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Date : 20021206

Dossier : IMM-3271-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1265

Ottawa (Ontario), le vendredi 6 décembre 2002.

En présence de :            MONSIEUR LE JUGE KELEN

Entre :

MOHAN SINGH DHILLON

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'art. 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, visant la décision rendue le 11 juin 2001 par Doug Haaland, un agent des visas en poste au Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, qui a conclu que le fils du demandeur n'était pas un « fils à charge » au sens du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le « Règlement » ).

[2]                Le demandeur et son épouse, citoyens indiens, ont présenté une demande de résidence permanente en mai 2000 à titre de personnes appartenant à la catégorie de la famille. C'est leur fils aîné Gurpreet Singh, un résident permanent du Canada, qui a parrainé leur demande. La demande visait également le benjamin de la famille Harpreet Singh Dhillon, né le 31 juillet 1977 et célibataire, à titre de fils à charge vu son statut d'étudiant à temps plein.

[3]                Au moment de l'entrevue, le fils du demandeur avait déjà passé ses examens de deuxième année du baccalauréat ès arts et attendait d'obtenir ses résultats. Il a été admis en 1997 au collège R.S.D. à Ferozapur mais, ayant échoué ses deux premières années là-bas, a choisi de poursuivre ses études au collège Guru Nanak à Ferozapur en 1999. Lors de sa première année, il a échoué deux cours, soit anglais et histoire, mais a réussi tous les autres cours. Après l'entrevue Harpreet a obtenu la note de passage pour ses examens de deuxième année du baccalauréat ès arts. Cependant, comme l'agent ne disposait pas de cet élément de preuve au moment où il a pris sa décision, la Cour n'en a pas tenu compte.

[4]                L'agent a conclu que Harpreet n'était pas admissible à titre de fils à charge. Ses motifs de refus sont révélés dans une lettre adressée au demandeur le 11 juin 2001 (à la p. 16 du dossier certifié du tribunal) :

[TRADUCTION] [...] Selon les renseignements que j'ai recueillis à l'entrevue tenue à New Delhi le 7 juin 2001, vous prétendez que Harpreet Singh Dhillon est un étudiant régulier à temps plein. Cependant, vous m'avez fourni des renseignements contradictoires à l'entrevue en ce qui concerne les heures que votre fils consacre quotidiennement à fréquenter l'école. Vous m'avez dit des choses qui laissent entendre que votre fils travaille sur la ferme familiale avec vous peut-être autant qu'il fréquente apparemment l'école.


Vous faites valoir que Harpreet Singh Dhillon suit des cours au collège depuis quatre années universitaires, mais qu'il n'a pas réussi tous ses cours. À son entrevue, Harpreet Singh Dhillon est resté vague sur la matière couverte durant sa dernière année d'études, il n'a pu expliquer de façon satisfaisante pourquoi il n'avait fait aucun progrès scolaire pendant quatre ans, ni pourquoi il poursuivait ses études au collège. L'absence de progrès scolaire surprend d'autant plus compte tenu des heures qu'il dit passer à fréquenter l'école et à se consacrer à ses études. Harpreet Singh Dhillon ne paraît pas faire tendre la poursuite de ses études vers un but clair. Je suis d'avis qu'il le fait uniquement pour être admissible aux fins d'immigration comme votre fils à charge.

[5]                On trouve la définition de fils à charge au paragraphe 2(1) du Règlement. Voici l'extrait pertinent de la définition :


« fils à charge » Fils :

[...]

"dependent son" means a son who

[...]

b) soit qui est inscrit à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et qui :

(b) is enrolled and in attendance as a full-time student in an academic, professional or vocational program at a university, college or other educational institution and

(i) d'une part, y a été inscrit et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans ou, s'il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage,

(i) has been continuously enrolled and in attendance in such a program since attaining 19 years of age or, if married before 19 years of age, the time of his marriage, and

(ii) d'autre part, selon un agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses 19 ans ou, s'il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage; [...]

(ii) is determined by an immigration officer, on the basis of information received by the immigration officer, to be wholly or substantially financially supported by his parents since attaining 19 years of age or, if married before 19 years of age, the time of his marriage [...]


[6]                Il n'est pas contesté que le fils du demandeur est inscrit au collège depuis la date de ses 19 ans. Il s'agit de savoir si l'agent a commis une erreur en concluant que l'inscription de Harpreet et sa présence physique au collège ne suffisaient pas à le rendre admissible à titre de personne à charge. Le demandeur soutient qu'un agent des visas ne peut imputer un aspect qualitatif à sa décision qui consiste à savoir si une personne étudie à temps plein.


[7]                Lorsque les parties ont présenté leurs observations écrites, l'état de la jurisprudence relative à ce sujet était incertain quant à savoir si le fait pour un étudiant de suivre des cours à temps plein devait être assorti d'un élément qualitatif. Il existait plusieurs décisions contradictoires sur cette question, voir l'affaire Dhami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 805, dans laquelle madame le juge Dawson a examiné la jurisprudence pertinente de manière approfondie.

[8]                La Cour d'appel fédérale a depuis tranché la question dans l'arrêt Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 79. S'exprimant au nom de la Cour, le juge Sexton a conclu aux par. 19-22 :

À mon avis, l'expression « est inscrit [...] et y suit à temps plein des cours » exige que ltudiant fasse continuellement des efforts réels pour assimiler la matière enseignée dans les cours auxquels il est inscrit.

Cela ne veut pas dire qu'un étudiant doit réussir ses examens ou avoir acquis une maîtrise de la matière. Ce qu'il faut, c'est que ltudiant fasse véritablement des efforts pour acquérir les connaissances transmises dans les cours.

Par conséquent, lorsqu'il doit décider si une personne « est inscrite et suit à temps plein des cours » , l'agent des visas doit non seulement tenir compte de la présence physique de cette personne aux cours, mais aussi faire ce qu'il faut pour s'assurer que ltudiant satisfait aux exigences du sous-alinéa 2(1)b)(i).

Les facteurs qui devraient être pris en compte à cette fin pourraient inclure ceux qui suivent, quoique cette liste puisse bien ne pas être exhaustive. Premièrement, le dossier de présence de ltudiant. Deuxièmement, les notes qu'il a obtenues. Troisièmement, sa capacité de discuter, à tout le moins de façon rudimentaire, des matières étudiées. Quatrièmement, la question de savoir si son programme dtudes se déroule de manière satisfaisante. Cinquièmement, la question de savoir s'il a fait des efforts réels et sérieux pour assimiler les connaissances enseignés dans ses cours. On pourrait peut-être résumer tous ces facteurs en se demandant si la personne en cause est un véritable étudiant. Bien qu'une personne puisse être un véritable étudiant et avoir de mauvaises notes, l'agent de visas devrait, dans un tel cas, être convaincu que ltudiant a tout de même fait véritablement des efforts dans ses études.


Conformément à l'arrêt Sandhu, il était loisible à l'agent d'entreprendre une évaluation qualitative pour décider si le fils du demandeur était véritablement un étudiant à temps plein.

[9]                Cela ne tranche toutefois pas l'affaire. La Cour doit s'assurer que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur dans le cadre de son évaluation qualitative. Comme il s'agit d'une question mixte de fait et de droit, la Cour fera montre de retenue à l'égard de la décision de l'agent. En ce qui concerne la norme applicable au contrôle de l'évaluation par un agent quant à savoir si une personne est véritablement un étudiant à temps plein, le juge MacKay a tenu les propos suivants dans l'affaire Mir-Hussaini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 291, au par. 11 :

Considérant la décision [Chalaby c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 66], j'estime qu'en l'espèce, la Cour doit montrer beaucoup de retenue pour la décision prise par l'agente des visas. Sauf en cas d'acte de mauvaise foi, de manquement aux exigences de justice naturelle ou de défaut de considérer des éléments de preuve pertinents de la part de l'agent des visas, la Cour ne devrait pas intervenir [voir la décision Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2].


En l'espèce, l'agent des visas n'a pas agi de mauvaise foi et a effectivement tenu compte des éléments de preuve pertinents. On n'allègue nullement un manquement aux principes de justice naturelle. Dans les motifs qu'il a avancés pour refuser la demande, énoncés au paragraphe [4] ci-dessus, l'agent des visas a expliqué pourquoi il a conclu que Harpreet Singh Dhillon n'était pas un véritable étudiant, mais qu'il suivait des cours au collège uniquement aux fins d'immigration. L'agent des visas est le mieux placé pour procéder à cette évaluation qualitative. Étant donné que les motifs invoqués par l'agent des visas reposent sur un fondement rationnel, la Cour n'interviendra pas. La Cour ne devrait pas substituer son point de vue à celui de l'agent des visas sur la question de savoir si une personne est véritablement un étudiant, à moins que les motifs avancés par l'agent des visas ne reposent sur aucun fondement rationnel capable de résister à un examen assez poussé.

[10]            Aucun avocat n'a proposé de question aux fins de la certification.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                   La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                   Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »            

                                                                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-3271-01

INTITULÉ :                                           MOHAN SINGH DHILLON

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                         MARDI LE 26 NOVEMBRE 2002   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :                 LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                               VENDREDI LE 6 DÉCEMBRE 2002

COMPARUTIONS :                                  Sabrina Tozzi

Pour le demandeur

Robert Bafaro

Pour le défendeur

                                                                                                                                                           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Sabrina Tozzi

Green & Speigel Law Corporation

Case 114, Standard Life Centre

2200-121, rue King ouest

Toronto M5H 3T9

Pour le demandeur             

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                         Date : 20021206

                                             Dossier : IMM-3271-01

ENTRE :

MOHAN SINGH DHILLON

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                     défendeur

                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                 


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