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Date : 20020412

Dossier : T-172-01

Référence neutre : 2002 CFPI 422

Ottawa (Ontario), le 12 avril 2002

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

AFFAIRE intéressant une demande en application de

l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale

ENTRE :

                                                           NAUTICA MOTORS INC.

506913 N.B. LTD.

demanderesses

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande en vertu de l'article 18 et du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 en vue de faire décerner un bref de mandamus enjoignant au défendeur de traiter certaines déclarations de TVH des demanderesses et de leur verser les soldes créditeurs correspondants.


[2]                 Les demanderesses cherchent à faire décerner un bref de mandamus enjoignant au défendeur de traiter les déclarations de TVH produites par Nautica Motors Inc., pour mai 1998, et par 506913 N.B. Ltd., pour août, septembre et octobre 2000 et les déclarations avec solde créditeur produites par les demanderesses.

Le contexte

[3]                 La demanderesse Nautica Motors Inc. est une compagnie constituée en vertu des lois de la province de la Nouvelle-Écosse et qui a son siège social dans la ville de Truro, en Nouvelle-Écosse.

[4]                 La demanderesse, 506913 N.B. Ltd., est une compagnie dûment constituée en vertu des lois de la province du Nouveau-Brunswick le 30 avril 1998, et qui a son siège social au 1111, rue Main, bureau 207, à Moncton, dans le comté de Westmorland (Nouveau-Brunswick); elle fait affaire sous la dénomination de Nautica Motors NB.

[5]                 Le défendeur est le ministre du Revenu national, le prédécesseur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

[6]                 David Daley est le président de Nautica Motors Inc. et de 506913 N.B. Ltd.


[7]                 En 1998, les déclarations de taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée ont été produites par Nautica Motors Inc. (pour la période de déclaration du 11 mars 1998 au 31 mai 1998) et par 506913 N.B. Ltd. (pour la période de déclaration du 1er mai 1998 au 31 mai 1998). [Les parties sont en désaccord sur les dates de production des déclarations. Les demanderesses affirment que les déclarations ont été produites en juin 1998, alors que le défendeur soutient de son côté qu'elles ont été produites, respectivement, le 13 novembre 1998 et le 28 juillet 1998.]

[8]                 En juillet 1998, le défendeur a entrepris une vérification de la déclaration susmentionnée qui a été produite par 506913 N.B. Ltd. Le vérificateur assigné par le défendeur était George LeBlanc.

[9]                 En juillet 1998, M. LeBlanc a avisé les demanderesses que certaines des opérations qui avaient été inscrites dans la déclaration de 506913 N.B. Ltd. auraient dû l'être dans la déclaration de Nautica Motors Inc. De juillet à octobre1998, le personnel des demanderesses a travaillé en parfaite collaboration avec M. LeBlanc dans la réaffectation des crédits pour la taxe de vente harmonisée. Pendant cette période, les demanderesses ont produit des déclarations de TVH pour juin, juillet, août et septembre 1998. M. LeBlanc a ajouté chacune d'elles à sa vérification et a déclaré qu'aucun versement ne serait fait en ce qui concerne les remboursements avant que la vérification ne soit achevée.

[10]            À la mi-octobre 1998, David Daley a demandé à M. LeBlanc de pouvoir le rencontrer, lui et ses supérieurs, afin de trouver un moyen d'accélérer la vérification, vu que les demanderesses auraient de la difficulté à rester en affaires s'ils n'avaient pas les fonds. À ce moment-là, l'Agence des douanes et du revenu du Canada a accepté de verser les soldes créditeurs dus à 506913 N.B. Ltd., lesquels s'appliquaient à la période à compter de juin 1998, mais a retenu la déclaration pour mai 1998 dans l'attente de la fin de la vérification.

[11]            En novembre 1998, après des rencontres et discussions avec les demanderesses et leurs avocats, le défendeur a accepté de verser les montants dus à 506913 N.B. Ltd. aux termes de la déclaration de mai 1998, mais à condition que les administrateurs de 506913 N.B. Ltd. fournissent une garantie personnelle pour un montant de 112 576,97$. En décembre 1998, l'engagement a été pris et les fonds ont été versés avec les sommes dues en vertu des déclarations de 506913 N.B. Ltd. pour octobre et novembre 1998.

[12]            Les demanderesses affirment qu'un montant de170 000$ est encore dû par Revenu Canada à la demanderesse, Nautica Motors Inc., relativement à la déclaration produite pour mai 1998, mais le défendeur le nie.


[13]            En décembre 1998, la demanderesse 506913 N.B. Ltd. a reçu de l'Agence des douanes et du revenu du Canada une lettre indiquant que la vérification était achevée. [Les parties sont en désaccord sur ce fait. Les demanderesses affirment que toutes les vérifications concernant 506913 N.B. Ltd. étaient terminées, mais le défendeur dit que, d'après la lettre, seule la vérification pour le mois de mai 1998 était achevée.]

[14]            La vérification concernant Nautica Motors Inc. a continué en 1999 et en 2000.

[15]            Le vérificateur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada avec qui les demanderesses ont traité en 1999 et en 2000 était George LeBlanc. Au cours de la vérification, M. LeBlanc a fait de nombreuses demandes de renseignements concernant diverses opérations qui concernaient tant Nautica Motors Inc. que 506913 N.B. Ltd. Le personnel des demanderesses a répondu aussi vite que possible à toutes les demandes de renseignements et a pleinement collaboré à la vérification. M. LeBlanc a emporté plusieurs boîtes de registres originaux à son bureau, lesquels, comme les demanderesses l'ont su par la suite, ont été endommagés ou détruits dans une inondation.

[16]            En avril 2000, la vérification a été prise en charge par Yvon Boudreau, George LeBlanc ayant reçu une promotion. D'avril à août 2000, M. Boudreau a fait un certain nombre de demandes de renseignements additionnels en ce qui concerne les deux demanderesses et a emporté de nombreuses boîtes de documents originaux à son bureau. Le personnel des demanderesses a répondu promptement à chacune des demandes de renseignements faites par M. Boudreau.

[17]            À la fin de septembre 2000, Allen Skaling, qui est le secrétaire-trésorier de 506913 N.B. Ltd., a demandé des explications à M. Boudreau à propos du fait que 506913 N.B. Ltd. n'avait pas reçu le remboursement pour le mois d'août. M. Boudreau l'a alors avisé que le remboursement avait été refusé d'office à cause de l'importance du montant en cause. Cependant, le 12 octobre 2000, M. Boudreau a avisé M. Skaling que le remboursement pour le mois d'août ne serait pas versé avant que la vérification ne soit achevée. À ce jour, le défendeur n'a toujours pas versé les 170 000$ dus à Nautica Motors Inc. relativement à la déclaration produite pour mai.

[18]            Le 25 octobre 2000, David Daley, à la demande de M. Boudreau, s'est rendu au bureau de l'Agence des douanes et du revenu du Canada à Moncton pour y participer à une réunion. À cette réunion, une agente d'enquête du bureau de Saint-Jean lui a lu ses droits. [Les demanderesses affirment que la fonctionnaire était Margaret Martin, le défendeur dit que c'était Claudette Miller.] M. Daley lui a dit qu'il ne comprenait pas ce qui se passait et a demandé s'il s'agissait toujours d'une vérification. M. Boudreau, qui était aussi présent à la réunion, l'a avisé que c'était toujours une vérification, qu'il ne savait pas quand elle se terminerait mais que, jusque là, aucune autre somme d'argent ne serait versée. M. Boudreau l'a aussi averti que les demanderesses avaient peut-être fait des transactions avec des compagnies qui pouvaient faire quelque chose d'illégal.

[19]            À l'heure actuelle, la demanderesse, 506913 N.B. Ltd., a produit ses déclarations de TVH pour août, septembre et octobre 2000, mais n'a reçu aucun remboursement. La demanderesse, Nautica Motors Inc., allègue, mais le défendeur le nie, qu'un crédit impayé lui est dû relativement à la déclaration produite pour mai 1998. Les demanderesses allèguent, mais le défendeur le nie, que le défendeur leur doit environ 1,4 million de dollars en remboursements de taxe non versés.

[20]            Les demanderesses ont collaboré avec diligence et du mieux qu'elles ont pu chaque fois qu'une demande de renseignements ou de documents leur a été faite.

Observations des demanderesses

[21]            Les demanderesses soutiennent que le ministre du Revenu national est un office fédéral ou une commission dont les actes sont assujettis au contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, précitée, comme cela a été dit dans Fee c. Bradshaw (1982) 137 D.L.R. (3d) 695.

[22]            Les demanderesses soutiennent que les exigences à respecter pour qu'un bref de mandamus soit décerné ont été exposées par la Cour d'appel fédérale dans Apotex Inc. c. Canada, [1994] 1 C.F. 742 (C.A.F.), au paragraphe 45.

[23]            Les demanderesses soutiennent que le paragraphe 297(1) de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, impose au ministre du Revenu national une obligation légale à caractère public d'examiner une demande de remboursement qui lui est présentée par une personne et d'établir une cotisation, avec diligence.

[24]            Les demanderesses affirment que le ministre a l'obligation légale d'établir une cotisation relativement aux déclarations de revenus des contribuables et qu'il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire (voir Schatten c. M.R.N., 96 D.T.C. 6102 (CFPI)).

[25]            Les demanderesses soutiennent que la Cour de l'impôt a déterminé, dans l'affaire La Reine c. Ginsberg 94 D.T.C. 1430, que le ministre du Revenu national avait omis de remplir son obligation légale d'établir une cotisation relativement aux déclarations d'impôt du contribuable « avec toute la diligence possible » lorsqu'il s'était écoulé un retard de 18 mois dans le traitement de la déclaration du contribuable.

[26]            Les demanderesses affirment que le défendeur a pris un temps déraisonnable pour compléter les vérifications inachevées et verser les crédits de taxes.


[27]            Les demanderesses soutiennent que la Section de première instance, dans l'affaire Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 33, a jugé qu'un délai déraisonnable pour exécuter une obligation légale peut justifier que soit décerné un bref de mandamus. Au paragraphe 23, la Cour a posé les trois conditions suivantes qui doivent être réunies pour qu'un délai soit jugé déraisonnable :

1.          le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

2.          le demandeur et son conseiller juridique n'en sont pas responsables;

3.          l'autorité responsable du délai ne l'a pas justifié de façon satisfaisante.

[28]            Les demanderesses affirment que ces critères ont été respectés en l'espèce. Elles ajoutent qu'une période de deux ans et demi pour procéder à une vérification et au remboursement de soldes créditeurs constitue un délai déraisonnable. Les demanderesses soutiennent que le défendeur n'a pas réussi à se décharger du fardeau de la preuve qui lui incombe en démontrant que le délai n'était pas déraisonnable et qu'il était justifié dans les circonstances.

[29]            Les demanderesses soutiennent que le délai a entraîné pour les demanderesses des difficultés financières graves, puisque le défendeur retient 1,4 million de dollars de leur argent, dont une partie est due depuis juin 1998. Les demanderesses affirment qu'elles ont, à plusieurs reprises, fait connaître au défendeur les graves difficultés financières que ce retard entraînait pour elles. Les demanderesses allèguent que la balance des inconvénients penche en leur faveur.

Observations du défendeur

[30]            Le défendeur convient avec les demanderesses que la Cour d'appel fédérale a établi huit critères pour un mandamus dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada, précitée, au paragraphe 45.

[31]            Le défendeur affirme que la diligence exigée par l'article 152 de la Loi de l'impôt sur le revenu, précitée, laisse une certaine discrétion au ministre en ce qui concerne les délais impartis pour établir la cotisation.

[32]            Le défendeur soutient que le paragraphe 229(1) de la Loi sur la taxe d'accise, précitée, n'impose pas au défendeur l'obligation de verser un solde créditeur immédiatement ou aussitôt que possible. Le défendeur soutient qu'en utilisant l'expression « avec diligence » , le législateur impose au défendeur de tenir compte des circonstances de chaque cas.

[33]            Le défendeur allègue que le vérificateur attendait des renseignements qu'il avait demandés à la demanderesse, Nautica Motors Inc., et sans lesquels il était incapable de terminer la vérification.

[34]            Le défendeur affirme qu'il est raisonnable de la part du défendeur de retarder le remboursement de soldes créditeurs à un contribuable qui fait l'objet d'une vérification.

[35]            Le défendeur soutient avoir agi en conformité avec le paragraphe 229(1) de la Loi sur la taxe d'accise, précitée, en refusant de faire les remboursements de soldes créditeurs aux demanderesses.

[36]            Le défendeur affirme qu'il n'a aucune obligation légale d'établir des cotisations conformément aux déclarations des demanderesses ni de leur rembourser les soldes créditeurs de sorte qu'il ne s'agit pas là d'un cas où le mandamus serait justifié pour lui ordonner d'agir ainsi.

Questions en litige

[37]            1.         La requête préliminaire en vue du rejet de l'instance devrait-elle être accordée?

2.          Une ordonnance portant délivrance d'un mandamus devrait-elle être rendue pour forcer le ministre à établir une cotisation à l'égard des déclarations de TVH des demanderesses?

Les dispositions législatives pertinentes

[38]            Le paragraphe 229(1) de la Loi sur la taxe d'accise, précitée, dispose :

229. (1) Le ministre verse avec diligence le remboursement de taxe nette payable à la personne qui le demande dans sa déclaration produite en application de la présente section.

229. (1) Where a net tax refund payable to a person is claimed in a return filed under this Division by the person, the Minister shall pay the refund to the person with all due dispatch after the return is filed.

Analyse et décision


[39]            Question 1

1.         La requête préliminaire en vue du rejet de l'instance devrait-elle être accordée?

Au début de l'audience, le défendeur a présenté une requête préliminaire visant à obtenir ce qui suit:

1.          une ordonnance rejetant l'avis de requête des demanderesses en vue de faire décerner un bref de mandamus, puisqu'il n'y a pas de litige actuel dans la demande de contrôle judiciaire;

2.          subsidiairement, une ordonnance rejetant l'avis de requête des demanderesses en vue de faire décerner un bref de mandamus, puisqu'il n'est pas dans les limites de la compétence de la Cour de déterminer si les demanderesses ont dûment fait l'objet de cotisations par le ministre, et que cette décision est nécessaire pour établir les droits des demanderesses à un remboursement des soldes créditeurs;

3.          les dépens en vertu de la règle 401 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106.

[40]            Le défendeur a envoyé une lettre en date du 21 novembre 2001 à la demanderesse, Nautica Motors Inc., dans laquelle il est dit, entre autres choses :

[TRADUCTION]


Monsieur,

Objet :      Cotisation provisoire relativement au compte de TVH 880107164 pour la période du 11 mars 1998 au 31 mai 1998

Nous joignons à la présente le relevé des redressements après vérification et l'avis de cotisation pour la période mentionnée ci-haut. Veuillez noter qu'il ne s'agit que d'une cotisation provisoire. Une cotisation finale sera établie quand le reste des renseignements requis seront disponibles.

Nous avons refusé des CTI pour un montant de 33 394,20 $ au motif soit qu'ils ont déjà été demandés, soit qu'ils peuvent être demandés par des tiers. Voir la grille de calcul 9950. Le reste des CTI réclamés, au montant de 198 137,95 $, sont refusés parce que nous sommes incapables de déterminer avec assez de certitude, d'après les renseignements fournis, quelles entités ont droit aux CTI réclamés. Il y a des renseignements contradictoires dans les registres que vous avez fournis.

[41]            Le défendeur a envoyé une lettre en date du 20 novembre 2001 à Cambridge Leasing Ltd., dans laquelle il est dit, entre autres choses :

[TRADUCTION]

Monsieur,

Objet :      Cotisation provisoire relativement au compte de TVH 8801689228 pour la période du 1er novembre 2000 au 31 décembre 2000

Nous joignons à la présente le relevé des redressements après vérification et l'avis de cotisation . Veuillez noter qu'il ne s'agit que d'une cotisation provisoire. Une cotisation finale sera établie quand le reste des renseignements requis seront disponibles.

Comme vous le savez, Cambridge Leasing Ltd. fait l'objet d'une enquête criminelle. Nous ne pouvons pas utiliser la procédure de vérification ordinaire dans les cas où une accusation peut être portée au criminel. La cotisation est fondée sur un travail de vérification restreint. Essentiellement, nous croyons que les montants réclamés à titre de CTI dans les déclarations produites pour novembre et décembre 2000 sont calculés à partir d'opérations semblables à celles qui ont servi de base à la cotisation concernant votre société mère 506913 NB Ltd. Nous refusons donc, de façon provisoire, tous les CTI réclamés.

[42]            Le paragraphe 229(1) de la Loi sur la taxe d'accise, précitée, impose au ministre de faire le remboursement à la personne qui le demande dans sa déclaration « dans un délai raisonnable après la production de la déclaration » . En l'instance, le défendeur n'a pas encore évalué le montant du remboursement que les demanderesses ont le droit de recevoir. La lettre du 21 novembre 2001 ne fait référence qu'à une cotisation provisoire et indique qu'une cotisation finale sera faite plus tard. À mon avis, la question du montant du remboursement, s'il y en a un, que les demanderesses ont le droit de recevoir est actuellement en litige. En conséquence, la requête préliminaire du défendeur est rejetée en ce qui a trait à l'argument du caractère théorique.

[43]            Le défendeur a aussi soutenu que la Cour n'était pas compétente pour déterminer si les demanderesses avaient fait l'objet de cotisations en bonne et due forme. La Cour n'est pas priée de déterminer si les cotisations visant les demanderesses ont été correctement établies mais plutôt si les demanderesses ont bien fait l'objet de cotisations. La Cour a la compétence pour trancher cette question. En conséquence, cet aspect de la requête préliminaire est aussi rejeté.

[44]            Question 2

Une ordonnance portant délivrance d'un mandamus devrait-elle être rendue pour forcer le ministre à établir une cotisation à l'égard des déclarations de TVH des demanderesses?


La Cour d'appel fédérale dans Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 a exposé les principes qui doivent être respectés pour obtenir un mandamus aux pages 766 à 769 :

1. Il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public :

. . .

2. L'obligation doit exister envers le requérant :

. . .

3. Il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation, notamment :

a) le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation :

. . .

b) il y a eu (i) une demande d'exécution de l'obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n'ait été rejetée sur-le-champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable;

. . .

4. Lorsque l'obligation dont on demande l'exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s'appliquent :

a) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d'une manière qui puisse être qualifiée d' « injuste » , d' « oppressive » ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi » ;

b) un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est « illimité » , « absolu » ou « facultatif » ;

c) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire « illimité » doit agir en se fondant sur des considérations « pertinentes » par opposition à des considérations « non pertinentes » :

d) un mandamus ne peut être accordé pour orienter l'exercice d'un « pouvoir discrétionnaire limité » dans un sens donné

e) un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est « épuisé » , c'est-à-dire que le requérant a un droit acquis à l'exécution de l'obligation.

. . .

5. Le requérant n'a aucun autre recours :


. . .

6. L'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique :

. . .

7. Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l'équité, rien n'empêche d'obtenir le redressement demandé :

. . .

8. Compte tenu de la « balance des inconvénients » , une ordonnance de mandamus devrait (ou ne devrait pas) être rendue.

. . .

[45]            1.         Il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public

Il ne fait aucun doute que le paragraphe 229(1) de la Loi sur la taxe d'accise, précitée, impose au défendeur une obligation légale d'agir à caractère public, puisque le ministre doit établir une cotisation pour déterminer si un remboursement est dû ou non à la personne.

[46]            2.         L'obligation doit exister envers le requérant

L'obligation existe envers les demanderesses en l'instance, puisqu'elles ont produit une demande de remboursement.

[47]            3.         Il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation, notamment :

a) le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation :


b) il y a eu (i) une demande d'exécution de l'obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n'ait été rejetée sur-le-champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable;


Il n'y a au dossier aucune indication selon laquelle les demanderesses n'auraient pas rempli toutes les conditions nécessaires pour que naisse l'obligation d'examiner la déclaration dans laquelle un remboursement était demandé. La demande de remboursement a été produite et tous les renseignements demandés qui étaient disponibles ont été fournis. Les demanderesses ont fait plusieurs demandes pour que l'on procède au traitement des déclarations et aussi pour que les vérifications des déclarations se terminent. Il appert que la vérification concernant 506913 N.B. Ltd. était censée avoir été achevée en décembre 1998. Toutefois, le défendeur a, semble-t-il, continué à procéder à la vérification concernant la compagnie après avoir lui-même fait savoir que la vérification était terminée. La vérification concernant Nautica Motors Inc. s'est poursuivie en 1999, 2000 et 2001. Les déclarations que les demanderesses ont souhaité voir traiter ont été produites pour les demanderesses en juin 1998. Cela semblerait constituer un délai assez long pour traiter les déclarations. Les demanderesses ont produit leur demande en vue d'obtenir une ordonnance de mandamus, le 28 mars 2001. En novembre 2001, le défendeur a établi une « cotisation provisoire de TVH . . . » pour la demanderesse Nautica Motors Inc. Je suis d'avis que le défendeur, en n'établissant qu'une « cotisation provisoire » de TVH, laquelle ne fixe pas un montant final, a, en fait, refusé de traiter la demande de remboursement des demanderesses. Jusqu'à ce que soit fixé un montant par cotisation, il n'y a aucun moyen de savoir si un remboursement est payable ou non et la demande de remboursement des demanderesses, si tant est qu'un remboursement doive être fait, n'est pas traitée « dans un délai raisonnable après la production de la déclaration » .

[48]            4.         Lorsque l'obligation dont on demande l'exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s'appliquent :

(a) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d'une manière qui puisse être qualifiée d' « injuste » , d' « oppressive » ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi » ;

(b) un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est « illimité » , « absolu » ou « facultatif » ;

(c) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire « illimité » doit agir en se fondant sur des considérations « pertinentes » par opposition à des considérations « non pertinentes » :

(d) un mandamus ne peut être accordé pour orienter l'exercice d'un « pouvoir discrétionnaire limité » dans un sens donné

(e) un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est « épuisé » , c'est-à-dire que le requérant a un droit acquis à l'exécution de l'obligation.


L'obligation dont on demande l'exécution n'est pas de nature discrétionnaire, en ce sens que le défendeur doit examiner la déclaration pour déterminer si le remboursement réclamé est effectivement payable aux demanderesses. Pour procéder au remboursement, le défendeur doit établir une cotisation. Tout ce que le défendeur a produit en l'instance, c'est une « cotisation provisoire » qui est susceptible d'être modifiée.

[49]            5.         Le requérant n'a aucun autre recours

Le défendeur a soutenu que les demanderesses pourraient produire un avis d'opposition et former un appel devant la Cour canadienne de l'impôt. Le paragraphe 301(1.1) et l'article 302 le de Loi sur la taxe d'accise, précitée, traitent de cotisations, non de cotisations provisoires. Il me semble que le montant de la cotisation doit être déterminé et qu'il ne doit pas être susceptible d'être modifié par le défendeur avant que soit fait le dépôt d'un avis d'opposition, ou, par la suite, un appel devant la Cour de l'impôt. S'il en était autrement, il pourrait y avoir plusieurs oppositions ou appels, si le montant changeait. Je suis d'avis qu'il ne pourrait y avoir aucun autre recours approprié tant qu'il n'y aura pas une cotisation, et non pas une « cotisation provisoire » , à partir de laquelle la déclaration pourrait être traitée.

[50]            6.         L'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique

L'ordonnance exigera que le ministre prenne les mesures nécessaires pour que la déclaration soit traitée.


[51]            7.         Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l'équité, rien n'empêche d'obtenir le redressement demandé

J'estime que rien n'empêche, en équité, que soit rendue une ordonnance.

[52]            8.         Compte tenu de la « balance des inconvénients » , une ordonnance de mandamus devrait (ou ne devrait pas) être rendue.

Aux termes du paragraphe 229(1) de la Loi sur la taxe d'accise, précitée, les demanderesses ont droit à un remboursement (si un remboursement est payable) « avec diligence » . Compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis que les déclarations ont été produites, j'estime que la balance des inconvénients penche en faveur des demanderesses.

[53]            Il est fait droit par la présente à la requête des demanderesses pour faire décerner une ordonnance de mandamus qui enjoigne au défendeur de traiter les déclarations de TVH produites par Nautica Motors Inc. pour mai 1998 et par 506913 N.B. Ltd. pour août, septembre et octobre 2000.


[54]            Je ne suis pas disposé à accorder une ordonnance de mandamus qui enjoigne au défendeur de procéder au remboursement des soldes créditeurs dus aux demanderesses. Il serait prématuré d'accorder cette ordonnance, puisque seules des cotisations provisoires ont été établies à l'égard des comptes de TVH et que l'établissement de la cotisation n'est pas terminé.

[55]            Comme chacune des parties a partiellement gain de cause, je ne suis pas disposé à adjuger les dépens à l'une ou à l'autre.

ORDONNANCE

[56]            IL EST ORDONNÉ :

1.          qu'une ordonnance de mandamus soit rendue enjoignant au ministre du Revenu national de traiter les déclarations de TVH produites par Nautica Motors Inc. pour mai 1998 et par 506913 N.B. Ltd. pour août, septembre et octobre 2000.

2.          qu'il n'y ait pas d'ordonnance quant aux dépens.

     

                                                                                 « John A. O'Keefe »                 

                                                                                                             Juge                      

Ottawa (Ontario),


Le 12 avril 2002

   

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             T-172-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Nautica Motors Inc. et al. c. Ministre du Revenu National

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Fredericton (Nouveau-Brunswick)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 3 décembre 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE DE :                 M. Le Juge O'Keefe

DATE DES MOTIFS :                       Le 12 avril 2002

COMPARUTIONS :

Eugene J. Mockler (c.r.)                        

Maia Deveau                                       pour les demanderesses

John J. Ashley                           pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Mockler Peters Oley Rouse

& Williams                                              

Fredericton (Nouveau-Brunswick)        pour les demanderesses

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                    pour le défendeur          

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