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                                                                                       Date : 20010913

                                                                                       Dossier : T-4-00

                                                    Référence neutre : 2001 CFPI 1016

ENTRE :

CORPORATION OF THE MUNICIPALITY OF CHATHAM-KENT

                                                                                          demanderesse

                                                    - et -

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES et DU NORD CANADIEN,

LE MINISTÈRE DES AFFAIRES INDIENNES et DU NORD CANADIEN

                et LA PREMIÈRE NATION DE CALDWELL

                                                                                          défenderesses

                                                         

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

A.        INTRODUCTION


[1]    La Corporation of the Municipality of Chatham-Kent (Chatham-Kent) interjette appel de la décision par laquelle le protonotaire Roger Lafrenière, (le protonotaire) a rejeté, le 22 juin 2001, sa demande visant à obtenir une ordonnance obligeant la Couronne fédérale à produire ses avis juridiques concernant la revendication territoriale présentée au gouvernement du Canada (le Canada) par la Première nation de Caldwell relativement à la pointe Pelée et à l'île Pelée au sud-ouest de l'Ontario. La demande de production des avis juridiques a été formulée pendant le contre-interrogatoire de deux déposants du Canada dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire déposée par Chatham-Kent en vue de faire annuler un règlement conclu entre le Canada et la Première nation de Caldwell relativement à cette revendication.

B.        LE CONTEXTE

[2]    La Première nation de Caldwell a présenté au Canada, en décembre 1987, une revendication qui a été accueillie par le Canada en vertu de sa Politique sur les revendications territoriales particulières, qui est un mécanisme de règlement des différends conçu pour faciliter les règlements négociés plutôt que le recours aux tribunaux. Caldwell avait déposé une revendication territoriale antérieure, en 1973, que le Canada avait rejetée.

[3]    La Première nation de Caldwell a fait valoir que ses ancêtres étaient les habitants, occupants et propriétaires originaux de la pointe Pelée et de l'île Pelée; qu'elle n'a jamais cédé la pointe Pelée et qu'un bail d'une durée de plusieurs années conclu relativement à la pointe Pelée est invalide.


[4]                 Des négociations ne sont possibles par application de la Politique du Canada sur les revendications territoriales particulières, que si le Canada détermine qu'il a une obligation juridique envers la Première nation.

[5]                 Selon la Politique du Canada sur les revendications territoriales particulières, une obligation juridique peut exister dans chacune des situations suivantes :

•           non-exécution d'un traité ou d'une autre entente entre les premières nations et la Couronne;

•           manquement à une obligation prévue par la Loi sur les Indiens ou une autre loi concernant les premières nations, y compris les obligations découlant de l'administration par le Canada des actifs des Indiens;

•           défaut de fournir une indemnisation pour les terres de réserve prises;

•           cession illégale des terres des Indiens.

[6]                 Une recherche historique a été réalisée sur la revendication de la Première nation de Caldwell et, comme je l'ai déjà mentionné, avant que le Canada accepte de négocier relativement à la revendication, il faut trancher la question de savoir si le Canada a une obligation juridique envers la Première nation.


[7]                 Le paragraphe 22 de l'affidavit signé par Alison Mortimer au nom de la Couronne à cet égard sous la rubrique [Traduction] « Acceptation ou rejet aux fins de la négociation » se lit comme suit :

[Traduction] 22.     Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien transmet la demande de revendication territoriale et le rapport historique au ministère de la Justice pour obtenir un avis juridique sur la question de savoir si la Couronne du chef du Canada a une obligation juridique, à des fins de négociation, concernant la revendication. Le ministère de la justice entreprend une analyse juridique détaillée à partir de laquelle il prépare un avis préliminaire qui fait état de la nature et de la portée des obligations juridiques de la Couronne, de la valeur de la revendication et des principes d'indemnisation applicables. Les fonctionnaires de la Direction générale des revendications particulières du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien rencontrent alors l'auteur de la revendication pour discuter de la position préliminaire du gouvernement. Les avis juridiques obtenus par le ministère ne sont pas divulgués mais sa position aux fins de la négociation quant à l'existence d'une obligation juridique envers la Première nation est dévoilée, ainsi que les faits et la preuve sur lesquels se fonde l'avis juridique du ministère de la Justice. Si la position préliminaire aux fins de la négociation adoptée par le gouvernement du Canada au nom de la Couronne du chef du Canada consiste à rejeter la revendication, la Première nation auteur de la revendication peut présenter de nouveaux éléments de preuve ou des arguments juridiques à l'appui de sa revendication territoriale. [Non souligné dans l'original.]

[8]                 En août 1995, le ministère de la Justice (Justice Canada) a fourni au ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien (AINC) un avis juridique préliminaire concernant la revendication territoriale. Cet avis juridique, dont une copie a été remise à la Cour dans une enveloppe scellée, porte la mention « protégé/secret professionnel de l'avocat » . AINC a décidé que la revendication territoriale de la Première nation de Caldwell devait être dûment étudiée conformément à la Politique du Canada sur les revendications territoriales particulières plutôt que conformément à sa Politique des revendications territoriales globales.


[9]                 Le chef Larry Johnson de la Première nation de Caldwell en a été informé dans une lettre « sous toute réserve » que le sous-ministre adjoint d'AINC, John Sinclair, lui a envoyée, le 27 mai 1996, et dans laquelle il dit :

[Traduction] . . . Le Canada reconnaît que la bande a établi que le Canada a une obligation juridique existante, au sens de la Politique du Canada sur les revendications territoriales particulières, de fournir une indemnisation en remplacement des terres mises de côté et des biens accordés au moment du traité de 1790.

                                                        . . .

La reconnaissance de la revendication territoriale aux fins des négociations ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité de la part du Canada et, dans le cas où aucun règlement ne serait conclu et une procédure judiciaire serait engagée, le gouvernement se réserve le droit de plaider tous les moyens de défense dont il peut se prévaloir. Il pourra notamment invoquer la prescription, l'inertie et l'inadmissibilité de la preuve. [Non souligné dans l'original.]

[10]            Justice Canada a fourni à AINC, le 9 juillet 1998, un avis juridique supplémentaire qui tenait compte des décisions récentes de la Cour suprême du Canada en matière de droit des Autochtones.

[11]            Les négociations entre le Canada et la Première nation de Caldwell se sont avérées fructueuses. En octobre 1998, un accord de principe a été conclu. Essentiellement, le Canada acceptait de verser à la Première nation de Caldwell une indemnité pécuniaire de 23 400 000 $, dont la plus grande partie doit être utilisée pour acquérir des terres qui seront mises de côté pour créer une réserve.


[12]            La nouvelle de l'accord de principe a été rendue publique et confirmée par un communiqué de presse en décembre 1998. La Première nation de Caldwell avait auparavant présenté une demande à Chatham-Kent afin que 68,8 acres qu'elle avait achetés de sa propre initiative et dont elle était propriétaire en fief simple, soient déclarés constituer une réserve.

[13]            À la suite de l'accord de principe, une série de consultations, rencontres et communications ont eu lieu, au cours desquelles l'existence et les raisons de l'existence d'une obligation juridique envers la Première nation de Caldwell ont été abondamment révélées : des séances publiques ont été tenues, à l'occasion desquelles certains renseignements ont été communiqués par le député de la région; le ministre d'AINC a rencontré Chatham-Kent; de nouveaux documents historiques ont été fournis le 12 mars 1999, un ensemble de documents intitulé « Caldwell Technical Briefing » a été remis lors d'une conférence de presse et des explications ont été données dans des lettres aux rédacteurs en chef de journaux régionaux et locaux.

[14]            Chatham-Kent a retenu les services d'un conseiller juridique auquel des documents additionnels ont été remis pour examen en juin 1999.

[15]            Le 5 janvier 2000, Chatham-Kent a engagé une procédure judiciaire devant notre Cour en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Elle a désigné la Couronne, AINC et la Première nation de Caldwell comme parties défenderesses. Dans sa demande, Chatham-Kent sollicite les réparations suivantes :

[Traduction]

(a)            un jugement déclaratoire portant que [les fonctionnaires fédéraux], en accueillant la revendication territoriale de la Première nation de Caldwell, défenderesse, ... ont outrepassé leur compétence, n'ont pas respecté la procédure qu'ils étaient légalement tenus de respecter pour rendre leur décision et/ou ont fondé leur décision sur des conclusions de fait ou de droit erronées, sans tenir compte de la preuve dont ils disposaient;

(b)           un jugement déclaratoire portant que la décision rendue le 23 décembre 1999 d'accueillir la revendication territoriale de la Première nation de Caldwell et de signer un Accord de règlement et de fiducie est nulle;

(c)            une ordonnance de certiorari annulant la décision ainsi que l'Accord de règlement et de fiducie;

(d)           une ordonnance de mandamus obligeant ... [le gouvernement canadien] à obtenir du ministère de la Justice un avis sur l'existence d'une obligation juridique envers la Première nation de Caldwell relativement au traité McKee de 1790.

C. LA DÉCISION DU PROTONOTAIRE

[16]            Voici les parties pertinentes des motifs du protonotaire :

[Traduction] Je conclus, après avoir lu les affidavits, et en particulier les paragraphes 22, 23, 34, 35 et 36 de l'affidavit de Mme Mortimer, que le critère en trois volets relatif à l'existence d'un privilège est rempli et que le secret professionnel de l'avocat protège les avis juridiques en cause. Il est clair qu'il s'agit d'une communication entre un avocat agissant en cette qualité et la Couronne, préparée dans le but de donner un avis juridique et faite à titre confidentiel. De fait, sa confidentialité a été préservée de façon constante.

De plus, la preuve déposée devant moi ne m'a pas convaincu que les défendeurs ont renoncé à ce privilège. Je souscris entièrement au raisonnement exprimé par le juge Dubé dans l'affaire Begetikong Anishnabe c. Canada (1997), 138 F.T.R. 109, à la p. 113, qui portait sur des faits et des arguments étonnamment similaires :


Dans l'ensemble, je conviens avec l'avocat du ministre que celui-ci n'a jamais renoncé à son droit au secret, que ce soit expressément ou tacitement. Le simple fait pour lui de faire état de la consultation juridique sur laquelle il se fondait ne vaut pas renonciation. Dans cette lettre, il faisait savoir qu'il avait reçu une consultation juridique du ministère de la Justice, à la lumière de laquelle il concluait que rien ne justifiait, sur le plan juridique, l'acceptation de la revendication de la bande. Il s'acquittait ainsi des obligations qu'il tenait de la disposition supra de la Politique sur l'acceptation de la revendication.

D. LA NORME DE CONTRÔLE

[17]            L'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 de la Cour d'appel fédérale établit la norme de contrôle applicable en l'espèce. Le juge MacGuigan a écrit, à la page 463 :

... le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a)             l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b)             l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.


[18]            Le juge MacGuigan souligne que ce passage est tiré des motifs de lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) et conclut que, par la formulation « vital to the final issue of the case » , lord Wright a voulu dire « influence déterminante sur l'issue du principal » et non « influence déterminante sur le litige principal selon le mérite de la cause » .

E. ANALYSE

[19]            L'avocat de Chatham-Kent a soutenu que le protonotaire Lafrenière a commis une erreur en n'ordonnant pas au Canada de produire les avis juridiques parce que : (1) l'obligation juridique du Canada envers la Première nation de Caldwell, maintes fois mentionnée publiquement pour justifier l'accord de principe, démontre que le Canada n'avait pas l'intention d'invoquer et n'a jamais invoqué le secret professionnel de l'avocat avant le dépôt de la demande de contrôle judiciaire de Chatham-Kent; (2) subsidiairement, les avis juridiques ont été divulgués par le Canada ou ont été mis en cause par la Couronne, ce qui emporte renonciation ou, à tout le moins, l'équité en commande la divulgation par application de L'affaire intéressant la Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada et la Commission d'enquête sur les criminels de guerre, 28 D.L.R. (4th) 264.

[20]            L'avocat de Chatham-Kent a affirmé que je devais exercer mon pouvoir discrétionnaire de novo parce que la production des avis juridiques avait une influence déterminante sur l'issue de la demande de contrôle judiciaire et en constituait de fait le fondement.


[21]            Il ressortira de la suite des présents motifs que la norme de contrôle utilisée n'a aucune importance, parce que le résultat de la demande est identique quelle que soit la norme appliquée, c'est-à-dire que l'appel doit être rejeté. Plus précisément, l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire de novo mène au rejet de l'appel pour les motifs exprimés par le protonotaire Lafrenière.

[22]            Le protonotaire Lafrenière s'est appuyé fortement sur la décision rendue par le juge Dubé dans l'affaire Begetikong Anishnabe c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) (1997), 138 F.T.R. 109, confirmée par la Cour d'appel fédérale dans (1998) 234 N.R. 24.

[23]            À mon avis, c'est à bon droit que le protonotaire Lafrenière s'est appuyé sur la décision Begetikong, précitée, parce que les questions juridiques et la situation factuelle sur lesquelles elle porte sont très semblables à celles soumises au protonotaire et à notre Cour.


[24]            Dans l'affaire Begetikong, précitée, le juge Dubé a tranché deux questions, soit celle de savoir si l'avis juridique préparé par le ministère de la Justice quant à l'opportunité d'accepter une revendication territoriale présentée en vertu de la Politique des revendications territoriales globales n'était pas protégée par un privilège parce que sa communication n'a pas été faite à titre confidentiel.

[25]            Au paragraphe 5 de ses motifs, le juge Dubé a affirmé qu'il était bien établi que trois critères doivent être remplis pour établir l'existence d'un privilège :

En premier lieu, il doit s'agir d'une communication entre un avocat qualifié dans l'exercice de sa profession et son client; en deuxième lieu, la communication doit être vraiment une consultation juridique; enfin, elle doit avoir été faite à titre confidentiel..

[26]            Il a rejeté, dans les termes suivants, au paragraphe 6, la prétention de l'appelante selon laquelle aucun privilège du secret professionnel de l'avocat n'avait été créé par écrit :

[6]      La bande soutient que le ministre ne satisfaisait pas à la troisième condition : il n'y a aucun témoignage par affidavit qu'il entendait garder ce document confidentiel. En fait, celui-ci n'a pas déposé un affidavit à cet effet, mais pareil affidavit n'est pas indispensable. Le document en question porte le cachet « Protégé/Communications avocat-client » et tout au long de l'instance, le ministre a tenu pour la protection de son caractère confidentiel. Le document a été déposé auprès de la Cour sous pli cacheté en vue de la protection de sa confidentialité conformément à l'ordonnance qu'elle avait rendue le 25 juillet 1997 à cet effet. Rien n'indique que le ministre ait eu, à un moment quelconque, l'intention de divulguer ce document confidentiel.

[27]            Les faits qui m'ont été soumis sont identiques à ceux dont le juge Dubé était saisi, mais je dispose en plus d'une preuve par affidavit établissant que le ministère a pour politique de ne pas divulguer pareils avis (voir, notamment, le paragraphe 22 de l'affidavit signé par Alison Mortimer).


[28]            L'avocat de Chatham-Kent n'a pas contesté le fait que le premier et le deuxième élément du critère en trois volets applicable pour déterminer s'il existe un privilège avaient été remplis. Quoi qu'il en soit, je conclus qu'il y a été satisfait.

[29]            Quant à la renonciation, la Bande, dans l'affaire Begetikong, précitée, avait plaidé que le ministre avait renoncé expressément au privilège en envoyant une lettre à la Bande, dans laquelle il divulguait volontairement le contenu de la communication entre avocat et client, mettant ainsi en cause l'avis juridique qu'il avait obtenu. Dans l'affaire Begetikong, précitée, la Bande a aussi fait valoir qu'il y avait eu renonciation implicite car le ministre ne pouvait être autorisé, après avoir divulgué autant de renseignements dans sa lettre, à tenir secret le reste de l'avis juridique, par application du principe selon lequel un plaideur qui s'appuie sur un avis juridique comme élément de sa demande ou de sa défense ne peut plus bénéficier du privilège qui protégerait autrement cet avis.

[30]            Le juge Dubé a rejeté cet argument dans l'extrait suivant de ses motifs :

[12]          En l'espèce, j'ai pris connaissance de la consultation juridique reçue par le ministre et ne peux conclure qu'il a gardé par devers lui les renseignements confidentiels qu'il considérait comme dommageables, ou qu'il ne retenait que l'une des multiples recommandations reçues. La consultation en question comprend l'examen sous l'angle juridique des revendications globales faites par la bande, un sommaire de ces revendications, les arguments de la bande, une analyse juridique, et la conclusion que rien ne justifie, sur le plan juridique, l'acceptation de la revendication..


[13]          Dans l'ensemble, je conviens avec l'avocat du ministre que celui-ci n'a jamais renoncé à son droit au secret, que ce soit expressément ou tacitement. Le simple fait pour lui de faire état de la consultation juridique sur laquelle il se fondait ne vaut pas renonciation. Dans cette lettre, il faisait savoir qu'il avait reçu une consultation juridique du ministère de la Justice, à la lumière de laquelle il concluait que rien ne justifiait, sur le plan juridique, l'acceptation de la revendication de la bande. Il s'acquittait ainsi des obligations qu'il tenait de la disposition supra de la Politique sur l'acceptation de la revendication..

[31]            Tout comme le juge Dubé, dans l'affaire Begetikong, précitée, j'ai examiné les avis juridiques scellés en l'espèce et je suis parvenu à la même conclusion que lui dans l'affaire Begetikong, précitée, soit qu'il n'y avait pas eu renonciation expresse ou implicite de la part du Canada.

[32]            L'avis juridique de 1995 constituait une évaluation préliminaire de la preuve recueillie par le Canada auprès de nombreuses sources historiques différentes entourant particulièrement la conclusion du traité McKee de 1790, une identification des principes juridiques applicables, une appréciation des faits en regard de ces principes juridiques, un examen comparatif des forces et des faiblesses de la revendication territoriale et une recommandation quant à la position à adopter dans les négociations, y compris ce qui doit être obtenu de la Première nation de Caldwell à l'issue de négociations fructueuses.

[33]            Bref, le premier avis constitue un document rédigé avec doigté et pondéré dont le but est de fournir à la Couronne un avis sur l'opportunité qu'elle entame des négociations en vue d'un règlement avec la Première nation Caldwell, une évaluation des forces et des faiblesses du dossier des deux parties et un énoncé de ce qui devrait être obtenu au cours des négociations afin d'arriver à un règlement.


[34]            Comme je l'ai mentionné, l'avocat de Chatham-Kent a relevé plusieurs communications qu'il qualifie de divulgation du premier avis juridique.

[35]            Je ne puis être d'accord avec l'avocat de Chatham-Kent. Tout au plus, ce qui a été divulgué publiquement est la conclusion que, selon Justice Canada, le Canada avait une obligation juridique envers la Première nation Caldwell, aux fins des négociations, l'origine de cette obligation et l'opportunité de négocier un règlement dans les circonstances.

[36]            Dans ce contexte, le Canada a toujours eu l'intention de préserver la confidentialité de sa stratégie de négociation qui était au coeur de l'avis juridique de 1995, et qui n'a pas été communiquée publiquement.

[37]            L'avis juridique du 9 juillet 1998 est beaucoup plus court et évalue les indications données comme guide par la Cour suprême du Canada sur plusieurs questions, dont des questions de preuve.

[38]            L'avis juridique de juillet 1998 évalue ensuite la preuve. Le Canada n'a jamais divulgué les résultats de cette évaluation détaillée.


[39]            Enfin, je ne pense pas que, comme le laisse entendre l'avocat de Chatham-Kent, le Canada ait mis en cause ces avis juridiques, ce qui aurait emporté sa renonciation. Comme je l'ai mentionné, le Canada a simplement révélé qu'il avait reçu un avis de Justice Canada selon lequel le Canada avait une obligation juridique envers la Première nation de Caldwell aux fins des négociations. De plus, le contexte de L'affaire intéressant la Ligue des droits de la personne, précitée, est totalement différent. Le contexte de l'affaire dont je suis saisi ne commande pas que l'équité l'emporte sur le respect du privilège.

F. DISPOSITIF

[40]            Pour tous ces motifs, l'appel de la décision rendue par le protonotaire Lafrenière le 22 juin 2001 est rejeté avec dépens sans égard à l'issue de l'instance

                                                                                  « François Lemieux »

                                                                                                                                                                 

                                                                                                       J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

LE 13 SEPTEMBRE 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                      T-4-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :    THE CORPORATION OF THE MUNICIPALITY OF CHATHAM-KENT c. LA REINE ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 23 JUILLET 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :              LE 13 SEPTEMBRE 2001       

ONT COMPARU :

Me ALAN POPE                                                              POUR LA DEMANDERESSE

Me JONATHAN BATTY                                                POUR LA DÉFENDERESSE

Me JENNIFER AUGUST

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me ALAN POPE                                                             POUR LA DEMANDERESSE

AVOCAT

TIMMINS (ONTARIO)

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA       POUR LA DÉFENDERESSE

BUREAU RÉGIONAL DE L'ONTARIO

TORONTO (ONTARIO)

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