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Date : 20010517

Dossier : T-523-01

Référence neutre : 2001 CFPI 505

Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 17 mai 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

ARXX BUILDING PRODUCTS INC.

demanderesse

et

POLYFORM CELLULAR PLASTICS INC.,

POLYFORM A.G.P. INC.,

AIM BUILDING PRODUCTS INC.,

FASTFORM CONCRETE FORMING,

NEW MILLENNIUM BUILDING PRODUCTS LIMITED,

1178449 ONTARIO INC. (faisant affaires sous le nom de ADVANCED WALL SYSTEMS),

INNOVATIVE BUILDING MATERIALS LTD.,

JAMWOOD DEVELOPMENTS INC. (faisant affaires sous le nom de FOAM FORM

et ADVANCED ENGINEERED BUILDING PRODUCTS),

CHARLES BELIVEAU, PATRICK J. TIMONY,

MURRAY SNIDER, TOBIN INNOVATIVE PRODUCTS INC.,

RIDEAU LUMBER (SMITH'S FALLS) LIMITED,

ISO-MAXX BUILDING PRODUCTS LTD. et DONKERS HARRIS LTD.

défendeurs


                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

1)                                 Il s'agit d'une requête en vue d'obtenir une injonction provisoire enjoignant à un groupe de défendeurs de cesser de contrefaire les marques de commerce de la requérante, ou de faire passer leurs marchandises pour celles de la requérante. Cette requête est quelque peu inhabituelle en ce qu'elle survient après le règlement d'une demande antérieure visant à obtenir la même mesure réparatoire, laquelle opposait essentiellement les mêmes parties, à l'exception de deux nouvelles parties qui ont été jointes à l'action.

2)                                 La demanderesse Arxx Building Products Inc. (Arxx) est propriétaire de deux marques de commerce. La première, BLUE MAXX, est une marque de commerce non déposée qu'emploie la demanderesse depuis 1996 en liaison avec des coffrages à béton isolés. Arxx a récemment annoncé qu'elle n'emploierait plus cette marque parce qu'elle a eu des difficultés dans ses tentatives de l'enregistrer. La seconde marque de commerce est THE MAXX, une marque déposée dont l'usage a été beaucoup plus restreint. Arxx soutient que ladite marque a été employée en liaison avec quelques-uns de ses produits mais, selon la preuve soumise par les défendeurs, et en particulier selon le témoignage de M. Béliveau, il appert que celui-ci n'a jamais vu cette marque utilisée en liaison avec les produits de Arxx, avec lesquels il affirme être familier. Si elle a été utilisée, cet emploi a été très limité.


3)                                 Les défendeurs font partie pour la plupart d'un groupe d'anciennes compagnies distributrices des produits de Arxx, ou sont les directeurs de ces compagnies, dont les ententes de distribution ont été résiliées lorsque Arxx a appris qu'elles vendaient un produit concurrent du nom de NuMaxx. Ce produit est également un coffrage à béton isolé. Il est fabriqué par une autre défenderesse Polyform Cellular Plastics Inc. (Polyform), une filiale de Polyform A.G.P. Inc., elle-même une société de portefeuille, et il est vendu aux autres défendeurs par l'intermédiaire d'une compagnie connue sous le nom de Aim Building Products Inc. (Aim). Le vice-président de Aim est M. Beliveau, qui est également vice-président de Polyform. M. Snider, directeur des ventes de la société Aim, détient des actions de cette société de même que de la société défenderesse 1178449 Ontario Inc. (laquelle fait affaires sous le nom de Advanced Wall Systems (Advanced Wall)). Alain Leger est directeur d'une société à numéro, laquelle possède également des actions de la société Aim, alors que sa femme Jill Leger est directrice de la société défenderesse Innovative Building Materials Ltd. (Innovative). Les autres défenderesses sont Jamwood Developments Inc., faisant à l'origine affaires sous le nom de Foam Form et maintenant sous le nom de Advanced Engineered Building Products (Foam Form), New Millennium Building Products Limited (Millennium), Fastform Concrete Forming (Fastform) et Tobin Innovative Products Inc. (Tobin). Selon le témoignage de M. Robinson, il appert que les ventes faites par Advanced Wall, Millennium, Fastform, Innovative Building Materials Ltd. et Foam Form représentaient entre 45% et 65% du chiffre d'affaires de Arxx en Ontario.


4)                                 En mars 2001, Arxx a déposé une requête visant à obtenir une injonction à l'encontre desdits défendeurs, et contre un ou plusieurs autres défendeurs ayant joué un rôle secondaire dans ces événements. Pour diverses raisons, la requête s'est réglée par la signature d'une convention écrite par Arxx et les défendeurs, aux termes de laquelle les défendeurs ont convenu entre autres :

-    de s'abstenir d'employer le mot NuMaxx comme marque de commerce et nom de commerce et de détruire tous les matériaux possible portant ce nom;

-      de s'abstenir d'employer au Canada des mots similaires à BLUE MAXX ou à THE MAXX au point de prêter à confusion, seuls ou en combinaison avec d'autres mots;

-      de s'abstenir d'employer le mot MAXX ou MAX, seul ou en combinaison avec d'autres mots dans une marque de commerce, nom de commerce ou de toute autre manière en liaison avec des produits et services de coffrages à béton isolés;

-     de s'abstenir de faire la promotion ou la vente de produits Arxx, notamment BLUE MAXX ou THE MAXX, sauf pour liquider ceux actuellement en inventaire;

-      de s'abstenir de faire toute déclaration selon laquelle leurs coffrages à béton isolés remplacent ceux de la marque BLUE MAXX ou THE MAXX;

-      de s'abstenir de faire des représentations selon lesquelles ils seraient liés d'une façon ou d'une autre avec Arxx, BLUE MAXX ou THE MAXX.


5)                                 De plus, Polyform et Aim ont convenu d'aviser leurs distributeurs actuels des conditions énoncées ci-dessus et de voir à ce qu'ils s'y conforment. En outre, la convention comporte la clause suivante :

[TRADUCTION] La présente convention doit être interprétée conformément aux lois de la province de l'Ontario et aux lois du Canada applicables. Les parties conviennent que la province de l'Ontario est le ressort compétent pour toute question pouvant découler de la présente convention et que les tribunaux de l'Ontario ont compétence exclusive, et, par les présentes, elles reconnaissent irrévocablement la compétence exclusive des tribunaux de la province de l'Ontario.

6)                                 Après la signature de cette convention par les avocats, agissant au nom de leurs clients, Arxx s'est désistée « de façon définitive » de sa requête en injonction; j'en déduis donc que Arxx a convenu d'abandonner les motifs qu'elle pouvait avoir pour solliciter une injonction fondée sur les événements antérieurs au désistement.

7)                                 La convention a été signée le 3 avril 2001. Le 23 avril, Arxx a été mise au courant de certains événements qui, selon elle, contrevenaient à la convention et lui donnaient ouverture à un recours en injonction. Arxx n'a pas demandé à la Cour de faire exécuter la convention, ce qu'elle ne pouvait faire compte tenu des questions de compétence et de la clause de reconnaissance de compétence exclusive mentionnées précédemment. Mais elle a souligné certains faits qui, selon elle, lui donnaient ouverture à une injonction.


8)                                 Arxx a été informée que lors du London Spring Home and Garden Show, ayant eu lieu pendant la semaine précédant le 23 avril, un stand tenu par Donkers Harris Ltd. (Donkers Harris), une cliente de Advanced Wall, affichait un grand panneau sur lequel figurait le logo BLUE MAXX et l'énoncé suivant : [TRADUCTION] « Voici NuMaxx » . Ce panneau faisait également allusion à Maxx Wall Systems.

9)                                 Lors de la même exposition, un autre stand était tenu par Iso-Maxx Building Products Ltd. (Iso-Maxx) que Arxx ne connaissait pas auparavant. Ce stand offrait des documents promotionnels de Aim dont l'un parlait de Maxx Wall Systems. Les personnes affectées aux stands avaient des cartes d'affaires sur lesquelles figuraient le nom de Maxx Wall Systems et le logo BLUE MAXX. L'adresse électronique donnée pour Maxx Wall Systems est « maxxwall@donkersharris.com » .

10)                           Le 25 avril 2001, Arxx a appris que Tobin continuait d'utiliser le logo BLUE MAXX sur un immense panneau routier et de se présenter comme étant un distributeur de BLUE MAXX. Lors d'une discussion intervenue pendant la visite du chantier d'un autre entrepreneur, le représentant du contracteur a affirmé avoir été avisé par un représentant de Tobin que le produit BLUE MAXX serait dorénavant connu sous le nom NuMAXX.


11)                           Une visite à la société Foam Form a fourni d'autres exemples de l'emploi de BLUE MAXX et de NuMaxx. Les produits Arxx de même que les brochures NuMaxx étaient bien visibles de l'extérieur de la salle d'exposition. Un modèle de coffrage à béton isolé, auparavant vendu comme un produit NuMaxx, était offert sous le nom de Maxiform. Une des salles était désignée sous le nom de BLUE MAXX. Lorsqu'il est entré dans la salle, un des représentants de Arxx y a vu une banderole BLUE MAXX, différents produits et du matériel promotionnel BLUE MAXX, des catalogues et des brochures BLUE MAXX, de même que des brochures où apparaissait le nom NuMaxx. Toute tentative pour discuter des produits BLUE MAXX était détournée vers le produit Aim qui se trouvait dans la salle et qui était décrit comme [TRADUCTION] « LE produit » .

12)                           Arxx a également soumis en preuve que le 13 avril, une de ses représentantes s'est rendue au Salon National de l'Habitation où elle a parlé avec M. Jim Donkers qui se trouvait au stand Aim. M. Donkers a remis à la représentante de Arxx une carte d'affaires l'identifiant comme faisant partie du secteur des « Ventes et soutien technique » pour Iso-Maxx et Advanced Wall. Au même stand, la représentante a pris une carte d'affaires de Fastform sur laquelle figurait le logo BLUE MAXX et laissait croire qu'il était un distributeur de BLUE MAXX. L'adresse électronique donnée pour Fastform est « fastformbluemaxx@ora.auracom.com » .

13)                           Dans sa documentation, Arxx a inclus un imprimé d'ordinateur du site Web de Donkers Harris où l'on décrit BLUE MAXX Wall System en des termes permettant de croire qu'il s'agit d'un produit offert par Donkers Harris.

14)                           En réponse à ces éléments de preuve, les défendeurs ont produit leurs propres affidavits desquels il ressort ce qui suit.


15)                           L'affidavit de Charles Beliveau révèle un certain nombre de faits liés au statut de BLUE MAXX et THE MAXX comme marques de commerce, à savoir que Arxx a manifesté l'intention de cesser d'employer la première et qu'à la connaissance de M. Beliveau, la seconde n'a jamais été utilisée en liaison avec des coffrages à béton isolés. Dans son affidavit, Murray Snider affirme ne plus avoir de lien avec les activités de Advance Wall Systems depuis qu'il a vendu, le 12 mars 2001, les actifs de l'entreprise à un acquéreur maintenant connu sous le nom d'Iso-Maxx, même si le contrat n'a pas été signé avant le 2 avril 2001. M. Snider nie que Aim a vendu des produits sous le nom de NuMaxx après le 30 mars 2001 et affirme qu'il n'a ni encouragé, ni autorisé d'autres personnes à le faire.

16)                           L'affidavit de Lawrence Mens de Advanced Engineered Building Products indique qu'aucun produit Arxx n'a été vendu par cette entreprise depuis le début de 2001, soit bien avant le 3 avril 2001. Concernant les différents produits Arxx et les documents que la représentante de Arxx affirme avoir remarqués, M. Mens explique que la société a fait des efforts pour retirer tout le matériel prohibé et que depuis le début des présentes procédures, elle a fait de nouveaux efforts et a enlevé tout ce qui pouvait l'être.

17)                           Rick Hallam de Tobin Innovative Products Inc. affirme dans son affidavit que le panneau routier a été enlevé. Il explique que la société Tobin avait l'impression que l'emploi du nom NuMaxx constituait la principale préoccupation de Arxx. Tous les matériaux portant le nom NuMaxx ont été remplacés ou détruits. De plus, Hallam nie avoir dit à quiconque que NuMaxx remplaçait BLUE MAXX.


18)                           Dans son affidavit, Archie Duiker de Fastform affirme avoir le droit de continuer à employer les marques de commerce de Arxx, conformément à l'accord de distribution que Arxx est censée avoir résilié, mais indépendamment de sa prétention, Fastform consent à cesser d'employer les marques de commerce de Arxx au fur et à mesure qu'elle remplace les matériaux existants.

19)                           Dan Strauss, directeur de Iso-Maxx Building Products Ltd. déclare dans son affidavit qu'il ne connaissait pas la marque de commerce THE MAXX lorsqu'il a constitué Iso-Maxx et qu'il a l'intention de modifier le nom de cette dernière pour y enlever toute allusion au nom Maxx dans un délai de vingt et un jours.

20)                           Gord Harris soutient dans son affidavit que Donkers Harris Ltd. a enregistré Maxx Wall Systems comme nom commercial aux environs du 28 mars 1998, avant l'enregistrement de THE MAXX, et que l'emploi de ce nom était connu de plusieurs cadres supérieurs de Arxx. Aucune objection n'a été soulevée quant à l'emploi de ce nom. M. Harris nie que la page Web de Donkers Harris laisse entendre que l'entreprise est un distributeur des produits BLUE MAXX. Enfin, M. Harris nie que l'emploi de Maxx Wall Systems a créé de la confusion.


21)                           Tout bien considéré, je suis convaincu de l'emploi non autorisé de BLUE MAXX et du fait que le nom ou la marque de commerce NuMaxx a continué d'être utilisé après la signature de la convention de règlement. Arxx est grandement éprouvée par ces événements qui, selon elle, sont des actes de contrefaçon ou d'imitation frauduleuse, et qui constituent également des infractions à sa convention de règlement, et elle réclame une injonction tant à l'égard des actes de contrefaçon et d'imitation frauduleuse qu'elle affirme avoir constatés qu'à l'égard de ceux qui pourraient survenir. Par ailleurs, Arxx reconnaît que la Cour ne peut faire exécuter la convention de règlement et, par conséquent, l'injonction ne peut se justifier que par le comportement des défendeurs depuis le 3 avril 2001.

22)                           Les défendeurs ont soulevé divers moyens de défense à l'encontre de la demande d'injonction. Ils affirment tout d'abord que Arxx n'est pas propriétaire des marques de commerce parce que l'enregistrement concernant THE MAXX indique que AAB Building Systems Inc. en est la propriétaire. Même si Arxx a produit un certificat de changement de nom montrant que le nom de AAB Building Systems Inc. a été changé pour celui de Arxx Building Products Inc., les défendeurs continuent d'invoquer le certificat d'enregistrement et le paragraphe 54(3) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. (1985), c. T-13 lequel prévoit ce qui suit :

(3) Une copie de l'inscription de l'enregistrement d'une marque de commerce, donnée comme étant certifiée conforme par le registraire, fait foi des faits y énoncés et de ce que la personne y nommée comme propriétaire est le propriétaire inscrit de cette marque de commerce aux fins et dans la région territoriale qui y sont indiquées.

(3) A copy of the record of the registration of a trade-mark purporting to be certified to be true by the Registrar is evidence of the facts set out therein and that the person named therein as owner is the registered owner of the trade-mark for the purposes and within the territorial area therein defined.


23)                           En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec l'opinion selon laquelle le paragraphe 54(3) a pour effet de déposséder de ses droits de propriété intellectuelle quiconque change de nom. AAB Building Systems Inc. et Arxx sont la même personne. Il n'y a eu aucun transfert de propriété d'une entité juridique à une autre. Rien ne permet d'affirmer que le paragraphe 54(3) prouve que Arxx n'est pas propriétaire de la marque THE MAXX. Le titre de propriété de Arxx a été établi, sur présentation de la preuve de changement de nom.

24)                           Les défendeurs soutiennent qu'étant donné qu'il n'existe aucune preuve de l'emploi de la marque THE MAXX, et que Arxx a manifesté l'intention de cesser l'emploi de BLUE MAXX, il ne peut y avoir de dommage irréparable. Comme ni achalandage ni réputation ne sont associés à THE MAXX, et puisque Arxx a volontairement décidé de délaisser l'achalandage associé à BLUE MAXX, elle ne peut invoquer la perte d'un achalandage qu'elle n'a jamais eu ou qu'elle a décidé d'abandonner.

25)                           Arxx a soumis de la jurisprudence selon laquelle la contrefaçon d'une marque de commerce déposée non contestée est assimilée à un dommage irréparable. Voir la décision Multi-Marques Inc. c. Boulangerie Gadoua Ltée., (2000) 6 C.P.R. (4th) 239 (C.S. Qué). Ce point de vue se trouve également dans la décision Manager Clothing Inc. c. Santana Jeans Ltd, (1992) 46 C.P.R. (3rd) 192. Cette théorie repose sur le bon sens en ce que si la loi accorde au propriétaire d'une marque de commerce le monopole de son usage, alors une atteinte à ce monopole constitue un préjudice irréparable puisque ce monopole se trouve ainsi anéanti. Même si la psychiatrie reconnaît la folie à deux, la loi n'admet pas le monopole à deux.   

26)                           [Absence de texte intentionnelle.]


27)                           La situation est différente dans le cas d'une marque de commerce contestée. Voir l'arrêt Syntex c. Novopharm Ltd, (1991) 36 C.P.R. (3rd) 129, où la Cour d'appel fédérale a jugé que la contrefaçon d'une marque de commerce contestée ne pouvait constituer un préjudice irréparable puisqu'une telle conclusion équivaudrait à statuer sur la question de la validité de la marque de commerce en faveur du requérant alors qu'en fait, on ne pourrait décider de cette question qu'après l'instruction. Ces principes ont été de nouveau confirmés dans Centre Ice Ltd v. National Hockey League, (1994) 53 C.P.R. (3rd) 34. De plus, la décision Centre Ice a indiqué clairement que la preuve de la confusion ou de l'imitation frauduleuse ne démontre pas en soi le préjudice irréparable, et que pour établir un tel préjudice, il faut prouver la perte de ventes ou un autre préjudice économique.

28)                           En l'espèce, les défendeurs ont remis en question le titre des requérantes sur les marques de commerce invoquées, en raison ou bien de leur abandon ou bien de leur non-usage. Selon Arxx, ces objections ne peuvent être prises au sérieux et il ne s'agit que d'une tactique. On remarquera cependant que dans le préambule de l'entente à l'amiable, les défendeurs ont maintenu leur opposition quant à la prétention de Arxx aux marques de commerce. Vu ces allégations et vu qu'il existe certains éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure qu'elles sont fondées, il n'est pas indiqué d'accorder une injonction qui m'obligerait à statuer sur les questions de propriété et de validité des marques sur une base interlocutoire.


29)                           Une autre raison m'amène à cette conclusion, à savoir que tous les défendeurs se sont engagés soit à mettre un terme aux agissements dont Arxx se plaint, soit, comme c'est le cas de Donkers Harris, à cesser de revendiquer le droit de faire ce qui leur est reproché. Si le comportement fautif a cessé, il n'y a pas lieu pour la Cour d'intervenir. Si le comportement en question est masqué par une action en revendication, la procédure interlocutoire n'est pas le recours indiqué pour statuer sur ces questions.

30)                           De plus, aucune des décisions ne traite du cas où un requérant a manifesté son intention d'abandonner l'emploi d'une marque de commerce non déposée. Arxx a fait savoir qu'elle conserve ses intérêts dans l'achalandage de BLUE MAXX mais qu'elle délaissera l'emploi de la marque. Même s'il est possible que Arxx subisse une perte de l'achalandage lié à la marque BLUE MAXX, il est difficile, si on suppose une contrefaçon continue, de voir comment ce dommage pourrait être qualifié d'irréparable et de non indemnisable.

31)                           Enfin, il existe une certaine jurisprudence selon laquelle il ne peut y avoir d'injonction lorsque le défendeur est en mesure de compenser tous les dommages-intérêts qui pourraient être évalués : la décision Caterpillar Inc et al. c. Chaussures Mario Moda Ltd., (1995) 62 C.P.R. (3rd) 338 (C.F. 1re inst.) dans laquelle le juge Tremblay-Lamer dit qu' « en l'absence d'une preuve de l'incapacité de payer des dommages-intérêts, je ne peux conclure à l'existence d'un préjudice irréparable » . Charles Beliveau déclare dans son affidavit que Polyform est une société solvable et en mesure de payer toute somme à laquelle elle pourrait être condamnée par jugement. Pour tous ces motifs, je conclus que la requérante ne s'est pas acquittée de son obligation d'établir son droit à une injonction, de sorte que sa requête est rejetée à l'égard de tous les défendeurs.


32)                           Quant à la plainte de Arxx fondée sur l'imitation frauduleuse, j'arrive à la même conclusion. Il existe des éléments de preuve qui permettraient de conclure à l'imitation frauduleuse ou à la tentative d'imitation frauduleuse. Toutefois, en l'absence d'une preuve qu'il y a eu perte de ventes et compte tenu de l'engagement des défendeurs de cesser d'utiliser les mots contestés, rien ne me permet de conclure au préjudice irréparable.

33)                           Enfin, Arxx a sollicité une injonction afin de prévenir toute perte future de ses intérêts, une injonction préventive. En toute équité envers les défendeurs, la documentation soumise ne permet pas de considérer que cette question constitue un problème. Cependant, on peut répondre correctement à cette requête en affirmant qu'un recours préventif est recevable dans la mesure où une intention de se livrer à un comportement préjudiciable est démontrée. Il n'est pas recevable si les défendeurs ont manifesté l'intention d'agir de façon à ne causer aucun préjudice. Voir Connaught Laboratories Ltd. c. Smithkline Beecham Pharma Inc., [1998] A.C.F. no 1851 où il est dit au paragraphe 20 :

De cette jurisprudence, je tire à l'égard des allégations les critères suivants qui doivent être respectés, de manière évidente, au vu de la déclaration dans une procédure préventive alléguant la contrefaçon de brevet : la déclaration doit alléguer une intention exprimée et délibérée de s'engager dans une activité dont le résultat implique une forte possibilité de contravention; il doit être allégué que l'activité en question est imminente et que le préjudice en résultant est très important, sinon irréparable; et, finalement, les faits plaidés doivent être pertinents, précis et déterminants. Des allégations vagues, ne portant que sur une intention ou relevant de la pure spéculation ne suffisent pas.

Dans les circonstances, rien ne justifie que j'accorde une injonction préventive.


34)                           J'examinerai maintenant la question des dépens. Dans le cours normal des événements, les dépens suivraient l'issue de la cause. J'estime toutefois qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, du cours normal des événements. Arxx a conclu une convention de règlement dans le but de mettre fin à un litige avec ses anciens fournisseurs pour finalement s'apercevoir que certains des agissements visés par l'entente se poursuivaient. On a reproché à Arxx de ne pas avoir écrit une simple lettre de demande qui, dit-on, aurait mis un terme au comportement fautif. Je peux comprendre pourquoi Arxx, ayant déjà compté une première fois sur les défendeurs pour qu'ils respectent leurs engagements et ayant été déçue, était réticente à se fier une seconde fois à leurs bonnes dispositions. Le comportement à l'origine de la présente requête résulte en grande partie de l'attitude cavalière des défendeurs originaux à l'égard des engagements pris aux termes de la convention de règlement. Il était clairement entendu que les défendeurs devaient cesser d'employer les mots Maxx ou Max seuls ou avec d'autres mots et d'utiliser la marque de commerce NuMaxx. Même si les défendeurs se sont une fois de plus engagés à cesser d'utiliser ces marques de commerce, il est raisonnablement évident qu'ils les ont utilisées en contravention de la convention de règlement. Comme je l'ai déjà mentionné, la Cour ne peut forcer l'exécution des conditions de la convention mais elle peut s'inspirer de celle-ci pour décider ce qui est raisonnable en matière de taxation des dépens. Dans les circonstances, j'estime que Arxx était justifiée d'introduire la présente requête, même si elle n'a pas eu gain de cause, et j'ordonne que les défendeurs originaires versent à Arxx la somme de 2 500 $ à titre de dépens, quelle que soit l'issue de la cause. Les dépens des défendeurs joints suivront l'issue de la cause.


ORDONNANCE

35)                           La requête en injonction est rejetée. Arxx peut obtenir le remboursement des dépens de la requête s'élevant à $2,500 auprès de Polyform Cellular Plastics Inc., Polyform A.G.P. Inc., Aim Building Products Inc., Fastform Concrete Forming, New Millennium Building Products Limited, 1178449 Ontario Inc., Innovative Building Materials Ltd., Jamwood Developments Inc., Charles Beliveau, Patrick J. Timony, Murray Snider, Tobin Innovative Products Inc. et Rideau Lumber (Smith's Falls) Limited, quelle que soit l'issue de la cause. Les dépens de Iso-Maxx Building Products Ltd. et Donkers Harris Ltd. suivront l'issue de la cause.

(Signé) « J.D. Denis Pelletier »

                                                                                                             Juge

  

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             T-523-01

INTITULÉ DE LA CAUSE : Arxx Building Products Inc. c. Polyform Cellular Plastics Inc. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  10 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                        17 mai 2001

ONT COMPARU :

David W. Foulds                                     POUR LA DEMANDERESSE

Daniel A. Artola                                      POUR LES DÉFENDEURS Polyform Cellular Plastics Inc., Polyform A.G.P. Inc., Aim Building Products Inc., Fastform Concrete Forming, New Millennium Building Products Limited, 1178449 Ontario Inc., Innovative Building Materials Ltd., Jamwood Developments Inc., Charles Beliveau, Patrick J. Timony, Murray Snider, Tobin Innovative Products Inc. et Rideau Lumber (Smith's Falls) Limited

Catherine Coulter                                    POUR LES DÉFENDERESSES Iso-Maxx Building Products Ltd et Donkers Harris Ltd.

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Company                                   POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

  

McCarthy, Tétrault

Montréal (Québec)                                  POUR LES DÉFENDEURS Polyform Cellular Plastics Inc., Polyform A.G.P. Inc., Aim Building Products Inc., Fastform Concrete Forming, New Millennium Building Products Limited, 1178449 Ontario Inc., Innovative Building Materials Ltd., Jamwood Developments Inc., Charles Beliveau, Patrick J. Timony, Murray Snider, Tobin Innovative Products Inc. et Rideau Lumber (Smith's Falls) Limited

Catherine Coulter

Ottawa (Ontario)                                     POUR LES DÉFENDERESSES Iso-Maxx Building Products Ltd. et Donkers Harris Ltd.

   
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