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Date : 20040917

Dossier : IMM-5580-03

Référence : 2004 CF 1274

Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                            CHUAN MIN ZHANG

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (Commission), datée du 16 juin 2003 (décision), dans laquelle la Commission a décidé que Chuan Min Zhang (demandeur) n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.


CONTEXTE

[2]                Le demandeur est un citoyen de Chine. Il demande l'asile du fait de sa religion.

[3]                Il dit qu'il appartient à une église chrétienne clandestine depuis 1997 et qu'il a été baptisé le jour de Noël, en 1998. Il ajoute que sa maison a servi de lieu de culte à quelques reprises.

[4]                Le 26 novembre 2000, le Bureau de la sécurité publique de Chine (BSP) a découvert l'église clandestine à laquelle le demandeur appartenait. Le demandeur a réussi à s'enfuir. Toutefois, d'autres membres ont été arrêtés.

[5]                Le demandeur s'est caché et il a entendu dire que le BSP le recherchait. Il dit qu'il s'est entendu avec un passeur pour que ce dernier l'aide à s'enfuir de Chine.

[6]                Le demandeur a présenté une demande d'asile au Canada. L'audience devant la Commission a eu lieu le 31 octobre 2002, le 5 février 2003 et le 16 avril 2003.

DÉCISION VISÉE PAR LE CONTRÔLE

[7]                La Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible et elle a tiré les conclusions suivantes :


a)              Le demandeur d'asile a allégué qu'il était membre d'une église catholique clandestine en Chine depuis 1997 et qu'il a été baptisé à Noël, en 1998. Il a déclaré que sa maison servait parfois de lieu de rassemblement et qu'il enseignait l'Évangile à des amis en qui il avait confiance. Il a allégué que le 26 novembre 2000, le Bureau de la sécurité publique (BSP) a découvert son groupe clandestin et l'a emprisonné. Le demandeur d'asile allègue que depuis, le BSP est toujours à sa recherche et que s'il retournait en Chine, il serait arrêté et emprisonné de nouveau, comme ses amis qui partageaient sa foi et qui ont été arrêtés à la suite de la descente.

b)              Selon le tribunal, le demandeur d'asile n'était pas crédible. Il a répondu aux questions de façon hésitante et évasive. On a même dû lui répéter certaines questions. Il a allégué qu'il fréquente une église chrétienne clandestine depuis 1997, mais il n'a même pas pu dire quel était le fruit défendu qu'Adam et Ève ont censément mangé dans le jardin d'Éden.

c)             Le demandeur d'asile est arrivé au Canada le 6 juillet 2001 et le 15 juillet 2001, a présenté sa demande d'asile. Cependant, la lettre d'attestation qu'il a présentée en preuve indique qu'il a commencé à fréquenter les services religieux clandestins seulement le 25 novembre 2001. Il a allégué qu'il avait fréquenté une autre église entre-temps, mais n'a été en mesure de produire aucun document à l'appui de cette allégation.

d)            Le demandeur d'asile a allégué que son épouse n'était pas de religion chrétienne et qu'il n'avait jamais tenté de convertir sa fille, née le 23 mars 1991, la jugeant trop jeune. Pourtant, il a allégué que les services religieux se déroulaient chez lui.

e)             La Section de [la] protection des réfugiés (SPR) est un tribunal spécialisé qui entend des centaines de demandes d'asile similaires de ressortissants chinois. Il serait très inhabituel qu'une église clandestine, qui craint d'être dévoilée par les autorités, mène ses activités dans une maison où seul l'époux est croyant et où vivent de jeunes enfants qui sont susceptibles de rapporter à l'école ce qu'ils ont vu à la maison. De plus, le demandeur d'asile a déclaré que les services religieux duraient environ une demi-heure. Le tribunal estime, selon son expérience, qu'il s'agit d'une durée anormalement courte pour un service religieux.

f)             L'apparente indifférence du demandeur d'asile devant sa présumée croyance, lui qui allègue pourtant être un authentique croyant, mine sa crédibilité en général. Il a déclaré qu'il possédait une bible en Chine et que dans ses temps libres, il en faisait la lecture. À un certain moment, il a allégué que ces élans sporadiques de dévotion inspirée lui venaient une ou deux fois par semaine, mais il a ensuite changé son témoignage pour dire qu'il lisait un paragraphe par jour.


g)             Lorsqu'on lui a demandé de plus amples détails au sujet de sa présumée lecture de la Bible, le demandeur d'asile a répondu qu'il avait lu le premier chapitre de la Genèse et le deuxième chapitre de l'Évangile selon saint Matthieu. Il a été cependant incapable de se souvenir de quoi que ce soit de ses lectures. Lorsqu'on lui a demandé d'évoquer un passage inhabituel ou mémorable qu'il avait retenu de ses présumées lectures de la Bible, le demandeur d'asile a répondu : « Chaque passage était inhabituel » .

h)             Son témoignage au sujet de la présumée descente effectuée par le BSP était tout aussi peu convaincant. Il a d'abord affirmé que cet événement avait eu lieu le premier dimanche du mois de novembre 2000, mais a ensuite modifié son témoignage pour dire qu'il s'était produit le 26 novembre 2000. Il a également déclaré que sa dernière communion remontait à ce premier dimanche de novembre 2000, mais a ensuite affirmé qu'il avait communié plus récemment.

i)              Le témoignage du demandeur d'asile quant aux circonstances entourant son départ de son emploi était également peu convaincant. Il a d'abord déclaré que son dernier jour de travail a été le 25 novembre 2000 et qu'il avait démissionné de son poste. Il a ensuite modifié son témoignage pour dire qu'il avait été congédié en janvier 2000. Il a déclaré que l'usine pour laquelle il travaillait avait informé son épouse de son congédiement et qu'il avait reçu l'avis de congédiement à la maison. Toutefois, la présumée lettre de congédiement ne se trouvait pas dans la liasse de documents que lui a envoyés son épouse de la Chine et qui ont été présentés en preuve. Le demandeur d'asile a alors changé son témoignage et a déclaré qu'en fait, son ancien employeur avait conservé la lettre de congédiement. Il a témoigné que son épouse travaillait toujours à cette usine où lui-même travaillait jusqu'à ce qu'il soit contraint de se cacher.

j)              Le demandeur d'asile a également déclaré que le BSP le recherchait depuis novembre 2000. Pourtant, il a demandé un permis de sortie pour quitter la Chine et il n'a éprouvé aucune difficulté à subir un contrôle de sûreté à l'aéroport lors de son départ en juillet 2001.

k)             Pour faire valoir une demande d'asile fondée sur les motifs qu'avance le demandeur d'asile en l'espèce, une personne doit présenter des éléments de preuve suffisamment crédibles ou dignes de foi pour convaincre le tribunal qu'il existe une possibilité raisonnable que les craintes qu'elle allègue risquent effectivement de se réaliser, ce que le demandeur d'asile n'est pas parvenu à faire. Son vague témoignage contient tout simplement trop de contradictions et d'invraisemblances pour convaincre le tribunal qu'il est un véritable croyant ou que les événements qu'il a relatés dans son témoignage se sont véritablement produits.

Motifs, aux pages 2 à 5


[8]                À la fin de l'audience, le 21 octobre 2002, l'agent de protection des réfugiés a souligné que le nom du demandeur avait été mentionné dans un article d'un journal local de Chine comme étant l'une de plusieurs personnes qui avaient disparu de la délégation avec laquelle il s'était rendu au Canada. Dans cet article, on demandait des renseignements concernant le lieu où se trouvaient ces personnes. Le président de la Commission a demandé à l'agent de protection des réfugiés de tenter d'obtenir une copie de l'article.

[9]                Le demandeur a réussi à obtenir une copie de l'article quelques jours avant la reprise de l'audience le concernant, le 16 avril 2003. Le demandeur a fait traduire l'article et il a tenté de le produire en preuve le 16 avril 2003. Le président a refusé d'admettre l'article en preuve au motif qu'il était trop tard et qu'en tout état de cause, l'article n'était pas pertinent. Le demandeur affirme que l'article établit qu'il serait arrêté s'il retournait en Chine puisqu'on savait qu'il était sorti de Chine sous de faux prétextes et parce qu'il avait quitté la délégation commerciale avec laquelle il était venu au Canada.

QUESTIONS EN LITIGE

[10]            Le demandeur soulève la question suivante :

La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a refusé d'accepter en preuve un article d'un journal local de Chine concernant le demandeur?


ARGUMENTS

Demandeur

[11]            Le demandeur prétend que la Commission a refusé d'admettre un article soumis par le demandeur pendant la dernière séance de l'audience relative à sa demande d'asile.

[12]            Il dit que l'article, qui a été publié dans un journal local de Chine, affirmait que le demandeur, à l'instar d'autres personnes, avait quitté la délégation avec laquelle il était parti de Chine. L'article demandait des renseignements concernant le lieu où se trouvaient le demandeur et les autres délégués qui avaient disparu.

[13]            Le demandeur affirme que la Commission a refusé d'admettre l'article au motif qu'il avait été présenté tardivement et qu'en tout état de cause, il n'était pas du tout pertinent pour ce qui concernait l'appartenance du demandeur à l'église clandestine, en Chine.

[14]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur quand elle a refusé d'admettre l'article en preuve et d'en tenir compte dans sa décision concernant la question de savoir si le demandeur risquait d'être soumis à des traitements cruels et inusités s'il retournait en Chine.

[15]            Le demandeur prétend que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve selon laquelle le demandeur n'avait pu trouver l'article que quelques jours seulement avant la reprise de l'audience, le 16 avril 2003, et qu'il n'aurait donc pas pu le produire plus tôt. Le 31 octobre 2002, le président avait demandé à l'agent de protection des réfugiés de tenter d'obtenir une copie de l'article et il avait donc l'impression que l'article avait une quelconque importance ou pertinence.

[16]            Le demandeur affirme que l'existence de l'article était pertinente dans le cadre de sa demande. À cause de la parution de l'article, le demandeur craignait que, s'il retournait en Chine, il serait emprisonné pour avoir quitté la délégation avec laquelle il était parti de Chine; il craignait également de faire l'objet de représailles parce qu'il n'avait pas quitté la Chine pour les raisons qu'il avait d'abord données.

[17]            À cause de cet article, le demandeur avait des craintes encore plus vives que celles qui l'avaient incité à quitter la Chine. La Commission aurait dû tenir compte de la crainte qu'inspirait chez le demandeur la parution de son nom dans l'article et elle aurait dû se demander s'il était à risque pour un motif énuméré dans la Convention ou s'il était à risque d'être soumis à la torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités. Il en était particulièrement ainsi du fait que, selon la preuve documentaire, le demandeur serait passible d'une peine d'emprisonnement pour avoir obtenu la permission de sortir du pays sous de faux prétextes.

[18]            La preuve documentaire contenait les renseignements suivants :

[traduction]

Il existe peu de renseignements supplémentaires concernant le traitement de 90 personnes renvoyées en Chine du Canada en mai 2000 dans les sources de renseignements consultées par la Division de la recherche. Selon un rapport publié le 28 juillet 2000 dans le Ottawa Citizen, Victor Wong de la Vancouver Association of Chinese Canadians a dit que quatre personnes mineures qui avaient été renvoyées en mai 2000 avaient été remises en liberté, mais que 86 adultes demeuraient en détention. Les familles des personnes renvoyées et d'autres personnes détenues au Canada étaient la source de ces renseignements.

La plupart de ces personnes écopent d'une amende de 10 000 à 20 000 Yuan [1 800 à 3 600 $CAN]. Les personnes qui s'acquittent de l'amende sont libérées sur-le-champ, selon Chin. Les personnes qui sont incapables de payer sont envoyées dans des camps de rééducation par le travail pour une période d'un an au plus dans une très grande prison située dans la ville de Mawei juste à l'extérieur de Fuzhou.

Pièce « E » de l'affidavit du demandeur, Dossier de demande, pages 64 et 65

[19]            Le demandeur dit que l'emprisonnement, en Chine, constitue une peine ou un traitement cruel ou inusité. La preuve documentaire révèle ce qui suit :

[traduction]

En règle générale, les conditions dans les établissements pénitenciers tant pour les prisonniers politiques que pour les criminels de droit commun sont difficiles et souvent humiliantes. Le travail forcé est fréquent. Les conditions qui sévissent dans les établissements de détention administrative (y compris les camps de rééducation par le travail et les centres de détention et de rapatriement) sont semblables à celles qui existent dans les prisons. Les cellules des prisonniers et des détenus sont souvent surpeuplées, les conditions d'hygiène sont mauvaises, la nourriture souvent insuffisante et de piètre qualité. Les gardiens des centres de détention et de rapatriement auraient recours à des « chefs de cellule » chargés de maintenir l'ordre; très souvent, ces personnes s'en prennent aux autres détenus et volent leurs biens.

[...]


Dans les prisons et dans les camps de rééducation, le travail forcé est fréquent. Selon des rapports dignes de foi, dans un camp de la partie ouest du pays, les détenus doivent travailler jusqu'à 16 heures par jour à casser des pierres ou à faire des briques. En 2000, plusieurs personnes sont mortes d'avoir trop travaillé, ou à cause de mauvais soins de santé ou des mauvais traitements infligés par les gardiens.

Pièce « F » de l'affidavit du demandeur, Dossier de demande, page 78

[20]            Le demandeur prétend que la preuve documentaire étaye l'allégation selon laquelle il subirait des traitements cruels et inusités en Chine pour avoir quitté le pays sous de faux prétextes. En outre, l'article que la Commission a refusé d'accepter en preuve révèle que les autorités chinoises pourraient très bien s'intéresser au demandeur qui a quitté la Chine pour ensuite disparaître de la délégation commerciale.

[21]            Le demandeur affirme que l'article était pertinent pour ce qui concerne sa demande d'asile et que le refus de la Commission de l'accepter en preuve et d'en tenir compte constitue une erreur susceptible de contrôle justifiant l'annulation de la décision.

Défendeur

[22]            Le défendeur prétend que la Commission n'a pas commis une erreur susceptible de contrôle en décidant que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[23]            En outre, le demandeur n'a pas réussi à démontrer que la Commission avait commis une erreur en n'admettant pas en preuve un article provenant d'un journal local de Chine.


Article de journal

[24]            Le défendeur affirme que la Commission avait le droit de rejeter l'article qui était tout à fait étranger à la prétention du demandeur, savoir qu'il était membre d'une église chrétienne clandestine. L'article dit uniquement que le demandeur est recherché. Il n'y a rien dans l'article qui permette de penser que c'est le BRS qui le recherche, ainsi que cinq autres personnes. Il n'y a aucun lien entre la raison alléguée par le demandeur pour étayer sa demande d'asile et l'article. Par conséquent, la Commission pouvait rejeter l'article qui n'était pas pertinent.

[25]            La Commission pouvait également refuser l'article au motif qu'il n'y avait aucune preuve de son authenticité.

[26]            Le demandeur prétend maintenant que l'article établit qu'il a d'autres raisons de craindre de retourner en Chine. Premièrement, cette nouvelle crainte n'est pas un motif permettant de demander l'asile. Ce n'est pas parce qu'une personne est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement pour avoir enfreint la loi qu'elle peut justifier une demande d'asile.

[27]            Deuxièmement, rien n'indique que le demandeur sera incarcéré. Le demandeur se fonde sur une preuve documentaire pour appuyer l'allégation selon laquelle il sera très certainement incarcéré et torturé. Mais cette même preuve documentaire révèle qu'aucune personne renvoyée en Chine n'a jamais signalé l'application de peines sévères à son endroit.


[28]            En outre, même si le demandeur peut être incarcéré pour avoir enfreint la loi, cette même preuve documentaire révèle que la peine maximale imposée aux personnes expulsées est d'une année et que la plupart du temps, ces personnes ne sont incarcérées que pour une période de 15 jours. En outre, la preuve indique que la peine normale infligée lors d'une première infraction est une peine d'emprisonnement de deux jours. S'il paye une amende, l'expulsé est libéré sur-le-champ. Le demandeur n'a pas mentionné qu'il n'était pas en mesure de payer l'amende.

[29]            Le demandeur prétend que, s'il est détenu, il fera certainement l'objet de mauvais traitements. Il se fonde sur une preuve documentaire pour étayer son allégation. Toutefois, rien n'indique que le demandeur serait dans une prison où les prisonniers subissent de mauvais traitements en violation des droits de la personne. La preuve documentaire révèle que dans les centres de détention des immigrants, les conditions ne sont pas difficiles :

[traduction]

Chaque cellule a sa propre salle de bain, télévision et fenêtre. Nous avons pu constater que la plupart des détenus dormaient, regardaient la télévision ou jouaient aux cartes. Une salle plus grande sert de cafétéria et de salle de « rééducation » . L'ensemble du centre de détention est très propre et les conditions de vie ne semblent pas particulièrement difficiles, presque comparables à celles que l'on trouve au Canada.

Dossier, à la page 64


[30]            Accepter l'argument du demandeur sur ce point voudrait dire que n'importe quel demandeur de Chine pourrait obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention en invoquant craindre avec raison d'être emprisonné pour avoir quitté le pays illégalement. La Cour a déjà rejeté cette proposition. Le demandeur doit établir l'existence d'un lien entre les conditions générales qui sévissent dans le pays et la probabilité précise de faire l'objet de mauvais traitements en cas de renvoi. Lorsque le témoignage oral d'un demandeur est la seule preuve qui permette de penser que le demandeur sera persécuté comme il l'allègue, si son témoignage est jugé peu crédible, il n'y a aucune preuve crédible et digne de foi qui étaye sa prétention (Scheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.); Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 19 Imm. L.R. (3d) 127 (C.A.F.), paragraphes 18 et 29; Waheed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 329, paragraphe 43).

[31]            Pour ces motifs, le défendeur affirme que la Commission pouvait rejeter l'article au motif qu'il n'était pas pertinent relativement à la demande du demandeur.

ANALYSE


[32]            La Commission a rejeté la prétention du demandeur parce qu'elle ne croyait pas son récit : « Son vague témoignage contient tout simplement trop de contradictions et d'invraisemblances pour convaincre le tribunal qu'il est un véritable croyant ou que les événements qu'il a relatés dans son témoignage se sont véritablement produits » . Le demandeur ne conteste pas la conclusion générale négative en matière de crédibilité. Mais il affirme maintenant qu'il a réussi à trouver un article quelques jours seulement avant la reprise de l'audience le concernant, le 16 avril 2003. Il dit que cet article lui a fait craindre d'être arrêté s'il devait retourner en Chine et d'être soumis à la torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités. Il a fait traduire l'article et il a tenté de le présenter en preuve le 16 avril 2003. Mais la Commission a refusé d'admettre l'article au motif qu'il avait été présenté tardivement et qu'il était, en tout état de cause, d'une valeur probante douteuse relativement à la demande.

[33]            L'article en cause a été publié dans un journal local de Chine, le 7 août 2001. Dans sa version traduite, l'article dit que le demandeur était l'une de six personnes, membres d'une délégation de la Chine continentale, qui s'étaient enfuies pendant qu'elles se trouvaient au Canada. Une récompense de 1 000 $ est offerte à toute personne signalant le lieu où se trouve l'un ou l'autre des fugueurs.

[34]            Le demandeur a fondé sa demande sur la crainte d'être persécuté du fait de son appartenance religieuse et de ses activités religieuses et du fait qu'il était une personne à protéger des autorités chinoises à cause de son engagement religieux. La Commission a rejeté l'ensemble de son argument : « Par conséquent, la demande d'asile présentée par Chuan Min Zhang pour tous les motifs qu'il a invoqués est rejetée » .


[35]            L'article n'avait aucun lien avec les motifs invoqués dans la demande d'asile, mais le demandeur prétend que la Commission aurait dû admettre cette preuve et qu'elle aurait dû en tenir compte parce qu'elle était pertinente concernant sa demande de protection contre les traitements ou peines cruels et inusités de la part des autorités chinoises.

[36]            L'avocat du demandeur a qualifié l'article de journal d'[traduction] « avis de recherche » et il a fait les remarques suivantes au moment où il a demandé son admission en preuve :

[traduction]

Les six personnes dont les photos apparaissent ici, l'une d'elle est M. Zhang, et l'article mentionne certains détails, numéro de passeport et âge de chacune des personnes, y compris M. Zhang. Cela démontre que quelqu'un - qu'il a donné son passeport à quelqu'un; autrement, comment est-ce que le numéro est apparu et cela démontre également l'augmentation du risque auquel mon client ferait face s'il devait retourner en Chine parce qu'il semble tout à fait probable que cet avis de recherche a été porté à l'attention des fonctionnaires du gouvernement chinois.

Dossier, page 394

[37]            Il n'y avait aucune preuve concernant la personne qui a publié cet article et la Commission a demandé à l'avocat du demandeur pourquoi l'article n'avait pas été soumis dans le délai normal de 20 jours. L'avocat a répondu ce qui suit :

[traduction]

L'article ne nous a été remis que le 13 avril, il y a trois jours. Le demandeur l'a reçu, a-t-il dit, le 12 et nous l'avons obtenu le 13. Il a été présenté le 14.

Dossier, page 396

[38]            Les motifs invoqués par la Commission pour rejeter l'article et la traduction sont importants dans la présente demande :


[traduction]

Les deux documents n'ont pas été produits dans les délais réglementaires et aucune raison satisfaisante n'a été donnée pour expliquer pourquoi les documents n'ont pas été obtenus il y a longtemps. La présente affaire a commencé le 31 octobre [2002],

[...]

L'audience a été ajournée le 5 février 2003. Elle a été ajournée de nouveau aujourd'hui. Le demandeur et son avocat ont donc eu amplement le temps d'obtenir tous les documents dont ils avaient besoin en l'espèce, de les faire traduire et envoyés à la Section de la protection des réfugiés conformément aux règles. Leur valeur probante est douteuse et, par conséquent, je ne suis pas convaincu qu'il existe des motifs suffisants de ne pas appliquer strictement les règles en l'espèce. Les documents sont donc exclus.

Dossier, pages 396 et 397

[39]            Compte tenu de l'explication présentée par l'avocat du demandeur pendant l'audience, la Commission n'était saisie d'aucun motif lui permettant d'exercer le pouvoir que lui confère l'article 20 des Règles ou justifiant l'exercice de ce même pouvoir pour admettre l'article et la traduction en preuve.

[40]            La Commission avait également raison de dire que la valeur probante de l'article était douteuse. En fait, si le demandeur était un délégué fugueur, comme semble le prétendre l'article, cela contredit carrément les déclarations du demandeur selon lesquelles il serait une personne à protéger du fait de son appartenance religieuse. En d'autres termes, même si l'article dit vrai, cela confirme la conclusion de la Commission concernant l'invraisemblance du récit du demandeur. En cas contraire, l'article n'est tout simplement pas pertinent pour ce qui touche la demande d'asile du demandeur et les raisons qu'il a invoquées pour être une personne à protéger.

[41]            En fait, les motifs invoqués par le demandeur pour présenter l'article de journal en preuve constituent une toute autre demande. Il s'agit d'une demande qui n'a aucun lien avec une demande d'asile (délégué fugueur) et aucun lien avec les raisons pour lesquelles le demandeur a prétendu qu'il aurait besoin de protection s'il était renvoyé en Chine.

[42]            L'avocat du demandeur a tenté de présenter l'article en preuve au motif qu'il [traduction] « démontre également le risque encore plus grand auquel mon client ferait face s'il devait retourner en Chine [...] » . Mais les questions dont la Commission a été saisie concernaient le risque du fait de son appartenance à une église chrétienne clandestine. La Commission n'a pas été appelée à examiner le risque en tant que délégué fugueur et le demandeur n'a pas tenté de modifier sa demande pour que la Commission soit saisie d'un nouveau motif. Les raisons ne sont pas mentionnées dans le dossier mais elles semblent évidentes : les deux demandes ne sont pas compatibles. Si le demandeur est entré au Canada comme délégué fugueur, il n'est certainement pas entré clandestinement comme réfugié membre d'une église chrétienne clandestine.


[43]            Les liens que le demandeur tente maintenant d'établir entre l'article et sa crainte des autorités sont au mieux ténus et en tout état de cause ces liens n'ont pas été soumis à la Commission. Il s'en est tenu à la demande d'asile (que la Commission a rejetée d'emblée « pour tous les motifs qu'il a invoqués » ). Si le demandeur avait voulu que la Commission examine la question de savoir s'il était une personne à protéger comme délégué fugueur, il aurait saisi la Commission de la question et établi les liens comme preuve du risque. Il ne l'a pas fait.

[44]            La Commission a eu raison de rejeter l'article de journal. Je ne vois aucune raison de modifier la décision.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est rejetée.

2.          Aucune question n'est certifiée.

                                                                                  « James Russell »            

                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-5580-03

INTITULÉ :                                                          CHUAN MIN ZHANG

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 20 JUILLET 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                         LE 17 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Hart Kaminker                                                        POUR LE DEMANDEUR

Deborah Drukarsh                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kranc & Associate                                                  POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau régional de l'Ontario

130, rue King, casier postal 36

Toronto (Ontario) M5X lK6


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