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     Date : 19990708

     Dossier : IMM-3415-98

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 1999.

EN PRÉSENCE DE : MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     et

     LA SECTION D'APPEL DE LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION

     ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

     et WALTER GONZALES TOLEDO,

     défendeurs.


     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée sans dépens. La question suivante est certifiée :

         La section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui a entendu et rejeté l'appel d'une mesure d'expulsion a-t-elle compétence pour rouvrir l'appel si la mesure d'expulsion est exécutée après le dépôt de la requête en réouverture, mais avant que la section d'appel n'ait accueilli la requête?

     " Karen R. Sharlow "

     Juge


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.




Date : 19990708


Dossier : IMM-3415-98

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     et

     LA SECTION D'APPEL DE LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION

     ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

     et WALTER GONZALES TOLEDO,

     défendeurs.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW :

[1]      La présente affaire porte sur la question de la compétence de la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour entendre l'appel rouvert d'une mesure d'expulsion après que celle-ci a légalement été exécutée.

Les faits

[2]      Le demandeur Walter Gonzales Toledo est un citoyen du Guatemala. Il est arrivé au Canada à titre de résident permanent le 1er octobre 1990. En janvier 1994, il a été reconnu coupable d'une infraction criminelle, soit l'agression sexuelle d'un enfant. Cette déclaration de culpabilité a entraîné une enquête aux termes de l'article 27 de la Loi sur l'immigration et une décision statuant que M. Toledo est une personne visée par l'alinéa 27(1)d). L'enquête a, à son tour, entraîné, le 8 juin 1994, la prise d'une mesure d'expulsion en vertu du paragraphe 32(2).

[3]      Le dossier n'indique pas si on a tenu compte du fait que le ministre a émis un avis selon lequel M. Toledo constitue un danger pour le public au Canada. Sans un tel avis, M. Toledo avait le droit de faire appel devant la section d'appel de la mesure d'expulsion conformément au paragraphe 70(1), et il l'a fait. Le dépôt de l'appel a donné lieu à un sursis prévu par la loi à l'exécution de la mesure d'expulsion conformément à l'article 49.

[4]      L'appel a été rejeté le 11 octobre 1996. M. Toledo a cherché à obtenir l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de la section d'appel. L'autorisation a été refusée le 20 juin 1997.

[5]      La décision refusant l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a mis fin au sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion prévu par l'article 49. À cette étape, le ministre devait aux termes de l'article 48 exécuter la mesure d'expulsion dès que les circonstances le permettaient. En août 1997 ou avant, les autorités de l'immigration ont entrepris les démarches nécessaires pour exécuter la mesure d'expulsion. Cette mesure a été exécutée le 29 septembre 1997.

[6]      Entre temps, le 8 août 1997, M. Toledo a déposé auprès de la section d'appel une requête en réouverture de son appel de la mesure d'expulsion, en citant de nouveaux éléments de preuve. Il n'est pas contesté qu'à cette date M. Toledo avait le droit de déposer cette requête.

[7]      Dans une ordonnance datée du 30 septembre 1997 et signée le 16 octobre 1997, la section d'appel a accueilli la requête en réouverture d'appel de M. Toledo. La section d'appel ignorait quand elle a accueilli la requête que la mesure d'expulsion avait été exécutée. Le ministre n'a pas cherché à obtenir le contrôle judiciaire de la décision accueillant la requête en réouverture de l'appel.

[8]      L'audition de l'appel rouvert a été fixée au 6 mars 1998. Le 16 janvier 1998, la section d'appel a rendu une ordonnance conformément à l'article 75 pour permettre à M. Toledo de revenir au Canada pour assister à l'audition de l'appel rouvert.

[9]      Le 24 février 1998, le ministre a déposé une demande d'autorisation et une demande de contrôle judiciaire, ainsi qu'une requête en vue d'obtenir une ordonnance provisoire interdisant à la section d'appel d'entendre l'appel rouvert. La requête a été rejetée le 3 mars 1998 (IMM-802-98). Le juge Gibson a conclu que la demande était essentiellement une demande de contrôle judiciaire de la décision de rouvrir l'appel de M. Toledo. Il a dit qu'il n'était pas disposé à permettre au ministre " de faire indirectement ce qu'il a omis de faire directement dans le délai imparti, voire après l'expiration du délai, en présentant une demande connexe de prorogation de délai ".

[10]      L'appel rouvert a été entendu le 19 mars 1998 et le 29 avril 1998. La décision est datée du 30 juin 1998 et a été signée le 2 juillet 1998. La section d'appel, bien qu'ayant reconnu que la mesure d'expulsion avait été légalement exécutée, a néanmoins accordé un sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion, sous réserve de certaines conditions.

[11]      L'avocate du ministre a allégué devant la section d'appel que celle-ci n'avait pas compétence pour entendre l'appel rouvert parce que le demandeur avait été expulsé avant que la décision de rouvrir l'appel ne soit rendue. La section d'appel a rejeté cet argument.

[12]      Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le ministre cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision de la section d'appel de surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion, au motif que la décision ne relevait pas de la compétence de la section d'appel.

Question préliminaire

[13]      L'avocat de M. Toledo a allégué à l'audition que la Cour ne devrait pas entendre la demande du ministre parce qu'il s'agit en réalité d'une contestation de la décision de la section d'appel d'accueillir la requête en réouverture de l'appel. Empruntant les mots du juge Gibson cité précédemment, il allègue que la Cour ne devrait pas permettre au ministre " de faire indirectement ce qu'il a omis de faire directement dans le délai imparti, voire après l'expiration du délai, en présentant une demande connexe de prorogation de délai ".

[14]      Cette question n'a pas été soulevée en réaction à la demande d'autorisation du ministre, ni dans les arguments écrits présentés après que l'autorisation a été accordée. Elle a été soulevée pour la première fois à l'audience, après coup, sans que l'avocate du ministre en soit avisée.

[15]      Je conclus que la Cour a compétence pour entendre la présente demande et devrait le faire. La section d'appel a été créée par une loi. Sa compétence ne peut pas être modifiée par une entente entre les parties, ni par une renonciation. Le juge Gibson a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire en vue d'accorder un redressement provisoire au ministre, parce que ce dernier n'avait pas contesté la décision d'accueillir la requête en réouverture de M. Toledo. Cependant, cela ne devrait pas avoir pour effet d'interdire au ministre de contester la compétence de la section d'appel pour entendre l'appel rouvert.

Décision de la section d'appel

[16]      Le fait essentiel qui a amené la section d'appel à décider qu'elle devrait entendre l'appel rouvert a été que M. Toledo a déposé sa requête en réouverture à une date où il avait le droit de le faire. La section d'appel a pensé qu'il était incorrect de priver M. Toledo du droit à la réouverture de son appel simplement parce que des délais administratifs aux bureaux de la section d'appel avaient empêché que sa requête soit entendue dès son dépôt.

[17]      En tirant sa conclusion, la section d'appel a suivi une décision précédente de la section d'appel, Harrison c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration1. Cette décision a fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre. Le juge Reed a confirmé la décision de la section d'appel2. Sa décision est examinée plus loin.

L'argument du ministre -- le principe de l'arrêt Grillas

[18]      L'argument du ministre est fondé sur quatre arrêts : Grillas c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1972] R.C.S. 577, Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Clancy (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 171 (C.A.), Ramkissoon c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1978] 2 C.F. 290 (C.A.), autorisation d'interjeter appel rejetée, (1978) 20 N.R. 445n, et Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Binns (1996), 122 F.T.R. 56 (1re inst.).

[19]      Aucun de ces arrêts ne porte spécifiquement sur la question en litige, mais ils contiennent des commentaires importants relativement à la compétence de la section d'appel et devraient être examinés en détail.

[20]      L'arrêt Grillas est l'autorité incontestée pour la proposition selon laquelle la section d'appel a une compétence en equity qui se prolonge dans le temps pour rouvrir l'appel d'une mesure d'expulsion pour entendre de nouveaux éléments de preuve. Il s'agissait d'une décision majoritaire, rédigée par le juge Martland, à laquelle ont souscrit les juges Laskin, Abbott et Judson. Toutefois, dans des motifs concordants distincts, le juge Abbott (en son nom et en celui du juge Judson) était d'avis que cette compétence prenait fin à l'exécution de la mesure d'expulsion. Les faits de l'affaire, cependant, portaient sur une mesure d'expulsion qui n'avait pas été exécutée.

[21]      Il n'y avait pas eu d'expulsion non plus dans l'affaire Clancy. La Cour d'appel fédérale a adopté les commentaires du juge Abbott dans l'affaire Grillas, mais le litige dans l'affaire ne portait pas du tout sur l'expulsion. La question en litige était de savoir si la section d'appel avait compétence pour examiner un appel qui avait été abandonné.

[22]      Dans Ramkissoon, la Cour d'appel fédérale a adopté la déclaration du juge Abbott dans une affaire dans laquelle la mesure d'expulsion avait été exécutée3. Le juge Heald, s'exprimant au nom de la Cour, a dit aux pages 294 et 295 :

         Nulle part dans les dispositions de l'article 154 il n'est accordé à la Commission le pouvoir de prendre des mesures lorsque l'ordonnance d'expulsion a été exécutée. Tous les pouvoirs accordés à la Commission en vertu de l'article 15 se rapportent à des mesures possibles avant l'exécution de l'ordonnance d'expulsion.

         En conséquence, [...] j'appuie la décision de la Commission d'appel de l'immigration suivant laquelle elle n'avait plus compétence pour reprendre l'audition concernant la première ordonnance d'expulsion.

[23]      Toutefois, l'affaire Ramkissoon est différente de la présente affaire. Dans Ramkissoon, le demandeur n'avait déposé sa requête en réouverture de l'appel qu'après avoir quitté le Canada. En outre, il faut signaler que cette affaire avait été entendue avant l'adoption de l'article 75. Il n'est plus possible de dire que la Commission n'est investie d'aucune compétence dans des affaires où une mesure d'expulsion a été exécutée.

[24]      Dans Binns, le juge Rouleau a suivi Ramkissoon dans une affaire portant sur des faits semblables. Il a conclu que la section d'appel n'avait pas compétence pour examiner une requête en réouverture d'un appel quand cette requête était déposée après l'exécution de la mesure d'expulsion. L'affaire Binns, comme Ramkissoon, se distingue de la présente affaire sur le plan des faits.

[25]      Aucune de ces affaires n'impose la conclusion que la section d'appel a excédé sa compétence en entendant un appel rouvert quand la requête en réouverture a été déposée avant l'exécution de la mesure d'expulsion.

L'affaire Harrison

[26]      La décision Harrison (précitée) est la seule affaire portant sur des faits semblables à ceux de l'espèce, et elle est favorable à l'argument de M. Toledo.

[27]      L'avocate du ministre allègue que l'affaire Harrison se distingue de la présente affaire sur le plan des faits parce que dans Harrison la personne cherchant à faire rouvrir l'appel n'avait jamais bénéficié d'une audience sur le fond, alors que dans la présente affaire M. Toledo avait pu profiter d'une audience en bonne et due forme devant la section d'appel. À mon avis, cette distinction de fait ne peut pas justifier une conclusion que la section d'appel a compétence après l'expulsion dans certains cas mais pas dans d'autres.

[28]      Le juge Reed a donné quatre motifs à sa décision dans Harrison. Ils sont résumés et examinés ci-dessous.

(1) Le commentaire du juge Abbott dans Grillas n'est pas déterminant

[29]      Dans Harrison, le juge Reed signale que le commentaire du juge Abbott dans Grillas sur lequel se fonde le ministre est incident. Il s'agissait d'une description des faits de l'affaire, et non d'une décision portant sur la durée de la compétence de la section d'appel qui se prolonge dans le temps. Je suis du même avis.

[30]      L'avocate du ministre allègue que même si cette déclaration du juge Abbott dans Grillas est incidente, les affaires plus récentes de la Cour d'appel fédérale, Ramkissoon et Clancy, sont des décisions exécutoires pour la Cour qui font en sorte que cette déclaration devient une règle de droit. Cela se peut, mais la règle de droit établie par ces affaires ne s'applique pas aux faits de l'espèce. Ni Ramkissoon ni Clancy ne porte sur une situation dans laquelle la personne expulsée avait demandé, avant l'expulsion, la réouverture de l'appel.

(2) L'intégrité du texte législatif

[31]      Dans Harrison, le juge Reed dit que la Loi sur l'immigration ne devrait pas être interprétée de manière à donner compétence à la section d'appel de rouvrir l'appel d'une mesure d'expulsion, tout en accordant au ministre le droit de mettre fin à cette compétence de façon unilatérale par l'exécution de la mesure d'expulsion avant que la requête ne soit entendue. Je suis du même avis.

[32]      J'ajouterais que cette conclusion ne met aucunement en doute le droit et l'obligation du ministre d'exécuter une mesure d'expulsion dès que les circonstances le permettent après qu'un appel a été tranché. Si la section d'appel a la compétence qu'elle revendique dans la présente affaire, le ministre peut devoir renvoyer une personne au Canada si elle est expulsée après avoir déposé une requête en réouverture d'appel. Mais il ne s'agit pas d'une raison permettant de conclure que la section d'appel n'avait pas compétence pour entendre l'appel rouvert. Cela signifie simplement que le ministre devrait tenir compte de la compétence de la section d'appel quand il exerce le pouvoir discrétionnaire qu'il peut avoir relativement au moment de l'expulsion.

(3) La portée de l'article 75 de la Loi sur l'immigration

[33]      Dans Harrison, le juge Reed dit que l'article 75 de la Loi sur l'immigration est fondé sur le fait que la section d'appel a compétence pour entendre l'appel d'une mesure d'expulsion après son exécution, si l'appel a été déposé auparavant. Elle dit qu'il est insensé de nier la compétence de la section d'appel de décider d'une requête en réouverture dans des circonstances semblables. Encore une fois, je suis du même avis. L'article 75 prévoit :

         La section d'appel peut, sur demande écrite en ce sens, autoriser les personnes ayant quitté le Canada par suite d'une mesure de renvoi5 ou de renvoi conditionnel à y revenir pour l'audition de l'appel qu'elles ont interjeté contre la mesure et fixer les conditions de retour.

[34]      L'avocate du ministre allègue qu'habituellement une personne qui interjette appel d'une mesure d'expulsion bénéficie d'un sursis prévu par la loi. Par conséquent, il n'est jamais possible qu'une personne soit déportée quand un appel est pendant (à moins que l'expulsion ne soit une erreur). Elle en conclut que l'article 75 ne peut pas avoir été adopté en vue d'élargir la compétence de la section d'appel afin qu'elle survive à l'exécution de la mesure d'expulsion.

[35]      Je ne peux admettre cet argument. Le libellé de l'article 75 est clair. Il prévoit que la section d'appel a compétence pour ordonner le retour d'une personne qui a été expulsée, s'il y a un appel pendant devant la section d'appel. Il n'existe pas de raison impérieuse d'interpréter de manière restrictive le libellé de l'article 75 de façon à exclure de son champ d'application une personne dont l'expulsion n'est ni accidentelle ni erronée.

[36]      L'article 75 a une application potentiellement plus large que l'avocate du ministre le reconnaît. Par exemple, l'article 75 peut s'appliquer à une personne qui est expulsée à l'intérieur du délai d'appel de la mesure, et qui ne présente pas de demande donnant lieu à un sursis prévu par la loi pendant ce délai en vertu de l'alinéa 49(1)a). En outre, dans les situations auxquelles le paragraphe 49(1.1) s'applique, le paragraphe 49(1) ne prévoit pas de sursis même si un appel est en instance.

[37]      L'avocate du ministre allègue également qu'il n'est pas logique que la compétence de la section d'appel survive à l'exécution de la mesure d'expulsion, parce qu'une fois cette étape passée, il n'y a plus de mesure pouvant être annulée ou pouvant faire l'objet d'un sursis d'exécution. La réponse à cet argument se trouve à l'article 75. Cet article a été adopté en 1985, quatorze ans après l'arrêt Grillas de la Cour suprême du Canada. Il faut comprendre que l'intention du législateur, au courant de cette décision, était que la compétence de la section d'appel survive à l'exécution d'une mesure d'expulsion dans les cas auxquels l'article 75 s'applique. Par conséquent, du moins dans le cas d'un appel qui survient après une expulsion, il ne faut pas tenir compte de l'exécution. Il n'est pas exagéré de dire que c'est également vrai dans le cas d'un appel rouvert qui relève de la compétence de la section d'appel.

(4) Sens de " résident permanent "

[38]      Dans la présente affaire et dans Harrison, l'avocat du ministre se fondait sur le paragraphe 24(1) de la Loi sur l'immigration comme s'il s'agissait d'une disposition permettant de définir la compétence de la section d'appel. La compétence de la section d'appel dans un appel prévu par le paragraphe 70(1) peut être invoquée quand une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel est prise contre un résident permanent ou une personne légalement en possession d'un permis de retour valide pour résident permanent. Le paragraphe 24(1) prévoit :

24(1) A person ceases to be a permanent resident when

     (a) that person leaves or remains outside Canada with the intention of abandoning Canada as that person's place of permanent residence, or
     (b) a removal order has been made against that person and the order is not quashed or its execution is not stayed pursuant to subsection 73(1).

24.(1) Emportent déchéance du statut de résident permanent :

     a) le fait de quitter le Canada ou de demeurer à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada;
     b) toute mesure de renvoi n'ayant pas été annulée ou n'ayant pas fait l'objet d'un sursis d'exécution au titre du paragraphe 73(1).

[39]      L'avocate du ministre allègue qu'une personne contre laquelle une mesure d'expulsion a été prise cesse d'être résidente permanente à la survenance de l'un des deux événements possibles. Si aucun appel n'est déposé, l'événement est l'expiration du délai d'appel. Si un appel est déposé, l'événement est une décision de la section d'appel qui n'annule pas la mesure d'expulsion ni ne sursoit à son exécution. Dans un cas comme dans l'autre, l'appelant cesse d'être un résident permanent et ne peut plus se fonder sur la compétence de la section d'appel aux termes du paragraphe 70(1).

[40]      Dans Harrison, le juge Reed dit que le paragraphe 24(1) ne sert pas à définir la compétence de la section d'appel. Elle souligne que le paragraphe 24(1), interprété de façon littérale, ferait en sorte qu'une personne cesserait d'être résidente permanente quand une mesure de renvoi est prise, ce qui retirerait toute compétence à la section d'appel.

[41]      Je suis d'accord avec l'interprétation que le ministre fait du paragraphe 24(1), mais je n'admets pas que le paragraphe 24(1) traite d'une quelconque façon de la compétence de la section d'appel. L'objection principale à cet argument pour le ministre est qu'il ne tient pas compte de la compétence de la section d'appel qui se prolonge dans le temps pour rouvrir les appels, comme l'a établi l'arrêt Grillas.

Conclusion

[42]      Je partage l'avis du juge Reed dans l'arrêt Harrison et je conclus que la section d'appel avait compétence pour entendre l'appel rouvert de M. Toledo. Les motifs de ma décision peuvent se résumer de la façon suivante.

[43]      Il n'est pas contesté que la section d'appel possède une compétence qui se prolonge dans le temps en vue de rouvrir les appels de mesures d'expulsion (Grillas). Il n'est pas contesté non plus que jusqu'au renvoi de M. Toledo du Canada, il avait le droit de présenter une requête en réouverture de son appel. En conséquence, la section d'appel avait compétence pour examiner la requête le jour où celle-ci a été déposée.

[44]      Aucune disposition dans la Loi sur l'immigration ne prévoit que la compétence de la section d'appel pour entendre l'appel d'une mesure d'expulsion cesse d'exister à l'exécution de la mesure d'expulsion. Toutefois, il existe une disposition, l'article 75, qui laisse entendre le contraire. Cet article permet à la section d'appel d'annuler une mesure d'expulsion ou d'y surseoir après son exécution. Par conséquent, le premier appel d'une mesure d'expulsion peut être entendu après l'exécution de la mesure d'expulsion.

[45]      La question qui se pose alors est celle de savoir si la section d'appel a compétence pour entendre l'appel rouvert d'une mesure d'expulsion, si la requête en réouverture est présentée avant l'exécution de la mesure d'expulsion, mais n'est accueillie qu'après l'exécution de cette mesure. À ce sujet, la Loi sur l'immigration est silencieuse et la question qui se pose alors est donc de savoir si oui ou non l'existence de l'article 75 suppose nécessairement que la section d'appel possède cette compétence.

[46]      La section d'appel est un tribunal établi par une loi et, à ce titre, sa compétence se limite à ce que le législateur lui a expressément conféré et à ce qui est nécessairement implicite à partir de ce qui est expressément conféré. On peut dire que la compétence implicite est réputée exister quand conclure autrement aurait pour effet de rendre inutile le mandat du tribunal : Commission d'énergie électrique du Nouveau-Brunswick c. Maritime Electric Company Limited, [1985] 2 C.F. 13 (C.A.), autorisation d'appel refusée (1985), 64 N.R. 240n. C'est la situation à laquelle nous avons à faire face en l'espèce. Si la section d'appel n'a pas compétence pour entendre l'appel rouvert dans la présente affaire, alors sa compétence non contestée pour examiner une requête en réouverture valablement déposée n'a aucun effet pratique.

[47]      Par conséquent, il faut que la section d'appel ait compétence en l'espèce non seulement pour examiner la requête en réouverture, mais pour accueillir la requête et entendre l'appel rouvert, malgré l'exécution de la mesure d'expulsion.

[48]      Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Dépens

[49]      À l'audience, l'avocat de M. Toledo a présenté une demande d'adjudication des dépens ainsi que des arguments au soutien de sa demande. À mon avis, il n'existe pas de raisons spéciales dans la présente affaire justifiant l'adjudication de dépens.

Question certifiée

[50]      La question en litige en l'espèce n'a été soulevée que deux fois devant la Cour, mais elle a été soulevée à plusieurs reprises devant la section d'appel depuis 19856. Il semble que le ministre a constamment adopté le point de vue selon lequel la section d'appel n'a pas compétence dans des affaires semblables, alors que la section d'appel était constamment en désaccord.

[51]      L'avocate du ministre a soutenu qu'il est indiqué dans la présente affaire de présenter une question aux fins de la certification et je suis d'accord. La question est la suivante :

     La section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui a entendu et rejeté l'appel d'une mesure d'expulsion a-t-elle compétence pour rouvrir l'appel si la mesure d'expulsion est exécutée après le dépôt de la requête en réouverture, mais avant que la section d'appel n'ait accueilli la requête?




     " Karen R. Sharlow "

     Juge






Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

    

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-3415-98


INTITULÉ DE LA CAUSE :          Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration - et - La section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et Walter Gonzales Toledo

                                

LIEU DE L'AUDIENCE :          Winnipeg (Manitoba)


DATE DE L'AUDIENCE :          28 juin 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE SHARLOW


EN DATE DU :                  8 juillet 1999




ONT COMPARU :

Mme Sharlene Telles-Langdon              POUR LE DEMANDEUR


M. David Matas                          POUR LES DÉFENDEURS



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Morris Rosenberg                      POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada


M. David Matas                          POUR LES DÉFENDEURS

Winnipeg (Manitoba)

__________________

11      Harrison, Michael Christopher c. M.C.I. (V92-01424, 31 janvier 1997).

2 2      Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Harrison, [1998] 4 C.F. 557 (1re inst.).

3 3      En fait, l'" exécution " de la mesure d'expulsion a été un départ volontaire, mais cette nuance n'est pas pertinente relativement au principe en litige.

4 4      L'article ayant précédé l'article 70.

5 5      L'expression " mesure de renvoi " est définie de façon à inclure une mesure d'interdiction de séjour, d'exclusion ou d'expulsion (paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration ).

6 6      Abraham v. Minister of Employment and Immigration (I.A.B., T84-9702, 12 août 1985), Ramoutar v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (I.A.D., W90-00124-W, 5 mai 1993), Cruz v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1994] I.A.D.D. No. 339 (V93-01009, 4 octobre 1994), Scarlett v. Canada (Secretary of State), [1994] I.A.D.D. No. 417 (T92-04356, 15 juillet 1994), Howard v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1996] I.A.D.D. 262 (V93-02169, 10 janvier 1996); Warner v. Minister of Citizenship and Immigration (I.A.D., M95-04031, 6 octobre 1998).

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