Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19981013


Dossier : T-1923-97

         Relativement à une demande de radiation de l'enregistrement de la marque de commerce DECARIE portant le numéro d'enregistrement TMA 439,504 et d'amendement de l'enregistrement de la marque de commerce DECARIE LOGO DESIGN portant le numéro d'enregistrement TMA 474,485

Entre :

     GENERAL MOTORS DU CANADA

     - et -

     DÉCARIE CHEVROLET OLDSMOBILE LTÉE

     Partie demanderesse

     - et -

     DÉCARIE MOTORS INC./

     LES MOTEURS DÉCARIE INC.

     - et -

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     INDUSTRIE CANADA, OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ

     INTELLECTUELLE DU CANADA,

     BUREAU DES MARQUES DE COMMERCE

     Partie défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

JUGE BLAIS

LES FAITS


[1]      La partie demanderesse demande la radiation de l'enregistrement de la marque de commerce DECARIE portant le numéro d'enregistrement TMA 439,504 et un amendement de l'enregistrement de la marque de commerce DECARIE LOGO DESIGN portant le numéro d'enregistrement TMA 474,485.


[2]      La défenderesse, DÉCARIE MOTORS INC., opère un garage de vente, location, service et réparation de véhicules moteurs neufs et usagers incluant automobiles, camions, wagonnettes depuis 1949.


[3]      Le 19 janvier 1989, le défendeur LES MOTEURS DÉCARIE INC. déposait une demande d'enregistrement d'une marque de commerce auprès du registraire pour enregistrer le nom DÉCARIE MOTORS INC. ou sa version française LES MOTEURS DÉCARIE INC.


[4]      Suite à une demande du registraire, la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. déposait une demande amendée d'enregistrement d'une marque de commerce pour DÉCARIE MOTORS INC. ou encore LES MOTEURS DÉCARIE INC. en renonçant aux droits de l'usage exclusif du mot DÉCARIE et du mot MOTORS à l'exception de la marque de commerce LES MOTEURS DÉCARIE INC. La marque de commerce DÉCARIE MOTORS fut dûment enregistrée sous le numéro TMA 365,045 en date du 2 février 1990.

[5]      Le 26 juillet 1993, la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. déposait une nouvelle demande pour enregistrer la marque de commerce DÉCARIE auprès du registraire.


[6]      Le 9 décembre 1993, le registraire de la marque de commerce informait la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. que la marque DÉCARIE était considérée n'être principalement que le nom d'un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes et par conséquent ne semblait pas enregistrable eu égard aux dispositions de l'article 12(1)(a) de la Loi.


[7]      Le 18 février 1994, le procureur de la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. expédiait une lettre accompagnée d'un affidavit signé par M. Joël Ségal tendant à démontrer que la marque DÉCARIE était devenue distinctive et ne pouvait être prise comme un nom lorsqu'il était utilisé en association avec la vente, la location, le service, la réparation de véhicules moteurs.


[8]      L'affidavit de M. Joël Ségal était accompagné par pas moins de quarante-sept pièces différentes tendant à démontrer que le nom DÉCARIE était devenu distinctif et pouvait dorénavant être enregistré comme marque de commerce.


[9]      Le registraire des marques de commerce a donc enregistré le nom DÉCARIE comme marque de commerce, en date du 17 février 1995.

[10]      Le 24 avril 1996, la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. déposait une demande pour l'enregistrement d'une marque de commerce, soit la représentation graphique de LES MOTEURS DÉCARIE INC.


[11]      Le 13 septembre 1996, le registraire des marques de commerce demandait à la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. de se désister du droit à l'usage exclusif du mot MOTEUR et MOTORS puisque, et je cite la version anglaise "They describe a character of the wares and services".


[12]      Il demandait par conséquent qu'une demande modifiée soit déposée.


[13]      Le 18 septembre 1996, le représentant de LES MOTEURS DÉCARIE INC. déposait une demande révisée d'enregistrement de marque de commerce à l'intérieur de laquelle la défenderesse renonçait aux droits de l'usage exclusif des mots MOTEURS et MOTORS à l'exclusion de la marque de commerce.


[14]      Le 28 février 1997, le registraire des marques de commerce émettait un avis à l'effet que le logo descriptif DÉCARIE était accepté comme marque de commerce.


[15]      L'enregistrement de la marque de commerce DÉCARIE LOGO DESIGN, ci-après nommé "DÉCARIE LOGO DESIGN" et l'enregistrement de la marque de commerce DÉCARIE sont à l'effet que le nom DÉCARIE a été utilisé au Canada depuis au moins le 10 juin 1971.


[16]      Deux autres entreprises sont engagées dans l'opération de garage pour la vente et location, service de réparation de véhicules moteurs sous le nom DÉCARIE, soit l'entreprise 2528-9323Québec Inc. ayant opéré sous la raison sociale PASSEPORT DÉCARIE AUTOMOBILE opérant maintenant sous le nom DÉCARIE SATURN SAAB ISUZU et une autre entreprise, soit DÉCARIE CHEVROLET OLDSMOBILE LTÉE laquelle entreprise est partie demanderesse dans la présente instance.


[17]      La défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. a entrepris des recours en dommage et en injonction contre les deux entreprises mentionnées précédemment afin que ces dernières cessent d'utiliser le mot DÉCARIE soit dans leur nom ou encore dans leur publicité, lesquelles actions sont actuellement pendantes devant la Cour supérieure du district de Montréal.


[18]      Le 2 septembre 1997, les demanderesses GENERAL MOTORS DU CANADA et DÉCARIE CHEVROLET OLDSMOBILE LTÉE déposaient une demande devant cette cour aux fins d'obtenir une ordonnance déclarant invalide et radiant du registre canadien des marques de commerce l'enregistrement TMA 439,504 du 17 février 1995 pour la marque DÉCARIE ainsi qu'un amendement à la marque de commerce DÉCARIE LOGO DESIGN aux fins d'obtenir le désistement du droit de la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. à l'usage exclusif du nom DÉCARIE en dehors de la marque DÉCARIE LOGO DESIGN.

MOTIFS DE LA DEMANDE

[19]      Au soutien de leur demande, les demandeurs prétendent que les dits enregistrements des marques DÉCARIE et DÉCARIE LOGO DESIGN au registre canadien des marques de commerce n'expriment pas ou ne définissent pas exactement les droits existants du défendeur DÉCARIE MOTORS et plus particulièrement en ce que:

         a)      La marque DÉCARIE n'était pas enregistrable à la date de son enregistrement et n'est toujours pas enregistrable au terme des articles 12(1)(a) et 18(1)(a) de la Loi sur les marques de commerce (la "Loi");
         b)      La marque DÉCARIE n'était pas distinctive au moment où sont entamées les présentes procédures contestant la validité de l'enregistrement TMA 439,504, elle ne l'était pas à l'époque où elle fut enregistrée et ne l'est pas devenue depuis, aux termes des articles 2, 12(2) et 18(1)(b) de la Loi;
         c)      La défenderesse DÉCARIE MOTORS INC. a abandonné la marque DÉCARIE selon l'article 18(1)(c) de la Loi.

[20]      Le procureur des demandeurs allègue particulièrement quatre arguments:

         a)      Le nom DÉCARIE est un nom de famille, il n'est donc pas enregistrable en vertu de l'article 12(1)(a) de la Loi;
         À cet effet, le procureur des demandeurs prétend que le nom de famille DÉCARIE n'était pas enregistrable au moment où il a été effectivement enregistré en 1989, puisque le nom de famille DÉCARIE apparaît plusieurs centaines de fois à l'intérieur de l'annuaire téléphonique et qu'il a déjà été utilisé à de nombreuses reprises dans des raisons sociales pour la vente de produits et de services à Montréal et dans la région, particulièrement aux abords du boulevard DÉCARIE.
         b)      Le nom DÉCARIE est le nom d'un boulevard bien connu de Montréal, lequel boulevard a été appelé boulevard DÉCARIE en l'honneur de la famille DÉCARIE qui détenait de nombreuses propriétés dans la région de Montréal et lié au fait également que deux individus du nom de DÉCARIE ont été membres de l'assemblée législative du Québec au tournant du siècle;
         c)      Le nom DÉCARIE n'est pas distinctif en lui-même et ne distingue en aucune façon les biens qui sont vendus par la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC.;
         d)      Et le quatrième argument est à l'effet que la défenderesse LES MOTEURS DÉCARIE INC. n'a jamais utilisé le nom DÉCARIE seul et que le nom DÉCARIE a toujours été utilisé en conjonction avec les mots MOTEURS ou MOTORS en anglais.

[21]      Le procureur des demandeurs précise de plus que ces quatre moyens sont cumulatifs et que les défendeurs ont l'obligation de répondre aux quatre arguments et, que le défaut de ce faire, entraîne la nullité de l'enregistrement de la marque de commerce.


[22]      Qui plus est, au départ, LES MOTEURS DÉCARIE INC. était situé sur le boulevard DÉCARIE, maintenant l'entreprise est déménagée sur une autre rue à proximité.


[23]      Se référant à son premier argument, le procureur des demandeurs cite plusieurs causes de jurisprudence démontrant que l'enregistrement de noms de famille ou de noms désignant un territoire donné, a été rejeté à plusieurs reprises.

[24]      Quant au deuxième argument, à savoir que l'enregistrement d'un lieu géographique est contraire aux dispositions de l'article 12(1)(b) de la Loi, le procureur précise que la raison majeure pour interdire l'identification géographique est qu'elle empêche d'autres commerces situés sur la même rue ou dans le même secteur géographique d'utiliser le nom DÉCARIE, ce qui provoque une concurrence déloyale entre les entreprises.


[25]      Le procureur des demandeurs rappelle également que l'utilisation du nom DÉCARIE ne fait aucunement penser à un véhicule automobile de luxe, mais qu'il rappelle uniquement le nom d'un boulevard célèbre et qu'à chaque fois que le nom DÉCARIE est mentionné dans la région de Montréal, les gens font automatiquement référence à un boulevard célèbre dans la région de Montréal, particulièrement pour la congestion de la circulation.


[26]      Quant au troisième point, la Loi édicte que la marque doit donner un caractère distinctif au produit.


[27]      Le procureur des demandeurs prétend que à la question de savoir si la marque DÉCARIE distingue le produit LES MOTEURS DÉCARIE INC. des autres produits, la réponse est négative puisqu'il n'y a aucun lien entre la marque DÉCARIE et la vente de véhicules automobiles et encore moins de véhicules automobiles de luxe.


[28]      D'ailleurs à cet effet, le procureur des demandeurs rappelle qu'en 1989 le registraire des marques de commerce a demandé à LES MOTEURS DÉCARIE INC. de renoncer à l'usage exclusif du nom DÉCARIE alléguant justement que DÉCARIE était un nom de famille.


[29]      Les défendeurs LES MOTEURS DÉCARIE INC. ont donc renoncé à l'usage exclusif du nom DÉCARIE jusqu'en 1993 où ils ont logé une nouvelle demande et obtenu ledit enregistrement de la marque de commerce sur la foi d'un affidavit qui était pour le moins incomplet selon les dires du procureur. En effet, le procureur des demandeurs prétend que le registraire a accordé à tort cette marque de commerce, particulièrement sur la foi de l'affidavit de M. Joël Ségal, datée du 17 février 1994, non contredit à l'époque, et que si tous les faits avaient été portés à la connaissance du registraire à cette époque, il n'aurait pas enregistré le mot DÉCARIE comme il l'a fait.


[30]      Quant au quatrième argument, le procureur des demandeurs suggère que la marque de commerce DÉCARIE a été abandonnée suivant les dispositions de l'article 18(1)(c) puisqu'aucun usage de la marque DÉCARIE n'a été démontré ou prouvé depuis la date de son enregistrement, soit depuis 1994 jusqu'à aujourd'hui.


[31]      Les prétentions des demandeurs sont donc à l'effet que l'enregistrement des deux marques de commerce ne rencontrent pas les exigences de l'article 12(1)(a) et 12(1)(b) de la Loi et que les dispositions de l'article 18(1)(c) sont rencontrées à l'effet que les demandeurs ont abandonné l'usage de la marque de commerce ou, à tout le moins, n'ont pas fait la preuve de l'usage de ladite marque de commerce.

ARGUMENTATION DES DÉFENDEURS

[32]      En réponse à cette argumentation, le procureur des défendeurs précise d'entrée de jeu qu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision du registraire; en effet, la décision a été rendue conformément à la Loi et les défendeurs se sont soumis scrupuleusement aux dispositions prévues à l'article 12(2) de cette Loi, lequel article précise:

12.(2) A trade-mark that is not registrable by reason of paragraph (1)(a) or (b) is registrable if it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration.

12.(2) Une marque de commerce qui n'est pas enregistrable en raison de l'alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d'une demande d'enregistrement la concernant.


[33]      Le procureur signale donc que cela n'a pas beaucoup d'importance de savoir si le registraire avait tort ou raison puisque les défendeurs ont fait ce qu'ils avaient à faire. Devant le refus initial du registraire, ils ont fait la démonstration que le nom avait été employé au Canada par les défendeurs depuis 1971 et que de cette façon ce nom était devenu une marque de commerce distinctive à la date de la production de la demande d'enregistrement.


[34]      Les procureurs des défendeurs soutiennent qu'ils ont rencontré les exigences de la Loi et que le fardeau est maintenant renversé et que les demandeurs ont la responsabilité de démontrer que le nom DÉCARIE ne pouvait être enregistré à la date de son enregistrement, soit le 17 février 1995 ou encore à la date où les présentes procédures légales ont été entreprises, soit le 2 septembre 1997.


[35]      Le procureur a soumis de nombreuses autorités au soutien de sa position et particulièrement sur le fait que la validité de la marque de commerce, une fois son enregistrement réalisé, est présumée, et que c'est à celui qui veut la faire annuler, de faire la preuve pour renverser la présomption.


[36]      Parmi les arguments mentionnés par le procureur des défendeurs, ce dernier soutient que le mot DÉCARIE, contrairement aux prétentions de l'avocat des demandeurs, était utilisé seul suivant une écriture différente et suivant une dimension de lettres différente, tant sur sa publicité extérieure sur l'édifice qu'ils occupent à Montréal, mais encore sur l'ensemble de la publicité utilisée par l'entreprise dans ses affaires.


[37]      Les documents et pièces de publicité déposés tendent à démontrer, selon lui, que le mot DÉCARIE est toujours utilisé de façon proéminente et individuelle indépendamment de MOTORS ou LES MOTEURS qui l'accompagne généralement.


[38]      Le procureur, par le dépôt de plusieurs pièces de publicité tend à démontrer également que les expressions telles "Come to Décarie" ont amené les gens à comprendre que dès qu'ils entendent le mot DÉCARIE, ils en viennent à penser immédiatement au garage LES MOTEURS DÉCARIE INC. qui est particulièrement un vendeur de voitures de luxe.

LA JURISPRUDENCE

[39]      Les parties ont déposé une abondante jurisprudence au soutien de leur prétention.


[40]      Nous référant à la jurisprudence, je tiens à citer d'entrée de jeu le juge Denault dans la cause Steinberg Inc. v. J.L. Duval Ltée:

According to s. 18 (1)(b) of the Act, the registration of a trade mark is invalid if the trade mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced (hereinafter referred to as "the material date"). It is authoritatively settled that, in expungement proceedings, the onus of proving that the registration is invalid is on the party alleging the invalidity.

...

Consequently, "distinctiveness" as it applies to a particular trade mark cannot be determined in abstracto . Rather, the "distinctiveness" quality of a trake mark must be appreciated in light of the specific facts of each case. In my opinion, the court should always begin its analysis with an examination of the specific working used in the challenged registration. It should determine whether the owner of the mark and/or any other person was using the trade mark in question in association with the wares of [sic] services outlined in the registration, at the material time.


[41]      Dans la cause Société pour l'expansion des tissus fins v. Marimac Inc., le juge Gomery précise:

The plaintiff's trade mark has acquired distinctiveness and secondary meaning due to extensive advertising and the fact that the plaintiff always insisted that its merchandise be identified by the trade mark. The general public has come to know and identify the trade mark with the plaintiff's goods.


[42]      M. Harold G. Fox exprimait de façon claire la preuve nécessaire pour que le tribunal prononce la radiation d'une marque de commerce:

Therefore, in order to show that a registration ought to be expunged on the ground that it ought not to have been registered as, for example, as not being a trade mark or by falling within the exceptions of s. 12(1)(a) or (b) , ev idence to this effect must be adduced. Such evidence on an application to expunge must show a stronger case than on an application to register. \par


[43]      Toujours sur cette question, voir les commentaires du juge Cattanach dans le dossier Mr. P's Mastertune Ignition Services v. Tune Masters:

I should think that when a trade mark has been registered there is a presumption of its validity. Being a presumption, however, that presumption is subject to rebuttal. Thus it follows that the party who seeks to expunge a trade mark as being invalid must bear the onus of doing so and if doubt exists that doubt must be resolved in favour of the validity of the trade mark.


[44]      Le juge Strayer, dans le dossier McDonald's Corp. v. Silcorp Ltd. précise le rôle de la cour et les motifs pouvant justifier son intervention:

It seems clear that in opposition proceedings where the issue is essentially one of fact concerning confusion or distinctiveness the decision of the registrar or the Board represents a finding of fact and not the exercise of discretion. Therefore the court should not impose upon itself the same degree of restraint, in reviewing that decision, as it would if the decision were essentially an exercise of discretion. It is thus free to review the facts to determine whether the decision of the registrar or Board was correct, by that decision should not be set aside lightly considering the expertise of those who regularly make such determinations.


[45]      Quant à l'utilisation graphique du mot DÉCARIE sur les plaques de voitures ou encore sur les différents types de représentations graphiques ou de publicité, il est intéressant de se référer à la décision de M. A.M. Troicuk dans Nightingale Interloc Ltd. v. Prodesign Ltd.:

Use of a mark in combination with additional material constitutes use of the mark per se as a trade mark if the public, as a matter of first impression, would perceive the mark per se as being used as a trade mark. This is a question of fact dependent upon such factors as whether the mark stands out from the additional material, for example by the use of different lettering or sizing (see e.g., Standard Coil Products (Canada) Ltd. v. Standard Radio Corp. et al. (1971), 1 C.P.R. (2d) 155 at p. 163, [1971] F.C. 106), or whether the additional material would be perceived as purely descriptive matter or as a separate trade mark or trade name: see e.g., Carling O'Keefe Ltd. v. Molson Cos. Ltd. (1982), 70 C.P.R. (2d) 279 at pp. 280-1, applying Bulova Accutron Trade Mark, [1969] R.P.C. 102 at pp. 109-10.


[46]      Quant à savoir si une marque de commerce qui n'est pas naturellement distinctive, puisse être enregistrée, voyons les commentaires du juge Cattanach dans sa décision du 3 août 1971 dans le dossier Standard Coil Products Ltd. v. Standard Radio Corp. et je cite:

...a trade mark that is not inherently distinctive may be registered if it is established, as a fact, that it actually distinguishes the wares of its owner. In this latter circumstance no words are precluded from registration as a trade mark.


[47]      Quant à la démonstration éloquente du procureur des demandeurs à l'effet que le mot DÉCARIE a été utilisé par nombre de commerces et d'entreprises au fil des années, il est intéressant de se référer aux propos du juge Tremblay-Lamer dans le dossier Molson Breweries v. John Labatt Ltd.:

I disagree that the Appellant has to show exclusive use of the trade-mark in order to meet the requirements of subsection 12(2). Nowhere is this alleged requirement mentioned in section 12. Neither is it included in the definition of the term "distinctive" in section 2. Where exclusivity of use or of rights is provided for in the Act, it is expressly stated. It follows that if the legislator is silent on a requirement of exclusivity in the definition of distinctive, it intended to be so.


[48]      Le procureur de la partie demanderesse a déposé en référence le jugement dans le dossier Galanos v. Registrar of Trade marks, une décision du juge Cattanach. Dans ce dossier, le tribunal a renversé la décision du Régistraire des marques de commerce, particulièrement parce que le nom Galanos n'apparaissait qu'à cinq endroits dans les annuaires téléphoniques de Montréal et de Toronto, que c'était un nom rare et qu'il aurait pu être inventé pour les fins de la création d'une marque de commerce:

I have difficulty in appreciating that the purchasing public would respond to the word "Galanos" prominently displayed on the label of a bottle of toilet water by spontaneously thinking of it as being the surname of an individual.

In my opinion a Canadian or ordinary intelligence and education in English or French would be as likely, if not more likely, to respond to the word by thinking of it as a coined, fanciful or invented word used as a brand or trade mark of a business as by thinking of it as primarily merely the surname of an individial.


[49]      Le procureur de la partie demanderesse a également déposé la décision du juge Cattanach dans le dossierMolson Companies Ltd. v. John Labatt Ltd.. Le juge Cattanach précise à la page 164:

There is evidence that "Labatt" is a personal surname. The disclaimer of the word is, by necessary inference, evidence of that.


[50]      Ailleurs dans cette décision, le juge Cattanach précise:

The Registrar required the applicant for registration to disclaim the right to the exclusive use of the word "Labatt" as part of the trade mark in accordance with s. 34 of the Act, on the ground that the word is not independently registrable by reason of para. 12(1)(a) in that the word "Labatt" is primarily merely the surname of an individual.


[51]      Conséquemment, cette décision est difficilement applicable à notre dossier puisque dans les faits les défendeurs LES MOTEURS DÉCARIE INC. avaient consentis, tout comme John Labatt Ltd. à ne pas utiliser le mot DÉCARIE de façon distinctive dans un premier temps, mais ils sont revenus à la charge auprès du registraire des marques de commerce en 1993 pour demander l'enregistrement du mot DÉCARIE et ce, en vertu de l'article 12(2) de la Loi, ce qui exige une preuve différente.

[52]      Quant à la décision de Standard Oil Co. v. Registrar of Trade marks, encore une fois, il est diffi cile de trouver application de cette d\'e9cision puisqu'il s'agissait d'une application faite en vertu de l'article 12(1)(a) de la Loi, ce qui n'est pas le cas dans le présent dossier.


[53]      Le procureur des défendeurs a soulevé, à juste titre, que la jurisprudence déposée au soutien de la demande, s'appliquait davantage à des marques de commerce proposées au sens des articles 12(1)(a) et 12(1)(b) de la Loi.

DÉCISION

[54]      Ayant examiné la preuve documentaire déposée par les parties, et ayant entendu les procureurs des deux parties et délibéré, j'en arrive à la conclusion que l'enregistrement du nom DÉCARIE et de DÉCARY LOGO DESIGN a été fait conformément aux dispositions légales de l'article 12(2) de la Loi soit que les défendeurs avaient démontré de façon non-équivoque au registraire des marques de commerce qu'ils avaient utilisé le nom DÉCARIE sans interruption depuis au moins 1971 et le registraire leur a donné raison.


[55]      Tel que précisé précédemment, il ne s'agit pas d'un appel ou d'une révision de la décision du registraire mais bien de déterminer si les demandeurs, dans la présente instance, ont démontré que l'enregistrement de la marque de commerce est invalide.


[56]      À cet effet, bien que j'ai été sensible aux arguments soulevés par le procureur des demandeurs, les deux premiers arguments sont obsolètes, puisque même si l'enregistrement du nom DÉCARIE ne rencontrait pas les exigences de l'article 12(1)(a) et 12(1)(b) parce qu'il s'agissait d'un nom de personne et également du nom d'origine d'un lieu, c'est en vertu des dispositions 12(2) de la Loi que les défendeurs ont enregistré le nom, puisqu'ils ont adéquatement répondu aux objections formulées par le registraire quant aux exigences de l'article 12(1)(a) et 12(1)(b) et qu'ils ont clairement démontré que le caractère distinctif avait été acquis depuis 1971.


[57]      Quant au troisième argument à l'effet que la marque DÉCARIE n'avait pas conservé son caractère distinctif puisque le nom DÉCARIE n'a rien en commun avec la vente ou le service de produits reliés à l'automobile, la preuve a été faite devant le registraire à l'effet que le caractère distinctif avait été acquis depuis 1971, et la preuve qui a été faite devant moi ne m'a pas convaincu que la décision du registraire à cet effet, était déraisonnable dans les circonstances.


[58]      Quant au quatrième argument à l'effet que la marque de commerce DÉCARIE avait été abandonnée suivant les dispositions de l'article 18(1)(c) de la Loi et qu'elle n'avait pas non plus été utilisée depuis 1994, la preuve au dossier démontre de façon non-équivoque que la marque DÉCARIE a de fait été utilisée et ce, sans interruption et avec son caractère distinctif, depuis la date de son enregistrement.


[59]      Pour toutes ces raisons, la demande des parties demanderesses est rejetée, le tout avec dépens contre les demandeurs.

                                                 Pierre Blais

                                                 Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 13 octobre 1998

__________________

1      S.R., ch. T-10.

2      (1992), 44 C.P.R. (3d) 417, (1993) 1 F.C. 145 (F.C.T.D.).

3      (1984), 78 C.P.R. (2d) 112 (Que. S.C.), [78 C.P.R. (2d) p. 126].

4      The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 1972, The Carswell Company Limited, Toronto, Canada, page 314. Cahier d'autorités des défendeurs, onglet 3.

5      (1984), 82 C.P.R., 2d, 128, p. 134.

6      (1989), 24 C.P.R. (3d) 207 à la page 10, 25 F.T.R. 151, 23 C.I.P.R. 292 (T.D.); affirmed 41 C.P.R. (3d) 67, 139 N.R. 319, 54 F.T.R. 80n (C.A.).

7      29 juin 1984, 2 C.P.R. (3d) 535, à la p. 538.

     (1971), 1 C.P.R. , (2d) 155, à la p. 166.     

     25 juin 1998, (T-162-96) p. 10.

     24 novembre 1982, 69 C.P.R. (2d) p. 144.

     28 octobre 1981, 58 C.P.R. (2d) p. 157.

     7 juin 1968, 55 C.P.R. p. 49.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.