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  T-338-96

 

ENTRE :

  PUBLIC RUSSIAN TELEVISION O.R.T.V.

  demanderesse

  – et –

  CHUM LIMITED, RADIO 1540 LIMITED et RUSSIAN CANADIAN

  BROADCASTING LANGUAGE TV PROGRAM CONCORD, société

  sans but lucratif no 1075563

  défenderesses

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Protonotaire adjoint GILES

  Dans le cas qui nous occupe, Public Russian Television O.R.T.V. (ci-après Public Russian ou la demanderesse) a intenté la présente action contre CHUM Limited, Radio 1540 Limited (ci‑après appelées collectivement les défenderesses CHUM) et contre Russian Canadian Broadcasting Language TV Program Concord, une société sans but lucratif no 1075563 (ci-après Russian Canadian ou la défenderesse Russian Canadian). La déclaration dans le présent dossier est datée du 12 février 1997. Russian Canadian a déposé sa défense le 11 mars 1996. Le 8 mai 1996, les défenderesses CHUM ont demandé par voie de requête la radiation de la déclaration ou, à titre subsidiaire, des précisions, alléguant qu’elles avaient initialement demandé des précisions le 5 mars 1996. Le 7 août 1996, la défenderesse Russian Canadian a demandé par voie de requête un cautionnement pour dépens. Le 20 août 1996, j’ai signé une ordonnance sur consentement afin que des précisions soient fournies au plus tard 60 jours après la date de l’ordonnance. J’ai également radié les paragraphes 18, 19 et 20 de la déclaration et autorisé la demanderesse à signifier une déclaration modifiée au plus tard 30 jours après la date de l’ordonnance, si elle le jugeait opportun. La requête en cautionnement pour dépens a été ajournée péremptoirement au 9 septembre 1996. De plus, les défenderesses CHUM ont demandé le 30 août par voie de requête un cautionnement pour dépens rapportable le 9 septembre. Le 10 septembre, j’ai rendu une ordonnance exigeant le dépôt, dans un délai maximal de 30 jours, d’un cautionnement pour dépens s’élevant à 1 700 $ par Russian Canadian et ai sursis aux procédures jusque-là. J’ai aussi ordonné que Russian Canadian dépose un cautionnement à hauteur de 14 112 $ au plus tard le 8 décembre 1996.

  Concernant la requête des défenderesses CHUM, j’ai ordonné le versement d’un cautionnement pour dépens d’une somme de 2 400 $ dans un délai de tout au plus 30 jours ainsi que le versement d’une somme additionnelle de 20 100 $ au plus tard le 8 décembre 1996, en plus d’appliquer des sursis. J’ai modifié par la suite mon ordonnance relative aux dépens exigés des défenderesses CHUM afin qu’il y soit indiqué qu’elle a été rendue sans préjudice de leur droit de présenter une nouvelle demande visant à obtenir un cautionnement pour dépens supplémentaire si elles le jugeaient opportun. Le 23 octobre 1996, les défenderesses CHUM ont présenté une requête afin d’obtenir le rejet de l’action au motif, notamment, que les précisions demandées n’avaient pas été fournies et que le premier versement du cautionnement pour dépens n’avait pas été déposé. Cette requête était rapportable le 28 octobre 1996. Toujours ce jour-là, Russian Canadian a déposé une requête rapportable le 28 octobre visant à obtenir une ordonnance rejetant l’action au motif que Public Russian avait omis de verser le cautionnement pour dépens. L’avocat de la demanderesse inscrit sur la requête ayant fait savoir que le premier versement du cautionnement aurait lieu le lendemain, j’ai rendu une ordonnance prononçant le rejet de l’action si la Cour ne recevait pas le cautionnement pour dépens le lendemain. Sur demande ex parte des défenderesses CHUM, la demanderesse disposerait de trois semaines pour signifier et déposer les précisions si les sommes exigées dans l’ordonnance étaient effectivement versées. Dans le cas contraire, la demanderesse pourrait demander une radiation par voie de requête ex parte. En ce qui a trait à la requête de Russian Canadian, j’ai rendu une ordonnance rejetant l’action sur demande ex parte de cette défenderesse advenant le non-versement du cautionnement pour dépens le lendemain.

  Le 21 novembre 1996, les défenderesses CHUM ont demandé par voie de requête que l’action déposée contre elles soit suspendue de manière permanente au motif que les précisions exigées n’avaient pas été présentées, et j’ai accédé à cette requête par voie d’ordonnance datée du 25 novembre 1996.

  Au moyen d’une requête déposée le 10 décembre et rapportable le 16 décembre 1996, Russian Canadian a demandé le rejet de l’action au motif que le deuxième versement du cautionnement pour ses dépens n’avait pas été déposé. Le 16 décembre 1996, la demanderesse a déposé une requête visant notamment à obtenir une prolongation du délai alloué pour verser le cautionnement pour dépens et la levée du sursis de l’action contre les défenderesses CHUM. Après quelques ajournements, j’ai finalement pu entendre ces deux requêtes le 10 février 1997. Commençons par la demande visant à obtenir la levée du sursis de l’action contre les défenderesses CHUM.

  La demanderesse fait valoir différents motifs, notamment le fait que le sursis permanent a été demandé par voie de requête ex parte et que l’article 330 des Règles des Cours fédérales (les Règles) s’applique. Je doute que l’ordonnance ait été faite « ex parte » selon le sens qui est donné à ce terme à l’article 330 des Règles. En fait, je suis d’avis que l’ordonnance dont il est question n’était vraisemblablement pas une ordonnance ex parte au sens où l’entend cette disposition des Règles, la deuxième requête déposée en l’absence de la demanderesse ayant sans doute été motivée par mon ordonnance qui avait été rendue précédemment dans le cadre des procédures en la présence de l’avocat de la demanderesse, qui demandait alors par voie de requête une prolongation du délai, que j’avais accordée sans préjudice de son droit de présenter une demande ex parte.

  L’avocat des défenderesses CHUM a fait valoir que mon ordonnance avait un effet final et que cette disposition des Règles ne s’applique qu’aux ordonnances interlocutoires. Les requêtes qui m’ont été présentées et qui sont à l’origine de cette ordonnance étaient certes toutes deux interlocutoires, mais l’ordonnance suspendant de manière permanente l’instance avait un effet final. Cette disposition des Règles ne fait aucune distinction entre les ordonnances interlocutoires et finales et ne peut être invoquée pour annuler un jugement, comme nous l’enseigne la jurisprudence. Il n’est nulle question d’un jugement en l’espèce. J’estime donc que l’article 330 des Règles peut être pris en considération si mon ordonnance suspendant de manière permanente l’instance était effectivement ex parte. On peut lire dans l’arrêt May and Baker (Canada) Ltd. c The Oak et al., [1979] 1 C.F. 410, qu’une ordonnance ex parte devrait être annulée si la Cour conclut qu’elle n’aurait pas dû être rendue en premier lieu. J’en conclus donc qu’il convient d’annuler l’ordonnance si la partie non représentée à l’audience peut démontrer, à l’aide des faits qui avaient été présentés au moment de rendre l’ordonnance, qu’elle a été rendue par erreur. La disposition des Règles ne prévoit aucun moyen permettant de rouvrir l’affaire afin de prendre en considération de nouveaux éléments de preuve. À mon avis, même si je fais fausse route et que l’article 330 des Règles pourrait être pris en compte, mon ordonnance ne devrait pas être annulée en application de cette disposition des Règles puisqu’elle n’a pas été rendue par erreur sur le moment.

  L’avocat de la demanderesse a également fait valoir que le paragraphe 50(3) de la Loi sur les Cours fédérales me confère compétence pour lever un sursis et a soutenu que c’est ce que je devrais faire, estimant que c’était justifié. La jurisprudence enseigne qu’un sursis ne devrait être levé que lorsque de nouveaux faits sont présentés à la Cour (W.S.M. Inc. c Slaight Communications Inc. (1986), 10 F.T.R. 1). Tout indique que la demanderesse a maintenant fourni les précisions demandées. Mon ordonnance à cet égard était un sursis ayant un effet final. Il faut éventuellement qu’un litige arrive à résolution et je ne crois pas qu’il soit approprié de lever un sursis parce que des faits qui n’avaient pas été présentés au moment où l’ordonnance a été rendue ont depuis été mis au jour. À mon avis, l’article 1733 des Règles est la disposition qui me permet d’annuler une ordonnance au motif qu’un fait a été découvert après que l’ordonnance a été rendue. Je me demande toutefois si cet article des Règles s’applique à la demanderesse en l’espèce. En effet, l’article traite de faits survenus ou découverts après que l’ordonnance a été rendue. Or, les précisions ayant été demandées dans notre affaire n’auraient pu survenir après mon ordonnance; elles étaient forcément connues avant la présentation de la déclaration. Suivant la même logique, je ne crois pas que les précisions ont été découvertes après mon ordonnance, puisqu’elles portent sur la constitution en société, la chaîne de titres et ce genre de renseignements, qui étaient tous connus. Il semble au contraire que ce soit l’inertie de la structure monolithique de la demanderesse qui l’ait empêchée de présenter les précisions lorsqu’elles ont été demandées. Je ne crois pas que l’incapacité à produire les précisions excuse les retards (même si elle peut l’expliquer). Selon les explications fournies, ces retards ont été causés par l’incapacité de l’agent canadien, qui n’est pas une partie à la présente instance, à obtenir l’information. L’incapacité à fournir les renseignements que toute personne raisonnable aurait su qu’il fallait présenter, et qui était d’ailleurs en sa possession, doit être imputée à la partie en faute. Il n’y a pas d’excuse pour le défaut de produire les renseignements demandés, et j’estime qu’il serait contraire au principe d’équité de lever le sursis ou de tenter d’appliquer l’article 1733 des Règles. La requête en vue d’obtenir la levée du sursis contre les défenderesses CHUM est donc rejetée.

  Au sujet maintenant de la requête déposée par la demanderesse en vue d’obtenir une prolongation du délai alloué pour verser le cautionnement pour les dépens de la défenderesse Russian Canadian et de la requête de la défenderesse Russian Canadian en vue d’obtenir le rejet de l’instance pour le défaut de verser le cautionnement pour dépens, je vais, avant de me prononcer, revenir sur les faits de l’affaire. Une ordonnance a été rendue en septembre 1996 enjoignant à la demanderesse de déposer un cautionnement pour dépens en deux versements. En octobre, j’ai repoussé la date limite pour le paiement du premier versement. Le deuxième versement dû en décembre n’a pas été payé à la date qui était indiquée dans l’ordonnance, et la défenderesse Russian Canadian a demandé le rejet de l’action par voie de requête déposée le 10 décembre et rapportable le 16 décembre. Le 16 décembre, la demanderesse a déposé une requête en vue d’obtenir notamment une prolongation du délai alloué pour déposer le cautionnement pour dépens. J’ai finalement pu, après quelques ajournements, entendre ces requêtes le 10 février 1997. Le cautionnement n’ayant pas été déposé, le sursis de l’action intentée par la demanderesse contre Canadian Russian demeure en vigueur. Lors de l’audience tenue ce jour-là, l’avocat de la demanderesse avait indiqué que les fonds nécessaires devraient être reçus au plus tard le lendemain et que le cautionnement pourrait dès lors être versé. Il est manifeste que la demanderesse ne disposait pas des fonds nécessaires pour verser le cautionnement en décembre 1996 lorsqu’elle a demandé une prolongation du délai alloué à cette fin. On peut également présumer que la demanderesse prévoyait alors d’avoir à sa disposition les fonds nécessaires pour verser le cautionnement dans le délai de 45 jours demandé dans sa requête présentée en décembre en vue d’obtenir une prolongation. Tout indique que cela n’a pas été le cas et qu’une autre prolongation aurait dû être demandée.

  De toute évidence, la demanderesse n’éprouve aucune hésitation à demander des prolongations. Il ne semble donc y avoir aucune raison de ne pas avoir demandé une autre prolongation avant l’échéance du délai alloué pour payer le cautionnement. Si la demanderesse avait présenté une telle demande à ce stade des procédures, la requête de la défenderesse n’aurait pas eu lieu d’être. Cette conclusion sera prise en compte au moment d’adjuger les dépens.

  Dans la décision Esponoza c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 142 N.R. 158, il est affirmé qu’il est possible d’accorder une prolongation du délai même si le délai visé par cette prolongation avait été fixé péremptoirement. Pour accéder à la demande de prolongation cependant, il faut que la demanderesse présente des éléments de preuve démontrant qu’elle avait une raison valable pour chacun des retards, que sa cause est défendable et que la défenderesse ne subira aucun préjudice.

  Aussi invraisemblable que cela puisse sembler, la preuve démontre que les hauts placés concernés refusent de transférer des fonds d’une somme inférieure à 40 000 $ de la Russie sans l’approbation du président, qui est malade. Dans de telles circonstances, la partie défenderesse doit appréhender toute somme qui pourrait lui être accordée au titre des dépens. L’information attestant l’incapacité du président d’approuver le transfert excuse, selon moi, le délai. L’affidavit de Yefim Sitsker donne à penser que la cause est défendable. Un délai de quatre mois pour déposer le cautionnement ne devrait pas causer un préjudice indu à la défenderesse Russian Canadian, qui a déjà déposé sa défense. Il est toujours possible de dédommager au moyen de dépens la défenderesse Russian Canadian pour tous les frais qu’elle doit engager en raison de l’incapacité de la demanderesse à s’acquitter de ses obligations dans les délais impartis à cette fin. Des dépens seront accordés relativement aux deux requêtes en prolongation sur une base procureur-client et seront payables immédiatement après taxation ou après entente entre les parties quant à la somme. Ces dépens viennent s’ajouter aux dépens pour lesquels le cautionnement devait être versé conformément à l’ordonnance.

ORDONNANCE

  La requête en vue d’annuler le sursis permanent de l’action contre les défenderesses CHUM est rejetée, des dépens devant leur être versés immédiatement après taxation ou après entente entre les parties quant à la somme, peu importe l’issue de l’affaire. La requête de la défenderesse Russian Canadian est rejetée. La requête de la demanderesse en vue d’obtenir une prolongation du délai alloué pour verser le cautionnement pour dépens est approuvée en partie, la demanderesse étant autorisée à déposer, dans les dix jours suivant la date de cette ordonnance, le dernier versement du cautionnement pour dépens de la défenderesse Russian Canadian. Elle doit également payer à Russian Canadian les dépens engendrés par la présente requête et les requêtes prolongées antérieures sur une base procureur-client immédiatement après taxation ou après entente entre les parties quant à la somme.

  « Peter A.K. Giles »

  Protonotaire adjoint

Toronto (Ontario)

Le 24 février 1997

  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

  Avocats inscrits au dossier

NO DU DOSSIER DE LA COUR : T-338-96

INTITULÉ : PUBLIC RUSSIAN TELEVISION O.R.T.V.

  – et –

  CHUM LIMITED, ET AL.

 

DATE DE L’AUDIENCE : LE 10 FÉVRIER 1997

LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE : PROTONOTAIRE ADJOINT GILES

DATE DES MOTIFS : LE 24 FÉVRIER 1997

COMPARUTIONS :

    Alan D. Kurz

    Pour la demanderesse

      David M. Reive

    Mark S. Hayes

  Pour les défenderesses

  CHUM Limited et Radio 1540 Limited

    Tania Perlin

 

  Pour la défenderesse

  Russian Canadian Broadcasting

  Language TV Program Concord

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

  DALE, STREIMAN AND KURZ

  480, rue Main Nord 

  Brampton (Ontario)

  L6V 1P8

 

  Pour la demanderesse

  FASKEN, CAMPBELL, GODFREY

  Case postale 20, Bureau 4200

  Toronto-Dominion Centre

  Toronto (Ontario)

  M5K 1N6

  Pour les défenderesses

  CHUM Limited et Radio 1540 Limited

  Tania Perlin

  218-180, avenue Steeles O.

  Thornhill (Ontario)

  L4J 2L1

  Pour la défenderesse

  Russian Canadian Broadcasting

  Language TV Program Concord 

  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

  No du dossier de la Cour : T-338-96

  Entre :

  PUBLIC RUSSIAN

  TELEVISION O.R.T.V.

    demanderesse

  – et –

  CHUM LIMITED, ET AL.

    défenderesses

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

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