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Date : 20000918


Dossier : IMM-5609-99


     OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 18 SEPTEMBRE 2000

     EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM


ENTRE :

     SHERRY MOHAMMED, CRYSTAL MOHAMMED

     ET CHRISTIAN MOHAMMED


     demandeurs

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


     défendeur

     ORDONNANCE

     Vu les motifs que j'ai énoncés dans les motifs de l'ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             « Max M. Teitelbaum »

                        

                                 J.C.F.C.

    

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.






Date : 20000918


Dossier : IMM-5609-99



ENTRE :


     SHERRY MOHAMMED, CRYSTAL MOHAMMED

     ET CHRISTIAN MOHAMMED


     demandeurs

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TEITELBAUM :

[1]          Les demandeurs contestent par voie de contrôle judiciaire la décision, en date du 8 novembre 1999, rendue par l'agente principale P.M. Johnson, dans laquelle la demande présentée par les demandeurs en vue d'obtenir une dispense d'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration1 a été refusée en conséquence de considérations humanitaires (CH) insuffisantes. L'autorisation de présenter la présente demande de contrôle judiciaire a été accordée le 25 avril 2000.

Contexte

[2]          Les demandeurs sont une famille venant de Trinidad. La demanderesse principale est la mère, Sherry Mohammed. Les autres demandeurs sont ses deux enfants, Crystal et Christian Mohammed.

[3]          La famille est arrivée au Canada au mois de février 1995 et a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention en se fondant sur le fait que la demanderesse principale était victime de violence conjugale à Trinidad. La SSR a refusé sa revendication, et une évaluation des risques ultérieure a aussi été négative. Par la suite, la demanderesse principale a présenté une demande en vue d'obtenir une dispense, aux termes du paragraphe 114(2) de la Loi, de l'exigence de demander et d'obtenir des visas de l'extérieur du Canada. Elle a passé une entrevue le 26 octobre 1999, et elle était accompagnée de ses enfants et de sa soeur.

[4]          Les notes2 informatiques de l'agente d'immigration montrent que la demanderesse principale travaille comme préposée aux soins depuis les deux dernières années, et qu'elle gagne 2 400 $ par mois (son salaire est de 600 $ par semaine). Mais auparavant, la demanderesse principale a travaillé dans une boutique de cosmétiques pendant cinq à six mois et a fait des [TRADUCTION] « petits boulots » de 1995 à 1996. Elle a également perçu de l'aide sociale pendant six mois. La demanderesse principale a cherché à améliorer ses compétences, et a suivi un cours d'aide-commis Microsoft d'une durée d'un an. Elle est également bénévole au centre Providence depuis 1996.

[5]          Les deux enfants de la demanderesse principale vont à l'école et paraissent bien réussir. La famille habite chez la soeur de la demanderesse principale. La demanderesse principale a deux soeurs et un frère au Canada, ainsi qu'une soeur et quatre frères aux États-Unis.

[6]          Les notes de l'agente d'immigration prévoient notamment ce qui suit :

         [TRADUCTION] MME MOHAMMED PRÉTEND AVOIR ÉTÉ VICTIME DE VIOLENCE CONJUGALE DE LA PART DE SON CONJOINT AVANT DE VENIR AU CANADA ET QUE DES RAPPORTS DE MENACES ONT ÉTÉ REMPLIS PAR LA POLICE MAIS QUE RIEN N'A ÉTÉ FAIT. IL Y A DES COPIES DE DEUX LETTRES DANS LE DOSSIER DE LA POLICE DE TRINIDAD ATTESTANT D'UN INCIDENT DOMESTIQUE SIGNALÉ EN MARS 1993 DANS LEQUEL LE SUJET A DEMANDÉ QUE SON MARI SOIT AVERTI -- LES DEUX LETTRES INDIQUENT QUE LE MARI A ÉTÉ AVERTI TEL QUE DEMANDÉ-- DANS UN CAS ELLE A DEMANDÉ D'ÊTRE ESCORTÉE POUR ALLER À LA MAISON CHERCHER SES AFFAIRES ET A ÉTÉ EN FAIT ESCORTÉE PAR L'AUTEUR DE CETTE LETTRE. ELLE ADMET QU'ELLE N'A JAMAIS DÉPOSÉ D'ACCUSATIONS CONTRE SON MARI. IL PARAÎTRAIT QU'ELLE POUVAIT OBTENIR LA PROTECTION DE LA POLICE ET QU'ELLE Y A EU RECOURS AU BESOIN. IL EST REMARQUÉ QUE LE SUJET A DEPUIS DIVORCÉ DE SON MARI ET QU'AUSSI RÉCEMMENT QU'EN SEPTEMBRE DE CETTE ANNÉE [1999] IL LUI A ACCORDÉ LA GARDE DES ENFANTS. RIEN NE PROUVE QU'IL A JAMAIS ÉTÉ VIOLENT À L'ENDROIT DES ENFANTS D'UNE QUELCONQUE MANIÈRE. JE CROIS QU'UN RETOUR À TRINIDAD NE SIGNIFIE PAS UN RETOUR À SON EX-MARI. ELLE ADMET QUE LA RÉSIDENCE CONJUGALE A ÉTÉ VENDUE ET QU'ELLE A REÇU SA PARTIE DU PRODUIT DE LA VENTE. JE SUIS D'AVIS QUE NI MME MOHAMMED NI SES ENFANTS NE SUBIRAIENT DE PRÉJUDICES INDUS OU DISPROPORTIONNÉS S'ILS DEVAIENT RETOURNER DANS LEUR PATRIE. TRINIDAD EST SA TERRE NATALE ALORS SE RÉADAPTER APRÈS MOINS DE CINQ ANS NE DEVRAIT PAS ÊTRE TROP DIFFICILE ET ELLE A DE L'ARGENT POUR RENDRE L'ADAPTATION PLUS FACILE. LES ENFANTS SONT TOUS LES DEUX NÉS À TRINIDAD ET ILS SONT ENCORE ASSEZ JEUNES POUR SE RÉADAPTER. LE SUJET FAIT L'OBJET D'UNE MESURE DE RENVOI DEPUIS LES QUATRE DERNIÈRES ANNÉES -- RESTER AU CANADA AVEC SES ENFANTS EST UN RISQUE QU'ELLE A CHOISI DE PRENDRE. MME MOHAMMED ET SES ENFANTS SONT AU CANADA DEPUIS MOINS DE CINQ ANS ET BIEN QU'ELLE AIT UN EMPLOI STABLE DEPUIS DEUX ANS ET AIT AMÉLIORÉ SES COMPÉTENCES ET FAIT DU TRAVAIL COMMUNAUTAIRE, EN SOI CE NE SONT PAS DES MOTIFS SUFFISANTS POUR JUSTIFIER UN EXAMEN BIENVEILLANT.
         COMPTE TENU DE TOUT CE QUI PRÉCÈDE, JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QU'IL EXISTE DES MOTIFS SUFFISANTS POUR DES RAISONS D'ORDRE HUMANITAIRE DANS LA PRÉSENTE AFFAIRE. PAR CONSÉQUENT, UNE RENONCIATION AU PARAGRAPHE 9(1) N'EST PAS ACCORDÉE3.

Point de vue des demandeurs

[7]          La demanderesse principale soutient que l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de toutes les circonstances. La demanderesse principale insiste sur le fait que l'agente d'immigration a mis trop d'emphase sur la violence dans le mariage et n'a pas pris correctement en considération les facteurs d'établissement et les liens familiaux au Canada. La demanderesse principale soutient également que l'agente d'immigration a fondé sa décision, en partie, sur le fait que les demandeurs vivaient au Canada depuis moins de cinq ans.

Point de vue du défendeur

[8]          Le défendeur maintient que l'agente d'immigration n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle judiciaire étant donné que sa décision était fondée sur un examen complet de l'ensemble de la preuve. Le défendeur soutient que les notes de l'agente d'immigration montrent qu'elle a pris l'ensemble de la preuve et la situation des demandeurs en considération. Le défendeur allègue que la décision n'était pas fondée sur le fait que les demandeurs vivaient au Canada depuis moins de cinq ans; elle était plutôt fondée sur les antécédents professionnels, l'amélioration des compétences et le travail communautaire de la demanderesse principale.

Questions préliminaires

[9]          Au début de la présente audience, l'avocat du défendeur a présenté une requête orale demandant l'annulation de la présente demande pour manque d'intérêt. Il appert, ou j'en ai été informé par l'avocat du défendeur, que la demanderesse s'est remariée et que son mari est un citoyen canadien. Par suite de ce mariage, la demanderesse a présenté une demande d'audience CH compte tenu de ce fait.

[10]          L'avocat du défendeur propose que, au mieux, si je devais accueillir la présente demande de contrôle judiciaire, je renverrais l'affaire devant un autre agent d'immigration pour une nouvelle audience CH.

[11]          L'avocate de la demanderesse n'était pas du même avis. Il s'agissait de sa prétention que la demande CH actuellement pendante ne traite que de la question du mariage actuel de la demanderesse.

[12]          J'ai pris l'affaire en délibéré.

[13]          Je suis convaincu que les questions soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire sont distinctes de la demande CH de la demanderesse actuellement pendante. La demande CH actuellement pendante ne devrait être tranchée que compte tenu du fait nouveau que la demanderesse s'est remariée à un citoyen canadien. Elle ne devrait pas tenir compte des faits présentés à l'agente principale P.M. Johnson.

[14]          Pendant l'audience, l'avocate de la demanderesse a tenté de présenter un argument selon lequel une des raisons pour lesquelles je devrais annuler la décision de l'agente principale Johnson était qu'elle n'a pas tenu compte du bien-être des enfants comme la Cour suprême du Canada le prévoit dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.)4.

[15]          L'avocat du défendeur s'est opposé à cet argument au motif que cet argument juridique n'a jamais été soulevé par la demanderesse avant l'audience.

[16]          J'ai maintenu l'objection. Je suis convaincu qu'il est impossible de soulever à l'audience de nouveaux arguments qui n'ont pas été soulevés dans les arguments écrits avant l'audience.

[17]          Le fait d'accueillir de nouveaux arguments juridiques soulevés à l'audience pour lesquels la partie adverse n'est pas préparée donnerait lieu à un préjudice grave. Le défendeur a déclaré qu'il n'était pas prêt pour l'argument « Baker » .

[18]          En l'espèce, la demanderesse était tenue de veiller à ce que tous ses arguments juridiques soient présentés à la Cour de façon à ce que la partie adverse puisse être prête à présenter des arguments écrits faisant opposition aux arguments. Cela n'a pas été fait.

Analyse

[19]          La norme de contrôle appropriée pour contester une décision CH est celle de la décision raisonnable simpliciter, comme l'a établi la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.)5.

[20]          Le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration donne au ministre ou à son représentant le pouvoir d'accorder aux demandeurs une dispense d'application du paragraphe 9(1) de la Loi et de faciliter leur admission au Canada quand le ministre est convaincu qu'une telle dispense est justifiée eu égard à des raisons d'ordre humanitaire. Une telle décision est fortement discrétionnaire. Pour contester avec succès une telle décision par contrôle judiciaire, un demandeur doit démontrer que le décideur a commis une erreur de droit, s'est fondé sur un principe erroné ou impropre, ou a agi de mauvaise foi.

[21]          La preuve dont disposait l'agente d'immigration était celle des antécédents professionnels de la demanderesse principale au Canada, l'amélioration de ses compétences, son travail communautaire, les dispositions relatives au logement prises avec sa soeur, ses économies dans un compte bancaire, la présence de frères et de soeurs au Canada et aux États-Unis, sa demande de statut de réfugié au sens de la Convention refusée, les études de ses deux enfants, et l'avenir auquel aurait à faire face les demandeurs s'ils devaient retourner à Trinidad.

[22]          Les arguments de la demanderesse sont essentiellement qu'elle n'est pas d'accord avec l'importance que l'agente d'immigration a accordé aux faits que la demanderesse s'était établie avec ses enfants au Canada.

[23]          Il ne fait aucun doute que la preuve présentée à l'agente d'immigration montre que la demanderesse a un emploi de préposée aux soins lui permettant de gagner 600 $ par semaine et ce depuis les deux ou trois dernières années et qu'elle est une bonne mère. Cela découle du fait que ses deux enfants réussissent bien à l'école. En outre, la demanderesse a augmenté ses compétences et agit comme bénévole.

[24]          La totalité de la preuve établissant comment la demanderesse s'est efforcée de s'établir au Canada a été présentée à l'agente d'immigration. Je ne dispose d'aucune preuve indiquant que cette dernière n'a pas tenu compte d'un élément de preuve qui lui avait été présenté.

[25]          Les arguments des demandeurs reviennent essentiellement à l'inconvénient de quitter le Canada pour présenter leur demande d'établissement de la façon habituelle, de l'étranger, et de l'importance accordée par l'agente à la preuve. Les faits de l'affaire ne montrent pas de difficultés graves, imméritées ou disproportionnées. Le dossier n'indique pas que la décision de l'agente d'immigration était déraisonnable à un point tel qu'elle justifiait une intervention judiciaire.

[26]          Je suis convaincu que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[27]          Aucune question n'a été présentée aux fins de la certification.

                             « Max M. Teitelbaum »

                        

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

le 18 septembre 2000

    

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :                  IMM-5609-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Sherry Mohammed et autres c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 14 septembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Teitelbaum


EN DATE DU :              18 septembre 2000


ONT COMPARU :

Mme Preevanda K. Sapru                      pour les demandeurs
M. Jeremiah A. Eastman                      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Berger & Associates                      pour les demandeurs

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  pour le défendeur
__________________

1L.R.C. (1985), ch. I-2 [la Loi].

2Dossier de demande de la demanderesse, aux p. 7-18.

3Dossier de demande de la demanderesse, aux p. 13-18.

4[1999] 2 R.C.S. 817

5 Voir la note en bas de page 4

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