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                                                                                                                              Date : 20000830

                                                                                                                        Dossier : T-1499-98

           

OTTAWA (ONTARIO), le 30 août 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

                                                                            

ENTRE :

                                                             TAG HEUER S.A.

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                         - et -

                                                  M. UNTEL, MME UNETELLE

                                  ET LES AUTRES PERSONNES INCONNUES

DE LA DEMANDERESSE QUI OFFRENT EN VENTE,

VENDENT, IMPORTENT, FABRIQUENT, ANNONCENT OU

FONT LE COMMERCE DE MONTRES, DE VÊTEMENTS OU D'ACCESSOIRES TAG HEUER CONTREFAITS AINSI QUE

LES PERSONNES ÉNUMÉRÉES À L'ANNEXE A

                                                                                                                                        défendeurs

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         Par suite d'une ordonnance que j'ai prononcée dans le cadre de l'examen de l'état du présent dossier, l'avocat de la demanderesse a déposé des observations écrites en vue d'obtenir, entre autres, l'autorisation de déposer des avis de désistement à l'égard de certains des défendeurs et d'obtenir également que l'action ne soit pas rejetée.

[2]         L'ordonnance prononcée est rédigée ainsi :


[traduction] Attendu qu'un avis d'examen de l'état de l'instance a été donné relativement à la présente demande le 12 mai 1999;

Attendu qu'aucune ordonnance n'a été prononcée en vue de la continuation de l'action contre certains ou tous les défendeurs;

La Cour ordonne donc ce qui suit :

1.             L'avocat de la demanderesse fournira à la Cour dans un délai de 60 jours la liste des défendeurs contre lesquels la demanderesse désire poursuivre l'action (la liste des dossiers actifs).

2.             Après réception de la liste des dossiers actifs, la Cour décidera contre lesquels des défendeurs figurant sur la liste des dossiers actifs sera poursuivie l'action en tant qu'instance à gestion spéciale.

3.             Les demandes contre des défendeurs dont le nom ne figure pas sur la liste des dossiers actifs ou contre lesquels la demanderesse n'a pas obtenu d'ordonnance définitive seront rejetées pour cause de retard. Si l'avocat désire présenter des observations à cet égard, il devra le faire dans un délai de 60 jours.

4.             L'avocat devra en donner avis si une ordonnance de type Anton Piller est en vigueur relativement à la présente déclaration.

[3]         Il semble y avoir une certaine confusion au sujet du but visé par l'ordonnance ainsi qu'il appert du paragraphe réclamant que l'action ne soit pas rejetée vu que la contrefaçon des produits Tag Heuer continue.


[4]         Les dossiers des affaires de type Anton Piller peuvent être soumis à un examen de l'état de l'instance tout comme les autres dossiers. Dans le cas des dossiers de type Anton Piller, contrairement à la plupart des autres dossiers, il est possible d'ajouter des défendeurs au fil du temps. À tout moment donné, les procédures contre les défendeurs en sont à des phases différentes. Jugement a été inscrit dans certains dossiers, tandis que, dans d'autres, des ordonnances ont été signifiées à des contrefacteurs présumés, mais dont le nom n'a pas encore été ajouté en qualité de défendeurs. L'examen de l'état de ces dossiers exige donc qu'il soit tenu compte de l'état des procédures à l'égard de chacun des défendeurs pris individuellement.

[5]         Dans certains des dossiers où un grand nombre de défendeurs ont été ajoutés au cours des années, il y a de nombreux défendeurs contre lesquels aucune autre mesure n'a été prise une fois que leur nom a été ajouté en qualité de défendeurs et que des injonctions interlocutoires ont été obtenues contre eux. Cela va à l'encontre de l'esprit des Règles, selon lesquelles il devrait être statué sur les affaires de façon rapide (de là, la tenue de l'examen de l'état de l'instance un an après délivrance de la déclaration).

[6]         En outre, dans un certain nombre de dossiers de type Anton Piller dont la Cour a été saisie, l'ajout de défendeurs au cours des années a engendré des dossiers tellement volumineux et tellement complexes qu'il faut déployer des efforts considérables pour retrouver et assembler les documents relatifs à des défendeurs en particulier.


[7]         La Cour tente de régler certains de ces problèmes au cours du processus d'examen de l'état de l'instance. En général, l'ordonnance initiale demandera à l'avocat du demandeur d'identifier les défendeurs contre lesquels le demandeur veut poursuivre l'action. Le but recherché est que l'avocat passe en revue les défendeurs dans un dossier, identifie ceux contre lesquels des ordonnances définitives n'ont pas été obtenues et en informe la Cour en conséquence. Les demandes contre tous les autres défendeurs seront rejetées dans la mesure où elles ne font pas déjà l'objet d'ordonnances définitives. C'est pour mettre fin aux demandes qui sont restées pendantes après l'examen de l'état d'exécution de l'ordonnance de type Anton Piller. En raison du volume et de la complexité des dossiers de la Cour, c'est désormais au cabinet de l'avocat du demandeur et non plus au greffe qu'il incombe de fouiller dans le dossier pour déterminer l'état de l'instance à l'égard des différents défendeurs.

[8]         Une fois identifiés les défendeurs contre lesquels aucune ordonnance définitive n'a été obtenue, la Cour rendra une ordonnance relative à la gestion de ces actions pour qu'il soit statué sur elles dans un délai raisonnable. Comme la plupart de ces actions se règlent par voie de jugement par défaut ou de demandes de jugement sommaire, en général ce n'est pas un processus onéreux.


[9]         Afin de limiter le nombre de défendeurs dans chacun des dossiers, l'ordonnance relative à la gestion de l'instance prévoira habituellement qu'aucun nouveau défendeur ne devra être ajouté à la déclaration sans l'autorisation du juge responsable de la gestion de l'instance, autorisation qui devra être obtenue avant l'exécution de l'ordonnance contre un défendeur éventuel. En général, la Cour demandera aux demandeurs de présenter une autre déclaration chaque fois que l' « ancienne » déclaration fait l'objet d'un examen de l'état de l'instance et de solliciter la délivrance d'une « nouvelle » ordonnance de type Anton Piller en conformité avec la « nouvelle » déclaration. En plus de limiter le nombre de défendeurs dans une action quelconque, cela permet d'en finir avec l' « ancienne » déclaration et de poursuivre l'action de façon régulière.

[10]       L'autorisation d'ajouter des défendeurs à une déclaration qui fait l'objet d'un examen de l'état de l'instance sera accordée lorsqu'il n'est pas possible d'obtenir une nouvelle ordonnance de type Anton Piller avant qu'une action doive être intentée contre le contrefacteur. La Cour s'attendra à ce que ces cas soient l'exception plutôt que la règle. Le défaut d'autorisation signifierait simplement qu'une nouvelle ordonnance devrait être obtenue en conformité avec une nouvelle déclaration.

[11]       Certaines ordonnances relatives à l'examen de l'état de l'instance exigent que les demandeurs informent la Cour si une ordonnance de type Anton Piller est déjà en force en ce qui concerne la déclaration existante. Encore une fois, ce n'est qu'un moyen de saisir le juge chargé de l'examen de l'état de l'instance sans lui imposer la tâche de fouiller dans un dossier de plusieurs volumes pour y rechercher l'ordonnance de type Anton Piller qui est la plus récente.


[12]       Les avocats devraient donc savoir qu'une fois qu'un examen de l'état de l'instance est entrepris dans le dossier d'une affaire de type Anton Piller, on s'attendra à ce qu'ils mènent à terme les actions contre les défendeurs figurant dans ce dossier et qu'ils prennent des mesures pour obtenir une nouvelle ordonnance de type Anton Piller en conformité avec une nouvelle déclaration.

[13]       Le nombre de défendeurs dans la présente affaire est limité et il s'agit de procédures à jour. La demanderesse a obtenu des ordonnances contre les défendeurs et cherche maintenant à fermer les dossiers par le dépôt d'avis de désistement dans les affaires dans lesquelles aucun ne figure au dossier. La Cour attire l'attention de l'avocat sur l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans Carpenter Fishing Corp. c. Canada (C.A.), [1998] 2 C.F. 548, (1997), 221 N.R. 372, où il a été jugé qu'il devrait y avoir une seule ordonnance définitive relativement à une affaire et que le jugement ne devrait pas être rendu par tranches. Je vais en tirer le corollaire selon lequel, s'il y a une ordonnance définitive dans un dossier, l'affaire est réglée et il n'y a pas lieu de rendre d'autres ordonnances, sauf dans les cas prévus précisément par les Règles. Si le demandeur a l'intention de réclamer des dommages-intérêts, il doit le faire au moment de demander un jugement par défaut. Il ne peut pas obtenir une injonction permanente au moyen d'un jugement par défaut et ensuite réclamer des dommages-intérêts dans une deuxième demande. Il ne sera rendu qu'un seul jugement définitif. Comme il existe déjà une ordonnance d'injonction permanente relativement à tous les dossiers dans lesquels l'avocat cherche à déposer un avis de désistement, l'affaire est réglée et aucun avis de désistement n'est requis.


[14]       Quant à la question du rejet de l'action, la demanderesse ne serait pas privée de son recours dans le cas où aucun autre défendeur ne devrait être ajouté à la présente demande. Elle devrait simplement présenter une nouvelle déclaration et demander la délivrance d'une ordonnance de type Anton Piller en conformité avec cette demande. L'obligation d'obtenir une autorisation vise à donner plus de souplesse que ne le permettrait une interdiction générale d'ajouter de nouveaux défendeurs. Si les circonstances exigent l'ajout d'un défendeur à une demande qui fait l'objet d'une gestion de l'instance, une ordonnance peut être rendue à cet égard. Sinon, on s'attendra à ce que la demanderesse réclame la délivrance d'une nouvelle ordonnance.

[15]       Depuis la présentation de ses observations, la demanderesse a obtenu un renouvellement de l'ordonnance de type Anton Piller relativement au présent dossier. Cela n'a rien à voir avec la question de l'examen de l'état de l'instance.

[16]       Les observations déposées pour le compte de la demanderesse montrent bien que des ordonnances définitives ont été obtenues contre la totalité des dix défendeurs contre lesquels a été exécutée l'ordonnance. Il n'y a donc actuellement aucune demande existante qui pourrait faire l'objet de la gestion de l'instance.


[17]       La question est de savoir s'il serait utile d'exiger que la demanderesse présente une nouvelle déclaration et qu'elle obtienne une nouvelle ordonnance de type Anton Piller alors que l'ordonnance antérieure vient juste d'être renouvelée.

[18]       L'avantage revient à la Cour par opposition à la demanderesse. L'avantage que recherche la Cour est que tous les dossiers de type Anton Piller soient traités sur un pied d'égalité de sorte que la Cour puisse mieux les gérer. Dans quelques cas, comme en l'espèce, le dossier n'exigera pas l'intervention de la Cour. Mais pour la mise en place de systèmes de gestion de ce type de dossier, la présente demanderesse subira un léger inconvénient, que d'autres demandeurs subissent également.

[19]       Par conséquent, il y aura une ordonnance permettant la continuation de la présente action en tant qu'instance à gestion spéciale et limitant le droit de la demanderesse à ajouter des défendeurs à la présente demande.


                                                              ORDONNANCE

1-          La présente action sera continuée en tant qu'instance à gestion spéciale.

2-          Aucun autre défendeur ne sera ajouté à la présente demande sans l'autorisation du juge responsable de la gestion de l'instance, laquelle autorisation devra être obtenue avant l'exécution de l'ordonnance de type Anton Piller relativement au défendeur éventuel.

                                                                                                                      « J.D. Denis Pelletier »                  

                                                                                                                Juge

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER :                               T-1499-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :             TAG HEUER S.A.

AFFAIRE EXAMINÉE SUR DOSSIERS SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER

DATE :                                                   LE 30 AOÛT 2000

COMPARUTIONS :

DANIEL S. DRAPEAU ET

FRÉDÉRIQUE AMROUNI                                             POUR LA DEMANDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OGILVY RENAULT

MONTRÉAL (QUÉBEC)                                                POUR LA DEMANDERESSE

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