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Date : 20190329


Dossier : T‑1231‑17

Référence : 2019 CF 385

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2019

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

SPIN MASTER LTD.

demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

et

MATTEL CANADA INC.

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La présente requête s’inscrit dans le contexte d’une action en contrefaçon de brevet, dont l’instruction doit commencer le 1er avril 2019.

[2]  Dans le cadre de l’action sous‑jacente, la demanderesse, Spin Master Ltd. (la « demanderesse » ou « Spin Master ») prétend qu’il y a eu contrefaçon des revendications 8 à 11 du brevet canadien no 2547539 par la défenderesse, Mattel Canada Inc. (la « défenderesse » ou « Mattel »).

[3]  S’il est établi qu’il y a eu contrefaçon, Spin Master demande un état comptable des profits réalisés par Mattel.

[4]  Dans le cadre de la présente requête, Mattel sollicite une ordonnance interdisant à Spin Master de déposer en preuve certaines parties du rapport d’expert, daté du 28 février 2019, produit en réplique par son expert en comptabilité, Andrew Harington (« la réplique de M. Harington »).

[5]  Le 30 novembre 2018, M. Harington a produit un rapport d’expert principal portant sur les profits réalisés par Mattel. Toutefois, selon Mattel, ce rapport de M. Harington ne traitait pas des questions relatives aux déductions à l’égard de certains coûts.

[6]  La réplique de M. Harington vise à répondre à trois questions : (1) les escomptes; (2) les échantillons; (3) les coûts de marketing.

[7]  Les questions soulevées dans la réplique de M. Harington constituent le fondement des objections de Mattel, qui soutient que ces questions auraient pu et auraient dû être traitées dans le rapport principal de l’expert. Plus précisément, Mattel s’oppose aux parties de la réplique de M. Harington qui concernent les échantillons et les coûts de marketing.

[8]  Mattel prétend que Spin Master possédait tous les renseignements nécessaires pour aborder ces questions au moment où M. Harington a préparé son rapport principal.

[9]  Mattel fait valoir que Spin Master a scindé sa preuve et a, par le fait même, obtenu un avantage tactique.

La question en litige

[10]  La seule question en litige consiste à déterminer si Spin Master peut déposer et invoquer la réplique de M. Harrington, datée du 28 février 2019.

Analyse

[11]  À l’appui de sa requête, Mattel invoque la décision Teledyne Industries Inc c Lido Industrial Products Ltd (1982), 68 CPR (2d) 204 (CF) [Teledyne], pour soutenir la proposition voulant que, dans une action courante en contrefaçon, le demandeur qui réclame un état comptable des profits doive présenter une preuve du calcul des profits pour s’acquitter de sa charge ultime. Mattel fait valoir que les profits comprennent une déduction des coûts et que, puisque M. Harington ne traite pas de cette question dans son rapport principal, il ne peut le faire dans son rapport en réplique.

[12]  Selon mon interprétation de la décision Teledyne, cette dernière n’étaye pas la proposition sur laquelle se fonde Mattel en l’invoquant. Cette décision ne contient aucun énoncé définitif selon lequel le demandeur qui réclame un état comptable des profits doit produire une preuve au sujet des coûts engagés par le défendeur. En outre, dans les paragraphes de la décision Teledyne invoqués par Mattel, le terme utilisé est [traduction« revenu », et non « profit ». La distinction qui existe entre ces termes et la question de savoir si quelque chose en résulte sont deux points qui devront en grande partie être abordés par les experts en comptabilité.

[13]  Mattel s’appuie également sur l’arrêt R c Krause, [1982] 2 RCS 466, dans lequel il est énoncé, au paragraphe 15, que les parties ont le droit de connaître la preuve à réfuter afin d’empêcher qu’elle soit scindée. Mattel fait valoir que, si la demanderesse est autorisée à se fonder sur la réplique de M. Harington, la défenderesse sera alors privée de son droit de connaître l’ensemble de la preuve à réfuter, au moment de produire son rapport d’expert en réponse, et la demanderesse sera effectivement autorisée à aborder dans sa réplique une question qu’elle aurait dû soulever dans son rapport principal.

[14]  En l’espèce, la « preuve » contestée porte sur les coûts engagés par Mattel et la façon dont ces coûts sont traités par les experts. Dans les circonstances, comme ce sont les propres éléments de preuve de Mattel qui sont analysés, je ne vois pas en quoi cela constituerait une scission de la preuve ni comment cela pourrait porter préjudice à la défenderesse puisque, vraisemblablement, cette dernière était au fait de ses propres coûts. Il ne s’agit pas là d’une situation où le demandeur se fonde sur des renseignements que le défendeur n’avait pas déjà en sa possession.

[15]  La réplique de M. Harington semble être davantage une critique des hypothèses formulées par l’expert de la défenderesse. Cela n’a rien d’inhabituel, et je ne crois pas que ce puisse être assimilé à une scission de la preuve. Je dis cela d’autant plus que la preuve factuelle sur laquelle reposent ces hypothèses provient de la propre preuve de Mattel, et non de celle de Spin Master.

[16]  De toute évidence, la preuve présentée par M. Harington sous forme d’opinion peut être contestée par l’expert de Mattel et remise en cause au moyen d’un contre‑interrogatoire. La pertinence du rapport en réplique de M. Harington sera appréciée et soupesée en tenant compte de la preuve dans son ensemble. Je ne vois aucune raison d’exclure le rapport.

[17]  La requête est donc rejetée.




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