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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.) [2003] 2 C.F. 489

Date : 20001107

Dossier : IMM-3296-00

ENTRE :

                                       ALI ABDALLA ALI

                                                                                                  demandeur

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]    Compte tenu des circonstances particulières entourant la délivrance de l'ordonnance, j'ai décidé exceptionnellement de rendre les motifs qui suivent.

[2]    Le paragraphe 82.1(6) de la Loi sur l'immigration[1] prévoit :



Sous réserve du paragraphe (7), si la demande d'autorisation est accueillie, la demande de contrôle judiciaire est réputée avoir été formée et le juge de la Cour fédérale qui a accueilli la demande d'autorisation fixe la date et le lieu d'audition de la demande de contrôle judiciaire.


[3]                 Le paragraphe (7) dispose :


La date fixée conformément au paragraphe (6) ne peut être postérieure de moins de trente jours, sauf convention contraire des parties, ni de plus de quatre-vingt-dix jours à la date à laquelle la demande d'autorisation a été accueillie.

In fixing a day pursuant to subsection (6), the judge shall set the matter down for a day that is no sooner than thirty days, and no later than ninety days, after the day on which leave to commence the application for judicial review was granted, unless the parties agree that the matter may be set down on an earlier day.


[4]                 J'ai fait droit à la demande d'autorisation dans le présent dossier. Cependant, comme il n'y a pas de juge disponible pour entendre l'affaire, je suis incapable d'obtenir de l'administration une date qui respecte le délai de quatre-vingt-dix jours prévu au paragraphe (7).

[5]                 J'ai donc deux options :

           1.         attendre et signer mon ordonnance lorsqu'il y aura un juge disponible pour entendre l'affaire; ou

           2.         signer l'ordonnance immédiatement et ne pas respecter le délai prévu au paragraphe (7).


[6]                 Après mûre réflexion, je suis d'avis qu'il convient de délivrer l'ordonnance maintenant. Il est très regrettable qu'elle ne puisse respecter le délai prévu au paragraphe (7), mais, à mon avis, il est dans l'intérêt de la justice de ne pas retarder la délivrance de l'ordonnance. C'est le moindre de deux maux. L'équité exige que le demandeur sache que l'autorisation a été accordée et à quel moment elle l'a été. Selon moi, ce principe l'emporte sur la difficulté de fixer une date dans le délai imparti, ce sur quoi le juge n'a aucun contrôle. Je suis convaincue que l'esprit du paragraphe (7) veut que l'affaire soit entendue promptement dès que cela s'avère possible. « Nemo tenetur ad impossibilia » ( « À l'impossible, nul n'est tenu » ).

[7]                 Le problème soulevé par cette façon de procéder tient au fait que cette dérogation à une exigence fixée par la loi me ferait apparemment perdre compétence. Toutefois, après mûre réflexion, je ne crois pas que ce soit le cas. À mon avis, dans les circonstances, le mot « shall » dans la version anglaise du paragraphe (7) ne devrait pas être interprété comme ayant un caractère impératif.


[8]                 Dans l'affaire McCain Foods Ltd. c. Canada[2], la Cour d'appel fédérale a examiné la théorie de la distinction entre ce qui est impératif ou directif. Essentiellement, la Cour a appliqué la règle établie dans l'arrêt Montreal Street Railway Co. c. Normandin[3] où il a été décidé que lorsque les dispositions d'une loi se rapportent à l'exécution d'un devoir public et que, dans un cas donné, déclarer nuls et non avenus des actes accomplis par manquement à ce devoir entraînerait, pour des personnes qui n'ont aucun contrôle sur ceux chargés de ce devoir, une injustice ou des inconvénients généraux graves, et en même temps n'aiderait pas à atteindre l'objet principal visé par le législateur, on conclut habituellement que ces dispositions ne sont que directives.

[9]                 Bien qu'en l'espèce, ce ne soit pas en raison d'un manquement, mais d'une simple impossibilité que l'ordonnance ne respecte pas le délai prescrit, je suis convaincue que cette théorie s'applique et que le paragraphe (7) n'est que directif.

[10]            Il n'y a aucun doute que la Loi sur l'immigration impose un devoir public et que les personnes régies par cette loi n'ont aucun contrôle sur le processus en cause et subiraient des inconvénients graves si l'ordonnance était déclarée nulle et non avenue. Par ailleurs, je constate que l'annulation de l'ordonnance ne servirait en rien l'intérêt public et n'aiderait pas à atteindre l'objectif principal visé par le législateur.

[11]            Pour ces motifs, j'ai décerné l'ordonnance ci-jointe.

             « Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 novembre 2000

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-3296-00

INTITULÉ :                                           ALI ABDALLA ALI

c.

M.C.I.

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                        LE 7 NOVEMBRE 2000

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                           POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                           POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            L.R.C. 1985, ch. I-2.

[2]            McCain Foods Ltd. c. Canada, [1993] 1 C.F. 583.

[3]            [1917] A.C. 170 (C.P.).

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