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T-1841-88


OTTAWA, LE JEUDI 22 MAI 1997.


EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :


SASKATCHEWAN GOVERNMENT INSURANCE,


demanderesse,

et


SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,


défenderesse.


J U G E M E N T

     VU l"audition de la présente action par notre Cour à Toronto (Ontario), le 12 mars 1997, vu les documents déposés, vu la preuve produite et vu les observations des avocats de toutes les parties, la Cour a effectivement ordonné que le prononcé du jugement de la présente affaire soit remis à plus tard, et vu que le jugement de cette dernière doit être rendu aujourd"hui conformément aux motifs du jugement ci-joint déposés,

     LA COUR ORDONNE que la réclamation de la demanderesse soit rejetée.


" James A. Jerome "

                                     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme                  __________________________

                                     Bernard Olivier, LL.B.


T-1841-88

ENTRE :


SASKATCHEWAN GOVERNMENT INSURANCE,


demanderesse,

et


SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,


défenderesse.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

     L"audition de la présente action a eu lieu devant moi à Toronto (Ontario), le 12 mars 1997. La question en litige est de savoir si la demanderesse a droit à un remboursement de la taxe d"accise de la part de la défenderesse, aux termes de l"article 44.19 de la Loi sur la taxe d"accise, S.R.C. (1970), ch. E-13, modifié par L.C. 1986, ch. 9, art. 34 (la LAA) (maintenant L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 68.19, modifié par L.R.C. (1985), ch.7 (2e Suppl.), art. 34, entré en vigueur le 12 décembre 1988 TR/88-239). À la fin des plaidoiries, j"ai sursis au prononcé du jugement et indiqué que les présents motifs écrits suivraient.

     La demanderesse, Saskatchewan Government Insurance (la SGI), a demandé un remboursement de la taxe d"accise, pour l"année d"imposition 1986, suite à l"achat de plaques d"immatriculation de véhicules automobiles. Le 20 novembre 1987, dans un avis de détermination, le ministre du Revenu national a rejeté la demande de la SGI. Le 16 février 1988, la SGI a déposé un avis d"opposition. Enfin, le 30 juin 1988, dans un avis de décision, le ministre a confirmé sa détermination originale. La demanderesse a intenté la présente action en déposant une déclaration dans laquelle elle interjetait appel de la décision que le ministre avait prise le 28 septembre 1988.

CONTEXTE

     Aux termes de la Vehicle Administration Act S.S. 1986, ch. V-2.1 (la VAA) et de la Saskatchewan Government Insurance Act, 1980 S.S. 1979-80, ch. S-19.1 (la SGIA), la SGI est l"entité administrative chargée d"immatriculer les véhicules automobiles et de gérer le régime d"assurance-automobile obligatoire de la province. Aux termes de la Automobile Accident Insurance Act R.S.S. 1978, ch. A-35 (la AIAA), la SGI assure également la gestion du Saskatchewan Auto Fund.

     Au cours de l"année d"imposition 1986, soit du 1er janvier au 31 décembre 1986, la SGI a acheté des plaques d"immatriculation du fabricant Signal. La SGI a fait son paiement par chèque tiré du Saskatchewan Auto Fund. Le prix d"achat des plaques comprenait la taxe de vente fédérale. La SGI a distribué les plaques d"immatriculation parmi ses succursales partout en Saskatchewan et elle les a ensuite délivrées au public, conformément à l"article 29 de la VAA, moyennant des frais d"immatriculation et d"assurance. Les sommes perçues ont été déposées au Saskatchewan Auto Fund. Toutes les sommes perçues, à l"exception des frais liés aux plaques matricules personnalisées et de radio amateur, ont été versées au fonds consolidé de la Saskatchewan, aux termes du paragraphe 89(1) de la VAA.

ANALYSE

     La principale question litigieuse soulevée par la présente affaire porte sur l"alinéa 44.19(1)b ) de la LAA. La thèse de la demanderesse se fonde sur l"argument principal que cette dernière n"a pas [TRADUCTION] " utilisé " les plaques d"immatriculation dans un tel contexte. La demanderesse donne une définition étroite du mot " utilisation " et étaye sa prétention d"une jurisprudence variée. Elle prétend que ce sont les propriétaires de véhicules immatriculés et non la SGI qui [TRADUCTION] " utilisent " les plaques d"immatriculation. Vu que la SGI n" [TRADUCTION] " utilise " pas les plaques d"immatriculation, elle n"est pas visée par l"alinéa 44.19(1)b ) et, par conséquent, a droit au remboursement complet de la taxe de vente fédérale. Toutefois, les parties conviennent que la SGI était une entité décrite à l"alinéa 44.19(1)b ).

     Voici le libellé de l"article 44.19 de la Loi sur la taxe d"accise, 1970, précitée :     

             44.19 (1) Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III, IV, ou VI à l"égard de marchandises et que Sa Majesté du chef d"une province a acheté ou importé les marchandises à une fin autre que :             
                  a)      la revente;             
                  b)      l"utilisation par un conseil, une commission, un chemin de fer, un service public, une université, une usine, une compagnie ou un organisme que le gouvernement de la province possède, contrôle ou exploite, ou sous l"autorité de la législature ou du lieutenant-gouverneur en conseil de la province;             
                  c)      l"utilisation par Sa Majesté de ce chef, ou par ses mandataires ou préposés, relativement à la fabrication ou la production de marchandises, ou pour d"autres fins commerciales ou mercantiles,             
             une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée soit à Sa Majesté de ce chef soit à l"importateur, au cessionnaire, au fabricant, au producteur, au marchand en gros, à l"intermédiaire ou à un autre commerçant, selon le cas, si Sa Majesté ou le commerçant en fait la demande dans les deux ans suivant l"achat ou l"importation des marchandises par Sa Majesté.             

     La défenderesse prétend qu"il faut donner une interprétation large au mot " utilisation ". Selon une telle interprétation, la SGI aurait utilisé les plaques d"immatriculation pour gérer le système d"immatriculation des véhicules automobiles prévu à la VAA. J"accepte une telle interprétation et j"estime que toute utilisation de la part de la SGI constitue une utilisation au sens de la Loi. Je n"accepte ni la prétention de la demanderesse selon laquelle l"" utilisation " doit être de nature particulière et non accessoire, ni le raisonnement selon lequel il doit nécessairement y avoir une seule utilisation particulière et des utilisations accessoires. Malgré la prétention de la demanderesse selon laquelle elle sert uniquement de lien entre la Reine du chef de la Saskatchewan et les propriétaires de véhicules automobiles qui utilisent les plaques d"immatriculation, j"estime qu"elle utilise, de façon générale, les plaques dans le cadre des procédures administratives applicables à l"immatriculation et l"assurance des propriétaires de véhicules. Or, cette utilisation générale, qu"elle soit particulière ou accessoire, suffit pour soumettre la SGI à l"alinéa 44.19(1)b ) de la LAA et, par conséquent, l"empêcher d"obtenir un remboursement de la taxe de vente fédérale.

     J"examinerai les questions suivantes, bien que je ne sois pas tenu à le faire, en cas où je me serais trompé en ce qui concerne cette interprétation large du mot " utilisation ".

     La défenderesse soutient que si l"on n"applique pas une telle interprétation, il se peut que l"utilisation particulière revête un caractère double. En outre, la demanderesse a fait usage de l""immatriculation des véhicules dans le cadre de sa gestion du régime d"assurance-automobile obligatoire de la province prévu à la SGIA et l"AIAA.

     La demanderesse n"a présenté aucune preuve ni jurisprudence établissant que des biens ne pouvaient avoir plus d"une utilisation particulière. Elle a tenté d"établir une distinction avec la décision du juge Strayer dans British Columbia Telephone Company c. La Reine (1992) 1 G.T.C. 6039 (C.F. 1re inst.), en affirmant qu"il s"agissait là d"un cas d"espèce. À mon avis, l"espèce et cette affaire sont très similaires. Dans les deux cas, les biens visés ont potentiellement des utilisations doubles (il s"agit d"annuaires téléphoniques, d"une part et de plaques d"immatriculation, d"autre part), et les deux affaires portent sur la signification du mot " utilisation " dans le contexte de la Loi sur la taxe d"accise. Dans cette affaire, le juge Strayer a dit :

     On ne saurait nier, selon moi, que les abonnés font également "usage" des annuaires. En effet, ils y cherchent le numéro de téléphone des personnes physiques ou morales qu"ils désirent joindre. Ils peuvent même faire "usage" des annuaires de manières que l"entreprise de services téléphoniques n"avait pas prévues. Toutefois, il ne s"ensuit pas que la demanderesse ne fait pas "usage" des annuaires au sens de la Loi sur la taxe d"accise.         

     [...]

     La disposition législative applicable en l"espèce prévoit que le producteur "affecte [les marchandises] à son usage". Je ne vois donc rien qui puisse empêcher que cette expression englobe le fait, pour la demanderesse, de fournir des annuaires à ses abonnés, en partie au bénéfice de ceux-ci et en partie à son propre bénéfice [...]         

Je conclus donc que les plaques d"immatriculation sont susceptibles d"avoir plus d"une utilisation particulière.

     La demanderesse a soutenu, relativement à son rôle qui consiste à délivrer des plaques d"immatriculation aux conducteurs de la Saskatchewan, que [TRADUCTION] " l"on ne gère pas un système pour le simple plaisir de la chose", et elle a conclu, suite à ce raisonnement, qu"elle n"utilisait pas les plaques d"immatriculation. Cependant, la SGI est également chargée de la gestion du régime d"assurance-automobile de la Saskatchewan. Or, le propriétaire d"un véhicule automobile ne peut immatriculer son véhicule et obtenir une plaque d"immatriculation sans souscrire à cette assurance-automobile obligatoire. En Saskatchewan, la délivrance de plaques d"immatriculation et la couverture offerte par le régime d"assurance prévu par la loi sont inextricablement liées. On ne peut avoir l"une sans l"autre. En sa qualité d"assureur, la SGI peut recommander, entre autres, à l"administrateur, également la SGI, d"annuler l"immatriculation d"un véhicule. La SGI est donc une entité administrative qui remplit deux fonctions différentes, mais qui se fonde sur chacune de ces fonctions pour remplir l"autre. C"est ainsi que la SGI utilise les plaques d"immatriculation qu"elle a achetées et délivrées pour identifier les propriétaires de véhicules automobiles qui sont valablement détenteurs d"un permis et assurés. Cela constitue une utilisation au sens de l"alinéa 44.19(1)b ).

     Par ces motifs, la demanderesse n"a pas droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale pour l"année d"imposition 1986.

O T T A W A

Le 22 mai 1997.                      " James A. Jerome "                                  Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme                  __________________________

                                     Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

    

No DU GREFFE :          T-1841-88
INTITULÉ DE LA CAUSE :      SASKATCHEWAN GOVERNMENT INSURANCE
                     - c. -
                     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
LIEU DE L"AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :      LE 12 MARS 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE EN CHEF ADJOINT

EN DATE DU :              22 MAI 1997

ONT COMPARU :

M. DONALD HANNA              POUR LA DEMANDERESSE
M. JOHN B. EDMOND          POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

OSLER, HOSKIN & HARCOURT      POUR LA DEMANDERESSE

AVOCATS

50, RUE O"CONNOR, PIÈCE 1500

OTTAWA (ONTARIO)

K1P 6L2

M. GEORGE THOMSON

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL          POUR LA DÉFENDERESSE

DU CANADA

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