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Date : 20190503


Dossier : IMM-5151-18

Référence : 2019 CF 577

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2019

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

EMWANTA MARIS AMADIN-IRORO, AISOSA ANDRE AMADIN-IRORO, OSAIYEKEMWEN DERICK AMADIN‑IRORO AND OSAYUKI GABRIELA AMADIN-IRORO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Emwanta Maris Amadin-Iroro et ses trois enfants sont des citoyens du Nigéria dont les demandes d’asile ont été rejetées pour absence de minimum de fondement. Leur demande subséquente d’examen des risques avant renvoi ayant été refusée, ils sollicitent maintenant le contrôle judiciaire de la décision.

[2]  Devant la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Mme Amadin-Iroro a soutenu craindre la famille de son défunt mari, qui la tiendrait responsable de la mort de ce dernier. Elle a aussi affirmé que sa belle-famille souhaitait faire subir la mutilation génitale à sa jeune fille et contraindre son fils ainé à participer à des rituels traditionnels. La Commission a conclu que Mme Amadin‑Iroro avait inventé son récit et déposé de faux documents pour l’appuyer. Par la suite, la Cour a refusé l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision de la Commission.

[3]  Dans les observations qu’elle a formulées à l’appui de sa demande d’ERAR, Mme Amadin-Iroro a essentiellement réaffirmé que ses enfants et elle seraient en danger aux mains de la famille de son défunt mari. Pour la première fois, cependant, elle a aussi soutenu que son statut de veuve lui ferait courir un risque au Nigéria.  

[4]  L’agent d’ERAR a jugé que la preuve documentaire émanant de tiers fournie par Mme Amadin-Iroro était insuffisante pour réfuter les conclusions défavorables de la Section de la protection des réfugiés quant à sa crédibilité. Tout en reconnaissant que les femmes célibataires, y compris les veuves, font l’objet de discrimination au Nigéria, l’agent a conclu que Mme Amadin-Iroro n’a pas établi de lien entre sa situation personnelle et la discrimination dont il est question dans les renseignements sur la situation au Nigéria. 

[5]  Mme Amadin-Iroro soutient que l’agent a commis une erreur en concluant que son statut de veuve ne lui ferait pas courir de risque au Nigéria et que l’évaluation par l’agent des éléments de preuve émanant d’un tiers était déraisonnable. Pour les raisons qui suivent, je suis convaincue que la décision de l’agent était raisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

I.  Le risque auquel Mme Amadin-Iroro prétend être exposée à cause de son statut de veuve

[6]  Mme Amadin-Iroro a fourni à l’agent d’ERAR une réponse à la demande d’information datant de 2012 en soutien à l’affirmation figurant dans ses observations relatives à l’ERAR selon laquelle elle serait en danger au Nigéria à cause de son statut de veuve.

[7]  Bien que ce document sur la situation au Nigéria ait été accessible à l’époque de l’audition de la demande d’asile de Mme Amadin-Iroro, cette dernière n’a pas affirmé courir de risque au Nigéria à cause de son statut de veuve à cette occasion. De plus, comme l’a souligné l’agent d’ERAR, Mme Amadin-Iroro n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas invoqué ce risque dans sa demande d’asile. En fait, la demande d’asile de Mme Amadin-Iroro était entièrement axée sur le traitement que lui réserverait la famille de son défunt mari.

[8]  La jurisprudence établit clairement que pour l’application de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, la notion de risque englobe un aspect objectif et un aspect subjectif : voir, par exemple, Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 505, au paragraphe 40, 455 FTR 220. Le défaut de Mme Amadin-Iroro d’identifier, lorsqu’elle a eu l’occasion de le faire dans le contexte de sa demande d’asile, le risque auquel elle soutient maintenant être exposée du fait qu’elle est veuve donne à penser qu’elle n’a pas de crainte subjective sur ce fondement.

[9]  Le document de réponse à la demande d’information sur lequel s’appuie Mme Amadin‑Iroro révèle qu’« il est très difficile d’établir un principe général » à propos des risques auxquels les veuves pourraient être exposées au Nigéria et qu’il faut tenir compte de plusieurs facteurs lorsqu’on évalue le risque encouru par une personne se trouvant dans cette situation. Ces facteurs sont entre autres le niveau d’instruction de la personne, son accès à du soutien familial, ainsi que sa tribu, son sous-clan, son emplacement géographique et sa situation socioéconomique.

[10]  L’agent d’ERAR a examiné la preuve présentée par Mme Amadin-Iroro relativement à cette question et a tenu compte de sa situation personnelle. L’agent a entre autres observé que Mme Amadin-Iroro a vécu au Nigéria presque un an à la suite de la mort de son mari. Pourtant, elle n’a fourni aucune preuve démontrant qu’elle manquait de soutien familial dans ce pays ou qu’elle avait eu de la difficulté à obtenir ou à conserver un logement pour sa famille. Mme Amadin-Iroro n’a pas non plus fourni à l’agent une preuve laissant croire qu’elle aurait eu de la difficulté à trouver un emploi convenable si elle avait choisi de travailler. Par conséquent, rien ne démontrait que Mme Amadin-Iroro avait éprouvé les difficultés décrites dans les renseignements sur la situation au Nigéria avant de quitter le pays.

[11]  L’agent a également remarqué que la mère de Mme Amadin-Iroro (qui vivait dans la même région que la demanderesse et faisait vraisemblablement partie de la même tribu et sous-clan) a été veuve pendant environ 32 ans. Bien que la mère de Mme Amadin‑Iroro ait fourni un affidavit à l’appui de de la demande d’asile de sa fille, puis un autre affidavit pour étayer les observations de sa fille dans le cadre de sa demande d’ERAR, elle n’a pas indiqué qu’elle avait connu des difficultés au Nigéria simplement parce qu’elle était veuve.

[12]  Bien que l’analyse de la qualité de réfugié soit de nature prospective et que les demandeurs n’ont pas à démontrer qu’ils ont été persécutés par le passé, les membres d’un groupe social doivent établir un lien entre leur situation personnelle et les risques décrits dans les renseignements sur la situation dans leur pays.

[13]  En l’espèce, l’agent d’ERAR a admis que la situation des femmes célibataires au Nigéria n’est pas [traduction] « idéale » et que certaines d’entre elles, y compris les veuves, sont discriminées dans ce pays. Toutefois, l’agent a conclu que Mme Amadin-Iroro n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle courrait un risque au Nigéria à cause de son statut de veuve. L’agent pouvait raisonnablement parvenir à cette conclusion sur la foi de la preuve fournie par Mme Amadin-Iroro.

II.  La façon dont l’agent a traité les documents émanant de tiers

[14]  Les observations de Mme Amadin-Iroro relativement à la demande d’ERAR portaient essentiellement sur le risque auquel elle disait faire face au Nigéria aux mains de la famille de son défunt mari — un récit rejeté à juste titre par la Section de la protection des réfugiés pour absence de minimum de fondement.

[15]  Mme Amadin-Iroro a fourni plusieurs documents à l’agent pour étayer cette affirmation, dont un autre affidavit de sa mère dans lequel cette dernière soutenait avoir été attaquée par ses belles-filles. La demanderesse a aussi produit un rapport médical décrivant la blessure à la jambe que sa mère aurait subie à la suite de cette attaque, ainsi qu’un extrait d’un [traduction] « rapport de police » faisant état d’une plainte que sa mère aurait déposée relativement à l’attaque.

[16]  Chacun de ces documents a été minutieusement étudié par l’agent d’ERAR, qui a expliqué pourquoi peu de poids leur était accordé. Bien que Mme Amadin-Iroro conteste certains des commentaires émis par l’agent en lien avec chaque document, le fait est qu’il a fourni plusieurs motifs pour rejeter la force probante de chacun d’entre eux. Les conclusions de l’agent selon lesquelles les documents avaient peu de valeur probante ont été tirées de façon intelligible et transparente et le résultat appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190.

[17]  En fin de compte, Mme Amadin-Iroro demande essentiellement à la Cour de soupeser de nouveau la preuve qui a été présentée à l’agent d’ERAR afin qu’elle parvienne à une conclusion différente. Ce n’est pas le rôle de la Cour saisie du contrôle d’une décision telle que celle-ci.  

III.  Conclusion

[18]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je conviens avec les parties que la présente instance repose sur les faits qui lui sont propres et ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5151-18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour de mai 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5151-18

 

INTITULÉ :

EMWANTA MARIS AMADIN-IRORO, AISOSA ANDRE AMADIN-IRORO, OSAIYEKEMWEN DERICK AMADIN-IRORO AND OSAYUKI GABRIELA AMADIN-IRORO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 AVRIL 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 MAI 2019

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Amy Lambiris

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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