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Date : 20190503


Dossier : IMM‑3830‑18

Référence : 2019 CF 575

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2019

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE

BRUNO CEZAR MOURA MENDES NEVES

ARIANNA MEDEIROS DE ALBUQUERQUE NEVES

LARA DE ALBUQUERQUE NEVES

LUCCA DE ALBUQUERQUE NEVES

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sont une famille originaire du Brésil; ils sont arrivés au Canada en septembre 2015 à titre de résidents temporaires. Malgré un certain nombre de tentatives, ils n’ont pas réussi à obtenir le statut de résident permanent au Canada. En l’espèce, ils sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 8 août 2018 par un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui a rejeté leur demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi au Brésil.

[2]  Pour les motifs formulés ci‑après, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée puisque la décision de l’agent est jugée raisonnable, et que l’agent n’a pas fait abstraction des éléments de preuve ni entravé son pouvoir discrétionnaire.

Contexte

[3]  Monsieur et Mme Neves, ainsi que leurs deux enfants sont venus au Canada à titre de résidents temporaires munis d’un visa valide du 27 janvier au 2 juin 2015. Ils ont demandé et obtenu une prolongation de leur statut de résident temporaire jusqu’au 5 janvier 2016. Ils ont obtenu une deuxième prolongation de leur statut de résident temporaire en attendant qu’une décision soit rendue sur la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée le 31 mars 2016. Leur demande de prorogation a été rejetée le 19 avril 2016 et leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été refusée le 7 octobre 2016. Ils n’ont pas contesté la décision relative à leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et ils ont été sommés de partir du Canada. Puisqu’ils ont omis de partir du Canada, une mesure d’exclusion a été prise le 17 août 2017. Les demandeurs ont présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) le 13 septembre 2017 et une seconde demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire le 17 septembre 2017.

[4]  Leur demande d’ERAR a été rejetée le 17 janvier 2018, et leur deuxième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a également été refusée. Ils se sont vu accorder un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à la fin de juin afin de permettre aux enfants de terminer l’année scolaire.

[5]  Le 30 mai 2018, la famille a reçu la signification d’une convocation leur enjoignant de se présenter en vue de leur renvoi du Canada le 6 juillet 2018. Ils ont présenté une demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi afin de permettre à Mme Neves, qui était alors enceinte de 12 semaines, de demeurer au Canada pendant toute la durée de sa grossesse. Cette demande de sursis a été refusée puisqu’une évaluation médicale la déclarait apte à voyager par avion. Malheureusement, Mme Neves a fait une fausse couche avant l’exécution du  renvoi prévu, et la famille s’est vu accorder un sursis ministériel de deux semaines quant à l’exécution de la mesure de renvoi. Une nouvelle date de renvoi suivant l’expiration du sursis ministériel a été fixée au 10 août 2018.

[6]  Les demandeurs ont présenté une autre demande de sursis quant à l’exécution de la mesure de renvoi en attendant la décision concernant leur troisième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La décision du 8 août 2018 rejetant la demande de sursis est la décision qui fait l’objet du présent contrôle.

[7]  Le 10 août 2018, les demandeurs ont obtenu un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi par ordonnance de la juge Kane en attendant l’examen de la présente demande de contrôle judiciaire.

La décision faisant l’objet du contrôle

[8]  Dans la décision du 8 août 2018, l’agent de l’ASFC a reconnu qu’en examinant la demande de sursis, il devait se limiter à déterminer si le renvoi exposerait les demandeurs à des risques de traitements inhumains, de peines, de persécution ou de mort. L’agent a fait remarquer que les éléments de preuve concernant les risques invoqués par les demandeurs et les motifs d’ordre humanitaire soulevés avaient déjà été évalués par d’autres agents qualifiés dans le cadre des processus relatifs à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et à la demande d’ERAR.

[9]  L’agent a examiné la preuve médicale concernant le diagnostic de trouble d’anxiété généralisée dont Mme Neves a fait l’objet. L’agent a également souligné que les faits et les éléments de preuve étaient sensiblement les mêmes que ceux qui avaient déjà été évalués, soulignant que les lettres médicales des médecins du Brésil et du Canada étaient incluses dans les demandes précédentes et qu’elles avaient déjà été examinées et prises en compte. Dans les circonstances, l’agent n’a pas estimé que des renseignements convaincants pouvant justifier un sursis étaient présents. De plus, comme il a été conclu que les demandeurs ne seraient pas en danger s’ils retournaient au Brésil, l’agent a jugé qu’ils pouvaient attendre à l’extérieur du pays la décision concernant leur troisième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[10]  En ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent a souligné que les documents de la troisième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire étaient de la même nature que ceux qui avaient été évalués précédemment et que les facteurs liés à l’intérêt supérieur de l’enfant avaient déjà été pris en compte. Il a souligné que bien que les enfants puissent présenter un degré d’établissement au Canada tel qu’il leur sera difficile de partir du pays, ils partiront avec leurs deux parents et ils ne seront donc pas séparés de l’unité familiale.

[11]  En examinant l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre de l’évaluation globale de l’affaire, l’agent a finalement rejeté la demande de sursis, car les documents relatifs à la troisième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisamment différents des documents relatifs aux demandes et aux évaluations antérieures pour justifier un sursis.

Questions en litige

[12]  Les demandeurs soulèvent les questions suivantes dans le cadre du présent contrôle judiciaire :

  • a) L’agent a‑t‑il entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

  • b) L’agent a‑t‑il omis de prendre en compte la preuve relative au risque de préjudice?

  • c) L’agent a‑t‑il dûment pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant?

Norme de contrôle applicable

[13]  La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer lorsqu’il y a allégation selon laquelle un décideur administratif a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire n’est toujours pas établie (Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, aux paragraphes 21 à 24).

[14]  Quoi qu’il en soit, je souscris à l’approche adoptée par le juge Boswell dans la décision Barco c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 421, au paragraphe 20, où il a conclu que, si un agent venait à entraver l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, cela constituerait une erreur susceptible de contrôle au regard de l’une ou l’autre des normes.

[15]  En ce qui concerne les autres questions soulevées par les demandeurs, les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

Analyse

A.  L’agent a‑t‑il entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

[16]  Les demandeurs soutiennent que l’agent a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en s’appuyant sur les décisions antérieures relatives à la demande d’ERAR et aux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire et qu’il n’a donc pas tenu compte du bien‑fondé de leur demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Ils soutiennent notamment que la décision relative à la demande d’ERAR sur laquelle s’est appuyé l’agent ne prenait pas en compte le risque personnalisé que pourrait représenter le retour au Brésil pour l’épouse et le fils du demandeur, et se concentrait uniquement sur l’analyse du risque généralisé auquel les demandeurs seraient exposés. Ils soutiennent que l’agent chargé de l’ERAR n’a pas correctement évalué le risque personnalisé, et que l’agent de l’ASFC a aggravé l’erreur en s’appuyant l’évaluation faite dans le cadre de l’ERAR.

[17]  Pour évaluer si l’agent a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, il faut tenir compte de l’étendue du pouvoir discrétionnaire dont dispose un agent lorsqu’il examine une demande de sursis. La disposition législative pertinente est le paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], qui dispose qu’une mesure de renvoi doit être exécutée « dès que possible ».

[18]  Dans le contexte du paragraphe 48(2), la nature et l’étendue du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution d’accorder un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi ont été décrites comme étant très limitées (Baron c Canada (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81 [Baron], au paragraphe 67) et expliquées plus en détail au paragraphe 67 comme suit :

Afin de se conformer à la politique de la Loi qui impose une obligation positive au ministre, tout en permettant un certain pouvoir discrétionnaire quant au moment du renvoi, le sursis devrait être réservé pour les demandes où le défaut d’accorder un sursis à la mesure de renvoi exposerait le demandeur au risque de mort, de peine extrême ou de traitement inhumain. En ce qui concerne les demandes pour considérations d’ordre humanitaire, en l’absence de considérations spéciales, de telles demandes ne justifieront pas un sursis, à moins qu’elles ne soient fondées sur une menace à la sécurité personnelle. [Non souligné dans l’original.]

[19]  À l’appui de leur demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, les demandeurs n’ont fourni à l’agent aucune nouvelle preuve indiquant qu’ils pouvaient être exposés à un risque de « mort, peine sévère ou traitement inhumain ». Comme l’indique l’arrêt Baron, le fait qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit en cours de traitement ne constitue pas à lui seul un motif suffisant pour reporter un renvoi. L’agent a souligné que les demandeurs avaient bénéficié de deux sursis pour des motifs d’ordre humanitaire, de sorte que le fait qu’une troisième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit en cours de traitement ne pouvait être considéré comme une considération particulière justifiant un report. De plus, l’agent a souligné que les éléments de preuve et les documents relatifs à la troisième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire sont de la même nature que ceux qui ont précédemment été évalués. L’agent a fait remarquer que, bien que ces éléments de preuve auraient été plus convaincants si la famille n’avait jamais fait l’objet d’une évaluation de motifs d’ordre humanitaire, étant donné que, en l’espèce, les demandeurs ont eu droit à deux évaluations de motifs d’ordre humanitaire à l’intérieur d’une période de deux ans, le fait qu’une troisième demande soit en cours de traitement ne constitue pas une raison impérieuse justifiant un report.

[20]  À mon avis, l’agent a dûment tenu compte de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en cours de traitement, mais compte tenu des circonstances, il a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un facteur justifiant un sursis. Il s’agit d’une analyse appropriée, et l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent d’accorder un sursis en ce qui concerne la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en cours de traitement n’a pas été entravé.

[21]  Les demandeurs soutiennent également que l’agent a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en n’évaluant pas correctement les éléments de preuve relatifs au risque. Les demandeurs soutiennent que le risque auquel Mme Neves et son fils seraient exposés n’a jamais fait l’objet d’une évaluation adéquate. Ils soutiennent que les rapports médicaux déposés à l’appui de la demande de sursis font état d’un risque personnalisé en ce qui concerne Mme Neves et son fils. Le rapport de la Dre Nicole Nitti daté du 19 octobre 2017 indique ce qui suit :

[traduction]

Mme Neves a reçu un diagnostic de trouble d’anxiété avec crises de panique avant son départ du Brésil et son arrivée au Canada. Elle était sous les soins d’un psychiatre au Brésil. Depuis son arrivée ici, ses symptômes consistent en des craintes et une anxiété généralisée, des troubles du sommeil et des crises de panique. L’ampleur de ses symptômes affecte son fonctionnement quotidien en raison de son humeur dépressive et de son manque de concentration. Son anxiété est essentiellement déclenchée par sa crainte de devoir retourner au Brésil. Elle dit avoir été témoin de violence et d’avoir été menacée de violence pendant qu’elle vivait au Brésil. Son fils, Lucca, a également souffert lorsqu’ils habitaient au Brésil. Il a éprouvé des problèmes d’attention et de comportement à l’école. Il a également dit avoir des rappels d’images dans lesquels il revit la scène où il a vu un homme se faire tirer dessus par les policiers.

[22]  Pour évaluer la question du risque, l’agent a examiné la preuve médicale, mais il a également reconnu que cette preuve avait été pleinement prise en compte dans les demandes précédentes. Il a cité le passage suivant de la décision rendue à la suite de l’ERAR :

[traduction]

Une demande d’ERAR concerne des allégations de risque personnel. Les éléments de preuve dont je dispose ne me permettent pas de conclure que la famille demanderesse sera exposée à un risque accru de préjudice en raison de motifs qui lui seraient personnels et que la famille demanderesse y serait plus exposée que le reste de la population brésilienne. Bien que la famille demanderesse ait démontré qu’il existe une crainte subjective de la part de la demanderesse de retourner au Brésil ainsi que des préoccupations liées à sa santé mentale, ces facteurs n’ont pas été présentés dans un contexte dans lequel la famille demanderesse serait exposée à un risque à son retour au Brésil. Un appareil étatique fonctionnel est en place, même s’il n’est pas parfait. La famille demanderesse n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État. Après avoir examiné les éléments de preuve relative à la situation dans le pays et pris note de l’absence d’éléments de preuve de risque personnalisé, je conclus que la famille demanderesse n’a pas démontré qu’elle est exposée à un risque personnel en cas de retour dans son pays. Puisque les éléments de preuve dont je dispose ne démontrent pas qu’une décision favorable relativement à l’ERAR est justifiée, je dois rejeter cette demande.

[23]  Dans les circonstances, l’agent n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur la décision qui a été rendue quant à l’évaluation du risque dans le cadre de l’ERAR. L’agent a dûment pris en compte le risque dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire limité et il a déterminé que le risque auquel sont exposés les demandeurs, y compris Mme Neves et son fils, n’entraînerait pas la mort, des peines extrêmes ou un traitement inhumain. La conclusion de l’agent est raisonnablement étayée par les éléments de preuve.

[24]  Dans les circonstances, l’agent n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et il était raisonnable de sa part de s’appuyer sur les conclusions tirées suite à l’ERAR et sur les conclusions des décideurs en matière de motifs d’ordre humanitaire, qui disposaient d’une marge discrétionnaire plus large leur permettant d’examiner de façon plus exhaustive les questions en litige.

[25]  Dans le cadre du présent contrôle judiciaire, les demandeurs présentent des arguments nuancés en reformulant les questions de risque. Toutefois, ils s’appuient sur des éléments de preuve qui ont déjà été examinés. Ils demandent en fait à la Cour de réévaluer les éléments de preuve, cependant cela n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 61).

B.  L’agent a‑t‑il omis de prendre en compte la preuve relative au risque de préjudice?

[26]  Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve relatifs à la santé mentale de Mme Neves. Ils font état des deux fausses couches qu’elle a subies lors de son séjour au Canada et l’opinion de la Dre Nitti déclarant que la demanderesse a des problèmes de santé mentale et qu’un retour au Brésil causerait une grave régression à la demanderesse. Une fois de plus, les demandeurs soutiennent que l’agent, en se concentrant sur les conclusions tirées à la suite de l’ERAR, a commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve médicale.

[27]  Dans l’arrêt Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Shpati, 2011 CAF 286, la Cour d’appel fédérale a confirmé, au paragraphe 44, qu’un agent ne peut tenir compte d’un nouvel élément de preuve relatif au risque de préjudice que lorsqu’il lui est demandé d’accorder un sursis à l’exécution d’un renvoi après qu’une décision défavorable ait été rendue suite à un ERAR. Au paragraphe 45, la Cour a confirmé que les fonctions des agents d’exécution sont limitées et qu’elles ne visent pas à rendre ou à reformuler des décisions rendues suite à un ERAR ou des décisions concernant des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire.

[28]  Dans cette affaire, le rôle de l’agent ne consistait pas à reformuler ou réexaminer la décision relative à la demande d’ERAR étant donné l’absence de nouveaux éléments de preuve de risque de préjudice.  Comme il a été mentionné précédemment, la décision de l’agent de s’appuyer sur la décision relative à la demande d’ERAR était appropriée et raisonnable.

C.  L’agent a‑t‑il dûment pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant?

[29]  Les demandeurs reconnaissent que l’agent disposait d’un champ restreint pour examiner les questions relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant, mais ils soutiennent que l’agent n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme. Les demandeurs s’appuient sur l’arrêt Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130 (Lewis), et soutiennent que l’agent n’a pas tenu compte du fait que, compte tenu des problèmes de santé mentale de Mme Neves, elle est incapable de prendre soin des enfants à court terme.

[30]  Je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que les circonstances dans l’arrêt Lewis sont comparables à celles de la présente affaire. Dans l’affaire Lewis, l’enfant autochtone né au Canada se trouvait dans une situation où le parent ayant la garde exclusive était renvoyé du Canada. L’un des facteurs importants mentionnés par la Cour dans l’affaire Lewis était le risque que l’enfant perde son lien avec ses racines autochtones si elle était renvoyée du Canada. En revanche, les enfants dans la présente affaire sont nés au Brésil et y sont renvoyés avec leurs deux parents. Les enfants ne sont pas séparés de leurs parents.

[31]  De plus, bien qu’un agent doive être « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant (Baker c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 75), l’obligation de tenir compte des facteurs de l’intérêt supérieur de l’enfant ne constitue pas un élément prépondérant (Varga c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, au paragraphe 16). Une évaluation complète des intérêts des enfants touchés est faite dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, et non dans le cadre d’une demande de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi. De plus, je souligne que, malgré les observations des demandeurs, il n’y a aucun avis médical indiquant que Mme Neves est actuellement incapable de s’occuper de ses enfants en raison de ses problèmes de santé mentale.  De plus, les enfants retournent également au Brésil, sous la garde des deux parents.

[32]  Les facteurs à court terme concernant l’intérêt supérieur de l’enfant dont Lewis tient compte (paragraphes 82 et 83) comprennent : la nécessité pour un enfant de terminer une année scolaire pendant la période de sursis demandée; le maintien du bien‑être de l’enfant qui a besoin de soins médicaux spécialisés continus au Canada; les besoins à court terme des enfants si leur parent ou leurs parents doivent être renvoyés alors que les enfants demeurent au Canada. Aucun de ces facteurs n’entre en jeu dans la présente affaire.

[33]  Les demandeurs ont bénéficié de deux sursis pour des motifs d’ordre humanitaire qui ont permis d’examiner de façon plus approfondie l’intérêt supérieur de leurs enfants.  Dans le cas présent, l’agent a raisonnablement évalué l’intérêt supérieur de l’enfant sans outrepasser les limites de son pouvoir discrétionnaire.

Conclusions

[34]  En conclusion, l’agent a rendu une décision raisonnable, et les demandeurs n’ont établi aucune erreur manifeste d’appréciation de la part de l’agent dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire quant à la demande de report. Accepter les arguments des demandeurs équivaudrait à accorder un sursis d’origine législative à l’exécution de la mesure de renvoi alors que la LIPR ne le prévoit pas expressément. Cela irait à l’encontre du régime adopté par le Parlement et de l’article 48 en particulier (Shpati, au paragraphe 48). Bien que ce ne soit pas le résultat que cherchaient à obtenir les demandeurs, étant donné qu’il n’y a eu aucune erreur, la Cour n’a aucun motif d’intervenir.

[35]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier  IMM‑3830‑18

LA COUR statue que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour de juin 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3830‑18

INTITULÉ DE LA CAUSE :

BRUNO CEZAR MOURA MENDES NEVES ET AL c MSPPC

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 21 février 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge McDonald

DATE DES MOTIFS :

le 3 mai 2019

COMPARUTIONS :

Dilani Mohan

Pour le demandeur

Melissa Mathieu

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MohanLaw

Avocats

TORONTO (ONTARIO)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Bureau régional de l’Ontario

TORONTO (ONTARIO)

Pour le défendeur

 

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