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Date : 20190430


Dossier : IMM-2021-18

Référence : 2019 CF 290

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2019

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

JINXIAN YANG

XIAOMEI ZHOU

ZIHAO YANG

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), à l’encontre de la décision du 4 avril 2018 par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a confirmé la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), qui a rejeté la demande d’asile des demandeurs aux termes du paragraphe 111(1) de la LIPR.

[2]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie pour les motifs exposés ci‑après.

II.  Le contexte

[3]  Jinxian Yang, le demandeur principal, Xiaomei Zhou, la demanderesse secondaire, et leur fils de quatre ans, Zihao Yang, sont citoyens de la Chine.

[4]  Le contexte factuel pertinent est exposé au paragraphe 3 de la décision de la SAR, reproduit ci‑dessous :

Les appelants ont déclaré devant la SPR qu’ils craignent de retourner en Chine, car l’appelant principal a manifesté contre le gouvernement chinois et l’a critiqué pour avoir loué les terres du village à un prix plus faible que prévu. L’appelant principal était l’un des cinq organisateurs des manifestations qui ont eu lieu le 9 juillet 2015 et le 16 juillet 2015. Des agents du Bureau de la sécurité publique (PSB) se sont rendus à sa résidence le 16 juillet 2015 pour l’arrêter. L’appelant principal était absent, et l’appelante associée (son épouse) s’est vu ordonner de lui dire qu’il devait se rendre dès que possible. L’appelant principal s’est caché. Des agents du PSB sont retournés chez lui le 20 juillet 2015 et le 20 août 2015. L’épouse de l’appelant principal a été avisée le 20 août par les agents du PSB que si son époux ne se rendait pas dans les trois jours suivants, elle serait arrêtée et accusée de cacher un criminel. L’appelante associée a également appris que tant que le problème de son époux n’était pas réglé, elle ne pouvait pas inscrire leur fils à la maternelle. Le 22 août 2015, l’appelante associée et l’appelant mineur se sont cachés avec l’appelant principal. Des agents du PSB sont retournés chez eux après le délai qui avait été établi pour que l’appelant principal se rende. Un passeur a été embauché et les appelants sont venus au Canada illégalement par les États-Unis le 29 novembre 2015.

[5]  Le 12 juin 2017, la SPR a rejeté la demande des demandeurs, au motif qu’ils ne craignaient pas avec raison d’être persécutés en Chine. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. Le 10 juillet 2017, ils ont porté cette décision en appel devant la SAR.

III.  La décision de la SAR

[6]  Dans sa décision du 4 avril 2018, la SAR a confirmé la décision de la SPR et a rejeté l’appel.

[7]  Selon les demandeurs, la SPR a commis les erreurs suivantes dans sa décision :

  • a) la SPR a commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité des demandeurs;

  • b) la SPR a commis une erreur dans son appréciation des documents que les demandeurs avaient fournis à l’appui;

  • c) la SPR a commis une erreur en concluant que les demandeurs ne craignaient pas objectivement et avec raison d’être persécutés.

A.  La crédibilité

[8]  La SPR a conclu que la crédibilité des demandeurs avait été minée par le fait qu’ils n’avaient pas présenté leurs passeports ni aucun document de voyage. À l’audience, les demandeurs ont expliqué que leur passeur leur avait suggéré de se débarrasser de leurs passeports et de les lui donner. La SPR a rejeté cette explication. Les demandeurs ont fait valoir que la SPR avait commis une erreur en supposant que d’avoir en sa possession les passeports ne serait d’aucune utilité pour le passeur une fois que les demandeurs seraient arrivés au Canada, sans faire référence à la preuve objective.

[9]  Après examen du dossier, la SAR a jugé que la conclusion de la SPR quant à la vraisemblance n’était pas étayée par une preuve documentaire au sujet des pratiques des passeurs; toutefois, elle s’est demandé pourquoi les demandeurs n’avaient pas fait de copies de leurs passeports s’ils savaient que leurs passeports seraient retenus par le passeur avant de quitter la Chine. Quoi qu’il en soit, la SAR a souligné que les demandeurs n’avaient pas été questionnés à ce sujet à l’audience.

[10]  Toutefois, la SAR a confirmé la conclusion de la SPR à l’égard de la décision des demandeurs de détruire tous leurs documents de voyage et a également conclu que cela avait eu une incidence défavorable sur la crédibilité des demandeurs.

[11]  Bien que la SPR ait accepté la proposition selon laquelle les autorités chinoises ne délivraient pas toujours une citation à comparaître, elle a néanmoins conclu que, si le demandeur principal était recherché par les autorités depuis plusieurs mois, le Bureau de la sécurité publique (le BSP) aurait dû lui laisser une citation à comparaître. Les demandeurs ont fait valoir que la preuve objective au dossier mentionnait clairement [traduction] « qu’une citation à comparaître [pouvait] être délivrée, que les pratiques policières vari[aient] d’une région à l’autre et que les autorités ne laiss[aient] pas toujours des documents au sujet de leur visite ». Les demandeurs ont également fait valoir qu’il s’agissait d’une erreur de conclure que la non‑délivrance d’une citation à comparaître avait eu une incidence défavorable sur la crédibilité du demandeur principal.

[12]  Après avoir examiné les articles 105 et 117 du Criminal Procedure Law of the People’s Republic of China (Code de procédure pénale de la République populaire de Chine) concernant la délivrance des citations à comparaître, la SAR était d’avis que :

[…] les circonstances dans lesquelles l’appelant principal a été sommé verbalement à comparaître ne cadrent pas avec la preuve documentaire. La SAR souligne que l’épouse de l’appelant principal a reçu une citation à comparaître verbale pour le compte de ce dernier, mais l’article 117 énonce qu’une citation à comparaître verbale est délivrée lorsque la présence d’une personne soupçonnée d’actes criminels est constatée sur les lieux et ne fait pas référence aux membres de la famille ou à d’autres personnes.

[13]  La SAR a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle une citation à comparaître écrite aurait été délivrée si le demandeur principal avait été recherché par les autorités, étant donné sa situation personnelle. « La SAR partage l’avis de la SPR selon lequel l’absence d’une citation à comparaître délivrée par le [BSP] ne concordait pas avec la preuve documentaire; elle tire une conclusion défavorable quant à la crédibilité. »

[14]  La SPR a ensuite conclu que les autorités chinoises auraient été en mesure d’identifier le demandeur principal lorsqu’il a quitté l’aéroport muni de son propre passeport, peu importe si une citation à comparaître avait été délivrée contre lui. Les demandeurs ont fait valoir que la SPR avait commis une erreur en concluant qu’ils avaient été en mesure de quitter la Chine munis de leurs passeports, alors que le demandeur principal était recherché par les autorités chinoises. Les demandeurs ont soutenu qu’ils avaient pu voyager avec leurs passeports, parce que, comme aucune citation à comparaître n’avait été délivrée, les réseaux informatiques PoliceNet ou Bouclier d’or ne pouvaient pas retracer les allées et venues du demandeur principal. Les demandeurs ont en outre allégué que le passeur avait soudoyé les agents à l’aéroport, ce qui explique pourquoi ils avaient réussi à quitter la Chine.

[15]  Après avoir examiné la preuve au dossier, la SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en concluant que le demandeur principal n’aurait pas pu quitter la Chine muni de son vrai passeport s’il avait été recherché par le BSP. S’appuyant sur un récent guide jurisprudentiel du président de la Commission, fondé sur la décision TB6-11632, la SAR a conclu que la preuve documentaire au dossier démontrait qu’une personne recherchée par les autorités chinoises ne pouvait quitter la Chine munie de son propre passeport.

[16]  Ensuite, la SAR a examiné la preuve objective au dossier et a reconnu qu’il y avait de la corruption en Chine. Toutefois, la SAR a fait observer que la preuve relative à la situation dans le pays ne mentionnait aucunement « que la corruption s’étend[ait] à l’appareil de sécurité de l’aéroport ». La SAR n’a pas cru que le demandeur principal aurait été en mesure de passer la sécurité à l’aéroport, même si, comme il avait été allégué, le passeur avait soudoyé les agents.

[17]  Après avoir procédé à son propre examen et à sa propre appréciation de la preuve, la SAR a confirmé les conclusions de la SPR et a jugé que n’était pas crédible le fait que le demandeur principal ait quitté la Chine muni de son passeport, alors qu’il était prétendument recherché par le BSP. La SAR a également conclu qu’une citation à comparaître écrite « aurait dû raisonnablement » être délivrée, étant donné la situation personnelle du demandeur principal.

B.  Les documents à l’appui

[18]  La SPR n’a accordé aucun poids à la lettre de plainte (signée par le demandeur principal et d’autres personnes dans le village) fournie par le demandeur principal, parce qu’elle a conclu que n’importe qui aurait pu rédiger cette lettre. La Commission a souligné qu’aucun numéro d’identification nationale pour confirmer l’identité du demandeur principal ne figurait sur la lettre de plainte, pas plus que sa date de naissance ou son adresse. De plus, la lettre n’établissait « aucun lien entre [le demandeur principal] et la prétendue manifestation contre l’accord fâcheux au sujet des terres qui a[vait] été conclu par les responsables du comité du village, comme il a été déclaré ».

[19]  La SAR a examiné la preuve au dossier et a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en accordant peu de poids à la lettre de plainte. Pour ajouter aux conclusions de la SPR, la SAR a également fait observer que la lettre n’était pas datée et qu’elle ne comportait aucune caractéristique de sécurité. La SAR a conclu que, même si elle accordait du poids à la lettre de plainte, celle‑ci ne pouvait établir l’allégation du demandeur principal selon laquelle il était recherché par les autorités chinoises parce qu’il avait participé aux manifestations.

C.  Le risque

[20]  La SPR a conclu que les demandeurs avaient manqué de crédibilité en n’établissant pas que le demandeur principal craignait objectivement et avec raison d’être persécuté en Chine. « La SAR estime que [le demandeur] principal n’est pas recherché par le [BSP] et que l’effet cumulatif des conclusions et constatations défavorables minait la crédibilité des [demandeurs] dans l’ensemble. »

[21]  La SAR a conclu que la SPR n’avait pas tenu compte des circonstances particulières entourant la participation alléguée du demandeur principal aux manifestations en Chine, mais a néanmoins décidé que la question du risque n’était pas pertinente, parce qu’elle ne croyait pas le récit des demandeurs. Selon la SAR, « la SPR n’a pas commis d’erreur en n’abordant pas dans sa décision la totalité de la preuve documentaire concernant les représailles de la part des autorités contre les pétitionnaires ».

[22]  La SAR a confirmé les conclusions de la SPR et a jugé qu’il n’y aurait aucune possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés en Chine s’ils devaient y retourner.

IV.  Les questions en litige

[23]  Après avoir examiné les observations écrites des deux parties, la Cour est d’avis que la présente affaire soulève les questions suivantes :

  1. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’auraient pas été en mesure de quitter la Chine munis de leurs propres passeports, étant donné que le demandeur principal était recherché par le BSP?

  2. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’absence d’une citation à comparaître avait miné la crédibilité du demandeur principal?

  3. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la preuve documentaire présentée par les demandeurs, comme la lettre de plainte?

  4. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le défaut des demandeurs de conserver une preuve de leurs documents de voyage avait eu une incidence défavorable sur leur crédibilité?

  5. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils craignaient objectivement et avec raison d’être persécutés?

[24]  En l’espèce, la décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 35).

V.  Analyse

[25]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

A.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’auraient pas été en mesure de quitter la Chine munis de leurs propres passeports, étant donné que le demandeur principal était recherché par le BSP?

[26]  Les demandeurs font valoir que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il était invraisemblable qu’ils aient pu quitter la Chine munis de leurs propres passeports. Les demandeurs soutiennent que certaines décisions pertinentes de la Cour fédérale contredisent la conclusion de la SAR sur la question de la corruption à l’aéroport, en Chine (Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 762 [Huang]; Sun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 387; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 533). Les demandeurs soutiennent que la Commission avait l’obligation d’expliquer pourquoi il n’était pas raisonnable que le passeur ait pu soudoyer les agents à l’aéroport en Chine, à la lumière des documents sur la situation dans le pays versés au dossier.

[27]  Il est bien établi en droit que les tribunaux « ne peu[vent] […] conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents » (Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2001 CFPI 776, au paragraphe 7). Par conséquent, les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte d’une décision récente dans laquelle la Cour a infirmé la décision de la Commission et a conclu que « la SAR n’avait aucun fondement de preuves vérifiables pour tirer la conclusion d’invraisemblance fondamentalement importante » (He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1089, au paragraphe 11).

[28]  Qui plus est, les demandeurs font valoir que la SAR a commis une erreur en appliquant mal le guide jurisprudentiel, puisque les faits en l’espèce se distinguent de ceux figurant dans le guide jurisprudentiel. Dans la présente affaire, les demandeurs ont expliqué que le BSP n’avait pas délivré de citation à comparaître contre le demandeur principal, alors qu’une citation à comparaître avait effectivement été délivrée contre le demandeur dans l’affaire ayant servi de guide jurisprudentiel.

[29]  La Cour juge que la SAR a commis une erreur en concluant que la preuve objective au dossier n’était pas suffisante pour lui permettre de conclure que la corruption existe dans l’appareil de sécurité de l’aéroport. La SAR n’a pas tenu compte de la conclusion de la SPR selon laquelle [traduction] « les agents de l’aéroport [pouvaient] être soudoyés » (Dossier certifié du tribunal (DCT), motifs et décision de la SPR, à la page 77). Au contraire, la SAR s’est fondée à tort sur un document préparé par le Tribunal de révision des demandes de réfugiés de l’Australie pour étayer ses propres conclusions sur la corruption. La Cour juge que la SAR a fait fi de la conclusion de la SPR sur la corruption en Chine et n’a pas entrepris sa propre appréciation de la question dans ses motifs. Au vu de l’ensemble de la preuve au dossier, il était déraisonnable pour la SAR de faire fi de la conclusion de la SPR en décidant qu’il n’était pas crédible ni vraisemblable que des agents puissent être soudoyés dans les aéroports de Chine, ce qui aurait permis aux demandeurs de quitter la Chine munis de leurs propres passeports :

Voilà un cas d’aveuglement volontaire, attendu que la SPR a conclu qu’une [traduction] « corruption systémique sévit en Chine et [que] les fonctionnaires à l’aéroport peuvent être soudoyés », et que [traduction] « les autorités chinoises n’appliquent pas toujours uniformément les règlements ».

(Huang, à l’alinéa 68a))

B.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’absence d’une citation à comparaître avait miné la crédibilité du demandeur principal?

[30]  Les demandeurs font valoir que la SAR a commis une erreur en se fondant sur le fait que le BSP n’a pas délivré de citation à comparaître pour tirer une inférence défavorable quant à la crédibilité du demandeur principal. Selon les demandeurs, la SAR n’a pas appliqué correctement la preuve objective ou la jurisprudence pertinente aux faits de l’espèce (Huang, à l’alinéa 69b); Zeng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1060, au paragraphe 28). On ne sait pas vraiment pourquoi la SAR, d’un côté, a reconnu que des citations à comparaître n’étaient pas toujours délivrées lorsqu’une personne était recherchée par les autorités chinoises et, d’un autre côté, est parvenue à la conclusion qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une citation à comparaître écrite aurait été délivrée en l’espèce, étant donné la situation personnelle du demandeur principal.

[31]  La Cour souligne que la Commission a conclu que l’absence de citation à comparaître avait eu une incidence défavorable sur la crédibilité du demandeur principal, en particulier parce que le BSP se serait rendu à la maison du demandeur à quatre reprises. La SAR a examiné la preuve documentaire sur les citations à comparaître en Chine et a renvoyé au Code de procédure pénale de la République populaire de Chine, plus particulièrement aux articles 105 et 117, qui sont rédigés ainsi :

[traduction]

Article 105 Les citations à comparaître, les avis et les autres documents judiciaires sont signifiés en mains propres à l’intéressé ou, si l’intéressé est absent, ils peuvent être reçus par un membre adulte de sa famille ou par une personne responsable de son employeur qui en prend possession pour le compte de l’intéressé […]

Article 117 La personne soupçonnée d’actes criminels dont l’arrestation ou la détention n’est pas nécessaire peut être sommée à comparaître à un endroit désigné dans la ville ou le comté où elle demeure ou à sa résidence pour subir un interrogatoire, mais les attestations du protectorat du peuple ou de la sécurité publique doivent être produites.

La personne soupçonnée d’actes criminels dont la présence est constatée sur les lieux peut être sommée verbalement à comparaître après qu’un laissez-passer soit produit, mais cela doit être inscrit dans la transcription de l’interrogatoire […] [Non souligné dans l’original.]

(DCT, Criminal Procedure Law of the People’s Republic of China, aux pages 540 et 542)

[32]  La Cour conclut que la SAR semble avoir mal interprété les articles 105 et 117, puisqu’elle a commis une erreur en concluant qu’une « citation à comparaître verbale est délivrée lorsque la présence d’une personne soupçonnée d’actes criminels est constatée sur les lieux » (DCT, motifs et décision de la SAR, à la page 9). Au vu de la preuve objective, la SAR a également conclu que, bien que la politique des citations à comparaître ne soit pas toujours appliquée, « il est raisonnable de s’attendre à ce que [le demandeur] principal ait été visé par une citation à comparaître coercitive » et que « le [BSP] avait plus qu’un simple intérêt à l’égard [du demandeur] principal » (DCT, à la page 9). Étant donné que la Commission a reconnu qu’une citation à comparaître n’était pas toujours délivrée, la Cour conclut que la SAR n’a pas expliqué pourquoi l’absence d’une citation à comparaître en l’espèce avait miné la crédibilité du demandeur principal, alors que la preuve objective au dossier démontre manifestement qu’une citation à comparaître « peut » être délivrée (Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1124, aux paragraphes 42-43; Liang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 65, aux paragraphes 11 à 14).

[33]   La Cour a pris connaissance des observations des demandeurs au sujet des autres conclusions défavorables tirées par la Commission quant à la crédibilité. Or, au vu de ce qui précède, la Cour juge qu’il y a suffisamment d’erreurs susceptibles de contrôle en l’espèce pour rendre la décision de la SAR déraisonnable.

[34]  Étant donné que la décision de la SAR est déraisonnable, la Cour conclut que la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

VI.  Conclusion

[35]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question de portée générale ne sera certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2021-18

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen;

  3. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier;

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour de juin 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-2021-18

 

INTITULÉ :

JINXIAN YANG, XIAOMEI ZHOU, ZIHAO YANG c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 NOVEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 30 AVRIL 2019

COMPARUTIONS :

Stephanie Fung

POUR LES DEMANDEURS

 

John Loncar

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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