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Date : 19990531


Dossier : T-200-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 31 MAI 1999

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE


SHIV CHOPRA,


demandeur,


et


SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par le CONSEIL DU TRÉSOR, et

SANTÉ CANADA,


défendeurs.


O R D O N N A N C E

     L"affidavit Lachance ne sera pas radié. Le demandeur est autorisé à déposer un affidavit en réponse dans les 30 jours qui suivront la date de la présente ordonnance. Les parties effectueront les contre-interrogatoires relatifs aux affidavits dans les 20 jours suivants et le demandeur déposera son dossier dans les 30 jours qui suivront la fin des contre-interrogatoires. Les dépens, le cas échéant, suivront l"issue de l"affaire.

                             J.E. Dubé
                                         Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.



Date : 19990531


Dossier : T-200-99

ENTRE


SHIV CHOPRA,


demandeur,


et


SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par le CONSEIL DU TRÉSOR, et

SANTÉ CANADA,


défendeurs.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]      Le demandeur sollicite une ordonnance radiant l"affidavit du docteur André Paul Claude Joseph Lachance (l"affidavit Lachance) et les pièces qui y sont jointes, lequel a été fait sous serment le 14 avril 1999 et déposé devant cette cour en réponse à la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur.

1.      Les faits

[2]      Le 24 juillet 1998, le demandeur a présenté un grief conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique1 (la Loi) au sujet d"une lettre de réprimande que le docteur Lachance lui avait remise. Le grief a été rejeté au deuxième palier par le sous-ministre adjoint et au palier final par le sous-ministre délégué.

[3]      Le demandeur a présenté une demande conformément à l"article 317 des Règles de la Cour fédérale (1998) en vue d"obtenir le dossier complet des documents que le sous-ministre délégué avait à sa disposition. L"affidavit Lachance ne faisait pas partie du dossier qui a été certifié comme représentant le dossier complet. L"affidavit Lachance comporte 54 paragraphes et 13 pièces; il s"agit d"un document de 374 pages.

2.      La question en litige

[4]      L"affidavit Lachance devrait-il être radié du dossier pour le motif que le sous-ministre délégué ne l"avait pas à sa disposition lorsqu"il a pris la décision contestée?

3.      Les dispositions législatives et la jurisprudence

[5]      Selon de nombreux arrêts, seuls les éléments de preuve dont le décideur initial disposait devraient être examinés par la Cour dans le cadre d"un contrôle judiciaire2. Ces décisions sont fondées sur l"idée selon laquelle le contrôle judiciaire ne vise pas à permettre de déterminer si la décision de l"office en question est absolument correcte, mais plutôt si l"office avait raison, compte tenu du dossier dont il disposait3. La Cour d"appel fédérale a statué que lorsque l"affidavit est clairement irrégulier, il doit être radié si une requête est présentée avant l"audience relative au contrôle judiciaire4.

[6]      D"autre part, il existe également des arrêts dans lesquels il a été statué que la Cour n"a pas compétence pour radier les affidavits au moyen d"une requête en prévision d"un contrôle judiciaire. La procédure appropriée consiste à laisser le juge qui entend la demande au fond apprécier l"affidavit5. Le contrôle judiciaire est une procédure sommaire, qui vise à faire avancer la demande au stade de l"audition le plus rapidement possible. La pertinence de la preuve et des allégations doit être appréciée en définitive par le juge qui entendra la demande au fond6. Le juge a le pouvoir discrétionnaire exceptionnel de radier les affidavits, mais il ne devrait pas exercer ce pouvoir à la légère. Pour assurer l"efficacité d"une procédure de contrôle judiciaire, il faut empêcher les contestations interlocutoires relatives aux affidavits et laisser le juge qui entend la demande les examiner7.

[7]      Cette cour a radié des affidavits, en totalité ou en partie, qui étaient abusifs ou qui n"étaient clairement pas pertinents lorsqu"une partie avait présenté un élément de preuve qui n"était de toute évidence pas admissible ou lorsqu"elle était convaincue qu"il était préférable de régler la question de l"admissibilité au stade préliminaire de façon à permettre le déroulement ordonné de l"audience8. Les tribunaux ont également radié des affidavits renfermant une opinion, des arguments ou des conclusions de droit9 ou causant un retard indu.

4.      Analyse

[8]      En l"espèce, le demandeur n"allègue pas que l"affidavit Lachance est abusif, qu"il n"est clairement pas pertinent ou qu"il renferme des opinions, des arguments juridiques ou des conclusions qui ne sont de toute évidence pas admissibles. Il allègue uniquement que l"affidavit renferme des éléments de preuve que le décideur n"avait pas à sa disposition. À mon avis, l"affidavit est si gros et volumineux qu"il ne serait pas équitable pour le demandeur de procéder au contrôle judiciaire sans l"examiner. Par conséquent, si la question était réglée avant l"audience, cela faciliterait le déroulement ordonné du contrôle judiciaire.

[9]      Il semblerait que ce volumineux affidavit et les pièces qui y sont jointes sont produits à titre de renseignements de base se rapportant aux questions soulevées par le grief du demandeur. Le sous-ministre délégué est fort probablement déjà au courant de la plupart de ces renseignements. Il ne semble pas s"agir de nouveaux renseignements qui nuiraient à la cause du demandeur. Dans son affidavit, le docteur Lachance expose les faits qui ont donné lieu à sa décision et à celle du sous-ministre délégué. Il décrit le mandat et l"organisation du Bureau des médicaments vétérinaires, les fonctions des employés de ce bureau, la procédure d"examen des nouvelles présentations de médicaments vétérinaires et les initiatives actuelles visant à améliorer le rendement du Bureau. Étant donné que le demandeur travaille lui-même au Bureau, il aurait connaissance de ces questions. De toute évidence, ces renseignements généraux de base pourraient aider le juge qui présidera l"audience relative au contrôle judiciaire.

[10]      La situation aurait été différente si l"affidavit Lachance avait été préparé d"avance et transmis au sous-ministre délégué avant que ce dernier rende sa décision et s"il avait été joint à la copie certifiée du dossier complet relatif à l"instance. En l"espèce, le demandeur n"aurait pas pu prévoir que le défendeur déposerait un affidavit aussi volumineux après avoir été informé que tout le dossier lui avait été remis.

[11]      À mon avis, la justice exige que l"affidavit Lachance ne soit pas radié à ce stade et que le demandeur soit autorisé à déposer un affidavit en réponse, les deux parties étant autorisées à contre-interroger les auteurs de ces affidavits.

[12]      En vertu de l"alinéa 312a ) des Règles de la Cour fédérale (1998), cette cour peut autoriser une partie à déposer des affidavits complémentaires en plus de ceux visés aux règles 306 et 307. Les critères permettant de déterminer si l"autorisation doit être accordée consistent à savoir si la justice l"exige, si cela aidera la Cour et si cela causera un préjudice grave ou important aux autres parties. Cette cour a accordé l"autorisation de déposer un affidavit en réponse lorsque l"autre partie ne pouvait pas prévoir que la partie adverse présenterait de nouveaux éléments de preuve10. En l"espèce, le juge qui présidera l"audience relative au contrôle judiciaire, à l"aide de l"affidavit déposé en réponse et des contre-interrogatoires, sera mieux placé pour déterminer si la décision du sous-ministre délégué était celle qu"il fallait prendre.

5.      Dispositif

[13]      Par conséquent, l"affidavit Lachance ne sera pas radié. Le demandeur est autorisé à déposer un affidavit en réponse dans les 30 jours qui suivront la date de cette ordonnance. Les parties effectueront les contre-interrogatoires relatifs aux affidavits dans les 20 jours suivants et le demandeur déposera son dossier au plus tard dans les 30 jours qui suivront la fin des contre-interrogatoires. Les dépens, le cas échéant, suivront l"issue de l"affaire.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 31 mai 1999

                             J.E. Dubé
                                         Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-200-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SHIV CHOPRA c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par le CONSEIL DU TRÉSOR, et SANTÉ CANADA

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DUBÉ EN DATE DU 31 MAI 1999.

ARGUMENTATION ÉCRITE :

Andrew Raven          pour le demandeur
J. Sanderson Graham          pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne      pour le demandeur

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg          pour les défendeurs

Sous-procureur général du Canada


__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. P-35.

     2      Franz c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration) (1994), 80 F.T.R. 79 (1re inst.), à la p. 80; LGS Group Inc. c. Canada (P.G.), [1995] 3 C.F. 474 (1re inst.) à la p. 495 et Via Rail Inc. c. Canada (Commission des droits de la personne), [1998] 1 C.F. 376 (1re inst.) aux p. 388 et 389.

     3      Brychka c. Canada (P.G.) (1988), 141 F.T.R. 258 à la p. 267.

     4      Maldeveanu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), [1999] A.C.F. no 55 (C.A.F.) au par. 13; Deigan c. Canada (Procureur général) (1996) 206 N.R. 195 (C.A.F.) et McCormick c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique), [1996] A.C.F. no 1447 (1re inst.).

     5      Lominadze c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1998), 143 F.T.R. 310 (1re inst.).

     6      David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. et al., [1995] 1 C.F. 588 aux p. 596 à 601 (C.A.).

7      Home Juice Company v. Orange Maison Limited, [1968] 1 Ex. C. R. 163 à la p. 165; Kirkbi AG et al. v. Rivtik Holdings Inc. et al. (1998), 142 F.T.R. 308 (1re inst.); Alcorn c. Canada (Commissaire du service correctionnel), [1998] A.C.F. no 1463 (prot.); Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1998] A.C.F. no 1673 (prot.); Dupuis c. Canada, [1998] A.C.F. no 1112 (prot.) et Bank of Scotland c. Nel (Le), [1998] A.C.F. no 1499 (prot.).

     8      Home Juice Company c. Orange Maison Limited, ibid.; Alcorn c. Canada (Commissaire du service correctionnel), ibid., et Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), ibid.

     9      Deigan c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 304 (prot.); First Green Part Property Ltd. c. Canada (Procureur général) (1996), 70 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.) et Gingras c. Service canadien des renseignements de sécurité et al. (1987), 19 C.P.R. (3d) 283.

     10      Abbott Laboratories, Ltd. c. Nu-Pharm Inc., [1997] A.C.F. no 1658 (1re inst.); Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc. (1997), 137 F.T.R. 226 et Abbott Laboratories, Ltd. c. Apotex Inc., [1997] A.C.F. no 1659 (1re inst.) au par. 7.

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