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Date : 20021113

Dossier :T-714-02

CALGARY (ALBERTA), LE MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

                                  METRO-CAN CONSTRUCTION LIMITED

                                                                                                                        demanderesse

                                                                       et

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                      ET

                                    LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                              défendeurs

                                                          ORDONNANCE

Pour les motifs énoncés dans les motifs d'ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, les dépens étant adjugés aux défendeurs.

                         « Max M. Teitelbaum »                      

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20021113

Dossier :T-714-02

Référence neutre :2002 CFPI 1171

ENTRE :

                                  METRO-CAN CONSTRUCTION LIMITED

                                                                                                                        demanderesse

                                                                       et

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                      ET

                                    LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                              défendeurs

                                                                                                                                               

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM :

[1]         La demanderesse Metro-Can Construction Limited a demandé le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle Mme Loretta Bemister, chef des appels au bureau de Vancouver de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC), a rejeté, le 8 mars 2002, la demande qu'elle avait faite pour qu'il soit renoncé aux intérêts sur son compte d'impôt sur le revenu conformément au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi).


Les faits

[2]         Le 18 juin 1990, le ministre du Revenu national (le ministre) a établi une cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1989 de la demanderesse, laquelle a pris fin le 31 juillet 1989. L'année d'imposition 1990 de la demanderesse qui a pris fin le 31 juillet 1990 a fait l'objet d'une cotisation le 17 janvier 1991.

[3]         Le 1er juin 1993, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour les années d'imposition 1989 et 1990 de Metro-Can. Le but dans lequel les nouvelles cotisations ont été établies n'est pas ici pertinent; je n'ai donc pas à en faire mention si ce n'est pour dire qu'elles faisaient entrer l'article 80 de la Loi en ligne de compte. Le 17 août 1993, la demanderesse a déposé des avis d'opposition aux nouvelles cotisations de 1993.

[4]         Le ministre a ratifié les nouvelles cotisations le 19 juin 1995. Metro-Can a interjeté appel devant la Cour canadienne de l'impôt; l'appel a été rejeté le 2 octobre 1998. Metro-Can a porté cette décision en appel devant la Cour d'appel fédérale, qui a rejeté l'appel le 22 juin 2000. Par la suite, la Cour suprême du Canada a rejeté, le 15 mars 2001, la demande que Metro-Can avait faite en vue d'obtenir une autorisation de pourvoi. Enfin, le 28 juin 2001, la Cour d'appel fédérale a rejeté la demande que Metro-Can avait présentée en vue de faire entendre à nouveau l'affaire.


[5]         Dans l'intervalle, le 1er août 2000, Metro-Can a présenté une demande auprès du ministre en vue d'obtenir une renonciation aux intérêts et aux pénalités en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Le 7 août 2001, la demande a été rejetée par John Asher, chef d'équipe au bureau de l'ADRC, à Coquitlam (Colombie-Britannique).

[6]         Le 1er octobre 2001, Metro-Can a interjeté appel contre la décision de M. Asher. Le 8 mars 2001, Mme Bemister a rejeté l'appel.

Les points litigieux

[7]         La demanderesse affirme que le ministre a employé une procédure irrégulière en arrivant à la décision de ne pas renoncer aux intérêts. En particulier, la demanderesse énonce les questions suivantes au paragraphe 27 de son exposé :

[TRADUCTION]

a) Le ministre a-t-il omis de tenir compte de faits pertinents, a-t-il pris en considération des faits non pertinents et a-t-il pris sa décision en violation de la loi?

b) Une personne non autorisée a-t-elle entendu l'appel interjeté par Metro-Can le 1er octobre 2001 à l'encontre de la décision initiale de M. Asher de ne pas renoncer aux intérêts?

Dispositions législatives applicables

[8]         Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu est ainsi libellé :


220(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220(3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

Analyse

[9]         Le paragraphe 220(3.1) de la Loi confère au ministre un pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de la renonciation aux pénalités ou intérêts ou de leur annulation. Le ministre n'est pas tenu d'y renoncer ou de les annuler. Par conséquent, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour doit déterminer si le ministre, ou son représentant légal, a exercé son pouvoir discrétionnaire de la façon appropriée. La norme de contrôle applicable, telle qu'elle a été énoncée par Monsieur le juge Pelletier dans la décision Sharma c. M.R.N., [2001] 3 C.T.C. 169 (C.F. 1re inst.), est celle du caractère manifestement déraisonnable. Comme Monsieur le juge Mackay l'a fait remarquer dans la décision Alasdair MacKay c. M.R.N., 2002 CFPI 234 (C.F. 1re inst.), cette norme exige un degré élevé de retenue de la part du tribunal qui procède à l'examen à l'égard de l'exercice du pouvoir discrétionnaire, d'autant plus que ce pouvoir a trait à une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu portant dispense.


[10]       La Loi de l'impôt sur le revenu ne prévoit aucune procédure et aucun facteur à suivre ou à prendre en considération lorsque le ministre rend une décision en vertu du paragraphe 220(3.1). Toutefois, la circulaire d'information IC 92-2 énonce des lignes directrices, en donnant des exemples de cas dans lesquels l'annulation des intérêts ou la renonciation aux intérêts peut être justifiée. Au paragraphe 3, il est bien mentionné qu'il s'agit uniquement de lignes directrices qui ne sont pas destinées à être exhaustives. Au paragraphe 5, on énumère des exemples de circonstances exceptionnelles, indépendantes de la volonté du contribuable, dans lesquelles il peut y avoir annulation des intérêts ou renonciation aux intérêts. Au paragraphe 6, on énumère des cas dans lesquels les intérêts étaient principalement attribuables aux mesures prises par l'ADRC. Enfin, au paragraphe 7, on cite des exemples dans lesquels le contribuable est incapable de payer. Encore une fois, les exemples donnés dans la circulaire d'information IC 92-2 ne sont pas destinés à être exhaustifs.

[11]       Mme Bemister a tenu compte des facteurs suivants en prenant sa décision :

a) la demande que la demanderesse avait faite et les motifs y afférents;

b) les lignes directrices énoncées dans la circulaire d'information 92-2;

c) le fait que les motifs à l'appui de la demande n'étaient pas compatibles avec les lignes directrices;

d) la complexité des questions de droit qui faisaient l'objet de l'opposition et des appels;

e) la grande quantité de renseignements examinés à l'égard de l'opposition qui avait été déposée; et

f) le fait que la demanderesse était au courant de son obligation, et ce, depuis qu'elle avait reçu l'avis de nouvelle cotisation.

(Dossier du défendeur, affidavit de Loretta Bemister, onglet 2, paragraphe 15).


[12]       Il n'est pas mentionné qu'en prenant sa décision, Mme Bemister a tenu compte de la question des retards censément attribuables à l'ADRC ou à la Cour de l'impôt ou du temps qui s'était écoulé pendant que la Cour d'appel fédérale ou la Cour suprême du Canada étaient saisies de l'affaire.

[13]       La demanderesse soutient que le décideur a tenu compte de facteurs non pertinents, et principalement du fait qu'elle connaissait le montant de son obligation fiscale depuis qu'elle avait fait l'objet d'une nouvelle cotisation, le 1er juin 1993, et qu'elle n'avait malgré tout jamais fait de paiements. La demanderesse affirme qu'étant donné qu'elle avait déposé des avis d'opposition, elle ne connaissait pas le montant final de son obligation et que la chose ne devrait pas lui être imputée.

[14]       La demanderesse se fonde également sur l'arrêt Hillier c. Le procureur général du Canada (2001), DTC 5399 (C.A.F.) de la Cour d'appel fédérale. Dans cette décision, l'un des facteurs qui avaient été pris en considération par le décideur était que le demandeur n'avait pas contesté son obligation. La Cour a statué qu'en déposant des avis d'opposition, l'appelant avait de fait contesté le montant de son obligation. Par conséquent, entre le moment où les avis avaient été déposés et celui où la nouvelle cotisation finale avait été établie, l'appelant ne savait pas quelle était son obligation réelle.


[15]       En l'espèce, l'avis de nouvelle cotisation qui a fait l'objet d'une opposition et d'un appel est daté du 1er juin 1993. Conformément aux paragraphes 152(8) et 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, une cotisation d'impôt (et une nouvelle cotisation) est réputée valide, tout en pouvant être modifiée, si les autorités compétentes ou les tribunaux judiciaires le jugent bon.

[16]       Je suis convaincu que tant que les autorités compétentes ou la Cour ne l'ont pas modifiée, la cotisation est réputée valide. Par conséquent, l'argument de la demanderesse sur ce point, à savoir qu'elle n'était pas au courant du montant exigible, ne peut être retenu.

[17]       La demanderesse soutient également qu'il y a eu de longs intervalles qui peuvent être assimilés à un retard de la part de l'ADRC. Subsidiairement, elle affirme que même si les retards ne sont pas imputables au ministère, mais qu'ils sont plutôt inhérents à la procédure d'opposition et à la procédure d'appel, elle ne devrait pas avoir à payer un montant élevé au titre des intérêts courus.

[18]       Metro-Can a déposé ses avis d'opposition aux nouvelles cotisations le 17 août 1993; les cotisations ont été ratifiées le 19 juin 1995. Il s'était donc écoulé environ 22 mois. Cela peut en apparence sembler long, mais rien dans le dossier ne montre qu'il s'agit d'une période déraisonnable. De même, ni le temps qui s'est écoulé entre la date à laquelle la renonciation a été demandée (le 1er août 2000) et la date à laquelle M. Asher a rejeté la demande (le 7 août 2001), ni le temps qui s'est écoulé entre la date à laquelle la demanderesse a interjeté appel contre la décision de M. Asher (le 1er octobre 2001) et la date à laquelle Mme Bemister a rejeté l'appel (le 8 mars 2002) ne sont excessifs.


[19]       Enfin, la demanderesse soutient que la décision finale a été prise par une personne non autorisée. Au paragraphe 14 de la circulaire d'information IC 92-2, il est dit ce qui suit :

14. Si un contribuable ou un employeur estime que le Ministère n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable et équitable, il peut alors demander, par écrit au directeur d'un bureau de district ou d'un centre fiscal d'examiner la situation.

[20]       La demanderesse affirme qu'elle a demandé l'examen de la décision prise par M. Asher le 1er octobre 2001. C'est Mme Bemister, qui n'est pas directrice d'un bureau de district ou d'un centre fiscal, mais qui est chef des appels au bureau de Vancouver de l'ADRC, qui a procédé à l'examen.

[21]       La demanderesse n'invoque aucun arrêt à l'appui de son argument.


[22]       À mon avis, cet argument doit être rejeté. Le paragraphe 220(2.01) de la Loi confère au ministre le pouvoir d'autoriser un fonctionnaire ou une catégorie de fonctionnaires à exercer les pouvoirs et fonctions qui lui sont conférés en vertu du paragraphe 220(3.1). Il faut se rappeler que la circulaire d'information IC 92-2 renferme des renseignements et des lignes directrices et en outre qu'au paragraphe 14 précité, c'est le mot « peut » qui est employé plutôt que le mot « doit » . La pièce C jointe à l'affidavit de Donald Voth (dossier de la demanderesse, onglet 2, pages 13 et 14) est la lettre dans laquelle la demanderesse a demandé que l'on renonce aux intérêts. La demanderesse ne demande nulle part expressément dans cette lettre que le directeur d'un bureau de district ou d'un centre fiscal examine le cas. L'examen effectué par le chef des appels, Mme Bemister, était approprié. On ne saurait présumer, à partir de la lettre par laquelle elle demandait que l'on renonce aux intérêts, que la demanderesse demandait que le directeur du bureau de l'impôt procède à l'examen.

[23]       Rien dans le dossier ne donne à entendre que l'ADRC a agi de mauvaise foi. Les affidavits de M. Asher et de Mme Bemister indiquent les mesures qu'ils ont prises, les facteurs dont ils ont tenu compte et les raisons pour lesquelles il s'était écoulé du temps avant que les décisions soient prises.

[24]       En ce qui concerne l'argument invoqué par la demanderesse lorsqu'elle affirme qu'on ne peut trouver nulle part dans les affidavits de M. Asher et de Mme Bemister une déclaration selon laquelle il avait été tenu compte de la question du [TRADUCTION] « retard excessif » , je suis convaincu que cet argument n'est pas valable.

[25]       On peut à juste titre dire que parmi les facteurs énumérés qui auraient été pris en considération selon l'affidavit Asher ou selon l'affidavit Bemister, il n'est nulle part mentionné que la question du retard excessif a été expressément prise en considération.

[26]       Je suis convaincu que la question du retard excessif a été implicitement prise en considération, car autrement Mme Bemister n'aurait pas eu à tenir compte de la [TRADUCTION] « complexité des questions de droit » , facteur sur lequel portaient l'opposition et l'appel.


[27]       Dans leurs affidavits, M. Asher et Mme Bemister énoncent de fait les raisons pour lesquelles il a fallu tant de temps pour prendre la décision, mais ils n'en ont pas fait mention dans la liste des facteurs pris en considération.

[28]       Je dois féliciter l'avocat de la demanderesse, qui a su bien préparer et présenter sa cause et qui a fait preuve de créativité dans son argumentation. Néanmoins, je ne puis conclure qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, la décision du ministre en ce qui concerne la renonciation aux [TRADUCTION] « intérêts exigibles » est manifestement déraisonnable.

[29]       La demande de contrôle judiciaire est rejetée, les dépens étant adjugés aux défendeurs.

                         « Max M. Teitelbaum »                      

Juge

Calgary (Alberta)

Le 13 novembre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               T-714-02

INTITULÉ :                                              METRO-CAN CONSTRUCTION LTD

c.

SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRE

LIEU DE L'AUDIENCE :                        VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 24 OCTOBRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :         MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

DATE DES MOTIFS :                             LE 13 NOVEMBRE 2002

COMPARUTIONS :

M. JOEL NITIKMAN                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Mme MARGARET CARE                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

FRASER MILNER CASGRAIN LLP                                POUR LA DEMANDERESSE

VANCOUVER (C.-B.)

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA             POUR LE DÉFENDEUR

RÉGION DE LA C.-B.


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