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Date : 20020501

Dossier :T-217-02

Référence neutre : 2002 CFPI 503

ENTRE :

                                                          BROOKS AVIATION, INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

L'ÉPAVE ABANDONNÉE DE L'AÉRONEF BOEING SB-17G,

NO DE SÉRIE 44-83790, SON MATÉRIEL ET SA CARGAISON

et LES PROPRIÉTAIRES, LES AFFRÉTEURS ET TOUTES LES

AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR L'ÉPAVE

ABANDONNÉE DE L'AÉRONEF BOEING SB-17G,

SON MATÉRIEL ET SA CARGAISON

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Il s'agit des motifs de l'ordonnance rendue à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador), le 26 avril 2002, à la suite de l'audition de la requête de la demanderesse présentée ex parte, mais après signification à sa Majesté du chef de Terre-Neuve-et-Labrador et au procureur général du Canada, lequel était représenté à l'audience.


[2]                 Par sa requête, la demanderesse a demandé à la Cour de la dispenser de signifier au res - soit l'épave abandonnée de l'aéronef Boeing SB-17G, no de série 44-83790, son matériel et sa cargaison - la déclaration en l'espèce et le mandat de saisie déposés le 11 février 2002. La Cour a prononcé une ordonnance dans laquelle elle fait droit à cette demande et déclare que la saisie du res est réputée avoir effet.

[3]                 Les circonstances de la présente affaire sont inhabituelles. L'épave en cause, le res, est un aéronef B-17 qui aurait appartenu aux forces aériennes des États-Unis et aurait été exploité par ces dernières au moment de son écrasement à l'atterrissage sur la surface gelée du lac Dyke, au Labrador, en décembre 1947. Pendant la période de fonte printanière en 1948, l'aéronef a coulé et ses restes ont été submergés. Cinquante ans plus tard, en juillet 1998, la demanderesse a trouvé l'épave et soutient maintenant qu'elle détient un privilège maritime sur l'épave de même qu'un droit à l'indemnité de sauvetage de celle-ci.

[4]                 En février 2002, la déclaration de la demanderesse, l'affidavit portant demande de mandat et le mandat de saisie visant l'aéronef ont été signifiés au receveur d'épaves, conformément aux dispositions de la partie VI de la Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9, et ses modifications. On a également fourni des copies de ces documents au ministre de la Justice de même qu'au ministre du Tourisme, de la Culture et des Loisirs de la province de Terre-Neuve-et-Labrador. De plus, la découverte de l'épave de l'aéronef a fait l'objet d'un article paru dans une revue et d'une émission de télévision de grande diffusion.


[5]                 Dans sa déclaration, la demanderesse reconnaît l'existence du régime applicable aux épaves établi par la partie VI de la Loi sur la marine marchande du Canada. Suivant ce régime, quiconque prend possession d'une épave - y compris un aéronef naufragé, des parties de celui-ci et son chargement - est tenu de la remettre au receveur d'épaves. Ce dernier a alors l'obligation d'aviser le propriétaire ou, s'il est inconnu, de faire publier un avis donnant une description de l'épave.

[6]                 La demande visée en l'espèce, qui consiste fondamentalement en une demande présentée par le sauveteur d'un aéronef naufragé, relève de la compétence de la Cour en vertu de l'alinéa 22(2)j) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications (la Loi), lequel est ainsi rédigé :


22.

...

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), la Section de première instance a compétence dans les cas suivants_:

...

j) une demande d'indemnisation pour sauvetage, notamment pour le sauvetage des personnes, de la cargaison, de l'équipement ou des autres biens d'un aéronef, ou au moyen d'un aéronef, assimilé en l'occurrence à un navire;

22.

...

(2) Without limiting the generality of subsection (1), it is hereby declared for greater certainty that the Trial Division has jurisdiction with respect to any one or more of the following:

...

(j) any claim for salvage including, without restricting the generality of the foregoing, claims for salvage of life, cargo, equipment or other property of, from or by an aircraft to the same extent and in the same manner as if the aircraft were a ship;


En outre, le paragraphe 43(2) de la Loi porte notamment :



...la Cour peut, aux termes de l'article 22, avoir compétence en matière réelle dans toute action portant sur un navire, un aéronef ou d'autres biens, ou sur le produit de leur vente consigné au tribunal.

...the jurisdiction conferred on the Court by section 22 may be exercised in rem against the ship, aircraft or other property that is the subject of the action, or against any proceeds of sale thereof that have been paid into court.


[7]                 Le paragraphe 479(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoit la façon dont on signifie des documents dans le cadre d'une action réelle ordinaire :


479. (1) Sous réserve du paragraphe (2), dans une action réelle, la déclaration est signifiée :

a) si l'action vise un navire, une cargaison ou d'autres biens qui se trouvent à bord d'un navire, par apposition d'une copie certifiée conforme de la déclaration sur toute partie bien en évidence du navire;

b) si l'action vise une cargaison ou d'autres biens qui ne sont pas à bord d'un navire, par apposition d'une copie certifiée conforme de la déclaration sur la cargaison ou les biens;

...

479. (1) Subject to subsection (2), the statement of claim in an action in rem shall be served

(a) in respect of a ship or cargo or other property on board a ship, by attaching a certified copy of the statement of claim to some conspicuous part of the ship;

(b) in respect of cargo or other property that is not on board a ship, by attaching a certified copy of the statement of claim to the cargo or property;

...


Selon le paragraphe 482(1) des règles, lorsque la signification a lieu conformément à l'article 479 des règles, les biens visés par le mandat sont réputés saisis.


[8]                 La demanderesse fait également remarquer que le paragraphe 136(1) des règles permet à la Cour de rendre une ordonnance autorisant la signification substitutive ou dispensant de la signification dans les cas où la signification à personne d'un document est en pratique impossible. La Cour a déjà eu l'occasion de conclure qu'un navire n'est pas une personne physique ou morale assujettie à la version antérieure des règles de la Cour relatives à la signification à personne ou à la signification substitutive. [Voir l'arrêt « Mesis » (Le) c. Louis Wolfe & Sons (Vancouver) Ltd., [1977] 1 C.F. 429 (C.A.F.), et la décision Mona Lisa Inc. c. « Carola Reith » (Le), [1979] 2 C.F. 633 (C.F. 1re inst.).]

[9]                 Je suis convaincu que la publication de l'information concernant la découverte de l'épave, le fait d'avoir donné avis de la déclaration introductive d'instance et du mandat de saisie aux autorités fédérales et provinciales de même que la reconnaissance, par la demanderesse, de l'applicabilité de la partie VI de la Loi sur la marine marchande du Canada dans l'éventualité et au moment du recouvrement de l'aéronef naufragé permettent de conclure que toutes les personnes susceptibles de détenir un droit sur le navire sont ou seront avisées de la découverte et de la revendication du sauveteur à l'égard de ce navire. Il est actuellement impossible d'apposer les documents de la Cour « sur une partie bien en évidence » de l'aéronef, au sens du paragraphe 479(1), de manière à remplir les fins visées par cette règle. Même si on envisageait en l'espèce de recourir à la signification substitutive, par analogie avec le paragraphe 136(1) des règles, cette mesure ne serait d'aucune utilité puisque des efforts raisonnables sont, ou seront, déployés pour aviser les personnes susceptibles de détenir un droit sur le res.


[10]            À mon sens, les circonstances particulières de la présente espèce justifient de dispenser la demanderesse de la signification des documents de la Cour, d'où l'ordonnance prononcée à cet effet. De plus, l'ordonnance prévoit que la saisie de l'aéronef naufragé en cause est réputée avoir effet depuis la date de l'ordonnance, soit le 26 avril 2002.

     

                                                                                                                               « W. Andrew MacKay »

                                                                                                                                                                 Juge                

  

OTTAWA (Ontario)

Le 1er mai 2002.

     

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                            T-217-02

INTITULÉ :                                           BROOKS AVIATION INC.

c.

L'ÉPAVE ABANDONNÉE DE L'AÉRONEF BOEING SB-17G, NO DE SÉRIE 44-83790, SON MATÉRIEL ET SA CARGAISON et LES PROPRIÉTAIRES, LES AFFRÉTEURS ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR L'ÉPAVE ABANDONNÉE DE L'AÉRONEF BOEING SB-17G, SON MATÉRIEL ET SA CARGAISON

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                   St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 26 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                        Le 1er mai 2002

   

COMPARUTIONS :

Cecily Strickland                                                  POUR LA DEMANDERESSE

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart McKelvey Stirling Scales                       POUR LA DEMANDERESSE

St. John's (Terre-Neuve)

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