (15) jours à compter de la date de la présente ordonnance. Plus particulièrement, un élément relatif à des documents en liasse doit donner suffisamment de détails pour permettre à la partie qui lit la liste de documents de comprendre son contenu, en général, à quel moment et d'où les documents tirent leur origine, ainsi que de déterminer le nombre de documents dans le groupe.

3.              Les frais élevés de la requête, fixés à un montant de 1 210 $, sont payables immédiatement à la demanderesse.

Le contexte factuel

[2]                Le 7 janvier 2003, la protonotaire a ordonné à tous les défendeurs de produire des affidavits de documents au plus tard 15 jours à compter de la décision sur l'appel interjeté par les défendeurs à l'encontre de l'ordonnance ajoutant les nouvelles défenderesses à la présente action. L'appel a été rejeté le 10 avril 2003. Le défendeur McIntosh n'a pas respecté cette ordonnance.

[3]                Le 28 avril 2003, la protonotaire a ordonné qu'il soit satisfait à l'ordonnance du 7 janvier 2003 et a ordonné que les affidavits de documents soient déposés au plus tard dans les sept jours suivant le délai prévu dans l'ordonnance du 7 janvier 2003. Le défendeur McIntosh ne s'y est pas conformé.

[4]                Le 30 juin 2003, la protonotaire a rendu une autre ordonnance ordonnant que l'échange de documents soit complété pour le 26 juillet 2003. L'affidavit de documents du défendeur McIntosh a été déposé à l'intérieur du délai imparti.

[5]                L'affidavit de documents du défendeur McIntosh n'énumérait aucun document aux annexes 1, 2, 3 ou 4.

[6]                Le 25 août 2003, la demanderesse a présenté une requête visant à obtenir une ordonnance radiant la défense de McIntosh et des autres défendeurs pour avoir omis de fournir une communication utile de leurs documents et, de ce fait, pour ne pas avoir respecté l'ordonnance du 30 juin 2003 de la protonotaire. Subsidiairement, la demanderesse visait à obtenir une ordonnance ordonnant au défendeur McIntosh et aux autres défendeurs de fournir des affidavits de documents plus amples et plus précis.

[7]                L'ordonnance du 28 octobre 2003 de la protonotaire a accordé à la demanderesse la réparation subsidiaire qu'elle demandait, à savoir une ordonnance obligeant le défendeur McIntosh à fournir un affidavit de documents plus ample et plus précis.

[8]                En l'espèce, il s'agit de l'appel interjeté par McIntosh à l'encontre de cette ordonnance.


La question en litige

[9]                L'appel à l'encontre de l'ordonnance de la protonotaire devrait-il être accueilli?

Les dispositions législatives pertinentes

[10]            Les dispositions pertinentes des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, se lisent comme suit :

51. (1) L'ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Section de première instance.

51. (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Trial Division.

223. (1) Chaque partie signifie un affidavit de documents aux autres parties dans les 30 jours suivant la clôture des actes de procédure.

223. (1) Every party shall serve an affidavit of documents on every other party within 30 days after the close of pleadings.

223(2) L'affidavit de documents est établi selon la formule 223 et contient :

223(2) An affidavit of documents shall be in Form 223 and shall contain

a) des listes séparées et des descriptions de tous les documents pertinents :

(a) separate lists and descriptions of all relevant documents that

(i) qui sont en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels aucun privilège de non-divulgation n'est revendiqué,

(i) are in the possession, power or control of the party and for which no privilege is claimed,

(ii) qui sont ou étaient en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels un privilège de non-divulgation est revendiqué,

(ii) are or were in the possession, power or control of the party and for which privilege is claimed,

(iii) qui étaient mais ne sont plus en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels aucun privilège de non-divulgation n'est revendiqué,

(iii) were but are no longer in the possession, power or control of the party and for which no privilege is claimed, and

(iv) que la partie croit être en la possession, sous l'autorité ou sous la garde d'une personne qui n'est pas partie à l'action;

(iv) the party believes are in the possession, power or control of a person who is not a party to the action;

b) un exposé des motifs de chaque revendication de privilège de non-divulgation à l'égard d'un document;

(b) a statement of the grounds for each claim of privilege in respect of a document;

c) un énoncé expliquant comment un document a cessé d'être en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et indiquant où le document se trouve actuellement, dans la mesure où il lui est possible de le déterminer;

(c) a description of how the party lost possession, power or control of any document and its current location, as far as the party can determine;

d) les renseignements permettant d'identifier toute personne visée au sous-alinéa a)(iv), y compris ses nom et adresse s'ils sont connus;

(d) the identity of each person referred to in subparagraph (a)(iv), including the person's name and address, if known;

e) une déclaration attestant que la partie n'a pas connaissance de l'existence de documents pertinents autres que ceux qui sont énumérés dans l'affidavit ou ceux qui sont ou étaient en la possession, sous l'autorité ou sous la garde d'une autre partie à l'action;

(e) a statement that the party is not aware of any relevant document, other than those that are listed in the affidavit or are or were in the possession, power or control of another party to the action; and

f) une mention précisant les dates, heures et lieux où les documents visés au sous-alinéa a)(i) peuvent être examinés.

(f) an indication of the time and place at which the documents referred to in subparagraph (a)(i) may be inspected.

Analyse et décision

[11]            La norme de contrôle applicable à un appel interjeté à l'encontre d'une décision d'un protonotaire a été définie dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), dans lequel le juge MacGuigan a conclu ce qui suit à la page 463 :

[...] le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :


a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

[Renvoi omis.]

[12]            La protonotaire a ordonné au défendeur McIntosh de déposer un affidavit de documents plus ample et plus précis. L'affidavit de documents déposé par le défendeur McIntosh mentionnait qu'il n'avait aucun document à énumérer aux annexes 1, 3 ou 4 et comprenait une déclaration générale revendiquant un privilège sur les documents de l'annexe 2. Il a fait valoir qu'il n'avait aucun autre document à déposer.


[13]            Invoquant la transcription du contre-interrogatoire de McIntosh qui s'est tenu le 17 mai 2000, la demanderesse désigne des notes de conversations qui ont été préparées par le défendeur McIntosh et sa secrétaire. Ces notes ont été prises lorsqu'un avocat de la société qui représente la demanderesse a téléphoné au défendeur McIntosh pour se renseigner au sujet de l'action devant la Cour. Par suite de ces conversations, le défendeur McIntosh a présenté une requête à la Cour afin d'écarter du dossier la société d'avocats représentant la demanderesse. Dans cette requête, le défendeur McIntosh a déposé un affidavit et a été contre-interrogé au sujet de l'affidavit. La demanderesse a joint une partie du contre-interrogatoire du défendeur relativement à la requête antérieure dans son dossier de requête pour le présent appel. La transcription de ce contre-interrogatoire révèle l'existence des notes prises par le défendeur McIntosh et sa secrétaire.

[14]            La demanderesse affirme que les notes auraient dû être incluses à l'annexe 1 ou à l'annexe 2 de l'affidavit de documents de McIntosh et que leur absence démontre l'insuffisance de l'affidavit. La demanderesse fait valoir que, par conséquent, la protonotaire avait raison d'ordonner au défendeur McIntosh de fournir un affidavit de documents plus ample et plus précis.

[15]            Le défendeur McIntosh fait valoir que la protonotaire ne disposait pas de la transcription de son contre-interrogatoire relativement à la requête antérieure lorsqu'elle a été saisie de la requête qui a donné lieu à l'ordonnance du 28 octobre 2003 et que les notes ne sont pas pertinentes aux fins de l'action.

[16]            La demanderesse fait valoir de son côté que, puisque la protonotaire était responsable de la gestion de l'instance, elle aurait dû avoir connaissance de l'ensemble du dossier, y compris de la transcription du contre-interrogatoire au sujet de l'affidavit.

[17]            À la vue de l'ordonnance et des autres documents dont je dispose, je ne peux pas déterminer si la protonotaire avait en sa possession la transcription du contre-interrogatoire lors de l'audition de la requête qui a donné lieu à l'ordonnance du 28 octobre 2003.

[18]            La Cour a décidé que les ordonnances et dossiers de requête antérieurs pouvaient faire partie d'un dossier de demande, mais non les affidavits relativement aux requêtes antérieures (voir Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 88 F.T.R. 31 (1re inst.)). Si l'affidavit ne peut pas faire partie du dossier, le contre-interrogatoire au sujet de l'affidavit ne peut pas non plus en faire partie. Il me semble que le même principe s'applique à un dossier de requête.

[19]            Même s'il faut faire preuve à l'égard de la protonotaire de la retenue qui est exposée dans ses grandes lignes dans l'arrêt Bande de Sawridge c. Canada (2001), 283 N.R. 107 (C.A.F.), en raison du fait qu'elle est responsable de la gestion de l'instance en l'espèce, il ne semble pas qu'elle pouvait à bon droit faire référence à la transcription du contre-interrogatoire relativement à la requête antérieure. Cela semble logique du fait que les parties auraient dû être avisées des questions soulevées par la requête et des documents que la protonotaire utiliserait afin d'être en mesure de les aborder de façon appropriée et équitable devant la Cour.


[20]            Par conséquent, je suis d'avis que la demanderesse ne peut pas faire référence à la transcription du contre-interrogatoire dans le présent appel pour tenter d'étayer sa proposition selon laquelle l'affidavit de documents de McIntosh n'est pas suffisant. Cela étant, et puisqu'elle ne disposait d'aucune preuve relativement aux notes prises par le défendeur McIntosh et sa secrétaire, la protonotaire n'était pas justifiée d'ordonner la production d'un affidavit de documents plus ample et plus précis de la part du défendeur McIntosh. Selon le dossier dont disposait la protonotaire, le seul élément de preuve était que le défendeur McIntosh n'avait aucun document à énumérer dans son affidavit de documents. Je suis donc d'avis que la décision de la protonotaire était entachée d'erreur flagrante en ce qu'elle a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'une mauvaise appréciation des faits. Je me dois donc d'exercer mon pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début et de conclure que l'ordonnance de la protonotaire doit être annulée.

[21]            La requête du défendeur McIntosh est donc accueillie.

[22]            Le défendeur McIntosh a droit aux dépens de sa requête.


ORDONNANCE

[23]            LA COUR ORDONNE :

1.          La requête du défendeur McIntosh est accueillie et l'ordonnance de la protonotaire, datée du 28 octobre 2003, est annulée pour ce qui est du défendeur McIntosh.

2.          Le défendeur McIntosh a droit aux dépens de sa requête.

                                                                            _ John A. O'Keefe _              

                                                                                                     Juge                           

Ottawa (Ontario)

Le 9 juin 2004

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-633-92

INTITULÉ :                                           LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE

c.

LANDMARK CINEMAS OF CANADA LTD., BRIAN MCINTOSH, et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 15 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                          LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                         LE 9 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Charles Beall                                            POUR LA DEMANDERESSE

Mark Lindskoog                                      POUR LA DÉFENDERESSE, Landmark

Cinemas of Canada Ltd.

George Akers, c.r.                                   POUR LE DÉFENDEUR, Brian McIntosh

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling LaFleur Henderson LLP                       POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Nicholl and Akers                                    POUR LA DÉFENDERESSE, Landmark

Edmonton (Alberta)                                 Cinemas of Canada Ltd.

Nicholl and Akers                                    POUR LE DÉFENDEUR, Brian McIntosh,

Edmonton (Alberta)


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