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Date : 20190513


Dossiers : T-15-18

T-16-18

T-17-18

Référence : 2019 CF 646

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 mai 2019

En présence de monsieur le juge Boswell

dossier : T-15-18

ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

XUE LIN

dossier : T-16-18

ET ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

MIN WANG

défenderesse

dossier : T-17-18

ET ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

LIN LIN

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Le demandeur sollicite une ordonnance en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c 1 (5e suppl.) [LIR], enjoignant au défendeur dans chacune des trois présentes demandes sommaires de fournir au ministre du Revenu national les livres, les registres et les renseignements indiqués dans la demande péremptoire adressée à chacun d’eux par lettre en date du 16 septembre 2016.

I.  Contexte

[2]  M. Xue Lin et Mme Min Wang sont mari et femme. Mme Lin Lin est leur fille.

[3]  M. Lin déclare qu’il réside habituellement en Chine. Mme Wang et Mme Lin ne contestent pas qu’elles sont résidentes du Canada pour l’application de la LIR.

[4]  M. Lin a quitté la Chine en mai 2005 avec son épouse et sa fille pour venir s’établir au Canada en tant que résident permanent. Peu après son arrivée au Canada, M. Lin est retourné en Chine, où il a continué sa vie, travaillant pour le même employeur, vivant dans sa résidence, participant aux mêmes activités communautaires et conservant ses comptes bancaires, relations sociales, assurance-maladie et permis de conduire. En tant que résident chinois, il paie des impôts au gouvernement chinois.

[5]  Entre 2005 et 2015, M. Lin a résidé au Canada pendant environ 488 jours. Certaines années, il n’est pas venu au Canada. Bien qu’il ait produit des déclarations de revenus T1 au Canada pour ces années, son comptable a informé l’Agence du revenu du Canada [ARC], en décembre 2017, qu’il avait rempli ces déclarations parce qu’il ne s’était pas rendu compte que M. Lin était un non‑résident aux fins de l’impôt sur le revenu au Canada.

[6]  Une lettre datée du 16 septembre 2016 [la lettre] a été envoyée à chacun des défendeurs. Ces trois lettres étaient identiques, à l’exception des noms et des adresses. Voici la partie pertinente de cette lettre :

[traduction]

Objet : Vérification de vos déclarations de revenus pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2015.

Vos déclarations de revenus des particuliers et celles de toute autre entité à laquelle vous êtes lié ou associé ont été sélectionnées à des fins de vérification pour la période susmentionnée. L’Agence du revenu du Canada (ARC) possède des renseignements qui lui permettent de déterminer que vous possédez peut-être des avoirs à l’étranger et que vous avez omis de les divulguer, comme l’exige la Loi de l’impôt sur le revenu. Tous les particuliers, sociétés, fiducies ou sociétés de personnes sont tenus de remplir et de produire le formulaire T1135 avec leur déclaration de revenus (ou, dans le cas d’une société de personnes, avec leur déclaration de renseignements des revenus de la société de personnes) si, à un moment quelconque de l’année, le coût total de tous les biens étrangers désignés qu'ils possédaient ou dans lesquels ils avaient un droit de bénéficiaire était de plus de 100 000 $.

Afin d’accélérer et de faciliter notre vérification, nous aurons besoin d’avoir une compréhension claire de toutes les entités avec lesquelles vous avez eu un lien ou une affiliation au cours des années d’imposition susmentionnées. Nous vous demandons par conséquent de bien vouloir consigner les renseignements requis de la façon décrite dans le questionnaire ci-joint et de les transmettre au vérificateur soussigné et au Bureau des services fiscaux d’Ottawa au plus tard le 21 octobre 2016. Une entrevue préliminaire sera fixée pour discuter des renseignements fournis.

….

[7]  Après avoir reçu la lettre, chacun des défendeurs a autorisé Sean Hu [le représentant] à le représenter dans le cadre de la vérification. Dans la lettre à laquelle étaient joints les formulaires d’autorisation, le représentant informait l’ARC, le 21 octobre 2016, qu’il avait écrit au ministre. Il prétendait que les défendeurs étaient traités différemment simplement parce qu’ils possédaient des fonds provenant de la Chine, et il contestait la légalité de la vérification. Il demandait que la vérification soit suspendue jusqu’à ce qu’il reçoive une réponse du ministre.

[8]  Un échange de correspondance et d’appels téléphoniques entre le représentant et l’ARC a suivi la réception des formulaires d’autorisation par l’ARC. Cet échange a donné lieu à diverses demandes de renseignements tant de la part du représentant que de l’ARC, et l’ARC a imposé aux défendeurs des délais pour la production des renseignements demandés. Au début de juin 2017, une rencontre a eu lieu entre le représentant et deux représentants de l’ARC, et les questionnaires de Mme Wang et de Mme Lin ont été produits. Ces questionnaires étaient incomplets dans la mesure où ils ne comprenaient pas les copies des relevés bancaires et des relevés de placement pour chacune des années visées par la vérification. Aucun questionnaire n’a été fourni pour M. Lin.

[9]  À la suite de cette rencontre, il y a eu un autre échange de lettres au cours duquel le représentant et l’ARC ont présenté d’autres demandes de renseignements. L’ARC a imposé aux défendeurs d’autres délais pour la production des renseignements demandés. Comme elle n’avait pas reçu les renseignements exigés dans la lettre, l’ARC a décidé de demander à la Cour de prononcer une ordonnance en vertu de l’article 231.7 de la LIR. Au début de décembre 2017, l’avocat du ministre a écrit au représentant pour l’informer que, si les renseignements et les documents exigés dans les lettres n’étaient pas produits d’ici le 20 décembre 2017, il déposerait une demande visant à obtenir une ordonnance d’exécution des lettres.

II.  Observations du demandeur

[10]  Le demandeur affirme qu’il n’y a qu’une seule question à trancher, à savoir si les conditions de délivrance de l’ordonnance prévue au paragraphe 231.7(1) de la LIR sont respectées dans la présente affaire.

[11]  Le demandeur souligne qu’en vertu du paragraphe 231.1(1) de la LIR, le ministre peut, pour l’application et l’exécution de la LIR, inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la LIR. Le demandeur souligne également qu’en vertu du paragraphe 231.7(1), un juge de la Cour fédérale peut ordonner à une personne de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir s’il est convaincu que la personne était tenue de le faire par l’article 231.1 et qu’elle ne l’a pas fait, ou que les renseignements ou les documents ne sont pas protégés par le privilège des communications entre client et avocat au sens du paragraphe 232(1).

[12]  Le demandeur soutient que chacune des lettres a été dûment délivrée en vertu du paragraphe 231.1(1) de la LIR. Il affirme que, malgré les délais supplémentaires accordés, les défendeurs ne se sont jamais conformés aux lettres et qu'ils n’ont toujours pas produit les renseignements, documents et registres exigés.

[13]  Selon le demandeur, les attentes en matière de vie privée sont relativement faibles lorsque l’on répond à une vérification. Il affirme que le ministre n’a aucun moyen de savoir si certains documents sont pertinents avant d’avoir eu l’occasion de les examiner. Il ajoute que l’ARC n’est assujettie à aucun délai l’empêchant d'exiger la production de documents pour des périodes dépassant la durée de conservation des documents prévue au paragraphe 230(4) de la LIR ou pour les années d’imposition dépassant la période normale de nouvelle cotisation. Le demandeur souligne également que le privilège des communications entre client et avocat n'entre pas en jeu dans la présente affaire.

III.  Observations des défendeurs

[14]  Outre la principale question soulevée par le demandeur, les défendeurs affirment que la Cour doit également déterminer si la délivrance des lettres renfermant le questionnaire respectait les paramètres du paragraphe 231.1(1) de la LIR.

[15]  M. Lin affirme être un non-résident aux fins de la LIR et il soutient que l’ARC ne peut pas utiliser les pouvoirs de vérification que lui confère l’article 231.1 avant d’avoir déterminé son statut fiscal au Canada.

[16]  Les défendeurs soutiennent que les conditions de délivrance de l’ordonnance prévue à l’article 231.7 de la LIR ne sont pas respectées. Ils soutiennent que les années d’imposition visées par la vérification incluent des années pour lesquelles il y a prescription et que, en vertu du paragraphe 152(4), l’ARC ne peut établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l’égard d’une déclaration avant l’expiration du délai de prescription que si elle a des preuves de fausse déclaration attribuable à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire.

[17]  Les défendeurs font valoir que le libellé de la lettre est vague. Ils affirment qu’ils ne devraient pas être tenus de fournir divers livres, registres et documents parce que le vérificateur a demandé des renseignements sous la forme de réponses aux questions posées dans les questionnaires, de même que des documents à l’appui de ces réponses. Selon eux, aucun livre ou registre n’a été demandé pour inspection et, par conséquent, le paragraphe 231.1(1) de la LIR ne s’applique pas.

[18]  Les défendeurs affirment que les demandes de renseignements ont été envoyées dans un objectif autre qu’une vérification fiscale faite de bonne foi et qu’elles visaient à permettre à l’ARC de se livrer à une recherche à l’aveuglette en vue d’obtenir des renseignements. Selon eux, les demandes de renseignements dans cette affaire n’ont pas été délivrées conformément au paragraphe 244(5) de la LIR, puisqu’aucun affidavit ne prouve qu’elles ont été signifiées. Ils estiment que la lettre n’est pas une « mise en demeure » parce qu'elle se limite à demander des renseignements, qu’elle ne mentionne pas qu’une réponse est requise et qu’elle ne précise pas les conséquences d'un défaut de fournir ces renseignements. Ils affirment que les nombreuses prolongations accordées pour fournir les renseignements demandés appuient leur point de vue selon lequel la lettre n’était pas une mise en demeure.

[19]  Les défendeurs soulignent que, bien que la lettre leur ait été adressée à titre personnel, on leur demandait des documents concernant des entités qui leur étaient liées ou associées. À leur avis, il n’est pas évident de savoir si cette demande leur était adressée personnellement ou si elle était adressée à des entités qui leur étaient liées ou associées. Les mots [TRADUCTION] « qu’elles soient enregistrées ou non à votre nom » soulèvent la question de savoir si on demandait aux défendeurs d’énumérer leurs actifs personnels ou d’inclure des documents sur les actifs de l’entreprise auxquels ils n’auraient pu avoir accès qu’en tant qu’administrateurs ou dirigeants de l’entreprise. Compte tenu de l’incertitude quant à savoir si la demande de renseignements était adressée aux défendeurs personnellement ou à toute autre entité liée ou associée, ils soutiennent que la première condition de l’article 231.1 de la LIR n’a pas été respectée.

[20]  Les défendeurs conviennent avec le demandeur que le privilège des communications entre client et avocat n'entre pas en jeu dans la présente affaire.

IV.  Analyse

[21]  Avant de déterminer s’il convient, en l’espèce, de délivrer les ordonnances demandées, il est utile d’examiner certaines décisions judiciaires concernant le paragraphe 231.7(1).

A.  Paragraphe 231.7(1)

[22]  Le critère à appliquer pour savoir la Cour peut délivrer l’ordonnance prévue au paragraphe 231.7(1) de la LIR a été résumé comme suit dans la décision Canada (Revenu national) c Chamandy, 2014 CF 354 [Chamandy] :

[27]  Premièrement, la Cour doit être convaincue que la personne contre laquelle l’ordonnance est sollicitée « n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents [demandés par le ministre] bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2 » : alinéa 231.7(1)a).

[28]  Deuxièmement, la Cour doit être convaincue que la personne était tenue de fournir les renseignements ou documents demandés par le ministre, mais qu’elle ne l’a pas fait : alinéa 231.7(1)a).

[29]  Enfin, la Cour doit être convaincue que « le privilège des communications entre client et avocat [au sens de la Loi] […] ne peut être invoqué à [l’]égard » des renseignements ou des documents demandés : alinéa 231.7(1)b).

[23]  Les défendeurs prétendent que l’ARC doit prouver pourquoi ils font l’objet d’une vérification et que la vérification n’est pas une [traduction] « recherche à l’aveuglette ». Cette prétention n’est pas fondée. Comme l’indique la décision Canada (Ministre du Revenu national) c Plachcinski, 2016 CarswellNat 10234, s’il existe une raison valable, comme des soupçons que la personne a des actifs à l’étranger, le critère peu exigeant du caractère raisonnable d’une vérification est respecté :

[traduction]

13   […] dans l’arrêt Ministre du Revenu National c. Lee, 2016 CAF 53 [Lee], la Cour d’appel fédérale a infirmé un jugement de notre Cour en refusant d’accorder une ordonnance en vertu de l’article 231.7 de la Loi au motif que « l'étendue et la portée de la demande [présentée en vertu de l’article 231.2 de la Loi] étaient trop vastes » (Lee, au paragraphe 4). La Cour d’appel fédérale a conclu que l’article 231.2 conférait au ministre « le pouvoir étendu et général d’exiger de quiconque la fourniture de renseignements ou de documents à toutes fins afférentes à l’application ou à l’exécution de la Loi » (Lee, au paragraphe 5) et que « la question de la portée ou de l’étendue de la demande relève du ministre, tant et aussi longtemps que les renseignements demandés sont nécessaires pour l’application ou l’exécution de la Loi » (Lee, au paragraphe 7). […] Elle n'a pas mentionné qu’il était nécessaire pour le ministre de démontrer que la demande de renseignements s’inscrivait dans le cadre d’une enquête véritable et sérieuse sur les obligations du contribuable.

[24]  Ce qui peut être demandé aux fins d’une vérification est vaste. Comme la Cour l’a déclaré dans la décision Canada (Ministre du Revenu national) c Amdocs Canadian Managed Services Inc., 2015 CF 1234 [Amdocs] :

[67]  En effet, ACMS demande à la Cour de conclure que le ministre possède déjà ce qu'il faut pour effectuer la VPT. Cependant, comme l’a indiqué le ministre, et comme l’a récemment souligné le juge Campbell dans la décision Canada (Revenu national) c BP Canada Energy Company, 2015 CF 714, au paragraphe 23, il incombe au ministre d’établir tant la portée de la vérification que les documents nécessaires pour effectuer la vérification. Il ne revient pas à ACMS de déterminer ce dont le ministre a besoin pour effectuer la vérification.

[69]  En outre, la Cour suprême du Canada [...] dans l'arrêt Western Minerals Ltd c Minister of National Revenue, [1962] RCS 592, à la page 596, précise clairement ce qui suit :

[traduction]

[...] Il n’appartient ni à la Cour ni à qui que ce soit de déterminer avec quelle intensité doit être examinée la déclaration de revenu du contribuable dans un cas donné. Il s’agit d’une décision qui relève exclusivement du ministre, qui agit par l’intermédiaire de fonctionnaires compétents.

[...] Ni la loi ni aucun autre instrument ne fixe, de façon expresse ou tacite, les exigences essentielles de l’établissement d’une cotisation. Il appartient exclusivement au ministre de décider de la façon dont il évaluera et établira la responsabilité du contribuable dans un cas donné. Il lui revient de déterminer la portée de l’enquête qu’il doit faire, si enquête il doit y avoir.

[...] Le ministre peut très bien conclure que la déclaration de revenu d’un contribuable représente une déclaration exacte de ses revenus et ne vérifier que le calcul de l’impôt et, sans autre examen ou enquête, déterminer l’obligation fiscale en conséquence. Le cas échéant, on ne peut affirmer qu’il n’a pas établi de cotisation.

[25]  La loi ne prescrit aucun délai pour présenter une demande de renseignements en vertu du paragraphe 231.1(1) de la LIR Comme la Cour l’a déclaré dans la décision Canada (Ministre du Revenu national) c Stankovic, 2018 CF 462, au paragraphe 34 :

[34]  Le demandeur affirme qu’il n’y a pas de limite empêchant l’ARC de demander des registres pour la période allant au-delà de la période de conservation des documents énoncée au paragraphe 230(4) de la Loi. Les registres et les livres qui sont toujours disponibles doivent être communiqués au ministre s’ils sont demandés en vertu du paragraphe 231.1(1) de la Loi. […] En considérant les exigences pour fournir des renseignements délivrés conformément au paragraphe 231.2(1) de la Loi, la Cour d’appel fédérale a dit clairement que « les demandes de production de documents ne sont assujetties à aucun délai de prescription » [Renvois omis].

[26]  La LIR exige seulement que le contribuable fasse des efforts raisonnables pour obtenir les documents demandés. Si un document a été détruit ou n’est pas disponible parce qu’il n’est pas en la possession du contribuable, alors aucune ordonnance de divulgation ne devrait être rendue (Amdocs, aux paragraphes 75 et 76).

[27]  Le fait que la lettre ne précise pas les documents, livres ou registres à produire n’a pas pour effet d’invalider une demande de renseignements puisque le paragraphe 231.1(1) prévoit ce qui suit :

Enquêtes

Inspections

231.1 (1) Une personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l’application et l’exécution de la présente loi, à la fois :

231.1 (1) An authorized person may, at all reasonable times, for any purpose related to the administration or enforcement of this Act,

a) inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

(a) inspect, audit or examine the books and records of a taxpayer and any document of the taxpayer or of any other person that relates or may relate to the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or to any amount payable by the taxpayer under this Act, …

B.  Un non-résident est-il tenu de répondre à une demande de renseignements fondée sur l’article 231.1 de la LIR?

[28]  Le statut de résident au titre de la LIR (c.-à-d. résident habituel, résident de fait, personne réputée résider au Canada, personne réputée non-résidente et non-résident) influe sur l’obligation d’un particulier de payer de l’impôt. Toutefois, ce ne sont pas tous les non‑résidents qui sont exemptés de payer de l’impôt, car le paragraphe 2(3) de la LIR précise les circonstances dans lesquelles un non-résident peut être tenu de payer de l’impôt sur du revenu gagné au Canada.

[29]  M. Lin a produit des déclarations de revenus pour la période visée par la vérification. Toutefois, en vertu de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1983, c F-7, il ne relève pas de la compétence de la Cour de déterminer son statut de résident pour les besoins de la LIR pendant les années d’imposition. Cette question relève de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt parce qu’elle suppose de déterminer quelles sont, en tant que non‑résident, ses obligations fiscales en vertu de la LIR (Johnson c La Reine, 2007 CCI 288).

C.  Est-il évident de savoir à qui la lettre est adressée?

[30]  Les défendeurs affirment qu’il n’est pas évident de savoir à qui la lettre est adressée : aux défendeurs ou aux entités qui leur sont liées, et, le cas échéant, à quelles entités? La lettre est adressée à chacun des défendeurs, mais elle indique ce qui suit : [traduction] « Vos déclarations de revenus des particuliers et celles de toute autre entité qui vous est liée ou associée ont été sélectionnées à des fins de vérification […]. Dans la présente lettre, le mot « entité » fait référence à toute société, fiducie, société de personnes, société en commandite [...] ».

[31]  À mon avis, les lettres sont adressées à la fois aux particuliers et aux entités qui leur sont liées. Les entités ne pas nommées, et il n’est pas évident de savoir qui fait l’objet de la vérification : les défendeurs ou les entités non désignées?

[32]  La Cour doit être convaincue que la personne contre qui l’ordonnance est demandée était tenue par les articles 231.1 ou 231.2 de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir. Comme il n’est pas évident de savoir si la lettre était adressée aux défendeurs individuellement ou aux entités qui leur sont liées, le ministre n’a pas satisfait à la première condition prévue à l’article 231.7 (précité) pour obtenir une ordonnance (Chamandy, au paragraphe 30, et Canada (Ministre du Revenu national) c SML Operations (Canada) Ltd, 2003 CF 868, au paragraphe 16).

V.  Conclusions

[33]  L’ordonnance sollicitée par le demandeur dans chacune des présentes demandes est rejetée.

[34]  Les défendeurs ont droit à leurs dépens. Lors de l’audition de la présente affaire, les parties ont convenu que des dépens de 1 000 $ par demande seraient appropriés. Par conséquent, le demandeur doit payer aux défendeurs des dépens totalisant 3 000 $ dans les 30 jours suivant la date du présent jugement.


JUGEMENT dans les dossiers T-15-18, T-16-18 et T-17-18

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande sommaire présentée par le ministre du Revenu national en vue d’obtenir une ordonnance en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.), est rejetée;

  2. Le demandeur est tenu de payer aux défendeurs des dépens totalisant 3 000 $ dans les 30 jours suivant la date du présent jugement.

  3. Une copie de la présente ordonnance et des présents motifs sera versée dans chacun des dossiers de la Cour T‑15‑18, T‑16‑18 et T‑17‑18 et servira d’ordonnance et motifs dans ces dossiers.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour de juillet 2019.

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑15‑18

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c XUE LIN

 

ET DOSSIER :

T‑16‑18

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c MIN WANG

 

ET DOSSIER :

T‑17‑18

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c LIN LIN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 février 2019

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE :

Le 13 mai 2019

 

COMPARUTIONS :

Cédric Renaud-LaFrance

 

Pour le demandeur

 

George Alatopulos

 

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

George Alatopulos

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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