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Date : 20010807

Dossier : T-2210-00

Référence neutre : 2001 CFPI 859

Ottawa (Ontario), le mardi 7 août 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                              demanderesse

                                                    - et -

                          OLYMPIA INTERIORS LTD. et

MARY DAVID

                                                                                              défenderesses

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]    Sa Majesté la Reine sollicite une ordonnance interdisant aux défenderesses d'engager d'autres instances devant la Cour ou de continuer devant elle toute instance déjà engagée, sauf avec son autorisation. La présente demande est introduite avec le consentement du procureur général du Canada conformément à l'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (la Loi).


QUESTIONS PRÉLIMINAIRES DE PREUVE

[2]    À l'appui de sa requête, la demanderesse a déposé des affidavits souscrits par Me Zoran Samac le 11 septembre 2000 et le 20 novembre 2000. Me Samac a déclaré sous serment qu'il était un des avocats du cabinet chargé de représenter la Couronne dans la présente instance. Il a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]

6.              Pour ce qui est des incidents survenus jusqu'en février 1995 dans l'action introduite devant la Cour fédérale et jusqu'au 15 juin 2000 dans les actions intentées devant la Cour de l'Ontario, Mme Bonnie J. Boucher m'a informé des faits qui suivent que j'ai tous les motifs de croire véridiques. Pour ce qui est des incidents survenus depuis février 1995 dans l'action introduite devant la Cour fédérale et depuis la mi-juin 2000 dans les actions intentées devant la Cour de l'Ontario, M. Bryan C. McPhadden m'a informé des faits qui suivent que j'ai tous les motifs de croire véridiques.

[3]    Me Samac n'explique pas clairement dans ce paragraphe par qui il a été mis au courant des incidents survenus avant 1995 dans le dossier de la Cour fédérale. En tout état de cause, l'article 81 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 dispose :



81. (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s'ils sont présentés à l'appui d'une requête, auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l'appui.

(2) Lorsqu'un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

81. (1) Affidavits shall be confined to facts within the personal knowledge of the deponent, except on motions in which statements as to the deponent's belief, with the grounds therefor, may be included.

(2) Where an affidavit is made on belief, an adverse inference may be drawn from the failure of a party to provide evidence of persons having personal knowledge of material facts.


[4]                 Les affidavits déposés pour le compte de la demanderesse ne satisfont donc pas aux exigences du paragraphe 81(1) des Règles et n'expliquent pas pourquoi aucun élément de preuve portant sur des faits dont le déclarant avait une connaissance personnelle n'a été soumis à la Cour.

[5]                 Les défenderesses ont produit les affidavits souscrits par Mme David le 30 novembre 2000 et le 4 décembre 2000 pour contester la présente demande.

[6]                 Aucun des deux déclarants n'a été contre-interrogé.

[7]                 Les défenderesses, qui ont comparu sans avocat, n'ont pas directement soulevé le défaut de la demanderesse de respecter la règle 81. C'est la Cour qui a signalé la question à l'avocat de la demanderesse au cours des débats. La demanderesse a soutenu que le fait de se conformer à la règle 81 l'aurait privée des services de l'avocat qui assure la conduite des diverses instances depuis plus de six ans et qu'obliger cet avocat à témoigner serait injuste et déraisonnable. Même en supposant qu'il en soit ainsi, on ne sait toujours pas pourquoi Mme Boucher, qui a mandaté l'avocat, n'était pas disponible pour présenter un témoignage régulièrement admissible.


[8]                 L'inobservation des Règles de la Cour n'est jamais un fait anodin. En l'espèce, au moins un des maux que la règle 81 est censée empêcher s'est manifesté dans les erreurs que comporte l'affidavit de Me Samac et qu'une personne ayant une connaissance personnelle des faits en litige aurait été moins susceptible de commettre. À titre d'exemple, Me Samac a par erreur annexé à son premier affidavit sous la cote BB l'ordonnance du 11 septembre 1995 et ce premier affidavit était tout simplement erroné lorsqu'il affirmait, aux paragraphes 48 et 49, que les appels interjetés des ordonnances du juge en chef Jerome avaient été rejetés par la Cour d'appel dans les dossiers A-458-96 et A-459-96. Ces appels visaient d'autres ordonnances.

[9]                 Par suite de la seconde erreur, la Cour a, après l'audition, ordonné aux parties de lui soumettre des éléments de preuve et des observations complémentaires.

[10]            En réponse, la demanderesse a déposé un dossier de demande complémentaire dans lequel se trouvait l'affidavit de Me Lindsay Darling, une autre avocate qui affirmait être personnellement au courant de certains faits après avoir lu le dossier de la cliente et après avoir consulté l'avocat qui avait assuré la conduite de l'instance.

[11]            Les défenderesses ne se sont pas opposées à ces éléments de preuve et ont déposé des observations.


[12]            Bien que, dans son affidavit, Me Lindsay Darling ait corrigé et clarifié le premier affidavit de Me Samac, l'affidavit qu'elle a souscrit semble lui aussi comporter au moins une erreur de fait. Au paragraphe 21, elle déclare en effet sous serment que [traduction] « Olympia et Mme Mary David ont présenté au moins deux requêtes, mais pas celle à laquelle Me Samac fait allusion dans son affidavit. Elles demandaient l'annulation des deux certificats. Les requêtes rejetées par le juge Rothstein ont été jugées sur le fond » .

[13]            En fait, les ordonnances du juge Rothstein qui étaient jointes à l'affidavit de Me Darling sous les cotes K et L faisaient état d'une requête présentée pour le compte de la demanderesse en vertu de la règle 324 en vue d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai prescrit pour déposer et signifier une demande de contrôle judiciaire. Le juge Rothstein y précisait que c'était cette requête qui était rejetée.

[14]            Il est donc précisé dans les ordonnances en question que les requêtes en annulation des certificats présentées par les défenderesses n'ont pas été examinées sur le fond, mais bien qu'elles n'avaient pas été instruites parce qu'elles avaient été présentées après l'expiration des délais prescrits et qu'aucune prorogation de délai n'avait été accordée. Vu les démarches persistantes que les défenderesses ont entreprises au sujet de ces certificats et dont il sera question plus loin, cette erreur de fait de l'affidavit ne porte pas sur un point banal.


[15]            Tout ceci pour dire qu'en l'espèce, le défaut de respecter la règle 81 a créé de la confusion et illustre bien la sagesse que représente le fait d'exiger que toute demande soit appuyée par un affidavit souscrit par une personne qui est personnellement au courant des faits et qui prépare son affidavit avec soin et attention.

[16]            Quant aux conséquences de ce défaut, j'ai envisagé la possibilité de rejeter la présente demande pour ce seul motif avec permission de présenter une nouvelle demande. Une telle mesure ne permettrait cependant pas d'obtenir la solution juste la plus expéditive et économique possible du différend qui oppose les parties.

[17]            Dans le cas qui nous occupe, les défenderesses n'ont pas directement contesté une grande partie de la preuve soumise à la Cour, bien qu'il semble exister un certain désaccord au sujet de la question de savoir dans quelle mesure les dépens adjugés n'ont pas encore été acquittés. Les défenderesses ont plutôt concentré leurs prétentions sur le bien-fondé de leurs demandes sous-jacentes contre la Couronne, affirmant qu'elles ont le droit [traduction] « d'introduire la présente instance et leur action en dommages-intérêts devant les tribunaux dans une société libre et démocratique » .


[18]            La règle 55 permet à la Cour de dispenser de l'observation d'une disposition des Règles et le paragraphe 81(2) l'autorise à tirer des conclusions défavorables. Ces dispositions des Règles prévoient une façon moins radicale de traiter des lacunes de la preuve que celle que nous avons déjà évoquée.

[19]            Dans ces conditions, compte tenu en particulier de la gravité et du caractère extraordinaire de la présente instance, je tiens compte de la partie de la preuve de la demanderesse qui consiste en l'identification des copies certifiées conformes des actes de procédure, des ordonnances, des jugements, des motifs de jugement et ainsi de suite qui ont été versés au dossier ou qui émanent de la Cour. Je tiens également compte des inscriptions de la Cour dans les dossiers T-2210-00, T-1436-92, ITA-8447-92 et GST-41-92, ainsi que des motifs exposés par la Cour, qui concernent toutes les défenderesses. Je signale que, dans l'arrêt Foy v. Foy (No. 2), (1979), 102 D.L.R. (3d) 342 (C.A. Ont.), la Cour d'appel de l'Ontario a affirmé que, dans ce type d'instance, le tribunal a le droit de tenir compte de ses propres dossiers et des instances dont ils font état.

[20]            Le fait de m'en tenir à ces éléments de preuve ne permet pas selon moi de contester valablement le bien-fondé des éléments de preuve présentés par la demanderesse. Comme ces éléments ne sont pas identifiés par un témoin ayant une connaissance personnelle des faits qui y sont relatés, je dispense la demanderesse de l'obligation de respecter la règle 81 dans cette mesure limitée seulement.


[21]            Dans la mesure où les affidavits de la demanderesse concernent des instances introduites devant les tribunaux ontariens et les actes accomplis par les défenderesses dans ces instances, j'estime que la preuve produite est peu ou pas pertinente. Comme ce point n'a pas été contesté devant moi et que les motifs du juge ont été publiés, je prends acte du fait que le tribunal ontarien a déclaré que les défenderesses s'étaient comportées de manière vexatoire. Il s'ensuit que leur conduite devant les tribunaux ontariens a déjà été examinée. Bien que notre Cour puisse, comme nous le verrons plus loin, tenir compte des conclusions du tribunal ontarien, j'estime que, lorsqu'elle examine la conduite des défenderesses, notre Cour devrait s'en tenir aux agissements qu'elles ont eus devant elle et se demander si ces agissements font en sorte que les défenderesses tombent sous le coup de l'article 40 de la Loi.

CONTEXTE FACTUEL

[22]            Je passe maintenant à l'examen des éléments de preuve que j'estime pertinents et qui, selon moi, ont été régulièrement établis.


[23]            Mme Mary David était, à l'époque en cause, la présidente, l'unique administratrice et la principale actionnaire de la société Olympia Interiors Ltd. (Olympia). Olympia concevait, fabriquait et installait des rideaux et couvre-fenêtres architecturaux pour des établissements commerciaux. Olympia était un gros fournisseur dans ce secteur. Elle était tenue de déclarer et de remettre la taxe de vente fédérale conformément à la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13.

[24]            En août 1986, des fonctionnaires de Revenu Canada ont exécuté un mandat de perquisition dans les locaux d'Olympia. Ils ont saisi une quantité importante de documents et de livres et registres financiers. En 1987, Olympia et Mme David ont été accusées de 73 infractions à la Loi sur la taxe d'accise.

[25]            L'affaire a été entendue par la Cour de l'Ontario (Division provinciale). L'instruction a commencé en octobre 1989 et s'est poursuivie de façon intermittente jusqu'au milieu de 1990. Au début de l'instruction, le ministère public a retiré une dizaine de chefs d'accusation. Le 4 juin 1990, la Couronne a demandé la suspension de l'instance.

[26]            Mme David et Olympia affirmaient qu'en raison de la poursuite, Olympia n'était plus en mesure d'exercer ses activités. L'usine et l'équipement d'Olympia ont été saisis par les créanciers. Mme David, qui avait garanti personnellement les dettes d'Olympia, a fait une faillite personnelle.


[27]            En 1991, Mme David et Olympia ont introduit devant notre Cour une action (la première action introduite devant la Cour fédérale) contre le procureur de la Couronne qui les avait poursuivies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Elles ont également constitué défendeurs les fonctionnaires du ministère du Revenu national qui avaient participé à l'enquête qui s'était soldée par les accusations portées contre elles. Sa Majesté la Reine était également désignée comme défenderesse, car les demanderesses alléguaient qu'elle devait répondre des actes de ses préposés en raison de sa responsabilité du fait d'autrui.

[28]            Dans la déclaration déposée dans la première action introduite devant la Cour fédérale, Mme David et Olympia alléguaient que les préposés de l'État avaient engagé des poursuites abusives et avaient fait preuve de négligence. Elles ajoutaient que les droits garantis à Mme David par les articles 7, 8 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte) avaient été violés.

[29]            Le 18 octobre 1991, le protonotaire adjoint a mis les personnes physiques défenderesses hors de cause au motif que la Cour n'était pas compétente à leur égard. La demande visant Sa Majesté a été radiée, sous réserve du droit des défenderesses de déposer une nouvelle déclaration. Le juge Joyal a rejeté l'appel interjeté de cette ordonnance et la demande de réexamen de l'ordonnance du juge Joyal a elle aussi été rejetée. La Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel interjeté de l'ordonnance du juge Joyal.


[30]            En 1992, Olympia et Mme David ont, comme elles avaient le droit de le faire, introduit une nouvelle action contre Sa Majesté la Reine, sous le numéro du greffe T-1436-92 (la seconde action introduite devant la Cour fédérale). Dans cette demande, les défenderesses affirmaient que les accusations criminelles avaient été fabriquées en recourant à des moyens illégaux, que les droits qui leur sont garantis par les articles 7, 8 et 15 et l'alinéa 11b) de la Charte avaient été violés et que les préposés de l'État avaient engagé des poursuites abusives, avaient fait preuve de négligence, avaient commis une action fautive et un abus de pouvoir et qu'ils avaient comploté entre eux.

[31]            En 1992, Mme David a également introduit trois instances distinctes devant la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) contre les personnes physiques désignées dans la première action introduite devant la Cour fédérale. Une autre action a été intentée en Ontario contre un ex-employé d'Olympia qui avait fourni des renseignements au ministère du Revenu national.

[32]            Plusieurs mesures et procédures ont par la suite été prises devant la Cour de justice de l'Ontario qui a finalement rendu une ordonnance interdisant à Mme David et à Olympia d'introduire d'autres instances devant la Cour de justice de l'Ontario ou de continuer devant celle-ci toute instance déjà engagée par l'une ou l'autre d'entre elles, sauf avec la permission de la Cour.


[33]            La seconde action engagée devant la Cour fédérale a été instruite en octobre 1998 devant le juge MacKay. Voici certains des incidents survenus en Cour fédérale avant cette instruction :

i.           Des certificats de défaut ont été déposés devant la Cour par le ministre du Revenu national à la suite d'avis de cotisation établis en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.). Ces certificats ont respectivement été déposés dans les dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92 ;

ii.           En août et en octobre 1995, Olympia a présenté une requête dans les dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92 respectivement en vue d'obtenir une ordonnance annulant les certificats en question. Ces requêtes devaient initialement être entendues le 23 janvier 1996. Le juge en chef adjoint Jerome a par la suite ordonné que les requêtes soient jugées sur dossier.


iii.          Vers la même époque, les demanderesses ont également présenté une requête dans le dossier T-1436-92 en vue d'obtenir une ordonnance radiant le paragraphe 56 de la défense modifiée de Sa Majesté. Dans ce paragraphe, Sa Majesté réclamait une compensation au titre de la taxe de vente fédérale, des intérêts et des pénalités dus en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.

iv.          Le 21 mars 1996, le juge en chef adjoint Jerome a prononcé une ordonnance et des motifs dans les dossiers T-1436-92, GST-41-92 et ITA-8447-92. Il n'y mentionnait que la requête en radiation du paragraphe 56 de la défense modifiée, qu'il a rejetée. Le moyen invoqué pour demander la radiation de la défense, moyen que le juge en chef adjoint a jugé mal fondé, était que la question était chose jugée en raison de la poursuite au criminel antérieure. Le juge en chef adjoint a conclu que, comme la poursuite au criminel avait été suspendue, aucune question n'avait été tranchée comme cela est nécessaire pour que le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée puisse s'appliquer.


v.          Le 28 mars 1996, Sa Majesté a présenté une requête dans le dossier T-1436-92 en vue de faire réexaminer l'ordonnance du 21 mars 1996 au motif que le juge Jerome n'y avait pas traité des requêtes en annulation des certificats TPS et LIR présentées par Olympia. Bien que, dans son affidavit, Me Lindsay Darling mentionne une ordonnance en date du 7 février 1997 rejetant la requête en réexamen, on ne trouve dans le dossier T-1436-92 aucune inscription correspondant à une ordonnance rendue le 7 février 1997. Il n'y a cependant rien qui permette de penser que la requête en réexamen a été accueillie.

vi.          Le 27 mars 1996, les demanderesses ont interjeté appel de l'ordonnance rendue le 21 mars 1996 par le juge en chef adjoint Jerome et le 25 juin 1996, elles se sont désistées de cet appel.


vii.         Le 28 mars 1996, Olympia a déposé deux demandes de contrôle judiciaire en vue d'obtenir des brefs de certiorari, de mandamus et de quo warranto, un jugement déclaratoire et des ordonnances prorogeant le délai imparti pour présenter les demandes en question. La première demande, le dossier T-723-96, concernait le certificat délivré dans le dossier ITA-8447-92, alors que la seconde, qui portait le numéro du greffe T-724-96, visait le certificat délivré dans le dossier GST-41-92. Dans les deux demandes, Olympia affirmait notamment que les conditions requises pour l'application de l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions en litige étaient réunies par suite de la poursuite criminelle et qu'il y avait abus de procédure. Le 30 mai 1996, le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour d'appel) a rejeté les deux requêtes en prorogation de délai.

viii.        Les défenderesses ont interjeté appel des ordonnances du juge Rothstein le 31 mai 1996. La Cour d'appel les a déboutées de ces appels le 28 juillet 1997 à la suite de la requête présentée par Sa Majesté, vraisemblablement en raison du retard des demanderesses à poursuivre les appels.


ix.          Aux termes d'une ordonnance rendue le 31 octobre 1996, le juge MacKay a rejeté une requête présentée par les demanderesses dans les dossiers T-1436-92 et ITA-8447-92 en vue d'obtenir un jugement sommaire. Le juge MacKay a fait remarquer, dans ses motifs, qu'au cours des débats, Mme David avait convenu que la Cour ne disposait d'aucun nouvel élément de preuve ou moyen autre que ceux qui avaient été soumis au juge Rothstein lequel avait, le 22 novembre 1995, rejeté une requête en jugement sommaire et rejeté, le 15 décembre 1995, une requête en réexamen de son ordonnance du 22 novembre 1995.

x.          Par ordonnance datée du 20 novembre 1996, le juge MacKay a rejeté la requête présentée par les défenderesses en vue de faire radier certaines parties de la défense de Sa Majesté, dont le paragraphe 56.

xi.          Aux termes de l'ordonnance qu'il a rendue le 16 décembre 1996, le juge MacKay a interdit aux défenderesses de présenter d'autres demandes ou requêtes dans les dossiers T-1436-92, GST-41-92 et ITA-8447-92 sans avoir d'abord obtenu l'autorisation de la Cour.


xii.         Par ordonnance rendue le 1er mai 1998, le juge MacKay a rejeté une requête en instruction conjointe des questions soulevées dans les dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92 avec celles qui étaient en cause dans le dossier T-1436-92.

[34]            Le 31 mars 1999, au terme d'un procès de 16 jours, le juge MacKay a rendu un jugement par lequel il a rejeté avec dépens l'action des défenderesses. Voici les conclusions spécifiques que le juge MacKay a tirées dans les motifs détaillés et fouillés de son jugement :

i.           La preuve établissait qu'il existait des motifs raisonnables et probables justifiant l'introduction de poursuites contre Olympia et Mme David et qu'il y avait des éléments de preuve appuyant l'opinion du ministère public que les poursuites porteraient probablement fruit.

ii.           « Rien ne montre qu'un préposé de l'État ait agi d'une façon malveillante » .

iii.          Il n'y avait pas eu d'abus de procédure et rien ne permettait de conclure qu'il y avait eu malveillance ou que les poursuites avaient été intentées dans un but illégitime.

4.                    La preuve présentée n'étayait pas l'allégation d'abus de pouvoir.


v.          Aucune négligence commise par l'un des préposés de Sa Majesté n'avait été établie.

vi.          L'existence d'une collusion entre deux ou plusieurs fonctionnaires n'avait pas été établie.

vii.         Rien ne permettait de conclure que les droits protégés par les articles 7, 8, 11, 12 ou 15 de la Charte avaient été violés.

[35]       Le 13 septembre 1999, la Cour d'appel fédérale a rejeté avec dépens l'appel interjeté du jugement du juge MacKay.

[36]       Le 20 janvier 2000, la Cour suprême du Canada a rejeté avec dépens une demande d'autorisation de former un pourvoi à l'encontre de la décision de la Cour d'appel. Le 22 juin 2000, la Cour suprême a rejeté avec dépens une demande de réexamen.


[37]       Le 23 août 2000, le juge Pinard a ordonné au greffe d'accepter le dépôt d'une demande présentée en vertu de l'article 369 des Règles de la Cour fédérale (1998) par les défenderesses dans le dossier GST-41-92 en vue d'obtenir un jugement déclaratoire portant que le certificat déposé dans cette instance était sans effet. Dans les pièces qu'elles ont versées au dossier, les défenderesses alléguaient que le certificat en question portait atteinte aux droits qui leur étaient garantis par l'article 12 de la Charte, que les accusations au criminel déjà portées violaient les droits garantis à Mme David par l'article 7 de la Charte et que les enquêteurs et le poursuivant avaient commis une action fautive.

[38]       Dans une ordonnance datée du 27 octobre 2000, le juge Blais a rejeté cette requête au motif que le juge en chef adjoint Jerome avait déjà rejeté une requête semblable, que le principe de l'autorité de la chose jugée s'appliquait et que la requête constituait un abus de procédure. Le 31 octobre 2000, les défenderesses ont interjeté appel de cette ordonnance et ont réclamé la somme de neuf millions de dollars à titre de dommages-intérêts généraux, spéciaux et exemplaires.

[39]       Le 8 décembre 2000, la Cour de justice de l'Ontario a déclaré que les demanderesses s'étaient comportées de manière vexatoire.

[40]       Après avoir soumis en l'espèce les observations complémentaires dont il a été question plus tôt, Mme David a continué à correspondre avec la Cour.

[41]       Le 19 avril 2001, Mme David a écrit une lettre dans laquelle elle s'est plainte que le ministère de la Justice avait refusé de lui fournir des précisions au sujet des certificats ITA-8447-92 et GST-41-92.


[42]       Le 25 avril 2001, le juge Tremblay-Lamer a, dans le dossier ITA-8447-92, rejeté une requête visant à obtenir la prorogation du délai imparti pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le juge MacKay le 1er mai 1998 au motif qu'aucune explication n'avait été fournie pour expliquer pourquoi l'appel n'avait pas été interjeté dans le délai prescrit et que la Cour n'était pas convaincue qu'il y avait une cause défendable.

[43]       Un appel de cette ordonnance a été interjeté le 4 mai 2001.

[44]       Le 9 mai 2001, Mme David a adressé à la Cour une lettre à laquelle elle a joint une copie de l'ordonnance du juge Tremblay-Lamer et m'a demandé de fixer une date pour la poursuite de l'instruction de l'affaire ITA-8447-92. Elle a invoqué [TRADUCTION] « la jurisprudence relative à la règle 399, ainsi que l'ordonnance prononcée par le juge Tremblay-Lamer » .

[45]       Le 24 mai 2001, Mme David a de nouveau écrit une lettre dans laquelle elle se demandait [TRADUCTION] « si nous devons attendre maintenant la décision de la Cour d'appel ou si Votre Seigneurie est en mesure d'entendre les prétentions et moyens non déjà plaidés dans les appels [en instance], tels que ceux ayant trait aux dommages-intérêts ? » .


[46]       En un mot, la demande présentée par Mme David en vue d'obtenir des dommages-intérêts pour poursuites abusives, action fautive, violation de droits garantis par la Charte et ainsi de suite a échoué sur toute la ligne. Elle a épuisé toutes les voies de recours. Tant avant qu'après l'instruction de la deuxième action introduite devant la Cour fédérale, Mme David a essayé à plusieurs reprises de contester les certificats délivrés à la suite des avis de cotisation établis en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et de la Loi de l'impôt sur le revenu. Plus récemment, le juge Blais a rejeté une demande dans laquelle le certificat délivré dans le dossier GST-41-92 était contesté au motif qu'il constituait un abus de procédure et le juge Tremblay-Lamer a refusé de proroger le délai d'appel dans le dossier ITA-8447-92. Ces ordonnances ont été portées en appel.

[47]       Les défenderesses recherchent pourtant encore des moyens de contester les deux certificats et d'obtenir des dommages-intérêts.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[48]       L'article 40 de la Loi est ainsi libellé :



40. (1) La Cour peut, si elle est convaincue par suite d'une requête qu'une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d'une instance, lui interdire d'engager d'autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

(2) La présentation de la requête nécessite le consentement du procureur général du Canada, lequel a le droit d'être entendu à cette occasion de même que lors de toute contestation portant sur l'objet de la requête.

(3) Toute personne visée par une ordonnance rendue aux termes du paragraphe (1) peut, par requête à la Cour, demander soit la levée de l'interdiction qui la frappe, soit l'autorisation d'engager ou de continuer une instance devant la Cour.

(4) Sur présentation de la requête prévue au paragraphe (3), la Cour peut, si elle est convaincue que l'instance que l'on cherche à engager ou à continuer ne constitue pas un abus de procédure et est fondée sur des motifs valables, autoriser son introduction ou sa continuation.

(5) La décision rendue par la Cour aux termes du paragraphe (4) est définitive et sans appel.

40. (1) Where the Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, the Court may order that no further proceedings be instituted by the person in the Court or that a proceeding previously instituted by the person in the Court not be continued, except by leave of the Court.

(2) An application under subsection (1) may be made only with the consent of the Attorney General of Canada, who shall be entitled to be heard on the application and on any application made under subsection (3).

(3) A person against whom an order under subsection (1) has been made may apply to the Court for rescission of the order or for leave to institute or continue a proceeding.

(4) Where an application is made under subsection (3) for leave to institute or continue a proceeding, the Court may grant leave if it is satisfied that the proceeding is not an abuse of process and that there are reasonable grounds for the proceeding.

(5) A decision of the Court under subsection (4) is final and is not subject to appeal.


[49]       Il n'existe pas de décision dans laquelle notre Cour aurait précisé l'objet du paragraphe 40(1) de la Loi. Toutefois, dans le jugement Mishra v. Ottawa (City), [1997] O.J. No. 4352, le juge Sedgwick, de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale), a examiné l'objet de la disposition équivalente de la loi ontarienne, la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C. 43 et a déclaré, au paragraphe 52 de sa décision :

[TRADUCTION]

[52]          Notre cour ne rendra pas à la légère une ordonnance limitant d'une quelconque façon le libre accès de toute personne aux tribunaux en vue de faire valoir ses droits civils et d'obtenir réparation. Le droit d'ester en justice doit être exercé de façon responsable et d'une manière qui tienne compte des lois et règles de procédure applicables et de l'intégrité de l'administration de la justice, notamment du droit de toute personne de ne pas faire l'objet de poursuites vexatoires intentées à tort et à travers.


[50]       L'ordonnance prévue au paragraphe 40(1) constitue une réparation extraordinaire. Cependant, une telle réparation est nécessaire dans certains cas pour assurer le respect du processus judiciaire et pour protéger d'autres personnes contre des litiges frivoles et inutiles.

FACTEURS À CONSIDÉRER

[51]       Au sujet des facteurs dont il faut tenir compte dans le cas d'une demande fondée sur le paragraphe 40(1) de la Loi, voici ce que le juge McGillis a déclaré, dans le jugement Vojic c. Canada (ministre du Revenu national), [1992] F.C.J. No. 902, T-663-92 et T-1300-92 (2 octobre 1992) (C.F. 1re inst.) :

Étant donné que le libellé de cet article est semblable à celui du paragraphe 150(1) de la Loi de 1984 sur les tribunaux judiciaires, L.O. 1984, chap. 11, il est possible de se référer à la jurisprudence ontarienne pour déterminer les règles de droit applicables en matière d'instances vexatoires.

Il ressort de cette jurisprudence qu'il n'y a pas de catégories limitatives de procédures vexatoires, et que l'historique de l'instance doit être soigneusement examiné pour déterminer si les agissements d'une partie sont de nature vexatoire. Il a été jugé qu'il y avait instance vexatoire dans le cas où il n'y avait pas de cause raisonnable d'action, où le point litigieux avait été tranché en justice, où un appel déjà rejeté était poursuivi [Voir Foy c. Foy (1979), 102 D.L.R. (3d) 342 (C.A. Ont.); Re Mascan Corp. and French (1988), 49 D.L.R. (4th) 434 (C.A. Ont.); Lang Michener et al and Fabian et al (1987), 37 D.L.R. (4th) 685 (H.C.J. Ont.)]. Dans Lang Michener et al and Fabian et al, supra, la Cour a fait observer que [TRADUCTION] « ... les instances vexatoires présentent cette caractéristique générale que les motifs et questions soulevés tendent à être repris dans d'autres actions subséquentes, où ils sont répétés et apprêtés de rajouts... » . [Non souligné dans l'original.]


[52]       Le comportement du défendeur, que ce soit à la salle d'audience ou ailleurs, a déjà été considéré pertinent. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Mishra, [1998], A.C.F. no 562, T-617-98 (1er mai 1998) (C.F. 1re inst.), conf. à [2000] F.C.J. No. 1734, A-311-98 (24 octobre 2000) (C.A.F.), le juge Nadon a grandement mis l'accent sur le fait qu'une ordonnance similaire avait déjà été rendue en Ontario selon laquelle le défendeur y avait engagé une instance vexatoire.

ANALYSE

[53]       J'estime important de préciser que Mme David ne semble nullement être motivée par un désir de vengeance. Elle affirme, dans l'affidavit qu'elle a souscrit en réponse à la présente demande : [traduction] « J'ai fait de mon mieux pour me défendre moi-même et pour représenter ma société et je demande qu'on m'excuse pour les retards que j'ai pu involontairement causer. J'ai eu à me colleter avec les aspects juridiques de la présente affaire, après que mes avocats eurent abandonné la partie et après avoir épuisé mes ressources financières » . J'accepte sa déclaration.

[54]       Mme David continue de chercher une juridiction qui prononcera son acquittement dans la poursuite criminelle qui a été suspendue et elle est convaincue de son droit de contester son obligation, s'il en est, de payer l'impôt sur le revenu et la taxe d'accise dont elle est redevable selon les deux certificats qui ont été versés au présent dossier.

[55]       Malheureusement, Mme David n'accepte pas le fait que, compte tenu de ce qu'elle a déjà perdu, elle ne peut obtenir une réparation ou un acquittement de notre Cour.


[56]       J'estime qu'on peut légitimement considérer que, par les démarches qu'elle a entreprises à cet égard, Mme David reprend dans le cadre de nouvelles instances les questions litigieuses déjà tranchées au sujet de son obligation fiscale et de ses accusations d'abus de pouvoir de la part des préposés de Sa Majesté, même après qu'elle et sa société aient perdu gain de cause sur ces questions.

[57]       J'ai tenu compte du fait qu'une certaine incertitude avait pu être créée en raison du fait que, dans sa décision motivée du 21 mars 1996, le juge en chef adjoint Jerome n'a pas mentionné expressément l'instance en cours dans les dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92. Sa Majesté a d'ailleurs demandé le réexamen de cette ordonnance pour cette raison. Toutefois, les demanderesses ont interjeté appel de cette ordonnance, pour ensuite se désister de leur appel.

[58]       Le juge Rothstein a refusé les contestations qui ont par la suite été portées contre les certificats et il a refusé de proroger le délai prescrit pour présenter une demande de contrôle judiciaire et a rejeté les requêtes en jugement sommaire présentées par les défenderesses.

[59]       Les motifs que le juge MacKay a prononcés le 1er mai 1998 au sujet de la requête en réunion des causes d'action présentée par les défenderesses sont toutefois fort révélateurs :


5. Au nom des demanderesses, Mme David fait valoir que les réclamations de la Couronne qui sont énoncées dans les deux dossiers ouverts par le dépôt des certificats des sommes dues (les dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92) sont essentiellement les mêmes réclamations que celles qui constituaient le fondement des poursuites criminelles dans lesquelles les demanderesses dans le dossier T-1436-92 n'ont pas eu la possibilité de présenter entièrement leur défense, et que, de toute façon, les sommes réclamées par la Couronne dans les certificats déposés sont erronées. Qui plus est, les demanderesses font valoir que ce sont les réclamations de la Couronne, de même que les poursuites criminelles qui ont avorté, qui auraient amené les demanderesses à intenter l'action dans le dossier T-1436-92.

6.         Ces observations présentées au nom des demanderesses ne tiennent pas compte du fait que les cotisations relatives aux taxes dues en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, ou aux paiements dus au nom des employés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, si elles ne sont pas contestées par la partie qui en fait l'objet et par la suite réexaminées par le ministre, et en l'espèce ces mesures n'ont pas été prises, peuvent être recouvrées par la Couronne au moyen du dépôt d'un certificat devant la présente Cour, certificat qui est alors exécutoire au même titre qu'un jugement de la Cour. En l'espèce, les cotisations n'ont pas été contestées dans le délai de 90 jours prévu par les lois respectives, et ce délai était depuis longtemps écoulé quand les certificats ont été déposés. En outre, la validité de ces certificats ne semble pas avoir été contestée pendant plus de deux ans après leur dépôt. Dans le cas du certificat délivré dans le dossier GST-41-92 déposé en novembre 1992 et modifié en décembre 1992, il semble, d'après le dossier, que Mme David n'ait entrepris de contester ces certificats qu'en août 1995. Dans le cas du certificat visé dans le dossier ITA-8447-92 déposé en novembre 1992, la première procédure prise par les demanderesses, soit une requête pour précisions, a été déposée en août 1995. Comme je l'ai noté, bien avant que ces premières mesures soient prises, en fait avant que les certificats soient déposés, le délai de 90 jours, prescrit par la loi, pour contester les cotisations sur lesquelles se fondent ces certificats, était écoulé.

7.       Le 23 octobre 1995, deux requêtes ont été déposées au nom de la société demanderesse Olympia Interiors Ltd., pour ce qui a trait à chacun des certificats déposés dans les dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92, en vue d'obtenir une ordonnance annulant les certificats. Des ordonnances prononcées le 16 novembre 1995 enjoignaient à la Cour d'entendre ces requêtes. Par la suite, elles ont été entendues par le juge en chef adjoint Jerome, en même temps qu'une requête déposée par les demanderesses dans le dossier T-1436-92 en vue d'obtenir une ordonnance radiant le paragraphe 56 de la défense modifiée. Ce paragraphe fait référence à une compensation possible, si les demanderesses obtiennent gain de cause dans leur action, des montants dus au titre du non-paiement des taxes de la société demanderesse et de son omission de remettre à la Couronne les retenues à la source, majorées des intérêts et des pénalités. Le juge en chef adjoint a alors conclu, comme en font foi ses motifs du 21 mars 1996, que les demanderesses n'avaient pas prouvé leur réclamation, que le paragraphe 56 de la défense de la Couronne faisant référence à une compensation possible n'avait pas force de chose jugée en raison des poursuites criminelles, comme le prétendaient les demanderesses. Au contraire, comme il ressort clairement des documents déposés par Mme David, les poursuites criminelles ont été suspendues sur l'ordre de l'avocat du procureur général du Canada et l'affaire, c'est-à-dire la responsabilité criminelle des demanderesses, n'a pas été réglée par la Cour qui a entendu la preuve dans cette poursuite avant que la suspension d'instance soit ordonnée.


8.      Bien que ces motifs du juge en chef adjoint ne fassent aucune référence précise aux requêtes des demanderesses en vue de faire annuler les certificats dans les dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92, implicitement, le rejet de la requête de la société demanderesse pour faire radier le paragraphe 56 de la défense modifiée confirme la validité des réclamations de la Couronne dans les certificats en question.

9.      Par la suite, la validité des certificats a été implicitement confirmée par les ordonnances rendues le 5 juillet 1996 par le juge en chef adjoint, en réponse aux requêtes déposées le 25 octobre 1995 au nom du ministre du Revenu national, dans chacun des dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92, enjoignant à Mary David, en tant que dirigeante d'Olympia Interiors Ltd., de se soumettre à un interrogatoire concernant la propriété d'Olympia Interiors Ltd. et les dettes qui lui étaient dues.

10.        En outre, dans le dossier T-723-96 et T-724-96, les demanderesses dans le dossier T-1436-92 ont déposé des demandes distinctes de contrôle judiciaire, demandant des brefs de certiorari, mandamus, quo warranto et une déclaration ayant trait au certificat déposé dans le dossier ITA-8447-92 et au certificat déposé dans le dossier GST-41-92, respectivement. Ces deux demandes ont été entendues ensemble par le juge Rothstein qui les a refusées par les ordonnances rendues le 30 mai 1996. Les demanderesses ont interjeté appel relativement à ces deux ordonnances du juge Rothstein, mais les appels n'ont pas été poursuivis et, sur requêtes présentées par la Couronne, les appels ont été rejetés le 28 juillet 1997 (dossiers A-458-96 et A-459-96).

Dispositif

11.     La demande de réunion de causes d'action déposée par les demanderesses, qui est maintenant devant la Cour, vise essentiellement à soulever de nouveau la question de la validité des cotisations et des certificats qui en découlent. Je suis d'accord avec l'avocat de la défenderesse pour dire que ce n'est pas une fin appropriée du fait que la société demanderesse n'a pas contesté les cotisations visées dans les délais prescrits par la loi. En outre, compte tenu des décisions antérieures de la Cour prises par le juge en chef adjoint et par le juge Rothstein, la validité des certificats ne peut pas être de nouveau examinée dans le cadre de l'instruction des questions soulevées dans l'action T-1436-92. Il n'y a donc pas, dans le dossier GST-41-92 et ITA-8447-92, de questions ayant trait à la validité du certificat déposé dans chacun de ces dossiers, et ces causes d'action ne peuvent être réunies avec celles qui sont soulevées dans l'action intentée par les demanderesses dans le dossier T-1436-92.

[Non souligné dans l'original.]

[60]       Je souscris à la conclusion du juge MacKay suivant laquelle il n'y a pas de question relevant de la compétence des tribunaux dans les dossiers GST-41-92 et ITA-8447-92 (voir également le jugement Marcel Grand Cirque Inc. c. Canada (ministre du Revenu national), (1995), 107 F.T.R. 18 (C.F. 1re inst.)).


[61]       Vu la décision du juge MacKay au sujet de la réunion des causes d'action et du jugement motivé qu'il a par la suite rendu après la clôture de l'instruction dans la cause T-1436-92, je suis convaincue que les démarches que les défenderesses ont par la suite entreprises devant notre Cour à partir du mois d'août 2000 et qui ont été relatées dans les présents motifs constituent une introduction persistante d'instances vexatoires.

[62]       Je conclus donc qu'il y a lieu en l'espèce d'accorder la réparation demandée par Sa Majesté. Cette réparation n'empêchera pas Mme David ou Olympia d'intenter des actions bien fondées, mais la Cour s'assurera, par le mécanisme de l'autorisation, que ni Mme David ni Olympia n'entreprennent d'autres démarches en vue de soulever de nouveau des questions qui ont été tranchées sur le fond contre elles.

DÉPENS

[63]       La demanderesse réclame les dépens de la présente demande au tarif des dépens extrajudiciaires.

[64]       La Cour d'appel fédérale a statué que les dépens extrajudiciaires sont exceptionnels et qu'en règle générale ils ne doivent être adjugés qu'en cas d'agissements répréhensibles liés au procès (Apotex Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (2000), 9 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.)). Or, en l'espèce, les défenderesses ne se sont rendues coupables d'aucun agissement répréhensible qui justifierait une adjudication de dépens extrajudiciaires.


[65]       Quant à adjuger les dépens selon un barème moins élevé, compte tenu du défaut de la demanderesse de se conformer à la règle 81 et de la confusion que ce défaut a créée et dont il a déjà été question dans les présents motifs, j'estime, en vertu de mon pouvoir souverain d'appréciation en la matière, qu'il y a lieu en l'espèce d'ordonner que chacune des parties supporte ses propres frais et dépens.

ORDONNANCE

[66]       LA COUR :

1.                    INTERDIT à Olympia Interiors Ltd. et à Mme Mary David d'engager d'autres instances devant la Cour sauf avec l'autorisation de la Cour;

2.                    INTERDIT à Olympia Interiors Ltd. et à Mme Mary David de continuer toute instance déjà engagée devant la Cour, sauf avec l'autorisation de la Cour;


3.                    N'ADJUGE aucuns dépens à l'une ou l'autre partie.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                Juge                              

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER    

No DU GREFFE :                                  T-2210-00

INTITULÉ DE LA CAUSE : Sa Majesté la Reine

c.

Olympia Interiors Ltd. et Mary David

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 9 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE prononcés par le juge Dawson

EN DATE DU :                                     7 août 2001

ONT COMPARU

Bryan C. McPhadden                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Mary David                                                                        POUR LES DÉFENDERESSES

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

McPhadden Samac Merner Darling                                 POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Mary David                                                                        POUR LES DÉFENDERESSES

Orillia (Ontario)

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