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Date : 20190506


Dossier : IMM‑2099‑18

Référence : 2019 CF 582

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 mai 2019

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

CHUNHWA JEONG et SUHYUN KANG

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demanderesses, Chunhwa Jeong et sa fille Seo Yeon Kang, sont entrées au Canada en avril 2012 et ont demandé l’asile. Après le rejet de leur demande d’asile, en août 2014, elles ont présenté depuis le Canada une demande de visa de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH). Cette demande a été rejetée en juin 2017.

[2]  En janvier 2018, les demanderesses ont présenté une seconde demande CH. Par une décision datée du 26 février 2018, un agent d’immigration principal (l’agent) l’a rejetée. Les demanderesses ont donc présenté une demande en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), en vue de soumettre la décision de l’agent à un contrôle judiciaire. Elles demandent à la Cour d’infirmer cette décision et de renvoyer la demande CH à un agent différent pour qu’il rende une nouvelle décision.

I.  Le contexte

[3]  Madame Jeong est née en Corée du Nord en 1971. En 1998, elle a quitté ce pays pour la Chine, où elle a séjourné jusqu’à ce qu’elle se rende en Corée du Sud en mars 2001. Elle est devenue citoyenne sud-coréenne environ cinq mois plus tard.

[4]  En juin 2007, Mme Jeong a épousé Jung Su Kang, un Sud-Coréen, et leur fille, Seo Yeon Kang, est née en octobre 2009. La famille de M. Kang s’est tout d’abord opposée au mariage (à cause des origines nord-coréennes de la demanderesse), mais elle en est venue à l’accepter, à l’exception du frère de M. Kang, qui a menacé de s’en prendre aux deux époux s’ils vivaient ensemble.

[5]  La famille a eu de la difficulté à trouver des services de garde pour Seo Yeon à cause des antécédents nord-coréens de Mme Jeong. Les parents disaient à leurs enfants de ne pas jouer avec Seo Yeon, car elle était la fille d’une mère nord-coréenne.

[6]  En février 2012, M. Kang est parti pour l’Australie pour affaires, ainsi que pour s’éloigner de son frère qui continuait à le harceler à propos de son mariage avec Mme Jeong. Selon cette dernière, son époux a divorcé d’elle en mars 2013 pour mettre fin à ce harcèlement. Le divorce ne les a pas empêchés de poursuivre leur relation (quoique Mme Jeong désigne maintenant M. Kang comme son conjoint de fait, plutôt que comme son époux).

[7]  Incapable de composer avec le fait d’être mère célibataire et transfuge de la Corée du Nord, Mme Jeong a décidé de partir pour le Canada en avril 2012. Peu après son arrivée, Mme Jeong et sa fille ont présenté une demande d’asile dans un bureau intérieur, mais cette demande a été rejetée en août 2014.

[8]  Monsieur Kang est arrivé au Canada en février 2013 et il a vécu avec Mme Jeong et Seo Yeon jusqu’à ce qu’on le renvoie du pays en août 2017, après qu’il ait fait l’objet d’un examen des risques avant renvoi (ERAR) défavorable. Depuis la Corée du Sud, il continue d’envoyer de l’argent au Canada pour subvenir aux besoins de Mme Jeong et de Seo Yeon.

[9]  En juillet 2015, Mme Kang et Seo Yeon ont quitté Toronto pour Edmonton, et elles se sont installées dans la maison d’une amie et cotransfuge qui se mourait du cancer, afin de subvenir aux besoins de Diana, la jeune fille de cette amie. Après le décès de l’amie de Mme Jeong, Diana a été confiée aux soins du pasteur de l’église que fréquentait cette amie.

[10]  En septembre 2016, Mme Jeong a présenté depuis le Canada une demande de visa de résidence permanente pour des motifs CH, mais cette demande a été rejetée en juin 2017. Elle a ensuite présenté une demande d’ERAR en octobre 2017. Au début de janvier 2018, elle a présenté une seconde demande CH fondée sur les motifs suivants : son degré d’établissement au Canada; les difficultés qu’elle et sa fille subiraient en raison de leur lien avec la Corée du Nord; la difficulté qu’aurait Mme Jeong à trouver du travail; ses problèmes de santé mentale et leurs effets sur Seo Yeon, de même que l’intérêt supérieur de Seo Yeon et de Diana.

[11]  Par une décision datée du 26 février 2016, l’agent a rejeté la seconde demande CH. Le même jour, le même agent a aussi rejeté la demande d’ERAR de Mme Jeong. Il n’a pas tenu compte de la demande de permis de séjour temporaire (PST) des demanderesses.

II.  La décision de l’agent

[12]  Après avoir examiné les antécédents de Mme Jeong avant son arrivée au Canada, l’agent a relevé que les demanderesses avaient un certain degré d’établissement au Canada, où elles avaient résidé pendant près de six ans et pris part à des activités religieuses et bénévoles. Il a accordé un poids positif à l’engagement religieux de Mme Jeong, mais il a signalé qu’il serait loisible à cette dernière de continuer de pratiquer sa religion en Corée du Sud. L’agent a trouvé louable l’aide que Mme Jeong avait apportée à son amie aujourd’hui morte du cancer, mais il a estimé que cela ne justifiait pas une dispense de l’obligation de présenter une demande de visa de résidence permanente depuis l’étranger. Il a en outre mentionné que Seo Yeon allait à l’école au Canada. Il a accordé un poids positif au degré d’établissement des demanderesses au pays, mais jugé que [traduction] « leur capacité de s’adapter à la vie au Canada montre qu’elles sont capables de s’adapter à la vie dans le pays dont elles ont la citoyenneté ».

[13]  L’agent a ensuite examiné les risques et les conditions défavorables dans le pays d’origine. Il a signalé que même si, en Corée du Sud, les transfuges nord-coréens sont victimes de discrimination sociale, celle-ci vise en grande partie les personnes qui n’ont pas la citoyenneté sud-coréenne. À son avis, la citoyenneté sud-coréenne des demanderesses permettrait à Mme Jeong de trouver un emploi, de suivre des études et d’obtenir d’autres services sociaux. Il a fait remarquer qu’en Corée du Sud, le gouvernement aide les transfuges à s’adapter à la vie dans ce pays.

[14]  L’agent a pris acte du fait que Mme Jeong avait été victime de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle pendant qu’elle travaillait en Corée du Sud. Il a jugé que cela était [traduction] « regrettable », et a ajouté :

[traduction]

Je suis persuadé qu’elle est aujourd’hui plus au fait de ses droits et de ses options. La demandeure n’a pas à se sentir contrainte de tolérer ces problèmes juste à cause de son sexe ou de ses antécédents. De plus, je suis d’avis qu’elle bénéficie de l’appui  financier de son conjoint et qu’elle n’aurait pas à se sentir obligée de garder un emploi en raison de contraintes financières.

[15]  L’agent a rejeté les craintes de Mme Jeong quant au fait qu’elle aurait de la difficulté à se trouver un emploi. Il a déclaré qu’elle n’avait pas fourni de preuves suffisantes à cet égard, et signalé que la Corée du Sud interdisait la discrimination en matière d’emploi pour cause de race, de sexe, d’invalidité, d’orientation sexuelle et de statut social. Il a admis que, sur le marché du travail, les transfuges étaient victimes de discrimination, mais il a cité un rapport dans lequel il était indiqué que les transfuges féminines s’adaptaient plus facilement que leurs homologues masculins. L’agent a reconnu que, même si la discrimination fondée sur le sexe et l’inégalité des femmes continuaient d’être un problème en Corée du Sud, des lois avaient été adoptées à cet effet, et les femmes disposaient de recours pour atténuer ces difficultés. Il a conclu à l’absence de preuves suffisantes pour démontrer que la question des inégalités entre les sexes causerait aux demanderesses un degré de difficulté tel qu’il justifierait une dispense de l’obligation de présenter une demande de visa de résidence permanente depuis l’étranger.

[16]  L’agent a ensuite examiné les craintes qu’avait Mme Jeong au sujet du frère de M. Kang, qui l’avait menacée. Il a signalé que M. Kang était retourné en Corée du Sud en août 2017, et que les éléments de preuve présentés n’étaient pas suffisants pour démontrer que son frère lui avait fait ou avait tenté de lui faire du mal de quelque manière. L’agent a conclu que les demanderesses n’avaient pas fourni de preuve documentaire objective suffisante pour établir que le frère de M. Kang projetait encore de faire du mal à Mme Jeong, en ajoutant que cette dernière pouvait solliciter la protection des autorités policières s’il menaçait une fois de plus de s’en prendre à elle.

[17]  L’agent a également examiné les craintes de Mme Jeong que sa famille en Corée du Nord subisse des mesures de persécution supplémentaires et plus graves si l’on venait à découvrir qu’elle vivait en Corée du Sud. Il a pris note de l’allégation de Mme Jeong selon laquelle sa fille adulte, qu’elle avait eue lors d’un mariage antérieur, avait été interrogée en 2016 et envoyée en 2017 dans un camp de travail pour un an. L’agent a rejeté cette allégation en indiquant que Mme Jeong n’avait pas fourni suffisamment de preuves corroborantes pour établir qu’elle était une personne qui, 19 ans après avoir quitté la Corée du Nord, intéressait toujours le gouvernement de ce pays, ou que les membres de sa famille avaient été interrogés ou sanctionnés parce qu’elle avait fait défection.

[18]  L’agent a pris acte du diagnostic de trouble de stress post-traumatique et de dépression de Mme Jeong. Il a fait remarquer que cette dernière présentait des symptômes de dépression depuis 1998, et qu’elle n’avait pas tenté de se faire soigner en Corée du Sud, mais que cela concordait avec le fait que les personnes souffrant d’une maladie mentale ne cherchaient pas à se faire soigner ou hésitaient à le faire en Corée du Sud. Il n’a pas souscrit à l’argument selon lequel Mme Jeong risquait d’être soumise à une électroconvulsivothérapie ou à d’autres traitements administrés contre son gré si elle retournait en Corée du Sud. Il a fondé cette conclusion sur le fait qu’on avait diagnostiqué antérieurement chez Mme Jeong une dépression post-partum après la naissance de Seo Yeon. L’agent a fait remarquer qu’en Corée du Sud, l’approche en matière de santé mentale évoluait à mesure qu’un plus grand nombre de personnes cherchaient de l’aide et que le gouvernement accordait plus de fonds dans le domaine. Après avoir passé en revue la nature et le nombre des installations de soins de santé mentale en Corée du Sud, l’agent a conclu que Mme Jeong serait capable d’obtenir là-bas des traitements fiables et constants pour ses problèmes de santé mentale.

[19]  Malgré l’opinion de la psychologue de Mme Jeong, selon qui cette dernière serait traumatisée de nouveau et son état psychologique s’aggraverait si elle était forcée de retourner en Corée du Sud, l’agent a déclaré :

[traduction]

Je conviens qu’il peut être difficile pour la demandeure, du point de vue affectif, de retourner en Corée du Sud parce qu’elle souhaite rester au Canada; j’estime toutefois qu’il y a en Corée du Sud des ressources disponibles qui lui permettront de faire face à ses problèmes de santé mentale […].

Je respecte l’opinion professionnelle de […] mais je considère que son opinion repose sur la perception subjective qu’a la demandeure de la sécurité en Corée du Sud […]. J’estime que la crainte qu’a la demandeure d’être en danger en Corée du Sud peut être attribuée au fait qu’elle ignore les ressources dont elle dispose dans ce pays. Même si Smitha [la psychologue] a indiqué qu’un « traitement ne serait utile que si elle est capable de vivre dans un pays qu’elle considère comme sûr », je considère que sa perception de la Corée du Sud pourrait changer si elle s’informe davantage des ressources disponibles. Je ne suis pas convaincu que les soins de santé mentale en Corée du Sud seraient inefficaces pour elle. À mon avis, la demandeure n’a pas fourni de preuves suffisantes pour montrer en quoi ses problèmes de santé mentale l’amèneraient à subir des difficultés à son retour en Corée du Sud, que ce soit à cause d’un manque d’options de traitement ou pour d’autres raisons.

[20]  L’agent a ensuite pris en considération l’intérêt supérieur de Seo Yeon, signalant que celle‑ci était âgée de huit ans et qu’elle était arrivée au Canada à l’âge de deux ans. Répondant à l’argument selon lequel Seo Yeon ne souhaitait pas retourner en Corée du Sud, l’agent a écrit :

[traduction]

Je suis persuadé qu’elle a des parents qui l’aiment et qui prennent soin d’elle, et qu’ils continueront de l’aimer et de prendre soin d’elle si elle retourne en Corée du Sud. De plus, j’estime qu’il est dans l’intérêt supérieur de n’importe quel enfant d’avoir accès à ses deux parents aimants. Comme le père de Seo Yeon est retourné en Corée du Sud en août 2017, il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant de retourner dans ce pays, où elle aurait accès à ses deux parents aimants. Je suis conscient que Seo Yeon s’est bien adaptée à la vie au Canada; cependant, vu son jeune âge, je suis convaincu qu’elle serait capable de s’adapter à la vie en Corée du Sud après une période d’ajustement initiale.

[21]  L’agent a admis que, même si les aptitudes linguistiques de Seo Yeon étaient peut-être inférieures à celles d’autres élèves sud-coréens, celle-ci serait en mesure de rattraper ses camarades après une période d’ajustement initiale, surtout avec l’aide de ses parents aimants, et qu’elle n’était pas moins capable que les autres enfants sud-coréens d’obtenir de bons résultats dans le système éducatif sud-coréen. Il a conclu que même si Seo Yeon s’était bien adaptée au Canada, son âge faisait en sorte qu’elle serait capable de s’adapter à la Corée du Sud, et cela incluait le fait de rattraper son retard sur le plan linguistique.

[22]  L’agent a conclu que les éléments de preuve présentés n’étaient pas suffisants pour corroborer les craintes de Mme Jeong quant au fait que Seo Yeon risquerait d’être victime d’intimidation, et il a signalé qu’on avait créé en Corée du Sud des programmes visant à amoindrir les cas d’intimidation et à s’assurer que les élèves jouissent d’une expérience scolaire saine sur le plan cognitif, social et affectif. Il a fait référence à une lettre d’une amie de Mme Jeong, qui avait écrit que, même si son enfant était né en Corée du Sud, celui-ci était victime d’intimidation parce qu’elle-même était née en Corée du Nord. L’agent a écarté cette lettre, parce que la situation personnelle de chacun est différente, vous vous et que cette lettre n’étayait pas la conclusion que Seo Yeon serait victime d’intimidation en Corée du Sud.

[23]  L’agent a conclu son analyse de l’intérêt supérieur de Seo Yeon en déclarant que les éléments de preuve fournis n’étaient pas suffisants pour établir que les cas de discrimination, d’intimidation ou de violence à l’école en Corée du Sud porteraient atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, et en ajoutant que Seo Yeon aurait accès là-bas aux activités parascolaires qu’elle menait au Canada et qu’elle pourrait y prendre part à son retour en Corée du Sud également.

[24]  L’agent a ensuite entrepris d’examiner l’intérêt supérieur de Diana, notant que Mme Jeong souhaitait l’adopter. Il a loué Mme Jeong pour sa générosité et sa compassion, mais il a jugé qu’il y avait peu de renseignements indiquant que Diana avait été ou serait mise en adoption. Il a signalé que les lettres de soutien du pasteur principal et du pasteur associé de Mme Jeong n’indiquaient pas qu’ils étaient à la recherche de personnes qui adopteraient Diana.

[25]  L’agent a conclu son analyse de l’intérêt supérieur des enfants en disant que les éléments de preuve fournis étaient insuffisants pour démontrer que le fait d’avoir à quitter le Canada pour présenter une demande de résidence permanente aurait sur cet intérêt un effet défavorable marqué.

III.  Les observations des parties

A.  Le degré d’établissement

[26]  Les demanderesses affirment qu’il était inapproprié de la part de l’agent de retenir contre elles leur capacité d’adaptation au Canada en concluant qu’elles pouvaient s’adapter à la Corée du Sud. Selon elles, il faudrait tenir compte de leur degré d’établissement au Canada. Le raisonnement de l’agent — à savoir qu’étant donné qu’elles s’étaient adaptées au Canada, elles seraient en mesure d’en faire autant en Corée du Sud — est erroné, disent-elles, compte tenu surtout des difficultés qu’elles éprouveraient dans ce pays. Elles soutiennent qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de laisser entendre que leur établissement au Canada pourrait se transposer en Corée du Sud.

[27]  De l’avis des demanderesses, l’agent a amalgamé déraisonnablement le facteur de l’établissement à celui des difficultés. Il a ainsi écarté des signes d’établissement positifs importants en concluant qu’elles pourraient poursuivre leurs activités religieuses, leurs amitiés et leurs activités parascolaires en Corée du Sud. Car selon elles, la tâche de l’agent ne consistait pas à déterminer si elles auraient accès à des activités semblables en Corée du Sud — en atténuant ce faisant les difficultés qu’elles y éprouveraient —, mais plutôt si elles s’étaient établies au Canada.

[28]  Selon le défendeur, l’agent a attribué un poids positif à l’établissement des demanderesses au Canada, et il a reconnu que, même si un retour en Corée du Sud présenterait peut-être des inconvénients, elles seraient en mesure de s’adapter, d’autant plus que M. Kang vivait en Corée du Sud. Il ajoute que l’agent a conclu de manière raisonnable que les demanderesses pouvaient maintenir leurs relations au Canada. À son avis, les demanderesses demandent essentiellement à la Cour de soupeser de nouveau la preuve, et ce n’est pas là l’objectif d’un contrôle judiciaire.

B.  Les difficultés

[29]  Les demanderesses se disent d’avis que la conclusion de l’agent, selon laquelle Mme Jeong, qui aurait accès à des soins de santé mentale en Corée du Sud, finirait par se sentir en sécurité dans ce pays, était déraisonnable. D’après elles, l’agent a minimisé de manière déraisonnable les effets d’un retour en Corée du Sud sur le plan de la santé mentale, et omis de traiter comme il se devait de la question des difficultés liées au risque de décompensation auquel était exposée Mme Jeong. Il a minimisé les graves conséquences qu’aurait le retour en Corée du Sud sur la santé mentale de Mme Jeong, alors qu’il était tenu de considérer le risque de décompensation comme une difficulté à part entière.

[30]  Les demanderesses allèguent que l’agent a commis une erreur en tenant pour acquis qu’étant donné que Mme Jeong était disposée à obtenir des soins de santé mentale au Canada, elle pourrait le faire en Corée du Sud parce qu’elle était consciente de sa situation. À leur avis, le fait de pouvoir disposer de ressources en matière de soins de santé mentale ne répond pas à la question de l’aggravation de l’état de santé mentale de Mme Jeong en cas de renvoi en Corée du Sud.

[31]  Les demanderesses soutiennent en outre que, même si l’agent a reconnu l’existence de la discrimination en Corée du Sud, sa conclusion selon laquelle il existait des ressources pour lutter contre elle était inappropriée, car il n’a cité ni mentionné aucune preuve documentaire objective à l’appui de cette affirmation. Elles font valoir que la Corée du Sud ne s’est pas dotée de lois contre la discrimination, et que, même s’il existait des ressources permettant de lutter contre ce problème, il reste que l’agent a écarté de manière déraisonnable les difficultés qu’elles pourraient subir à cet égard.

[32]  Le défendeur désapprouve l’allégation selon laquelle les demanderesses seraient victimes de discrimination à cause des antécédents nord-coréens de Mme Jeong, pour les raisons suivantes : la discrimination vise en général les Nord-Coréens qui ne possèdent pas la citoyenneté sud-coréenne; les transfuges nord-coréennes s’adaptent plus facilement que leurs homologues masculins; et le gouvernement de la Corée du Sud a pris des mesures pour s’attaquer à la discrimination dont sont victimes les Nord-Coréens vivant dans ce pays.

[33]  De l’avis du défendeur, il était raisonnable que l’agent conclue que les éléments de preuve fournis par les demanderesses n’étaient pas suffisants pour démontrer que Mme Jeong avait été victime d’agression sexuelle ou qu’elle avait eu de la difficulté à se trouver un emploi à cause de ses antécédents nord-coréens.

[34]  D’après le défendeur, l’agent n’a pas fait de conjectures quant à la capacité ou à la disposition de Mme Jeong à suivre un traitement pour ses problèmes de santé mentale en Corée du Sud; il a plutôt cité l’opinion de la psychologue qu’elle consultait, pour conclure que Mme Jeong se montrait disposée à chercher une aide professionnelle.

C.  L’intérêt supérieur des enfants

[35]  Aux dires des demanderesses, l’analyse qu’a effectuée l’agent à propos de l’intérêt supérieur des enfants repose sur des principes de droit erronés, et ce dernier a simplement estimé qu’il était dans l’intérêt supérieur de Seo Yeon d’être réunie avec son père en Corée du Sud, sans envisager la possibilité de maintenir le statu quo au Canada. Selon elles, l’agent a conclu au début de son analyse que l’intérêt supérieur de n’importe quel enfant était d’être en compagnie de deux parents aimants, et il s’est ensuite servi du reste de l’analyse pour expliquer l’absence de difficultés que causerait le renvoi de Seo Yeon en Corée du Sud.

[36]  Les demanderesses prétendent que l’agent n’a pris en compte ni l’effet du renvoi sur Seo Yeon, ni les amitiés et les relations qu’elle avait nouées au Canada. À leur avis, il a rejeté de manière déraisonnable les difficultés auxquelles Seo Yeon se heurterait en invoquant sa capacité d’adaptation et de sa jeunesse. Il a commis une erreur en comparant la situation de Seo Yeon à celle d’autres enfants. En disant simplement que Seo Yeon n’était pas moins capable de réussir que ses pairs sud-coréens, il n’a pas analysé de façon générale les difficultés qu’elle rencontrerait, et qui étaient attestées par la preuve objective décrivant le recours généralisé des enseignants aux châtiments corporels et à la violence verbale, de même qu’un système d’éducation qui soumet les élèves à de vives pressions, et le faible degré de bien-être et le taux élevé de suicide chez les jeunes.

[37]  Les demanderesses avancent de plus que l’agent a rejeté de manière inappropriée les difficultés que posent les gestes d’intimidation, en disant simplement que ce comportement est un problème partout. La seule preuve à laquelle l’agent s’est reporté à cet égard est une lettre d’une amie nord-coréenne de Mme Jeong dont l’enfant était né en Corée du Sud, alors qu’on lui avait soumis 22 articles sur l’intimidation, 15 articles sur le système d’éducation sud-coréen et 30 articles sur la discrimination exercée contre les transfuges.

[38]  De l’avis des demanderesses, l’agent a aussi minimisé de manière inappropriée les difficultés linguistiques auxquelles Seo Yeon se heurterait en cas de renvoi en Corée du Sud, en ce sens qu’elle n’était âgée que de deux ans à son arrivée au Canada et qu’elle n’a appris à lire et à écrire qu’en anglais. Elles estiment que même si cette dernière était capable de faire du rattrapage en Corée du Sud, l’agent aurait dû tenir compte de sa capacité d’obtenir de bons résultats au sein du système scolaire hautement compétitif de la Corée du Sud.

[39]  Enfin, les demanderesses prétendent que l’agent n’a pas pris en compte l’effet qu’aurait la santé mentale de sa mère sur Seo Yeon en cas de renvoi en Corée du Sud et, en particulier, l’effet que pourrait avoir le risque de décompensation psychologique de Mme Jeong sur la capacité de cette dernière de prendre soin de sa fille.

[40]  Le défendeur défend la décision de l’agent. À son avis, celui-ci n’a pas fait abstraction des arguments relatifs à l’intérêt supérieur des enfants. Il a dûment tenu compte de la totalité des éléments de preuve, les a soupesés et a expliqué pourquoi ils n’étayaient pas une décision favorable. Il ajoute que le fait que l’agent n’ait pas cité certains documents mentionnés par les demanderesses ne veut pas dire qu’il a fait abstraction des éléments de preuve soumis.

[41]  Selon le défendeur, les agents sont censés savoir que la vie au Canada offre à un enfant des perspectives meilleures que celles qu’il aurait ailleurs, et aucune comparaison n’est déterminante, car l’issue serait presque toujours favorable au Canada.

D.  L’évaluation globale

[42]  Les demanderesses soutiennent que l’agent a évalué la situation globale de manière superficielle. Il a conclu la plupart des sections de sa décision par une formule standard, à savoir que [traduction] « les éléments de preuve fournis n’étaient pas suffisants » pour que l’on puisse leur accorder une dispense de l’obligation de présenter une demande de visa de résidence permanente depuis l’étranger.

[43]  Le défendeur est d’avis que l’évaluation globale que l’agent a faite de la preuve ne comporte aucune erreur susceptible de contrôle, et que le fait de rejeter la demande ne veut pas forcément dire que les facteurs pertinents n’ont pas été évalués de manière globale.

E.  Le non-examen de la demande de permis de séjour temporaire

[44]  Le défendeur souscrit à la position des demanderesses selon laquelle l’agent a commis une erreur en n’examinant pas leur demande de PST. Il faudrait donc, selon lui, que l’on renvoie la demande de PST de façon à ce qu’une décision soit rendue conformément à la loi.

F.  Analyse

(1)  La norme de contrôle applicable

[45]  Selon les demanderesses, la norme de contrôle qui s’applique à une décision portant sur une demande CH est celle de la décision raisonnable.

[46]  Le défendeur soutient que la décision de l’agent appelle la retenue, et qu’il faudrait considérer les motifs de sa décision comme un tout organique. Il signale qu’une dispense CH est une mesure discrétionnaire et exceptionnelle, que l’on contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable, et que, comme il s’agit d’une mesure discrétionnaire, l’éventail des issues possibles et acceptables est large.

[47]  La décision d’un agent d’immigration de refuser d’accorder une dispense en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 44). Cette décision est de nature hautement discrétionnaire, parce que le paragraphe 25(1) « prévoit un mécanisme en cas de circonstances exceptionnelles » et que le tribunal doit faire preuve d’une « très grande retenue » envers l’agent (Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1303, au paragraphe 4, [2016] ACF no 1305; Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, au paragraphe 15).

[48]  La norme de la décision raisonnable commande à la cour de révision, lorsqu’elle contrôle une décision administrative, de s’attarder « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47). Ces critères sont respectés si « les motifs […] permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16).

(2)  Le degré d’établissement

[49]  Je conviens avec les demanderesses qu’il était inapproprié de la part de l’agent de minimiser leur degré d’établissement au Canada et de retenir contre elles leur capacité d’adaptation au Canada en concluant qu’elles pouvaient s’adapter à la Corée du Sud également. Il aurait fallu accorder de l’importance à leur degré d’établissement au Canada, et ne pas le retenir contre elles.

[50]  Comme l’a conclu notre Cour dans la décision Knyasko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 844 :

[6]  […] l’agent n’a pas tenu compte du degré d’attachement des demandeurs au Canada. En fait, l’agent a estimé que les liens solides des demandeurs avec le Canada indiquaient qu’ils réintégreraient vraisemblablement avec succès la société hongroise.

[7]  […] L’agent n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents. De plus, il n’a pas tenu compte de la mesure dans laquelle les liens des demandeurs avec le Canada militaient en faveur de leur demande. Il semble n’avoir examiné ces liens que par rapport à leur capacité de réintégration en Hongrie.

[51]  Le raisonnement de l’agent, à savoir qu’étant donné que les demanderesses s’étaient adaptées au Canada, elles seraient capables de s’adapter à la Corée du Sud, est déraisonnable au vu des difficultés qu’elles ont subies en Corée du Sud. Ce genre d’analyse problématique a été examinée dans la décision Sosi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1300 :

[18]  […] l’utilisation de la conclusion selon laquelle les demandeurs sont bien établis au Canada est mauvaise parce qu’elle tient compte de l’existence d’un facteur énuméré dans le Guide IP 5 comme élément favorisant l’octroi d’un redressement fondé sur des motifs d’ordre humanitaire et l’utilise pour faire le contraire. Manifestement, l’établissement prouvé des demandeurs au Canada devrait jouer en leur faveur parce qu’il n’y a absolument aucune façon de savoir si les capacités personnelles qu’ils ont utilisées pour créer cet établissement peuvent être utilisées au Kenya pour accomplir la même chose. Émettre l’hypothèse que les demandeurs réussiraient est une erreur importante compte tenu de la preuve des souffrances qu’ils ont vécues au Kenya avant de s’enfuir au Canada.

[52]  Les demanderesses ne sont pas confrontées aux mêmes préjugés, et n’ont pas le même vécu au Canada qu’en Corée du Sud, et il était déraisonnable pour l’agent de conclure que leur établissement au Canada se transposerait en Corée du Sud.

[53]  Le fait que l’agent ait amalgamé le facteur de l’établissement avec celui des difficultés est également problématique. Il a fait abstraction de signes d’établissement positifs et importants, en disant que les demanderesses pourraient poursuivre en Corée du Sud leurs activités religieuses, leurs amitiés et leurs activités parascolaires. Or la tâche de l’agent ne consistait pas à déterminer si les demanderesses auraient accès à des activités semblables en Corée du Sud, en atténuant par le fait même les difficultés qu’elles auraient là-bas, mais plutôt à déterminer si elles s’étaient établies au Canada (Lauture c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 336, aux paragraphes 21 à 26 [Lauture]). L’agent n’aurait pas dû analyser le degré d’établissement des demanderesses au Canada en se fondant sur la question de savoir si elles pouvaient exercer des activités semblables en Corée du Sud. Selon ce genre d’analyse, « plus le demandeur réussit, est entreprenant et fait preuve de civisme tandis qu’il est au Canada, moins il a de chances que sa demande fondée sur l’article 25 soit accueillie » (Lauture, au paragraphe 26).

(3)  Les difficultés

[54]  Je conviens avec les demanderesses que l’agent a minimisé de manière déraisonnable les effets d’un retour en Corée du Sud sur la santé mentale de Mme Jeong, et qu’il n’a pas traité de manière appropriée les difficultés liées au risque de décompensation.

[55]  À cet égard, il est utile de rappeler la décision que notre Cour a rendue dans l’affaire Esahak-Shammas c Canada (Citoyenneté et Immigration, 2018 CF 461 :

26  […] L’agent a donc accepté le rapport psychiatrique sans remettre en question son diagnostic, son contenu, ses conclusions sur le traitement nécessaire ou tout autre élément du rapport. Par conséquent, et comme l’affirment les demandeurs, si l’agent a accepté le rapport psychiatrique et si ce rapport parlait de l’effet d’un renvoi du Canada sur la santé mentale de la demanderesse principale, il avait donc l’obligation de prendre ce point en considération dans son analyse (Kanthasamy, aux paragraphes 47 et 48). Notre Cour a affirmé que lorsque des rapports d’évaluation psychologique sont disponibles et indiquent que la santé mentale de demandeurs se détériorerait s’ils devaient être renvoyés du Canada, l’agent doit analyser les difficultés auxquelles seraient soumis les demandeurs s’ils devaient être renvoyés dans leur pays d’origine. Dans de telles circonstances, un agent ne peut limiter son analyse à la seule question de savoir si des soins en santé mentale sont disponibles dans le pays de renvoi.
[Renvois omis.]

[56]  Dans la présente affaire, le rapport de la psychologue indique clairement, dans les passages pertinents qui suivent :

[traduction]

[…] il y a un risque de nouvelle traumatisation si Mme Jeong est renvoyée en Corée du Sud. […] Si elle était forcée de quitter le pays, on peut prévoir que ses symptômes de trouble de stress post‑traumatique et de troubles dépressifs majeurs s’aggraveraient, ce qui provoquerait une décompensation marquée de ses symptômes psychologiques. […] Mme Jeong a fait état d’une légère amélioration de ses symptômes depuis son arrivée au Canada, ce qu’elle attribue au sentiment de sécurité qu’elle ressent ici. Si elle était contrainte de quitter le pays, ses symptômes de trouble de stress post-traumatique pourraient fort bien s’aggraver et retrouver un degré d’intensité qui ressemblerait de près à ce qu’elle subissait en Corée du Sud (c.‑à‑d., les symptômes de TSPT qu’elle manifeste présentement, plus la réapparition de rêves désagréables rappelant des incidents traumatisants antérieurs, des idées très négatives à propos d’elle‑même, d’autres personnes et du monde en général, une hyper-vigilance et de vives réactions de sursaut).

[57]  L’agent a conclu que les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour démontrer en quoi les problèmes de santé mentale de Mme Jeong l’amèneraient à éprouver des difficultés à son retour en Corée du Sud [traduction] « à cause d’un manque d’options de traitement ou pour d’autres raisons ». Il s’agit là d’une conclusion déraisonnable, car les difficultés que subirait Mme Jeong en cas de retour en Corée du Sud ne seraient pas attribuables à un manque d’options de traitement ou à d’autres raisons, mais plutôt au fait que ce retour, selon la psychologue, provoquerait une décompensation marquée de ses symptômes psychologiques.

[58]  Il était également déraisonnable pour l’agent de conclure que l’opinion de la psychologue reposait sur la [traduction] « perception subjective […] de sécurité en Corée du Sud » de Mme Jeong. Cette conclusion est incompréhensible, car la psychologue a fondé son opinion sur une observation du comportement de Mme Jeong et sur un entretien structuré utilisant les trois outils suivants : le Miller Forensic Assessment of Symptoms Test, le Structured Clinical Interview for DSM‑5 Disorders (version clinicienne) et le Clinician-Administered PTSD Scale. Son opinion ne reposait pas sur la perception subjective qu’avait Mme Jeong de sa sécurité, que ce soit au Canada ou en Corée du Sud.

(4)  L’intérêt supérieur des enfants

[59]  L’analyse que l’agent a faite de l’intérêt supérieur des enfants souffre de deux lacunes.

[60]  Premièrement, l’agent a simplement considéré qu’il était dans l’intérêt supérieur de Seo Yeon d’être réunie avec son père en Corée du Sud, sans tenir compte de la possibilité de maintenir le statu quo au Canada. Son opinion selon laquelle l’intérêt supérieur de Seo Yeon résiderait dans le fait d’être réunie avec son père en Corée du Sud était déraisonnable, car elle faisait abstraction de la possibilité que ce soit le maintien du statu quo qui serve peut-être le mieux son intérêt supérieur (Ndlovu c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 878, au paragraphe 20; Alagaratnam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 381, au paragraphe 32; et Jimenez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 527, aux paragraphes 27 et 28).

[61]  La seconde lacune que comporte l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants est la suivante : non seulement était-elle fondée sur l’hypothèse que Seo Yeon serait renvoyée en Corée du Sud avec sa mère (une hypothèse que la Cour a jugée déraisonnable dans plusieurs affaires (Sivalingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1185, au paragraphe 17, de même que les autres affaires qui y sont citées), mais elle ne prenait pas en compte ou n’évaluait pas l’effet que cela aurait sur son intérêt supérieur si, conformément à l’avis de la psychologue, les symptômes psychologiques de sa mère s’aggravaient et provoquaient une décompensation marquée. Même si la psychologue n’a formulé dans son rapport aucune opinion quant à l’effet d’un retour en Corée du Sud sur la capacité de Mme Jeong de prendre soin de sa fille, à mon avis, il s’agit là d’un facteur important que l’agent a omis déraisonnablement d’examiner.

IV.  Conclusion

[62]  La décision que l’agent a rendue en l’espèce n’est pas raisonnable. Son analyse du degré d’établissement des demanderesses et de l’intérêt supérieur de Seo Yeon est viciée, et il y a lieu de renvoyer l’affaire à un agent d’immigration différent en vue d’un nouvel examen.

[63]  L’agent a également omis de tenir compte de la demande de PST des demanderesses, et l’autre agent qui réexaminera leur demande CH devrait également traiter cette demande de PST de façon à ce qu’elle soit tranchée conformément à la loi.

[64]  Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé une question grave de portée générale à certifier en application de l’alinéa 74d) de la LIPR et, de ce fait, aucune question de cette nature n’est certifiée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2099‑18

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’agent d’immigration principal, datée du 26 février 2018, est infirmée, et l’affaire est renvoyée à un agent d’immigration différent en vue d’une nouvelle décision, conformément aux motifs du présent jugement. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour de juin 2019.

Julie‑Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2099‑18

 

INTITULÉ :

CHUNHWA JEONG et SUHYUN KANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30JANVIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 MAI 2019

 

COMPARUTIONS :

Annie O’Dell

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Rachel Hepburn‑Craig

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Annie O’Dell

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DemanDERESSES

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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