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Date : 20020205

Dossier : T-19-00

Référence neutre : 2002 CFPI 133

ENTRE :

WYETH-AYERST CANADA INC.

demanderesse

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION

[1]                 Wyeth-Ayerst Canada Inc. (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Santé (le ministre) de communiquer des renseignements à la suite d'une demande présentée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi). La demande de contrôle judiciaire est fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7.


[2]                 La demanderesse a sollicité et obtenu une ordonnance de confidentialité le 15 février 2001, conformément aux Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. Selon l'interprétation large qu'en donne la demanderesse, cette ordonnance inclut tous les affidavits et documents qu'elle a produits relativement à la présente procédure. L'ordonnance de confidentialité n'a pas été modifiée et la demanderesse n'a pas déposé de dossier public de la demande. La demande a été entendue à huis clos conformément à l'ordonnance du 15 février 2000.

[3]                 Vu ces circonstances, les motifs qui suivent traiteront peu des faits sous-jacents, lesquels sont connus des parties. Les renvois seront faits, le cas échéant, au dossier public de la demande déposé par le défendeur.

LES FAITS

[4]                 La demanderesse est une société pharmaceutique qui produit un traitement hormonal substitutif d'origine naturelle, vendu sous le nom commercial de « Premarin » . Les principaux ingrédients actifs de Premarin sont une famille d'hormones appelées « oestrogènes conjugués » .

[5]                 Le médicament contient les substances suivantes : estrone, équiline, 17µ-dihydroéquiline et, en plus petites quantités,17µ-estradiol, équilenine et 17µ-dihydroéquilenine, sous forme de sels ou de leurs esters sulfates.


[6]                 Les concurrents produisent d'autres produits d'oestrogènes qui contiennent les deux mêmes principaux composants, soit le sulfate d'estrone sodique et le sulfate d'équiline sodique. Les concurrents suivants offrent des produits contenant des oestrogènes, mais ces derniers n'ont pas la même origine que Premarin :

Fabricant canadien

     Nom du médicament

       Ingrédient actif

Date d'entrée sur le marché

ICN Canada Inc.

C.E.S.

Oestrogènes conjugués

        1963

Pharmascience Inc.

PMS-Conjugated Estrogens C.S.D.

Oestrogènes conjugués

        1983

Laboratoires Trianon Inc.

Congest

Oestrogènes conjugués

        1990

Apotex Incorporated

Apo-Conest

Oestrogènes conjugués

        1994

[7]                 Le 29 novembre 1997, Santé Canada a annoncé son intention de modifier le règlement d'application de la Loi sur les aliments et drogues, L.R., ch. F-27, art. 1, qui porte sur les oestrogènes conjugués (le projet de règlement). Le projet de règlement a pour effet de créer une norme unique qui s‘applique à tous les produits d'oestrogènes conjugués, qu'ils soient naturels ou synthétiques.


[8]                 La publication du projet de règlement a informé le public qu'il pouvait présenter des observations à ce sujet. La demanderesse a répondu à cette invitation et les observations qu'elle a faites font l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[9]                 Par la suite, le 22 juin 1999, le Bureau de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée de Santé Canada (le Bureau) a reçu, conformément à la Loi, une demande pour obtenir une copie des renseignements fournis depuis 1997 concernant les oestrogènes conjugués, annexe 873. Plus particulièrement, la demande visait les documents suivants :

-           toutes les notes de service

           -           toute la correspondance, sauf celle concernant ICN

           -           tous les procès-verbaux et notes prises lors des réunions

           -           toutes les données électroniques concernant l'annexe 873, notamment tous les avis provenant de la Direction générale de la protection de la santé

           -          toute la correspondance ministérielle

           -           tous les commentaires reçus en réponse à la publication dans la Gazette du Canada, partie I, au cours des deux dernières années.


[10]            Sur réception de cette demande, Santé Canada a contacté la demanderesse et l'a avisée que ses observations étaient visées par la demande de renseignements, mais qu'elles pouvaient être assujetties à l'article 20(1) de la Loi. Le 13 décembre 1999, la demanderesse a été avisée par écrit par Santé Canada que certains des renseignements la touchant seraient communiqués.

[11]            Après réception de cette lettre, la demanderesse a présenté des observations au Bureau dans lesquelles elle contestait la communication projetée des renseignements.

[12]            Après examen des observations de la demanderesse, le Bureau lui a transmis une nouvelle lettre le 19 décembre 1999, l'avisant de la date limite pour solliciter le contrôle judiciaire de la décision, soit le 10 janvier 2000. En d'autres termes, le Bureau n'avait pas changé sa position concernant la communication des renseignements demandés.

[13]            L'identité de la partie requérante n'ayant pas été dévoilée, la demanderesse « s'est dite préoccupée » par la possibilité qu'ICN Canada Ltd., un de ses concurrents et un fabricant d'oestrogènes conjugués, soit la partie cherchant à obtenir des renseignements. La demanderesse ne possède aucun renseignement solide quant à l'identité de la partie requérante.

[14]            La demande du 22 juin 1999 n'était pas la première que recevait le Bureau relativement aux oestrogènes conjugués. Selon le défendeur, le Bureau a reçu les demandes suivantes :

1.         Demande 96-A-164;


           2.         Demande 97-A-122;

           3.         Demande A-1999-0380;

           4.         Demande A-1999-0630;

           5.         Demande A-1999-0668;

           6.         Demande A-1999-0863.

[15]            Les demandes 96-A-164 et 97-A-122 ont été présentées par le même requérant que celui de la présente demande A-1999-0281, avec la participation d'un tiers.

QUESTIONS EN LITIGE

[16]            La demanderesse soulève deux questions dans la présente demande. La première porte sur la qualité pour agir de la partie requérante. La demanderesse fait valoir que rien ne prouve que la partie requérante à qui les renseignements seront communiqués est bien l'une des personnes visées au paragraphe 4(1) de la Loi ou qu'elle est autrement qualifiée pour recevoir ces renseignements.

[17]            Deuxièmement, la demanderesse invoque les exceptions prévues au paragraphe 20(1) comme motif de non-divulgation des renseignements en question.

LES OBSERVATIONS DE LA DEMANDERESSE


[18]            Tel que mentionné précédemment, la demanderesse soulève la question préliminaire de l'admissibilité de la partie requérante à recevoir communication des renseignements.

[19]            Deuxièmement, la demanderesse invoque le paragraphe 20(1) de la Loi, à savoir l'exemption de divulguer des renseignements qui sont pour elle de nature confidentielle. Elle revendique précisément l'exemption prévue à chacun des alinéas du paragraphe 20(1) et fait valoir la confidentialité des renseignements contenus dans les documents demandés, en vertu de tous les alinéas du paragraphe 20(1).

[20]            En résumé, la demanderesse prétend qu'elle serait commercialement désavantagée par la communication des documents demandés puisque grâce à ces documents, un concurrent perspicace pourrait avoir accès à des renseignements commerciaux, secrets industriels, stratégies commerciales et autres renseignements du même genre qui sont en sa possession.

[21]            En refusant la demande de non-divulgation des renseignements de la demanderesse, le Bureau a estimé que ceux-ci n'étaient pas de nature confidentielle et que, de toute façon, certains d'entre eux faisaient déjà partie du domaine public, notamment ceux ayant été communiqués en réponse à des demandes de divulgation antérieures.


[22]            La demanderesse fait maintenant valoir que la conclusion portant que certains documents faisaient partie du domaine public était erronée et qu'on a mal apprécié la nature confidentielle des documents lui appartenant.

OBSERVATIONS DU DÉFENDEUR

[23]            Le défendeur fait valoir que le principe général de la Loi est de donner au public un droit d'accès à l'information, et il affirme que selon l'interprétation que notre Cour en a faite, les tribunaux ne doivent pas neutraliser ce droit sauf pour les motifs les plus évidents, le fardeau de persuasion incombant à la partie qui s'oppose à la communication. Le défendeur soutient que le fardeau de la preuve qui incombe à la partie invoquant le paragraphe 20(1) est celui de la prépondérance des probabilités.

[24]            En réponse au moyen préliminaire portant sur l'admissibilité de la partie requérante à obtenir communication des documents, le défendeur s'appuie sur l'affidavit confidentiel de Mme Snider, un agent du Bureau, qui a témoigné sous serment, n'a pas été contre-interrogée et a déclaré que le requérant était autorisé par la Loi à soumettre la demande. Puisque ce témoignage n'a pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire, le défendeur soutient que notre Cour devrait l'accepter sans réserve et qu'elle devrait s'en remettre à la décision de Mme Snider selon laquelle la partie requérante est admissible à recevoir les renseignements demandés en vertu de la Loi.


[25]            S'agissant des arguments de fond soulevés par la demanderesse eu égard au paragraphe 20(1), le défendeur examine chacune des exemptions à tour de rôle. En ce qui a trait à l'alinéa 20(1)a), le défendeur fait valoir que l'expression « secrets industriels » est sujette à une interprétation raisonnablement restreinte.

[26]            Un secret industriel doit être un renseignement probablement de caractère technique que l'on garde très jalousement et qui est pour celui qui le possède tellement précieux que sa seule divulgation ferait naître en faveur de ce possesseur une présomption de préjudice; voir Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d'État) (1994), 79 F.T.R. 42, à la p. 45.

[27]            Le défendeur allègue que l'affidavit déposé par la demanderesse ne fournit aucune preuve au soutien de sa prétention voulant que les renseignements en litige soient un secret industriel au sens de l'alinéa 20(1)a).


[28]            Le défendeur soutient également que la demanderesse n'a pas établi son droit à une exemption prévue à l'alinéa 20(1)b). Le défendeur s'appuie ici sur la décision rendue dans Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre du Transport) (1989), 27 F.T.R. 194, à la p. 207, dans laquelle le tribunal a précisé les critères d'application de l'exemption prévue à l'alinéa 20(1)b). Le défendeur affirme que l'affidavit produit par la demanderesse ne répond à aucun de ces critères.

[29]            Le défendeur fait valoir que le critère d'application des exemptions prévues aux alinéas 20(1)c) et d) est celui du « risque vraisemblable de préjudice probable » . Il n'est pas nécessaire de montrer un lien de causalité direct entre la communication et le préjudice causé. De nouveau, le défendeur soutient que la demanderesse n'a produit aucune preuve substantielle de l'existence d'un risque vraisemblable de préjudice probable advenant la communication des documents en cause.

[30]            En ce qui a trait à l'alinéa 20(1)d), le défendeur soutient que le mot « entraver » les relations d'affaires futures veut dire « faire obstacle » . Il affirme que la demanderesse doit prouver qu'il est probable, et non simplement possible, que la divulgation des renseignements puisse entraver les négociations menées en vue de contrats ou à d'autres fins. La demanderesse doit prouver que la divulgation des renseignements risque véritablement d'entraver des négociations contractuelles et non de susciter un simple accroissement de la concurrence.


[31]            Le défendeur affirme que la preuve par affidavit soumise par la demanderesse ne soutient pas les prétentions de cette dernière. Qui plus est, il fait valoir qu'une grande partie des renseignements que la demanderesse cherche à protéger ont déjà fait l'objet d'une divulgation publique, soit dans les réponses à d'autres demandes faites en vertu de la Loi, soit dans les documents mis à la disposition du public, notamment les publications de Santé Canada et de l'American Food and Drug Administration (U.S.F.D.A.).

ANALYSE

[32]            Deux questions découlent de la présente demande. La première porte sur la qualité du requérant pour présenter sa demande de communication des renseignements. La deuxième a trait à la décision du défendeur de divulguer les renseignements demandés malgré les objections soulevées par la demanderesse.

[33]            La demanderesse soutient qu'il incombe au défendeur d'établir que la personne présentant la demande d'accès à l'information a le droit d'avoir accès à cette information. Elle allègue qu'un concurrent a fait la demande dans le but d'avoir accès à des renseignements de nature confidentielle et qu'on devrait tenir compte de ce facteur pour déterminer si les renseignements devraient être communiqués.

[34]            Selon le paragraphe 4(1), tous les citoyens canadiens ont droit d'avoir accès aux documents de l'administration fédérale sur demande. Ce droit a par la suite été étendu, par décret numéro 1 DORS/89-206, à toutes les personnes physiques et morales au Canada.


[35]            Selon l'affidavit de Mme Snider déposé par le défendeur, l'agente chargée de la demande s'est questionnée sur l'admissibilité du requérant et a conclu que ce dernier était autorisé par la Loi à présenter la demande.

[36]            À mon avis, cette décision a été prise par la personne chargée de prendre cette décision. Rien ne prouve que cette personne a tenu compte de facteurs non pertinents ou illégitimes dans son examen de l'admissibilité du requérant. La demanderesse n'a pas établi que cette décision ne satisfait pas au critère de la suffisance de la preuve examiné par la Cour d'appel fédérale dans Cyanamid Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé Nationale et du Bien-Être Social) (1992), 45 C.P.R. (3d) 390 (C.A.F.), aux p. 399 et 400.

[37]            Examinons maintenant le fond de la présente demande. L'objet de la Loi est énoncé au paragraphe 2(1) :


2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.


2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government



[38]            Selon l'interprétation donnée à ce principe de base, le droit du public à l'information ne doit pas être neutralisé par les tribunaux sauf pour les motifs les plus évidents et le fardeau de convaincre la cour à cet égard incombe à la partie qui s'oppose à la communication; voir Maislin Industries Limited c. Canada (Ministre de l'Industrie et du Commerce), [1984] 1 C.F. 939, à la p. 943. La norme de preuve exigée pour établir le droit à l'exemption de divulgation est celle de la prépondérance des probabilités; voir Tridel Corp. c. Société canadienne d'hypothèques et de logement (1996), 115 F.T.R. 185, à la p. 196 (C.F.1ère inst.).

[39]            Dans Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 3 C.F. 384 (C.F. 1ère inst.), le juge Dawson a décrit la norme de révision applicable à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre de communiquer des renseignements. Elle a écrit ceci à la page 407 :

À ce sujet, dans l'arrêt Dagg, les juges majoritaires ont fait le commentaire suivant au paragraphe 16 :

Deuxièmement, compte tenu de la conclusion que les renseignements doivent être communiqués, il n'est pas nécessaire que j'examine si le Ministre a commis une erreur en exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu du par. 19(2) de la Loi sur l'accès à l'information et de l'art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En général, je souscris à la conclusion du juge La Forest qu'une décision discrétionnaire du Ministre, fondée sur le sous-al. 8(2)m)i) ne doit pas être examinée selon une norme de révision de novo. Il suffit peut-être de faire remarquer que le Ministre n'est pas tenu d'examiner s'il est dans l'intérêt public de divulguer des renseignements personnels. Toutefois, lorsqu'une demande de divulgation lui est faite, il doit exercer ce pouvoir discrétionnaire au moins en examinant l'affaire. S'il refuse ou omet de le faire, le Ministre se trouve à refuser d'exercer la compétence dont lui seul est investi.


[40]            La demanderesse revendique le bénéfice des exemptions contenues au paragraphe 20(1) de la Loi, lequel dispose :


20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant_:

a) des secrets industriels de tiers;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

(a) trade secrets of a third party;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.


[41]            L'idée générale de l'argumentation de la demanderesse veut que les documents en question, dont elle cherche à empêcher la divulgation, ont été communiqués par erreur au ministre. Qui plus est, la demanderesse soutient que les documents sont intrinsèquement confidentiels, qu'il s'agit de renseignements commerciaux équivalant à des secrets industriels, dont la divulgation lui causerait un préjudice et entraverait les négociations futures en vue de contrats ou à d'autres fins.

[42]            Tel que mentionné précédemment, la norme de preuve applicable pour établir un droit à une exemption prévue au paragraphe 20(1) est celle de la prépondérance des probabilités. Ce fardeau incombe à la demanderesse en tout temps. En l'espèce, la demanderesse cherche à s'acquitter de ce fardeau en fournissant une preuve par affidavit.


[43]            À mon avis, la preuve par affidavit qui a été déposée ne satisfait pas au critère applicable. Les affidavits sont rédigés en termes très généraux et de plus, ils sont fondés sur des opinions.

[44]            Il s'agit en l'espèce d'une demande de contrôle judiciaire, non d'une requête. À ce titre, un affidavit fondé sur une opinion personnelle n'est pas un élément de preuve approprié; voir les Règles de la Cour fédérale (1998), précitées, par. 81(1) et (2). L'affidavit fondé sur l'opinion personnelle d'un représentant de la demanderesse dont on s'attendrait raisonnablement à ce qu'il ait une connaissance personnelle des questions en litige est insuffisant et ne satisfait pas au critère.

[45]            Lorsqu'un demandeur cherche à invoquer une exemption prévue au paragraphe 20(1), il doit fournir une preuve claire que les circonstances dans lesquelles il se trouve entrent dans le cadre de l'une ou de plusieurs exemptions énumérées dans cette disposition. Lorsqu'un demandeur invoque la confidentialité comme motif d'exemption de communication, ce motif doit être objectivement établi. À cet égard, je renvoie à Maislin, précité, à la page 944.


[46]            Dans Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services) (1990), 107 N.R. 89, à la p. 91 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a examiné les alinéas c) et d) du paragraphe 20(1) et elle a conclu que la partie cherchant à empêcher la divulgation en vertu de ces dispositions doit établir la probabilité de conséquences préjudiciables.

[47]            En l'espèce, les affidavits déposés par la demanderesse ne fournissent que des suppositions quant au préjudice probable. Ils ne comportent que des déclarations générales qui, à mon avis, n'équivalent qu'à des affirmations vagues non soutenues par la preuve quant à la probabilité de « pertes financières appréciables » .

[48]            Pour que la demanderesse ait gain de cause en vertu de l'alinéa 20(1)d), elle doit établir qu'il est fait obstacle aux négociations effectives en vue de contrats, tel qu'analysé dans Société Gamma, précité, à la page 47. La preuve présentée par la demanderesse est déficiente à cet égard et elle ne suffit pas à justifier une conclusion en vertu de cet alinéa.


[49]            Quoi qu'il en soit, il semble qu'une bonne partie des renseignements dont la demanderesse refuse la divulgation fasse déjà partie du domaine public, soit en raison de divulgations antérieures faites par le Bureau, soit en raison de divulgations faites en rapport avec l'industrie pharmaceutique, tant au Canada qu'aux États-Unis. Je renvoie à l'affidavit public de M. J. Bujaki qui démontre que plusieurs documents du dossier public portent sur les oestrogènes conjugués, notamment des publications de Santé Canada et de l'U.S.F.D.A. La mise à la disposition publique de ces documents compromet de façon générale le fondement de la demande de confidentialité de la demanderesse.

Renvoi : Dossier public de la demande du défendeur, pages 26 à 177

[50]            Subsidiairement, la demanderesse demande à rédiger les documents en question de façon à limiter les renseignements qui seront divulgués. L'article 25 de la Loi prévoit une telle restriction :


25. Le responsable d'une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s'autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d'en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.

25. Notwithstanding any other provision of this Act, where a request is made to a government institution for access to a record that the head of the institution is authorized to refuse to disclose under this Act by reason of information or other material contained in the record, the head of the institution shall disclose any part of the record that does not contain, and can reasonably be severed from any part that contains, any such information or material.


[51]            Je rejette cet argument. J'ai déjà conclu que les documents en question ne sont pas de nature confidentielle et qu'ils n'entrent pas autrement dans le cadre des exemptions énumérées au paragraphe 20(1). Puisqu'on ne peut en refuser la communication en vertu de l'article 20, il n'y a à mon avis aucune raison de limiter une divulgation autorisée en ordonnant la rédaction des documents.


[52]            Enfin, je renvoie au paragraphe 20(6) de la Loi qui dispose :


20(6) Le responsable d'une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document contenant les renseignements visés aux alinéas (1)b), c) et d) pour des raisons d'intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l'environnement; les raisons d'intérêt public doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers_: pertes ou profits financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations qu'il mène en vue de contrats ou à d'autres fins.


20(6) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act, or any part thereof, that contains information described in paragraph (1)(b), (c) or (d) if that disclosure would be in the public interest as it relates to public health, public safety or protection of the environment and, if the public interest in disclosure clearly outweighs in importance any financial loss or gain to, prejudice to the competitive position of or interference with contractual or other negotiations of a third party.


[53]            Ce paragraphe permet la communication de renseignements qui seraient autrement protégés par l'article 20 lorsque l'intérêt public l'exige. Cependant, le défendeur n'a pas invoqué l'intérêt public en l'espèce et cette question n'est pas en litige.

[54]            En conclusion, j'estime que la demanderesse n'a pas établi son droit à une exemption empêchant la divulgation en application du paragraphe 20(1). La demande est rejetée et les dépens sont adjugés au défendeur.


                                           ORDONNANCE

La demande est rejetée et les dépens sont adjugés au défendeur.

                 « E. Heneghan »

                                                                                                      J.C.F.C.                      

OTTAWA (Ontario)

5 février 2002

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             T-19-00

INTITULÉ :                                            WYETH-AYERST CANADA INC. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                   OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  30 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                        5 février 2002

COMPARUTIONS :

NICHOLAS McHAFFIE                      POUR LA DEMANDERESSE

CHRISTOPHER RUPAR                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

NICHOLAS McHAFFEE                     POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

MORRIS ROSENBERG                       POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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