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Date : 20190503


Dossier : IMM‑4166‑18

Référence : 2019 CF 572

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2019

En présence de monsieur le juge Simon Fothergill

ENTRE :

PAWANDEEP KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Pawandeep Kaur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent (l’agent) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a rejeté sa demande de permis de travail postdiplôme (le PTPD). L’agent a conclu que Mme Kaur n’était pas admissible à un PTPD parce que le programme d’études qu’elle avait suivi au Collège universitaire William et Catherine Booth (le CUB) avait mené à un certificat plutôt qu’à un diplôme.

[2]  La décision de l’agent était conforme à la politique d’IRCC relative à l’admissibilité au PTPD (la politique relative au PTPD), laquelle établit une distinction claire entre un diplôme (baccalauréat, maîtrise, doctorat) et un certificat. Par conséquent, la décision de l’agent était raisonnable. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Contexte

[3]  Madame Kaur est citoyenne de l’Inde. Elle a été admise au CUB, un établissement d’enseignement postsecondaire privé de Winnipeg, au Manitoba, pour suivre un programme d’études d’une durée de huit mois menant à un certificat en arts libéraux. Mme Kaur a étudié au CUB en vertu d’un permis d’études qui a expiré le 31 juillet 2018.

[4]  Madame Kaur a terminé ses études le 29 avril 2018 et elle a présenté une demande de PTPD, laquelle a été rejetée par l’agent le 20 juillet 2018. Après avoir présenté une nouvelle demande de PTPD au point d’entrée canadien de Sprague, au Manitoba, Mme Kaur a été déclarée inadmissible. Le 20 août 2018, elle a demandé à l’agent de réexaminer sa décision, mais celui‑ci a maintenu le rejet.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[5]  L’agent a déclaré que le programme d’études suivi par Mme Kaur au CUB ne la rendait pas admissible à un PTPD. L’agent a intégré à sa décision un extrait de la politique relative au PTPD, soulignant qu’un demandeur doit :

[…] avoir terminé avec succès le programme d’études et reçu de l’établissement d’enseignement un document l’avisant qu’il est admissible à l’obtention de son diplôme ou de son certificat. Il doit être diplômé de l’un des types d’établissements suivants :

  un établissement d’enseignement postsecondaire public, tel qu’un collège, une école technique ou de métiers, une université ou un collège d’enseignement général et professionnel (cégep) au Québec,

  un établissement d’enseignement postsecondaire privé assujetti aux mêmes règlements que les établissements postsecondaires publics,

  un établissement d’enseignement secondaire ou postsecondaire privé (au Québec) offrant des programmes admissibles d’une durée de 900 heures ou plus menant à l’obtention d’un diplôme d’études professionnelles (DEP) ou d’une attestation de spécialisation professionnelle (ASP),

  un établissement d’enseignement canadien privé autorisé à décerner des diplômes (c.‑à‑d. un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat) en vertu d’une loi provinciale, mais seulement si l’étudiant est inscrit à un programme d’études reconnu par la province menant à l’obtention d’un diplôme, et non à n’importe quel programme d’études offert par l’établissement d’enseignement privé.

[En gras et souligné dans l’original.]

[6]  Selon les notes inscrites par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC), [traduction« [Mme Kaur] a obtenu un certificat, non un diplôme, [et par conséquent] n’est pas admissible à un PTPD ». La Cour n’est pas saisie du réexamen du rejet par l’agent, mais aucune des parties ne s’est opposée à ce que les notes inscrites par l’agent dans le SMGC relativement au rejet soient versées au dossier certifié du tribunal. Les notes relatives au réexamen de l’agent comprennent ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les renseignements disponibles sur le site Canada.ca se lisent comme suit : « un établissement d’enseignement canadien privé autorisé à décerner des diplômes (c.‑à‑d. un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat) en vertu d’une loi provinciale, mais seulement si l’étudiant est inscrit à un programme d’études reconnu par la province menant à l’obtention d’un diplôme, et non à n’importe quel programme d’études offert par l’établissement d’enseignement privé ». Le représentant de la cliente affirme que le certificat obtenu par cette dernière est considéré comme un diplôme et qu’il s’agit en fait d’une question de sémantique. Cependant, dans le même passage, il y a une distinction claire entre diplôme et certificat. Les termes « certificat » et « diplôme » ne sont ni synonymes ni interchangeables, et comme la cliente a obtenu un certificat d’un établissement d’enseignement privé, elle n’est pas admissible à un PTPD malgré le fait que l’établissement soit autorisé à délivrer des diplômes. Selon l’extrait, sont considérés comme des diplômes un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat.

IV.  Question en litige

[7]  La seule question que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si le rejet, par l’agent, de la demande de PTPD présentée par Mme Kaur était raisonnable.

V.  Analyse

[8]  La décision de l’agent de rejeter la demande de PTPD présentée par Mme Kaur doit être examinée par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Komljenovic c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 460, au paragraphe 17). La norme de la décision raisonnable est une norme déférente qui porte principalement sur la justification de la décision, et sur la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel. La Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[9]  Madame Kaur affirme qu’un certificat en arts libéraux délivré par le CUB constitue un diplôme. Elle souligne que, sur le site Web d’IRCC, le CUB figure parmi les établissements d’enseignement qui offrent des programmes menant à l’obtention d’un diplôme rendant admissible à un PTPD.

[10]  Le CUB a été établi en vertu de la Loi constituant en corporation le Collège universitaire William et Catherine Booth de l’Armée du Salut, LRM 1990, c 178 (la loi sur le CUB). Conformément à l’article 10 de la loi sur le CUB :

Le collège universitaire peut, sous son nom corporatif, conférer des grades, y compris des grades honoris causa, des diplômes et des attestations de niveau d’études dans les matières et dans les cours qu’il offre.

[11]  Cette disposition peut être ambiguë. Selon l’interprétation qu’en donne Mme Kaur, l’article 10 de la loi sur le CUB confère au CUB le pouvoir de délivrer des grades, y compris des grades honoris causa, des diplômes et des attestations de niveau d’études. Le ministre ne souscrit pas à cette interprétation et affirme que la disposition confère plutôt au CUB le pouvoir de délivrer des grades, y compris des grades honoris causa, ainsi que des diplômes et des attestations de niveau d’études.

[12]  Le ministre souligne que deux lois du Manitoba qui régissent la délivrance de diplômes par les établissements d’enseignement postsecondaire définissent le terme « diplôme » d’une manière qui exclut les certificats (Loi sur l’attribution de grades, CPLM, c D25, à l’article premier; Loi sur les collèges, CPLM, c C150.1, au paragraphe 5(1) et à l’alinéa 17c)). La Cour suprême du Canada a statué que l’interprète des lois doit favoriser l’harmonie des divers textes législatifs qui émanent d’une même autorité. Cette présomption se trouve renforcée lorsqu’on est en présence de lois qui portent sur la même matière (Therrien (Re), [2001] 2 RCS 3, au paragraphe 121). Mme Kaur répond que ces dispositions ne s’appliquent pas au CUB, lequel est régi par sa propre loi.

[13]  La politique relative au PTPD a été établie conformément à l’article 205 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. L’agent était lié par la politique relative au PTPD et il ne disposait d’aucun pouvoir discrétionnaire quant à son application (Nookala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1019, aux paragraphes 11 et 12).

[14]  La politique relative au PTPD établit une distinction claire entre un « diplôme » et un « certificat ». La disposition qui porte sur les programmes qui sont offerts par les établissements d’enseignement privés autorisés à délivrer des diplômes en vertu d’une loi provinciale limite les diplômes admissibles à « un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat ». Un demandeur peut être admissible à un PTPD après avoir obtenu un certificat ou un diplôme, mais seulement s’il est diplômé d’un établissement d’enseignement postsecondaire public, tel qu’un collège, une école technique ou de métiers, une université ou un cégep (au Québec), ou d’un établissement d’enseignement postsecondaire privé assujetti aux mêmes règlements que les établissements postsecondaires publics. La disposition supplémentaire se limitant aux établissements d’enseignement du Québec n’a aucune pertinence en l’espèce.

[15]  Je conclus donc que le rejet, par l’agent, de la demande de PTPD présentée par Mme Kaur était conforme à la politique relative au PTPD et était, par conséquent, raisonnable.

[16]  Madame Kaur a souscrit un affidavit dans lequel elle a déclaré que d’autres étudiants qui avaient suivi le programme d’études du CUB menant à l’obtention d’un certificat en arts libéraux avaient pu obtenir un PTPD par la suite. Comme cette preuve par ouï‑dire n’a pas été portée à la connaissance de l’agent, elle n’est pas admissible en l’espèce (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, aux paragraphes 19 et 20). Toutefois, dans sa plaidoirie, l’avocat du ministre s’est appuyé sur une lettre provenant du CUB qui avait été présentée à l’agent en lien avec la demande de réexamen. La lettre, datée du 20 août 2018, contient les déclarations suivantes :

[TRADUCTION]

Le Collège universitaire Booth est un établissement d’enseignement désigné (EED no 019147992362).

Le certificat en arts libéraux est un programme de un an comportant 30 heures‑crédit. Il dure une année universitaire, soit huit mois. Les étudiants suivent un vaste éventail de cours leur offrant une éducation générale complète. Il permet aux étudiants d’être admissibles au Programme Candidats du Manitoba ainsi qu’au permis de travail postdiplôme.

[17]  Le ministre fait remarquer que, dans sa lettre, le CUB n’affirme pas que son certificat en arts libéraux est un diplôme. Néanmoins, il semble y avoir une certaine confusion, tant du côté du CUB que du côté d’IRCC, quant à la question de savoir si un étudiant qui suit un programme d’études menant à l’obtention d’un certificat en arts libéraux est admissible à un PTPD.

[18]  L’avocat de Mme Kaur a fait observer que sa cliente avait fait tout ce qui était attendu d’elle, mais que sa demande de PTPD avait malgré tout été rejetée. Un PTPD aurait pu lui permettre d’obtenir la résidence permanente et, ultimement, la citoyenneté.

[19]  Bien que j’aie conclu que la décision de l’agent était conforme à la politique relative au PTPD et qu’elle était raisonnable, le CUB et IRRC devraient essayer de dissiper la confusion entourant l’admissibilité au PTPD des étudiants du programme menant à l’obtention du certificat en arts libéraux. Autrement, des situations malheureuses comme celle en l’espèce pourraient se produire de nouveau.

VI.  Conclusion

[20]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de juin 2019.

Geneviève Bernier, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4166‑18

INTITULÉ :

PAWANDEEP KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

WINNIPeg (MANITOBA)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 AVRIL 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 3 MAI 2019

COMPARUTIONS :

Kenneth Zaifman

Chaobo Jiang

POUR LA DEMANDERESSE

David Grohmueller

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Zaifman Law

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

POUR LA DEMANDERESSE

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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