Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




     Date : 19990709

     Dossier : IMM-777-99


OTTAWA (ONTARIO), LE 9 JUILLET 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX


Entre

     LIXIN ZHAO,

     demandeur,

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur



     ORDONNANCE


     Par les motifs pris en l'espèce, la Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.


     Signé : François Lemieux

     ______________________________

     Juge


Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.




     Date : 19990709

     Dossier : IMM-777-99


Entre

     LIXIN ZHAO,

     demandeur,

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Le juge LEMIEUX


INTRODUCTION


[1]      Par ce recours en contrôle judiciaire exercé sous le régime de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, Lixin Zhao (le demandeur), qui est citoyen et résident de la République populaire de Chine, conclut à l'annulation de la décision orale par laquelle l'agent des visas Martin Levine (l'agent des visas) au consulat du Canada à Detroit (Michigan) a, le 26 février 1999, refusé d'instruire sa demande de visa de visiteur au Canada EX-1 (VVC) avec entrée multiples pendant deux ans (la demande de visa).

[2]      Le demandeur conclut également à ordonnance de mandamus pour forcer l'intimé à lui accorder un visa de visiteur EX-1 avec entrée multiples pendant au moins deux ans ou, subsidiairement, à ordonnance à l'intimé de réexaminer sa demande conformément aux motifs que la Cour pourrait prendre et, au cas où il serait convoqué à une autre entrevue, de lui rembourser toutes les dépenses raisonnables qu'il subirait à cette fin. Il demande en outre le remboursement de tous ses frais et dépens de l'instance.

LES FAITS DE LA CAUSE


[3]      Le demandeur est un consultant en immigration travaillant à Beijing (RPC) pour une agence d'experts-conseils dans ce domaine, Immigration North America Inc., qui soumet la grosse partie de ses demandes de visa d'immigrant au consulat du Canada à Detroit (Michigan).

[4]      Le 10 juin 1997, le consulat du Canada à Beijing a accordé au demandeur un visa de visiteur EX-1 pour une seule entrée au Canada, valide jusqu'au 8 septembre 1997. Le 2 décembre 1997, le même consulat a refusé de lui accorder un VVC. Ce fait est porté sur sa demande de visa du 16 février 1999.

[5]      Le 25 juin 1997, le consulat du Canada à Detroit lui a accordé un visa de visiteur EX-1 pour entrée multiples pendant deux ans.

[6]      Le demandeur se trouvait au Canada du 8 au 18 février 1999. Par affidavit déposé à l'appui de son recours en contrôle judiciaire, il témoigne que le 15 février 1999, il accompagnait le principal dirigeant de son employeur aux États-Unis pour observer la préparation d'un client qui devait comparaître à une entrevue pour le visa d'immigrant et qui envisageait d'exercer au Canada la même profession qu'un autre client, que le demandeur lui-même devait préparer le mois suivant à une entrevue à l'ambassade canadienne de Beijing.

[7]      Le 16 février 1999, il a soumis sa demande de visa avec les frais de 150 $ au consulat du Canada à Detroit, auquel il a demandé de lui donner son VVC le jour même. À l'issue d'un bref entretien, le caissier lui a dit de passer dans la salle des entrevues, où il a été interrogé par l'agent des visas.

[8]      Voici pour l'essentiel son témoignage par affidavit sur cette entrevue :

     [TRADUCTION]

     9.      M. Lavigne [sic] m'a demandé pourquoi je voulais un visa de visiteur, et je lui ai honnêtement expliqué que c'était pour assister à des séminaires sur les changements dans les règles d'immigration " tel était le but de ma première visite en 1997 " et pour rencontrer nos clients.
     10.      M. Lavigne [sic] m'a aussi demandé depuis combien de temps je travaillais pour M. Leahy, et je lui ai honnêtement répondu depuis mai 1995.
     11.      M. Lavigne [sic] m'a dit que je devais faire ma demande à Beijing et m'a demandé pourquoi je ne l'ai pas fait. Je lui ai expliqué que puisque le consulat de Detroit instruisait la majorité des dossiers soumis par M. Leahy, il était mieux placé pour instruire ma demande que Beijing, qui m'avait accordé mon premier visa de visiteur EX-1. D'ailleurs, M. Leahy était là au cas où l'agent aurait des questions à lui poser.
     12.      M. Leahy m'a dit, et j'en suis convaincu, que bien qu'il m'eût présenté comme son représentant à Beijing lors de notre visite à l'ambassade dans cette ville, elle avait exigé, pour condition de mon premier visa de visiteur EX-1, qu'il produisît copie des documents suivants : a) mon contrat de travail, b) son permis de commerce chinois (qu'il n'a pas), c) tous ses contrats avec des citoyens de la RPC, et d) mes formules T-4 (dont M. Leahy a expliqué qu'elles n'étaient pas applicables dans mon cas).
     "
     14.      M. Lavigne [sic] a quitté la cabine au milieu de l'entrevue, m'expliquant qu'il allait voir ce que signifiait l'annotation manuscrite sur mon visa de visiteur délivré à Beijing. Je n'ai pas pu l'observer durant cette absence.
     15.      M. Lavigne [sic] a fait savoir qu'il refusait de renouveler mon visa de visiteur EX-1 parce que ma demande était prématurée, et que je devais faire une nouvelle demande un mois avant l'expiration du visa qui était encore valide.
     16.      M. Lavigne [sic] a écrit quelque chose sur ma formule de demande, mais ne m'a rien donné.

[9]      Le défendeur n'a pas déposé un affidavit en réponse, il s'en tient au dossier du tribunal.

LA DÉCISION DE L'AGENT DES VISAS


[10]      La décision de l'agent des visas consiste en une mention manuscrite sur la demande de visa du demandeur, laquelle a été produite comme pièce du dossier du défendeur. Il ressort d'un examen de cette demande qu'il y a coché la case " Rejeté ".

[11]      Voici ce qu'il a écrit sur la demande de visa :

     [TRADUCTION]

     Demande faite à Detroit et non à Beijing, mais ce n'est pas si difficile ici. Ne pense pas que Beijing lui donnera un visa de 2 ans entrées multiples. Aussi, la plupart de ses clients passent par Detroit.
     J'ai informé M. Zhao que, puisqu'il a déjà un visa valide délivré par ce bureau, il est trop tôt pour envisager une prolongation. Je lui ai dit qu'il pourra faire une nouvelle demande un ou deux mois avant la date d'expiration et que, pour un visa de 2 ans, nous devons disposer d'un dossier plus complet ou transmettre la demande à Beijing.

[12]      Voici les passages essentiels de ses notes SITCI :

     [TRADUCTION]
     " M. Zhao a déjà un VVC entrées multiples valide au 25/06/99. Il demande un VVC entrée multiples de 2 ans.
     " M. Zhao habite Beijing. Il n'y faisait pas sa demande parce qu'il était trop occupé et avait l'impression que Beijing ne lui délivrerait probablement pas un VVC pour deux ans.
     " Employé par Immigration North America, Inc. " La représente à Beijing. Aimerait assister aux séminaires périodiquement organisés par la compagnie.
     " J'ai informé M. Zhao que puisqu'il avait déjà un VVC valide, nous ne donnerions pas suite à une autre demande pour le moment. Que s'il le voulait, il pourrait faire une nouvelle demande un ou deux mois avant l'expiration de son VVC en cours. Et qu'il devrait soumettre les documents nécessaires pour un VVC de deux ans, si c'est ça ce qu'il voulait, et que nous aurions à transmettre la demande à Beijing puisque nous n'avions pas l'expérience nécessaire pour apprécier ces documents ici.

LE TEXTES APPLICABLES


[13]      La Loi sur l'immigration (la Loi) et le Règlement sur l'immigration (le Règlement) sont les textes régissant l'instruction des demandes de VVC.

     a) La Loi sur l'immigration

[14]      La Loi, en son article 2, définit " visiteur " comme suit :


"visitor" means a person who is lawfully in Canada, or seeks to come into Canada, for a temporary purpose, other than "

" visiteur " Personne qui, à titre temporaire, se trouve légalement au Canada ou cherche à y entrer, à l'exclusion "

[15]      L'article 9 de la Loi régit les visas et autorisations spéciales comme suit :

     (i)      le paragraphe 9(1) pose pour règle générale que les visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée;
     (ii)      le paragraphe 9(1.2) fait obligation à la personne qui demande un visa de visiteur de convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant;
     (iii)      le paragraphe 9(2.1) prévoit que le cas du demandeur de visa de visiteur est apprécié par l'agent des visas qui détermine si celui-ci et chacune des personnes à sa charge qui l'accompagne semblent répondre aux critères de l'autorisation de séjour;
     (iv)      le paragraphe 9(3) fait obligation à tout demandeur de répondre franchement aux questions de l'agent des visas et de produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la Loi ni au règlement pris pour son application;
     (v)      le paragraphe 9(4) régit la délivrance des visas en ces termes:

(4) Subject to subsection (5), where a visa officer is satisfied that it would not be contrary to this Act or the regulations to grant landing or entry, as the case may be, to a person who has made an application pursuant to subsection (1) and to the person's dependants, the visa officer may issue a visa to that person and to each of that person's accompanying dependants for the purpose of identifying the holder thereof as an immigrant or a visitor, as the case may be, who, in the opinion of the visa officer, meets the requirements of this Act and the regulations.

(4) Sous réserve du paragraphe (5), l'agent des visas qui est convaincu que l'établissement ou le séjour au Canada du demandeur et des personnes à sa charge ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut délivrer à ce dernier et aux personnes à sa charge qui l'accompagnent un visa précisant leur qualité d'immigrant ou de visiteur et attestant qu'à son avis, ils satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements.

     b) Le Règlement

[16]      L'article 13 du Règlement prévoit, en son paragraphe (2), ce qui suit au sujet des visas de visiteur : :


(2) A visa officer may issue a visitor's visa to any person who meets the requirements of the Act and these Regulations if that person establishes to the satisfaction of the visa officer that he will be able

     (a) to return to the country from which he seeks to come to Canada; or
     (b) to go from Canada to some other country.

(2) L'agent des visas peut délivrer un visa de visiteur à toute personne qui satisfait aux exigences de la Loi et du présent règlement, si cette personne prouve, d'une façon jugée satisfaisante par l'agent des visas, qu'elle pourra

     a) retourner dans le pays d'où elle sollicite l'admission au Canada; ou
     b) se rendre dans un autre pays.

L'ARGUMENTATION DU DEMANDEUR


[17]      Le demandeur invoque deux motifs d'annulation du refus de l'agent des visas de lui délivrer le VVC demandé. En premier lieu, il soutient que cette décision était fondée sur une considération sans aucun rapport avec la question, savoir que sa demande était prématurée puisque son VVC en cours était valide jusqu'au 25 juin 1999 et qu'il devrait faire une nouvelle demande au bout d'un mois. Sous le régime mis en place par la Loi et le Règlement, dit-il, le visiteur non exempté qui veut renouveler son visa doit le faire avant que celui-ci n'expire. L'agent des visas a pour responsabilité de juger si l'admission d'un visiteur contreviendrait à la Loi ou au règlement pris pour son application. Faute de s'acquitter de cette responsabilité sous prétexte qu'il y a un VVC en cours de validité, il aura manqué à un devoir prévu par la loi. En second lieu, l'agent des visas fondait son refus sur un autre motif, savoir qu'il n'avait pas les moyens d'instruire le renouvellement du VVC du demandeur. Celui-ci soutient que le défendeur a pour devoir de poster des agents des visas compétents dans ses bureaux aux États-Unis pour s'occuper des demandeurs non américains. Et qu'en l'espèce, le renvoi de sa demande au bureau du pays d'origine (Beijing) aurait été justifiable si une demande antérieure avait été rejetée ou s'il ne s'était jamais vu accorder un visa. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le consulat du Canada à Detroit lui avait précédemment délivré un VVC avec entrées multiples pendant deux ans.

[18]      Le demandeur conclut à ordonnance de mandamus renforcée de certiorari ou, subsidiairement, à directive de la Cour qui aboutirait au même résultat (à l'instar du verdict imposé) ou encore, au cas où l'ambassade de Beijing devait demeurer saisie, à directive de la Cour quant à la façon dont elle doit connaître de l'affaire, c'est-à-dire la façon dont la demande de renouvellement du VVC doit être instruite.

ANALYSE


[19]      Les conclusions tirées par le juge en chef adjoint Jerome dans De La Cruz c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1989), 26 F.T.R. 285, sont éminemment applicables en l'espèce. Il s'agissait d'un recours en contrôle judiciaire contre le refus de délivrer des visas de visiteur. La relation des circonstances du refus dans De La Cruz est fort instructive. Deux citoyens des Philippines se sont vu refuser par l'ambassade du Canada à Manille le visa de visiteur qui leur eût permis d'entrer au Canada afin d'y obtenir un visa américain pour se rendre à San Francisco, où il devait comparaître à une entrevue au consulat général du Canada dans le cadre de leur demande de résidence permanente au Canada. Les demandeurs avaient choisi de faire cette demande de résidence permanente au consulat général de San Francisco à cause des longs délais d'instruction des demandes de ce genre à l'ambassade canadienne de Manille. Cette voie détournée vers le Canada était dictée par le fait que les autorités américaines à Manille leur avaient refusé un visa de touriste pour aller à San Francisco. En outre, les demandeurs, durant leur passage au Canada, chercheraient à y acheter une maison.

[20]      Dans De La Cruz, le refus était fondé sur le fait que les demandeurs n'étaient peut-être pas des visiteurs de bonne foi parce qu'ils avaient une demande de résidence permanente en instance. Le second motif de refus était que " nous ne délivrons normalement pas de visas pour faciliter l'obtention d'un visa pour les États-Unis ". Dans cette affaire tout comme en l'espèce, le demandeur soutenait que dans sa décision, l'agent des visas outrepassait sa compétence et prenait en compte des facteurs étrangers à l'affaire. Qu'il n'y avait aucune politique posant que l'intention de demander un visa pour les États-Unis n'était pas un motif valide pour la délivrance d'un visa pour le Canada. Et enfin que l'agent des visas canadien en poste à Manille fondait sa décision uniquement sur le refus des autorités américaines de délivrer des visas pour les États-Unis. Tout comme en l'espèce, le défendeur répliquait que la décision de l'agent des visas de délivrer ou de refuser un visa de visiteur relevait de son pouvoir discrétionnaire en la matière, à l'égard duquel le contrôle judiciaire se limitait à la question de savoir si ce pouvoir avait été exercé en bonne foi, de façon conforme à la compétence de l'agent et en toute équité.

[21]      Après avoir analysé le régime institué par la Loi et le Règlement au sujet des demandes de visa de visiteur, le juge en chef adjoint Jerome a conclu en page 287 :

     Ainsi donc, la délivrance d'un visa de visiteur est une décision discrétionnaire. Le devoir de l'agent des visas est d'examiner toute demande de façon appropriée, mais il n'est tenu de délivrer un visa de visiteur que s'il est convaincu que le requérant respecte les exigences législatives.

[22]      Il a examiné en ces termes, page 287, s'il y avait lieu d'annuler la décision de l'agent des visas :

     Une demande de certiorari n'est pas une révision en appel. Pour obtenir gain de cause, les requérants ne peuvent se contenter de démontrer que j'aurais pu en venir à une conclusion différente de celle de l'agent des visas. Il doit y avoir soit une erreur de droit manifeste au vu du dossier, soit un manquement au devoir d'équité approprié à cette décision essentiellement administrative.

[23]      Il fait observer qu'il incombe au visiteur de prouver que son admission au Canada ne contreviendrait ni à la Loi ni au règlement pris pour son application, d'autant plus que sous le régime de la Loi, le visiteur est présumé être un immigrant recherchant le statut de résident permanent, sauf preuve de volonté de séjour temporaire. Dans ces conditions, le juge en chef adjoint Jerome conclut que l'agent des visas est fondé à scruter l'intention du demandeur et à prendre en compte les facteurs susceptibles de faire ressortir une intention de séjour permanent.

[24]      Abordant la question du refus de délivrer le visa de visiteur au Canada fondé sur l'intention des demandeurs de demander le visa américain à Toronto, le juge en chef adjoint Jerome note que " bien qu'il n'existe pas de politique qui l'oblige à refuser de délivrer un visa du simple fait que le requérant a l'intention de demander un visa américain, l'agent des visas a le pouvoir discrétionnaire d'invoquer cette intention comme motif de refus ". Il constate que la demande de résidence permanente et la directive IS 1.56(3) permettent au demandeur de faire sa demande de résidence permanente dans un autre pays que celui dont il a la nationalité, mais posent qu'" en règle générale, l'intéressé devait être fixé depuis suffisamment de temps dans ce pays ou avait le droit d'y séjourner pour avoir accès au bureau des visas à tous les stades de l'instruction ". Il en conclut que cette directive décourage à l'évidence ceux qui pourraient s'attendre à ce que le Canada prête assistance aux demandeurs qui ne jouissent pas de cette possibilité d'accès.

[25]      En ce qui concerne la décision de l'agent des visas, il ne juge pas que celui-ci l'ait fondée uniquement sur le refus des autorités américaines de faire droit à la demande de visa des demandeurs, et conclut que les notes prises au cours de l'entrevue paraissaient simplement des annotations sur l'histoire du dossier des demandeurs.

[26]      Il a conclu en ces termes, page 288 :

     En résumé, je suis d'avis que les motifs écrits de refus étaient suffisants et légitimes et qu'ils entraient dans les limites de la compétence de l'agent des visas. Étant donné que je suis incapable de conclure à l'existence d'une erreur de droit ou à un manquement à une règle de justice naturelle, la décision de l'agent des visas ne peut être modifiée.

[27]      Quant à la conclusion à ordonnance de mandamus, le juge en chef adjoint Jerome l'a rejetée par ce motif en page 287 :

     Puisque la preuve indique clairement que l'agent des visas s'est penché sur la question, la Cour ne peut accorder de mandamus en l'espèce. Ainsi que la Cour d'appel l'a statué dans l'arrêt M.E.I. c. Kahlon, [1986] 3 C.F. 386, une fois que l'agent des visas avait rejeté la demande de visas de visiteurs, aucun devoir ne pouvait plus être exécuté par voie de mandamus.

[28]      Dans Chen c. M.C.I., IMM-2225-98, 16 avril 1999 (affaire soumise au juge Evans), le demandeur avait indiqué sa préférence pour le bureau de Detroit pour l'instruction de sa demande de droit de résidence permanente. Cette demande n'a pas été examinée à Detroit, mais instruite sur pièces par le centre régional de programmes (CRP) à Buffalo, dans l'État de New York. Le demandeur soutenait que la création du CRP n'avait aucun fondement légal et que lui-même avait droit à ce que sa demande fût instruite au bureau qu'il désignait lors du dépôt de sa demande de visa. Le juge Evans a rejeté cet argument en ces termes :

     Cet argument est aussi sans fondement, à mon avis, parce qu'il postule que toutes les décisions administratives doivent être distinctement prévues par la législation. Ceci n'est pas le cas lorsqu'il s'agit de décisions administratives qui n'ont aucun impact juridique sur les personnes et qui ne sont pas prises au détriment de leurs droits ou de leurs intérêts. Le ministre a le pouvoir discrétionnaire de décider de l'organisation du traitement des demandes de visa. De plus, comme M. Leahy l'a noté, l'alinéa 115b) de la Loi sur l'immigration autorise le ministre à désigner par arrêté des points d'entrée et des postes d'attente aux fins de la Loi.
     La loi ne reconnaît aucun droit aux demandeurs de visa de voir leur dossier traité par un consulat donné. Il va de soi que des efforts sont faits pour que les demandeurs soient reçus en entrevue au consulat qui leur convient, afin de maintenir les déplacements au minimum. Le fait que les demandeurs puissent préciser dans la formule de demande à quel consulat ils voudraient que celle-ci soit traitée, et qu'on leur impose des frais de traitement, ne crée aucun lien contractuel qui accorderait au demandeur le droit de voir sa demandée traitée par le consulat qu'il a désigné.

[29]      Le juge Evans s'est encore penché sur un autre point litigieux. Après avoir déposé sa demande, Chen a reçu du CRP un accusé de réception indiquant que l'instruction préliminaire sur pièces prendrait 12 semaines, c'est-à-dire qu'une décision serait prise dans ce délai pour lui accorder ou refuser un visa, ou pour transmettre le dossier à un agent des visas qui le convoquerait à une entrevue. L'agent des visas a pris plus de 12 semaines pour rendre sa décision, contrairement à l'information donnée au demandeur dans la formule courante d'accusé de réception de sa demande. Le juge Evans a rejeté l'argument que l'agent des visas n'avait pas compétence, en ces termes :

     À mon avis, même si les faits étaient avérés, ce que je n'ai pas à décider, cet argument n'aurait aucun fondement en droit. Sauf préjudice causé à l'intéressé, le défaut de respecter un délai fixé par la loi pour la prise d'une décision n'est pas normalement suffisant pour invalider cette décision lorsqu'elle est prise hors délai" Je considère donc en conséquence qu'il serait fort anormal que le fait que l'agent des visas n'ait pas respecté un délai qui n'est pas un délai fixé par la loi puisse invalider son refus de délivrer le visa.

CONCLUSIONS


[30]      Le demandeur soutient que l'agent des visas n'avait nullement le droit de rejeter sa demande par ce motif qu'elle était prématurée en raison d'un VVC valide jusqu'au 25 juin 1999. Pris dans l'abstrait et en dehors de tout contexte, cet argument a une certaine logique puisque dans l'esprit de la Loi et du Règlement, celui qui souhaite obtenir un VVC en fait la demande avant l'expiration du VVC en cours, et il est normal qu'une demande de visa de visiteur soit (à la différence peut-être de la demande de visa de résidence permanente) instruite rapidement puisque l'admission au Canada serait temporaire et n'aurait qu'un but limité.

[31]      À mon avis cependant, cet argument engage la Cour à NE PAS considérer la décision de l'agent des visas dans son ensemble et, de surcroît, à en ignorer le contexte et les circonstances, lesquels constituent justement la raison pour laquelle les agents des visas sont investis du pouvoir discrétionnaire qu'ils doivent exercer judicieusement en fonction des circonstances du cas d'espèce.

[32]      À la lumière des faits et circonstances de la cause pris dans leur ensemble, je conclus que l'agent des visas a judicieusement exercé son pouvoir discrétionnaire en jugeant que la demande de visa en question était prématurée. Toute autre conclusion signifierait qu'un demandeur se trouvant dans le même cas, travaillant et habitant à Beijing, où son premier VVC a été délivré, pourrait se présenter à n'importe quel bureau des visas canadien, y déposer une demande de renouvellement du VVC avec entrées multiples pendant deux ans, exiger une entrevue avec un agent des visas, exiger une décision le même jour parce qu'il quitte ce pays le lendemain. Ce serait reconnaître au demandeur la faculté de choisir le bureau des visas qui lui convient le mieux.

[33]      À mon avis, l'agent des visas a conclu à juste titre, à propos de la demande dont il était saisi, qu'il ne délivrerait pas sous pression un visa immédiatement pour la convenance personnelle du demandeur, parce que sa demande n'était pas une simple formalité, mais avait besoin d'être vérifiée et nécessitait d'autres pièces ainsi que l'avis du consulat canadien de Beijing, où le demandeur habitait et travaillait, lequel consulat avait en sa possession le dossier de l'ancien VVC du demandeur. La délivrance d'un visa de visiteur, en particulier d'un visa de deux ans avec entrées multiples (encore que révocable), n'est pas une simple formalité. L'agent des visas avait une responsabilité légale à remplir. Il incombait au demandeur de lui prouver qu'il ne le faisait pas. Dans ces conditions, rien ne justifie l'annulation de sa décision. Il n'y a pas lieu à mandamus par les motifs pris par la Cour d'appel dans Kahlon susmentionné, et il n'est pas nécessaire que j'examine les conclusions détaillées de l'avocat du demandeur sur la question de savoir s'il y a lieu pour la Cour de donner une directive ou d'imposer la mesure à prendre dans les cas de ce genre. Et, étant donné cette décision, il n'est pas nécessaire que j'examine ses conclusions détaillées sur les frais et dépens.

[34]      Par ces motifs, la Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.

     Signé : François Lemieux

     _____________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 9 juillet 1999



Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER No :              IMM-777-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Lixin Zhao

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration


LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :      12 mai 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE LEMIEUX


LE :                      9 juillet 1999



ONT COMPARU :


M. Timothy E. Leahy              pour le demandeur

Mme Leena Jaakkimainen              pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Timothy E. Leahy                  pour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.