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Date : 20190507


Dossier : IMM-2102-18

Référence : 2019 CF 602

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 mai 2019

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

ALOIS MURANGANWA MATSIKA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision rendue le 11 avril 2018 par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission]. La SPR a conclu que le demandeur n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR, conformément au paragraphe 107(1) de la LIPR.

I.  Contexte

[2]  Le demandeur est un citoyen du Zimbabwe âgé de 39 ans. Il est Shona et sa langue indigène est le shona.

[3]  Dans son formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA], le demandeur prétend qu’il craint d’être persécuté du fait de son appartenance au groupe d’opposition politique zimbabwéen Mouvement pour le changement démocratique [le MDC‑T]. En tant que membre actif du parti depuis janvier 2006, le demandeur affirme qu’il a pris part à diverses activités politiques en participant à des rassemblements, en distribuant des tracts et en installant des affiches. Il n’occupe pas de poste officiel au sein du MDC‑T.

[4]  Le 7 juillet 2016, le demandeur aurait été kidnappé par un groupe d’hommes qui se trouvaient à bord d’une fourgonnette alors qu’il marchait pour trouver un moyen de transport en commun. Dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA, le demandeur a mentionné que ces hommes l’ont menacé parce qu’il était membre du MDC‑T et qu’ils l’ont emmené dans un endroit inconnu où il a été battu et agressé par des hommes vêtus des couleurs de l’Union nationale africaine du Zimbabwe‑Front patriotique et d’uniformes de la police. Le demandeur a été emmené plus tard à l’hôpital de Chitungwiza. Après sa sortie de l’hôpital, il s’est caché au domicile de son père pendant plusieurs jours.

[5]  Le demandeur soutient qu’un homme connu pour être un agent de renseignements s’est renseigné à son sujet pendant qu’il se trouvait dans une région rurale pour y travailler. Un autre homme s’identifiant comme un policier l’a également abordé pour l’interroger. Après avoir discuté de ces incidents avec son épouse, cette dernière l’a informé que sa sœur avait réussi à lui obtenir une entrevue pour l’obtention d’un visa aux États‑Unis [les É.‑U.] le 21 juillet 2016. Le demandeur prétend que son épouse et leurs enfants sont restés cachés au Zimbabwe.

[6]  Le 27 juillet 2016, le demandeur a quitté le Zimbabwe sans sa famille et est arrivé en Afrique du Sud le même jour. Il est ensuite arrivé aux É.‑U. le 29 juillet 2016 avant de se rendre au Canada le 13 octobre 2016. Le 27 octobre 2016, le demandeur a demandé l’asile au Canada. Il a été déterminé que sa demande d’asile pouvait être renvoyée à la SPR, car il était plus probable que le contraire que l’un de ses proches vive au Canada, à savoir sa tante maternelle, en Ontario.

II.  Décision de la SPR

[7]  Dans une décision datée du 11 avril 2018, la SPR a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. La Commission a rejeté la demande d’asile en se fondant sur le manque de crédibilité du témoignage du demandeur ainsi que des documents à l’appui dont disposait le tribunal, ce qui constituait la question déterminante.

[8]  La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’a pas été agressé en juillet 2016, contrairement à ce qu’il a prétendu. Elle a également conclu que le demandeur n’était pas recherché par les autorités au Zimbabwe. « Le demandeur d’asile n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour établir son appartenance au MDC‑T. » Le tribunal a conclu que le demandeur ne risquait pas d’être exposé à une possibilité sérieuse d’être persécuté dans son pays d’origine.

[9]  Après avoir précisé que « [l]e témoignage sous serment d’un demandeur d’asile est présumé vrai, à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter », la SPR a exprimé plusieurs préoccupations relativement aux éléments de preuve substantiels qui n’étaient pas jugés crédibles :

  • (1) À l’appui de son allégation selon laquelle il aurait été agressé en juillet 2016, le demandeur a fourni un rapport de l’hôpital « rédigé dans un petit cahier d’exercices scolaires de couleur marron » qui ne précise pas le nom de son médecin et qui contient un timbre de l’hôpital qui présente des irrégularités. Le tribunal n’a pas accepté ce document et a déclaré qu’il ne s’attend pas à ce qu’un dossier médical officiel produit par un hôpital soit fourni dans un cahier d’exercices scolaires. Le tribunal a donc tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur parce qu’il avait présenté un document frauduleux à l’appui de sa demande d’asile.

  • (2) La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’était pas recherché par les autorités au Zimbabwe en raison de son appartenance au MDC‑T. Après que le demandeur a déclaré qu’il était recherché depuis son départ du Zimbabwe, le tribunal a constaté que cette information ne figurait pas dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA.

  • (3) Le tribunal a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur parce qu’il a déclaré dans son formulaire FDA que l’un de ses collègues s’était fait poser des questions à propos de l’endroit où il se trouvait au Zimbabwe. Toutefois, il n’a pas mentionné que son épouse avait également été questionnée à son sujet. Le tribunal n’a donc pas accepté la raison fournie par le demandeur pour expliquer pourquoi il avait présenté un affidavit de son collègue, mais aucun affidavit de son épouse.

  • (4) Le tribunal a fait part de ses préoccupations quant à l’authenticité de la carte de membre du MDC‑T du demandeur, particulièrement en ce qui concerne le calendrier de cotisations.

Il [le demandeur] a témoigné que, en 2016, il payait parfois pour plusieurs mois d’un coup, pour un maximum de six mois en un versement. Cependant, le tribunal a remarqué que les 60 entrées dans le calendrier de cotisations figurant dans la carte de MDC‑T semblent avoir été faites au même moment, car les inscriptions des montants (un dollar), la signature et même le stylo utilisé se ressemblent beaucoup.

  • (5) La SPR a souligné que le demandeur n’a pas essayé de prouver l’affiliation de son épouse avec le parti politique en se procurant une copie de sa carte de membre du MDC ou en présentant des éléments de preuve émanant d’autres membres du MDC‑T.

  • (6) Les réponses du demandeur concernant les activités du MDC‑T étaient « vagues » et ne contenaient pas assez de détails compte tenu du fait qu’il affirmait être membre du parti depuis plus de dix ans.

III.  Questions en litige

[10]  Après avoir examiné les observations écrites des deux parties, la Cour est d’avis que la présente affaire soulève les questions suivantes : 

  • (1) La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger?

  • (2) La SPR a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse de l’article 97 de la LIPR?

  • (3) La SPR a‑t‑elle enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale?

[11]  Les deux parties et la Cour conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit tirées par la SPR, notamment à son appréciation de la crédibilité et de la vraisemblance (Kastrati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1141, au paragraphe 12; Malveda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 447, au paragraphe 18). « [I]l est reconnu que la SPR possède une expertise en matière d’évaluation des demandes d’asile, et elle est autorisée par la loi à appliquer ses connaissances spécialisées » (Tariq, au paragraphe 10). Par conséquent, la Cour ne doit pas substituer ses propres conclusions à celles de la SPR si les conclusions auxquelles elle est parvenue appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]). En ce qui concerne les questions d’équité procédurale, la norme de la décision correcte doit être appliquée (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

IV.  Dispositions pertinentes

[12]  L’article 96 de la LIPR se lit comme suit :

Définition de « réfugié »

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Convention refugee

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

[13]  Le paragraphe 97(1) de la LIPR se lit comme suit :

Personne à protéger

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a

pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Person in need of protection

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not

have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the

protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard

of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

V.  Analyse

[14]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

A.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger?

[15]  Le passage suivant décrit correctement le rôle de la Cour :

[42]  Premièrement — et il s’agit probablement du point le plus important — il faut reconnaître, avant même de se pencher sur une conclusion relative à la crédibilité, que le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l’occasion d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve. Ajoutons à cela que, dans bien des cas, le tribunal possède une expertise reconnue dans le domaine qui fait défaut à la cour de révision. Le tribunal est donc bien mieux placé pour tirer des conclusions quant à la crédibilité, et notamment pour juger de la plausibilité de la preuve. En outre, le principe de l’administration efficace de la justice, sur lequel repose la notion de déférence, fait en sorte que l’examen de ce genre de questions doit demeurer l’exception plutôt que la règle.

[Non souligné dans l’original.]

(Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319)

[16]  La Cour souscrit à l’avis du défendeur et conclut que la Commission n’a pas commis d’erreur dans son appréciation de la crédibilité (qui constituait la question déterminante dans la présente demande). La Cour est convaincue que le tribunal a examiné l’ensemble de la preuve au dossier, y compris le témoignage du demandeur et l’exposé circonstancié de son formulaire FDA.

[17]  Lorsque la SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible, elle a fait part de ses préoccupations quant au rapport de l’hôpital qui a été présenté au tribunal pour prouver l’agression qui aurait été commise en juillet 2016. En s’appuyant sur ce rapport médical, qui était fort probablement « un document frauduleux », le tribunal a expliqué de manière détaillée pourquoi il ne croyait pas que le demandeur avait été agressé le 7 juillet 2016 :

Ce prétendu rapport de l’hôpital est rédigé dans un petit cahier d’exercices scolaires de couleur marron; la couverture porte le titre Brown’s Stationary; Newsprint Exercice Book [papeterie Brown; cahier d’exercices en papier journal], et il s’y trouve des lignes pour y inscrire le nom, la matière, la classe et l’année. Il y a des notes sur les trois premières pages du cahier, et tout le reste est vierge jusqu’au plat inférieur. Là se trouvent trois timbres, qui sont les mêmes que celui figurant sur la première page et où il est écrit [traduction] « hôpital central de Chitungwiza, 70 juill. 2016, case postale CZA 245, Chitungwiza, Zimbabwe ».

[…]

Rien dans ce « rapport de l’hôpital » n’indique qui a traité ou examiné le demandeur d’asile, car il ne s’y trouve le nom d’aucun médecin ni aucune signature.

[Non souligné dans l’original.]

[18]  La Cour souligne que la SPR a également donné au demandeur la possibilité d’expliquer le « rapport de l’hôpital » avant de rejeter cet élément de preuve. Il était raisonnable que le tribunal n’accorde aucun poids à la preuve dont il disposait, puisque la SPR a les connaissances spécialisées nécessaires pour apprécier et examiner la preuve. La SPR n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il était invraisemblable que le demandeur ait été agressé le 7 juillet 2016 comme il le prétendait, car la conclusion de la SPR était clairement énoncée avec toutes les raisons pour lesquelles le rapport de l’hôpital n’était pas considéré comme un dossier médical officiel (Valtchev c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2001 CFPI 776, au paragraphe 15). La Cour souligne également que l’un des timbres figurant sur le « rapport de l’hôpital » indiquait que le demandeur s’est rendu une deuxième fois à l’hôpital de Chitungwiza, mais cette deuxième visite n’est pas mentionnée dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA.

[19]  Les autorités du Zimbabwe ont également posé des questions à l’épouse du demandeur sur l’endroit où il se trouvait. Par conséquent, la SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur parce qu’il n’a pas mentionné dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA que son épouse se cachait et changeait continuellement de domicile. Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur en mettant l’accent sur un détail mineur, voire négligeable, dans son formulaire FDA (Feradov c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 101, au paragraphe 19; Akhigbe c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2002 CFPI 249, au paragraphe 16). Toutefois, la Cour est d’avis que, dans l’ensemble, les conclusions de la SPR quant à la crédibilité n’étaient pas fondées uniquement sur le simple fait que le demandeur avait omis de mentionner un détail mineur, voire négligeable, dans son formulaire FDA.

[20]  Le tribunal a également examiné, mais rejeté, la raison fournie par le demandeur pour expliquer pourquoi il n’avait pas essayé d’obtenir des éléments de preuve auprès de son épouse. Le tribunal a constaté que l’affidavit du prétendu collègue du demandeur n’est étayé par aucune pièce d’identité. Il n’y a pas d’exigence générale en matière de corroboration, « à moins qu’il y ait des motifs valables de remettre en question la crédibilité d’un demandeur d’asile » (Pooya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1019, au paragraphe 26). Par conséquent, la Cour conclut que l’omission proprement dite de présenter des éléments de preuve corroborants ne mine pas la crédibilité du demandeur (Abd c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 374, au paragraphe 23; Ndjavera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 452, au paragraphe 6).

[21]  La SPR a conclu que le demandeur n’était pas un membre actif du MDC‑T en s’appuyant notamment sur le fait que le demandeur n’avait pas beaucoup de connaissances sur le parti politique et n’avait pas produit une carte de membre plus récente que celle qui était valide de 2009 à 2013. La Cour conclut que la SPR a expliqué de manière raisonnable pourquoi les éléments de preuve objectifs déposés par l’avocat en ce qui concerne la difficulté à obtenir une nouvelle carte de membre ont été rejetés, et qu’elle a clairement mentionné pourquoi elle a rejeté l’explication du demandeur selon laquelle il croyait que sa carte de membre du MDC‑T expirée serait suffisante pour étayer sa demande d’asile. Il incombait au demandeur d’étayer sa demande d’asile (Kahumba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 551, au paragraphe 49).

[22]  Après avoir examiné le dossier, la Cour est convaincue que la SPR a examiné l’ensemble de la preuve, qu’elle s’est appuyée sur les documents présentés par le demandeur, et qu’elle a clairement expliqué pourquoi elle a accordé peu ou pas de poids aux éléments de preuve substantiels dont elle disposait. La Cour rappelle que son rôle n’est pas d’intervenir dans le cadre d’un contrôle judiciaire en soupesant à nouveau les éléments de preuve dont disposait la SPR (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 61).

B.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse de l’article 97 de la LIPR?

[23]  La Cour est d’accord avec le défendeur et conclut que, dans l’affaire qui nous occupe, la Commission n’était pas tenue d’effectuer une analyse distincte sous le régime de l’article 97 de la LIPR après avoir examiné la demande d’asile fondée sur l’article 96 de la LIPR. La principale question à trancher dans le cadre de la demande d’asile était celle de la crédibilité, et la SPR a conclu que le demandeur manquait de crédibilité. Par conséquent, le tribunal n’a cru ni l’allégation selon laquelle le demandeur aurait été agressé en juillet 2016 et ni qu’il était un membre actif du MDC‑T. Comme l’a mentionné le défendeur dans ses observations écrites :

[50]  La Commission n’est pas tenue d’effectuer dans chaque cas une analyse distincte sous le régime de l’article 97. Le point de savoir si elle a ou non cette obligation dépend des faits particuliers de l’espèce; voir Kandiah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 181, paragraphe 16, 137 ACWS (3d) 604. Une telle analyse distincte n’est pas nécessaire lorsqu’il n’a pas été avancé de prétentions ni produit d’éléments de preuve qui la justifieraient; voir Brovina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635, paragraphes 17 et 18, 254 FTR 244; et Velez, précitée, paragraphes 48 à 51.

[51]  Comme les allégations formulées par Mme Kaur au soutien de sa demande d’asile fondée sur l’article 97 étaient les mêmes que celles qu’elle avait avancées à l’appui de sa demande d’asile fondée sur l’article 96, la Commission n’était pas tenue d’effectuer une analyse distincte sous le régime de l’article 97 une fois qu’elle eut conclu au caractère non crédible de ces allégations.

[Non souligné dans l’original.]

(Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1379)

C.  La SPR a‑t‑elle enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale?

[24]  Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en ne lui donnant pas l’occasion de répondre. À l’audience, le tribunal a soulevé des préoccupations en ce qui concerne les incohérences relevées dans les montants versés pour obtenir la carte de membre du MDC‑T, mais il n’a pas demandé au demandeur de fournir une explication. Même si la Cour acceptait cette erreur, elle n’accueillerait pas la présente demande d’asile en se fondant uniquement sur celle‑ci, car cette erreur n’aurait rien changé à l’issue de la décision faisant l’objet du contrôle en l’espèce.

[traduction]  On pourrait peut‑être faire une distinction fondée sur la nature de la décision.  Dans le cas d’un tribunal qui doit trancher selon le droit, il peut être justifiable d’ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir.

(Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202)

[25]  Pour ces motifs, la Cour conclut que la décision de la SPR est raisonnable puisqu’elle appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

VI.  Conclusion

[26]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2102‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question de portée générale à certifier et l’affaire n’en soulève aucune. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour de juin 2019

Manon Pouliot, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑2102‑18

 

INTITULÉ :

ALOIS MURANGANWA MATSIKA c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 NOVEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 7 MAI 2019

 

COMPARUTIONS :

Kingsley Jesuorobo

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Judy Michaely

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley Jesuorobo

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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