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                                                                                                                     Date : 20040121

                                                                                                               Dossier : T-2282-01

                                                                                                    Référence : 2003 CF 1428

OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 21 JANVIER 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                    PFIZER CANADA INC.

                                                           et PFIZER INC.

                                                                                                                      demanderesses

                                                                       et

                                                          APOTEX INC. et

                                              LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                              défendeurs

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]                Pfizer Canada Inc. (Pfizer) fabrique le Zithromax, un antibiotique qui contient de l'azithromycine dihydrate cristalline (dihydrate), une forme d'azithromycine. Le dihydrate est expressément revendiqué dans les lettres canadiennes portant le numéro 1,314,876 (le brevet 876) qui est inscrit dans le registre des brevets tenu par le ministre de la Santé (le ministre) conformément au paragraphe 3(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement).

[2]         Dans sa demande, Pfizer sollicite une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Apotex Inc. (Apotex) un avis de conformité pour les comprimés d'azithromycine avant l'expiration du brevet 876.


[3]         La présente instance fait suite à la demande présentée au ministre par Apotex afin d'obtenir un avis de conformité et l'approbation de la vente de comprimés renfermant un clathrate de l'isopropanolate d'azithromycine monohydrate (IPA monohydraté). Conformément au sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement. Apotex a envoyé à Pfizer, le 12 novembre 2001, un avis d'allégation dans lequel elle indiquait que [traduction] « l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par [elle] de comprimés contenant le médicament azithromycine en posologie de 250 mg pour administration par voie orale » ne contreferait pas le brevet 876 de Pfizer. L'avis d'allégation indiquait que les comprimés d'Apotex contenaient de l'azithromycine mais non du dihydrate.   

[4]         Par voie d'une lettre adressée à Apotex le 3 décembre 2001, Pfizer a demandé à Apotex de lui fournir des échantillons du produit en vrac et sous forme de comprimés qu'elle avait obtenus lors de ses essais cliniques. En réponse à cette première demande, Apotex a indiqué, dans une lettre datée du 4 décembre 2001, que les comprimés contiendraient de l'IPA monohydraté et a fourni un document tiré de la présentation de drogue nouvelle (PADN) qu'elle avait soumise au ministre. Apotex a ensuite refusé de fournir les échantillons demandés et elle a persisté dans son refus malgré des demandes répétées ainsi qu'une requête qui a été rejetée par notre Cour (requête dont il est question au paragraphe 25).

[5]         En réponse à l'avis d'allégation et aux détails fournis le 4 décembre 2001, Pfizer a déposé la présente demande d'interdiction en faisant valoir que l'avis de conformité n'est pas fondé.


QUESTION EN LITIGE

[6]         La seule question en litige dans la présente instance est de savoir si l'allégation de non-contrefaçon figurant dans l'avis d'allégation est fondée. Dans le cadre de l'analyse de cette question générale, il faut examiner les points suivants :

·            Une fois que Pfizer eut indiqué que les échantillons demandés étaient nécessaires pour sa preuve, le fardeau de la preuve a-t-il été transféré à Apotex qui doit démontrer que son produit ne contrefera pas le brevet 876?

            ·           L'omission par Apotex de fournir les échantillons demandés a-t-elle donné lieu à une présomption de common law suivant laquelle son produit contreferait le brevet 876?

·           Compte tenu de la jurisprudence existante, est-il nécessaire pour Apotex de fournir des échantillons?

·           L'avis d'allégation d'Apotex ou son énoncé détaillé du 4 décembre 2001 étaient-ils insuffisants?

            ·           La Cour est-elle convaincue par la preuve que l'allégation de non-contrefaçon est fondée?


ANALYSE

Question 1 : Le fardeau de la preuve est-il transféré à Apotex?

[7]         Il est important de se rappeler l'objet de la présente espèce. Il ne s'agit pas d'un cas où la Cour est appelée à prononcer une déclaration d'invalidité ou de non-contrefaçon. Il s'agit d'une demande sommaire de contrôle judiciaire. Même si l'ordonnance d'interdiction est refusée et si la seconde personne obtient un avis de conformité, la première personne peut toujours intenter une poursuite en contrefaçon de brevet si, après la délivrance de l'avis de conformité et la mise en marché subséquente du médicament générique au Canada, elle découvre que la seconde personne a contrefait son brevet (Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302, p. 319-320 (C.A.F.), approuvé par la C.S.C. dans Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1998), 80 C.P.R. (3d) 321, p. 361-362, 161 D.L.R. (4th) 1)).

[8]        Il y a deux types de fardeau de la preuve dans le cadre des instances judiciaires (Eli Lilly and Co. c. Nu-Pharm Inc. (1996), 69 C.P.R. (3d) 1, p. 14-15 (C.A.F.) :

Le premier est communément appelé le « fardeau de persuasion » ou « fardeau ultime » . En matière civile, il s'agit de produire des éléments de preuve qui satisfont aux exigences de la norme de preuve civile. L'autre fardeau est couramment appelé le « fardeau de présentation » . Il s'agit de l'obligation de soulever une question. La partie assumant ce fardeau doit veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'éléments de preuve pour établir l'existence ou l'inexistence d'un fait ou d'un point au dossier afin de remplir les conditions minimales en ce qui concerne ce fait ou ce point particulier. (Voir J. Sopinka, S.N. Lederman, A.W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (Toronto : Butterworths, 1992), aux pages 56 et 57.)


[9]         Il est bien établi que, dans une poursuite en application du paragraphe 6(2) du Règlement, la partie qui doit poursuivre la procédure a la charge de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, qu'un avis d'allégation n'est pas fondé (Merck Frosst, précité, p. 319; AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2002] A.C.F. no 1533, 35 (C.A.) (QL), 2002 CAF 421; Pfizer Canada Inc. c. Nu-Pharm Inc., précitée, p. 3; Hoffman-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 206 (C.A.F.)). De plus, les faits exposés dans l'avis d'allégation et dans l'énoncé détaillé sont présumés vrais (Merck Frosst, précité, p. 319; Eli Lilly and Co., précité, p. 20). Pour ces motifs, il est clair que le fardeau ultime dans la présente instance incombe à Pfizer qui « ne saurait compter sur les déclarations de [la défenderesse] pour prouver ses propres prétentions » (Merck Frosst, précité, p. 320, juge Hugessen). Pfizer soutient toutefois qu'elle peut obtenir gain de cause dans la présente instance si elle peut démontrer que par suite de son omission de fournir les échantillons, Apotex ne s'est pas acquittée du fardeau de présentation lui incombant.

[10]       Dans la décision Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1995) 60 C.P.R. (3d) 328 (C.F. 1re inst.), conf. par 64 C.P.R. (3d) 328 (C.A.F.), le juge Strayer a statué que le fabricant de médicaments génériques intimé ou seconde personne a effectivement un fardeau de présentation dans une instance concernant un avis de conformité. Il a décrit ce fardeau de la manière suivante :


Le fabricant de médicaments génériques est tenu, conformément au paragraphe 5(1), de faire une allégation, et celle-ci doit être étayée par un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde. De cette façon, le titulaire du brevet est en mesure de déterminer s'il doit demander une ordonnance d'interdiction, soit parce que les faits exposés dans l'énoncé détaillé sont insuffisants, soit parce que la conclusion juridique concernant la non-contrefaçon n'est pas étayée par les faits. À cette étape, puisqu'il est impossible d'ordonner la production d'un nouvel énoncé plus détaillé, il y a lieu de souligner les questions qui se posent relativement à l'énoncé déjà produit. En outre, les motifs qui poussent le titulaire du brevet à contester l'avis d'allégation du fabricant de médicaments génériques devraient être énoncés dans l'avis de requête introductive d'instance qui est déposé en application du paragraphe 6(1) du Règlement. Cette approche découle des conditions énoncées dans les Règles de la Cour fédérale, à la partie V.1, et de la charge de persuasion qui incombe aux requérantes. Le titulaire du brevet doit également présenter des éléments de preuve pour appuyer ses motifs, que ceux-ci se fondent sur des faits, sur le droit, sur le droit et les faits, ou sur des témoignages d'opinion. Le fabricant de médicaments génériques peut ainsi être informé des motifs de l'opposition du titulaire du brevet et de la raison pour laquelle une ordonnance d'interdiction visant à empêcher la mise en marché de ses produits devrait être rendue. Initialement, c'est-à-dire devant le ministre, le fabricant de médicaments génériques a eu l'occasion de soulever la question de la non-contrefaçon. À l'étape actuelle, devant la Cour, le fabricant a maintenant la possibilité de produire des éléments de preuve appuyant son énoncé détaillé. Voilà, essentiellement, la charge de présentation qui incombe à la partie intimée. [Non souligné dans l'original.]

Il est clair qu'il incombe à Apotex, en vertu du fardeau de présentation, de « soulever » la question de la non-contrefaçon en remettant un avis d'allégation et un énoncé détaillé à Pfizer et au ministre. La question de savoir si ces documents contiennent suffisamment de détails est examinée plus tard. Ce qu'il faut indiquer clairement pour l'instant, c'est que s'ils sont jugés suffisants, ces documents satisferont le fardeau de présentation qui incombe à un défendeur. Apotex a la possibilité, mais non l'obligation, de produire d'autres éléments de preuve au soutien de son énoncé détaillé. Ainsi, s'il est décidé que l'avis d'allégation et l'énoncé détaillé ne sont pas insuffisants, on peut dire qu'Apotex s'est acquittée du fardeau de présentation lui incombant. C'est logique étant donné que l'énoncé détaillé vise, de par sa nature même, à corroborer les allégations soulevées dans l'avis d'allégation. Par contre, le demandeur qui ne fournit pas des renseignements suffisants agit à ses propres risques car il pourrait s'acquitter du fardeau ultime en démontrant que l'avis d'allégation est insuffisant. (Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 60 C.P.R. (3d) 129, p. 134; Cie pharmaceutique Procter & Gamble Canada c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 15 C.P.R. (4th) 496, p. 504 (C.F. 1re inst.), conf. par (2000) 20 C.P.R. (4th) 1, p. 10 (C.A.F.)).


[11]       Pfizer semble soutenir qu'une fois qu'elle eut avisé Apotex qu'elle était lésée par son omission de fournir des échantillons d'azithromycine en vrac et sous forme de comprimés, le fardeau de présentation d'Apotex devenait plus exigeant, c'est-à-dire qu'elle devait fournir les échantillons demandés sinon elle ne s'acquitterait pas du fardeau lui incombant. Je ne suis pas d'accord avec cette position. Selon moi, la décision du juge Strayer signifie que l'avis de demande est destiné à informer le défendeur des questions que le demandeur soulèvera et des motifs pour lesquels il croit qu'une ordonnance d'interdiction devrait être rendue. Je ne crois pas que les observations du juge Strayer autorisent un demandeur à élargir à sa guise le fardeau de présentation incombant au défendeur. De plus, il serait illogique de permettre à une partie d'indiquer ce par quoi elle est lésée, soulevant ainsi une question, et de décider ensuite qu'il incombe à l'autre partie de fournir des éléments de preuve au sujet de cette lésion. Si Pfizer croit que les échantillons sont nécessaires pour lui permettre de s'acquitter du fardeau ultime, elle doit en convaincre la Cour car elle a elle-même soulevé cette question.

[12]      Pour conclure sur ce point, le fardeau ultime tout comme le fardeau de présentation incombe à Pfizer en ce qui a trait aux échantillons demandés. Je vais maintenant examiner si ces échantillons sont nécessaires et analyser la présomption de common law qu'invoque Pfizer.

Question 2 : La présomption de common law s'applique-t-elle?

Présomption de common law


[13]       Pfizer soutient que la présomption de common law s'applique en l'espèce. Selon cette présomption « lorsqu'une des parties ne produit aucune preuve touchant un fait qu'elle est la mieux àmême de démontrer, la Cour en inférera que les faits sont contraires à l'intérêt de cette partie » . (Eli Lilly and Co. c. Nu-Pharm Inc. (1996), 69 C.P.R. (3d) 1, p. 18 (C.A.F.), citant 54 C.P.R. (3d) 145, p. 152-153 (C.F. 1re inst.); Pleet c. Canadian Northern Quebec R. Co., [1923] 4 D.L.R. 1112 (C.S.C.), confirmant 64 D.L.R. 316 (C. App. div. Ont.); Hoffmann-La Roche Ltd. c. Apotex Inc. (1984), 1 C.P.R. (3d) 507 (C.A. Ont.), confirmant 71 C.P.R. (2d) 20 (Haute Cour de Justice Ont.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée 2 C.P.R. (3d) 431). En ce qui a trait aux faits de la présente espèce, Pfizer soutient que l'omission d'Apotex de fournir les échantillons devrait m'amener à présumer qu'ils contiennent le dihydrate contrefait.

[14]       La maxime que Pfizer cherche à faire appliquer a tout d'abord été énoncée par lord Mansfield dans la décision Blatch c. Archer (1774), 1 Cowp. 63, p. 65, 98 E.R. 969, p. 970 (B.R.) :

[traduction] Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l'une des parties était en mesure de produire et que l'autre partie était en mesure de réfuter.

[15]      Il est vrai que si les renseignements « échappent manifestement à la compétence » d'une partie « qui ne saurait ni en obtenir communication ni les produire » (Eli Lilly and Co., précité, p. 19, citant Hoffmann- La Roche Ltd., précité), et qu'elle plaide, dans son avis de requête introductive d'instance, la nature des renseignements qui relèvent de la connaissance exclusive du fabricant de médicaments génériques (Eli Lilly and Co., précité, p. 19, citant Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1995), 60 C.P.R. (3d) 328 (C.F. 1re inst.)), elle pourrait être en mesure de s'appuyer sur la présomption de common law. Cependant, elle doit en outre démontrer que les renseignements demandés ne se trouvent pas en sa possession et qu'ils relèvent tout particulièrement de la connaissance de l'autre partie (Eli Lilly and Co., précité, p. 19). Ainsi, Pfizer doit aussi établir que les renseignements n'ont pas été produits en preuve par Apotex et qu'elle ne pouvait les obtenir d'aucune autre façon (Eli Lilly and Co., précité, p. 20).


[16]       Pfizer soutient avoir demandé à Apotex de lui fournir des échantillons de la matière en vrac et des comprimés d'azithromycine. Même si cette matière se trouve en la possession d'Apotex, je me demande si les renseignements que Pfizer cherche à obtenir en testant ces échantillons relèvent tout particulièrement de la connaissance d'Apotex. Par une ordonnance datée du 3 mai 2002 (voir le paragraphe 25 ci-dessous), la Cour a ordonné à Apotex de communiquer des parties de sa PADN afin que Pfizer puisse suivre la procédure qui y est indiquée, obtenir le produit et le tester. Pour ce motif, l'information demandée par Pfizer - savoir si le produit d'Apotex contiendra du dihydrate - ne relevait pas tout particulièrement de la connaissance d'Apotex.

[17]       Ce que Pfizer semble en réalité vouloir dire c'est qu'elle exige les échantillons pour établir de façon concluante s'ils contiennent du dihydrate. Il ne s'agit pas de l'information qui est demandée dans la présente instance. L'objet de la présente instance n'est pas de déterminer de façon concluante si le produit obtenu grâce aux essais cliniques d'Apotex contrefait le brevet 876 de Pfizer. Au contraire, il s'agit plutôt de déterminer si Apotex a raison, selon la prépondérance de la preuve, d'alléguer que son produit ne contrefera pas le brevet 876. Il ne s'agit pas d'une action en contrefaçon. À cause de l'objet de la présente instance et de la norme de preuve applicable, les échantillons, à la lumière des faits de la présente affaire, ne font pas partie des « renseignements demandés » . Vu la divulgation de la PADN, la décision quant à savoir, suivant la prépondérance de la preuve, si le produit d'Apotex contiendra du dihydrate n'échappe pas manifestement à la compétence de Pfizer. Pour ces motifs, Pfizer ne peut pas invoquer la présomption de common law.

Question 3 : La production des échantillons est-elle nécessaire?

a) Décision dans AB Hassle


[18]       Pfizer s'appuie largement sur la décision du juge Kelen dans l'affaire AB Hassle c. Apotex Inc. (2002), 21 C.P.R. (4th) 173, 189 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, les experts des deux parties en ont été réduits à formuler des hypothèses quant à savoir si le produit d'Apotex contreferait le brevet d'AB Hassle. Comme des échantillons du produit d'Apotex auraient constitué la meilleure preuve, le juge Kelen a conclu que, si son produit n'emportait effectivement pas contrefaçon, Apotex l'aurait analysé et aurait fourni les résultats au lieu d'obliger les témoins experts à « tergiverser » . Le juge Kelen a accueilli la demande d'interdiction parce que l'avis d'allégation était irrégulier et ne respectait pas les conditions prévues au Règlement.

[19]       En l'espèce, Pfizer soutient que, comme c'était le cas dans la décision AB Hassle, précitée, les faits énoncés dans l'avis d'allégation de la défenderesse sont insuffisants pour fonder son allégation de non-contrefaçon du brevet 876. Une partie des renseignements demandés concernait les échantillons du produit réel d'Apotex, qui sont essentiels pour la question de la contrefaçon.

[20]       Je ne conviens pas avec Pfizer que la présente affaire est analogue à celle dont il était question dans AB Hassle, précitée. Dans AB Hassle, précitée, les experts ont été obligés d'émettre des hypothèses quant à savoir si le sous-enrobage des comprimés du médicament générique contreferait le brevet d'AB Hassle. Aucun des experts n'avait produit le comprimé et Apotex n'a pas mis des échantillons du comprimé à leur disposition. C'est pourquoi les experts ne pouvaient que formuler des hypothèses quant à savoir si le sous-enrobage contreferait le brevet de la demanderesse.


[21]       En l'espèce, toutefois, les experts n'ont pas été obligés de « tergiverser » parce que même si Apotex n'a pas fourni à Pfizer des échantillons de son azithromycine, elle lui a néanmoins communiqué une partie importante de sa PADN conformément à l'ordonnance du juge O'Keefe. MM. Stahly et Tam ont tous les deux effectué des expériences afin d'appliquer la procédure décrite dans la PADN permettant d'obtenir de l'azithromycine. Ces échantillons ont ensuite été testés pour déterminer s'ils contiennent la substance contrefaite, savoir du dihydrate. Par suite de ces expériences et de ces tests, la Cour a été saisie d'environ 4 000 pages de témoignages d'experts. Cela ne peut raisonnablement pas mener à la situation qui a été décrite dans la décision AB Hassle, précitée. Par conséquent, on peut établir une distinction entre l'affaire dont j'ai été saisie et celle qui a été soumise au juge Kelen.

[22]       Depuis l'audition de la présente affaire, la décision du juge Kelen a été confirmée en appel (AB Hassle c. Apotex Inc., [2003] A.C.F. no 1601 (QL)). Pfizer et Apotex ont toutes les deux été priées de présenter des observations écrites au sujet des répercussions de l'arrêt de la Cour d'appel fédérale. J'ai examiné ces observations.

[23]      La Cour d'appel a tranché l'appel en fonction de l'interprétation du brevet. En ce qui concerne le caractère suffisant de l'avis d'allégation, le juge Rothstein a dit, au nom de la Cour :

[25]      Pour conclure à l'insuffisance de l'avis d'allégation, le juge des requêtes s'est appuyé sur l'arrêt de notre Cour Genpharm Inc. c. Le ministre de la Santé et Procter & Gamble Pharmaceuticals (Canada) Inc., 2002 CAF 290, paragraphes 22 à 25. Dans cette affaire, l'avis d'allégation ne traitait pas des revendications pertinentes du brevet. En l'espèce, l'avis d'allégation traite de la revendication pertinente du brevet.

[26]          Ce qu'il faut retenir, c'est que la suffisance de l'avis d'allégation doit s'apprécier en fonction des faits de chaque cas et, en fonction, plus particulièrement, du libellé dudit avis. Bien que je ne sois pas entièrement convaincu de l'insuffisance de l'avis d'allégation en l'espèce, il n'est pas nécessaire, vu l'interprétation que j'ai faite de la revendication no 1 brevet 693, que je tranche cette question.


[24]       Même si elles étaient incidentes, ces remarques du juge Rothstein affaiblissent considérablement les arguments de Pfizer sur ce point.

b) Ordonnance du juge O'Keefe

[25]       Avant d'introduire la présente instance, Pfizer a demandé, par voie d'une requête interlocutoire, la production « des échantillons de l'azithromycine en vrac utilisés [par Apotex] dans ses comprimés d'azithromycine, ainsi que des échantillons de ces comprimés » . Après avoir entendu cette requête, le juge O'Keefe a ordonné à Apotex, dans une ordonnance datée du 3 mai 2002, de fournir les échantillons demandés seulement si elle avait fourni de tels échantillons au ministre dans le cadre de sa demande d'avis de conformité. Apotex n'avait toutefois pas fourni de tels échantillons au ministre. Par conséquent et conformément à l'ordonnance, Apotex n'a pas fourni les échantillons à Pfizer. Dans les motifs de son ordonnance, le juge O'Keefe a fait les commentaires suivants :

La production des échantillons et des renseignements demandés est manifestement pertinente par rapport aux questions en litige, car elle permettra d'examiner si les comprimés comportent du dihydrate et contrefont le problème 876. La production des échantillons est nécessaire pour permettre aux demanderesses d'analyser les comprimés de façon que la Cour ait accès aux renseignements pertinents pour déterminer si l'avis d'allégation est justifié [...]

Dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, d'après la preuve présentée, je suis convaincu, suivant la prépondérance de la preuve, que la production des renseignements et des échantillons demandés est nécessaire pour fournir à la Cour le fondement probatoire lui permettant d'apprécier les allégations de non-contrefaçon.

[26]       Pfizer soutient que je devrais considérer que l'ordonnance du juge O'Keefe corrobore sa thèse voulant que les échantillons d'Apotex sont nécessaires pour fournir à la Cour le fondement probatoire lui permettant de déterminer si l'avis d'allégation est fondé.


[27]      Cette requête a été entendue en janvier 2002, avant la production de la plus grande partie des éléments de preuve dont je suis maintenant saisie en l'espèce. Lorsqu'il a entendu la requête, le juge des requêtes ne disposait que d'un nombre limité d'éléments de preuve. Par exemple, il ne disposait pas à ce moment-là du résultat des expériences faites par M. Tam. Il ignorait en outre que des échantillons provenant des expériences de M. Tam avaient été fournis à Pfizer. C'est pourquoi je ne suis guère disposée à m'appuyer sur la décision interlocutoire du juge des requêtes ou à accorder du poids à ses motifs; en effet, s'il avait été saisi d'éléments de preuve différents, le juge O'Keefe aurait peut-être eu un point de vue différent quant à la pertinence des échantillons pour les allégations de non-contrefaçon. Il ne conviendrait pas que je me sente liée par les motifs de son ordonnance ni même que je m'attarde sur ceux-ci.

c) Échantillons comme « meilleure preuve »

[28]       Quoi qu'il en soit, le simple fait que les échantillons soient pertinents est suffisant, à mon avis, pour ordonner leur production ou justifier qu'il soit fait droit à la demande de Pfizer.


[29]      Pfizer souligne que M. Threlfall a reconnu que [TRADUCTION] « l'élément le plus représentatif du procédé d'Apotex serait des échantillons de ce qu'Apotex a elle-même fabriqué » . À mon avis, il n'y a pas lieu de déterminer si les échantillons constitueraient ou non la « meilleure preuve » . La thèse de Pfizer semble être que si les échantillons constituent la meilleure preuve, je devrais conclure qu'ils doivent représenter la seule preuve possible. Compte tenu des éléments de preuve dont j'ai été saisie, ce n'est tout simplement pas le cas. D'autres moyens s'offrent à la première partie (en l'espèce, Pfizer) pour évaluer valablement l'avis d'allégation. Ni le Règlement ni la jurisprudence n'exigent la production d'office de la matière utilisée.

[30]      Ce qu'il convient d'examiner c'est ce qui a été fourni à Pfizer afin de vérifier si cette compagnie pharmaceutique de pointe disposait de renseignements suffisants pour effectuer cette appréciation. La question du caractère suffisant de l'avis d'allégation et de l'énoncé détaillé est examinée dans la section suivante.

Question 4 : L'avis d'allégation et l'énoncé détaillé étaient-ils suffisants?

[31]      L'avis d'allégation et l'énoncé détaillé du 4 décembre 2001 sont vraisemblablement les deux documents les plus importants dans la procédure d'obtention de l'avis de conformité. En règle générale, l'avis d'allégation sert à informer le ministre et le titulaire du brevet que la délivrance d'un avis de conformité ne donnera pas lieu à la contrefaçon du brevet. L'énoncé détaillé vise à placer le titulaire du brevet dans la position de décider s'il y a lieu de contester les allégations ou de ne pas s'opposer (SmithKline Beecham Inc. c. Apotex Inc. (2001), 10 C.P.R. (4th) 338, p. 346 (C.A.F.)). La réponse à la question de savoir si un énoncé détaillé est suffisant dépend des faits et des règles de droit invoqués dans l'énoncé détaillé lui-même (SmithKline Beecham Inc., précité, p. 346). La pertinence de la preuve et des allégations doit être appréciée, en définitive, par le juge qui entendra la demande d'interdiction au fond (David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.F.)). De même, il ne faut pas oublier que la présente instance ne prive aucunement Pfizer de ses recours juridiques dans l'éventualité où son brevet serait contrefait après la délivrance de l'avis de conformité (Merck Frosst, précité).


[32]      Pour évaluer le caractère suffisant de l'avis d'allégation, on peut se servir des indications suivantes tirées de nombreux arrêts de la Cour d'appel fédérale, dont Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 51 C.P.R. (3d) 329 (C.A.F.); Glaxo Group Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 6 C.P.R. (4th) 73, p. 81 (C.F., 1re inst), conf. par (2001) 11 C.P.R. (4th) 417 (C.A.F.) :.

            ·            Une simple affirmation de non-contrefaçon ne suffit pas.

·           Il est loisible à la seconde personne de retenir certains renseignements concernant sa formulation tant qu'une ordonnance de confidentialité n'est pas prononcée.

·           L'avis d'allégation sera suffisant si d'autres détails sont donnés pour expliquer les raisons pour lesquelles l'allégation de non-contrefaçon constituait une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation.


[33]       En l'espèce, nous n'avons pas une « simple affirmation » . Même s'il est court, l'avis d'allégation indique clairement que son auteur n'a aucunement l'intention de produire du dihydrate et, par conséquent, de contrefaire le brevet 876. Des détails sont donnés dans la lettre du 4 décembre 2001 qui indique que le produit à fabriquer est de l'IPA monohydraté. De plus, était joint à cette lettre un extrait de la PADN qui indique, sous forme de tableau récapitulatif, les « Spécifications et certificat d'analyse - Matière première » . Ce document indiquait les tests, les spécifications et les résultats pour la « matière » qui fait l'objet de la PADN et de l'avis d'allégation. Comme nous l'avons indiqué précédemment, avant qu'une ordonnance de confidentialité ne soit rendue, il n'était pas nécessaire pour Apotex de fournir tous les renseignements. Le 5 juin 2002, la juge Layden-Stevenson a rendu une ordonnance de confidentialité à la suite de laquelle Apotex a communiqué les parties de sa PADN qui sont pertinentes pour la présente instance.

[34]      Pfizer invoque la décision Cie Pharmaceutique Procter & Gamble Canada c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 15 C.P.R. (4th) 496, 504 (C.F. 1re inst.), conf. par (2000) 20 C.P.R. (4th) 1, p. 10 (C.A.F.) pour affirmer que l'avis d'allégation d'Apotex présentait un vice fatal.

[35]      Toutefois, une distinction peut être faite entre la présente espèce et la décision Cie Pharmaceutique Procter & Gamble Canada, précitée. Dans cette affaire, il a été jugé que l'avis d'allégation présentait un vice fatal parce que la défenderesse avait omis d'alléguer que l'utilisation de la drogue ne contreferait pas l'utilisation revendiquée par la première personne dans son brevet. L'avis d'allégation était donc irrégulier et n'était pas conforme au sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement. En l'espèce, Apotex a dit clairement que [traduction] « l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par [elle] des comprimés contenant le médicament azithromycine en posologie de 250 mg pour administration par voie orale » ne contrefera pas le brevet 876 de la demanderesse.

[36]      En dehors du fait qu'elle n'avait pas eu accès aux échantillons des essais cliniques, les autres affirmations de Pfizer au sujet des insuffisances dans l'avis d'allégation ou l'énoncé détaillé étaient mineures ou non fondées. Par exemple, même si l'avis d'allégation ne précisait pas quelle forme d'azithromycine serait utilisée, ce renseignement est fourni dans la lettre du 4 décembre.


[37]      À mon avis, l'avis d'allégation et l'énoncé détaillé contenaient des renseignements suffisants grâce auxquels Pfizer pouvait (et a pu) évaluer les allégations. S'appuyant sur ces seuls renseignements, Pfizer a préparé son avis de demande en vue de l'introduction de la présente instance. Cet avis contenait une liste détaillée des motifs pour lesquels Pfizer concluait que l'avis d'allégation n'était pas fondé.

[38]       Comme nous l'avons vu précédemment, il est facile de faire une distinction entre l'espèce et la décision de la Cour fédérale sur laquelle s'est largement appuyée Pfizer - A.B. Hassle, précitée - et celle-ci n'est d'aucune utilité pour Pfizer en l'espèce.

[39]      Je conclus que l'avis d'allégation et l'énoncé détaillé ne présentent pas de vice fatal.

Question 5 : L'avis d'allégation est-il fondé?

[40]       Avant d'examiner la question de la contrefaçon, notre Cour a l'obligation d'interpréter le brevet en cause en déterminant les revendications que l'inventeur considérait essentielles (Whirlpool Inc. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, par. 43). Les parties conviennent que la seule revendication en cause en l'espèce est la revendication 1 du brevet 876 et que son élément essentiel est le « dihydrate d'azithromycine sous forme de cristaux » . Je suis d'accord avec les parties.


[41]       Ayant tranché les questions qui précèdent, il me reste à examiner les revendications de chacune des parties et à déterminer, suivant la prépondérance de la preuve, si l'allégation de non-contrefaçon est fondée. Comme j'ai rejeté les arguments de Pfizer concernant le fardeau de preuve et la présomption de common law, les expériences de M. Stahly et les témoignages des experts de Pfizer sont cruciaux. Si ces éléments de preuve ne résistent pas à un examen minutieux, la présente demande devrait être rejetée puisque Pfizer ne s'est pas acquittée de l'obligation qui lui incombe de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, que l'allégation est non fondée.

[42]       L'azithromycine est une substance polymorphe, c'est-à-dire une substance qui, en tant que solide, peut présenter différentes formes cristallines. Chaque forme cristalline possède une structure unique et des propriétés distinctes. Pfizer a revendiqué spécifiquement la forme dihydratée de l'azithromycine dans son brevet 876. Le cristal dihydraté contient deux moles d'eau et est distinct du fait qu'il n'est pas hygroscopique, c'est-à-dire qu'il n'absorbe pas d'eau à partir de l'atmosphère. Par contre, l'IPA monohydrate cristallin, le composé qu'Apotex a l'intention de commercialiser :

           ·           Ne contient qu'une seule mole d'eau.

·           Est un clathrate, c'est-à-dire un composé dont les petites molécules sont piégées dans le réseau cristallin d'une autre substance.

·            Est hygroscopique, c'est-à-dire qu'il absorbe de l'eau à partir de l'atmosphère.


Apotex allègue qu'elle ne produira pas la forme dihydrate lorsqu'elle fabriquera son azithromycine. Pfizer cherche à obtenir une ordonnance d'interdiction car, selon elle, Apotex produira le dihydrate soit comme sous-produit soit comme produit final et que, même si son produit final est exempt du dihydrate, il se convertira quand même en dihydrate pendant l'entreposage et la production à plus grande échelle . Ces deux revendications seront examinées.

a) Fabrication

I)          Les expériences de M. Stahly

[43]       Pfizer a fait appel aux services de MM. Stephen Byrn, David Bugay et Patrick Stahly de la SSCI Inc., un laboratoire spécialisé dans la résolution de problèmes et dans l'exécution d'analyses, situé à West Lafayette, en Indiana. M. Byrn a fondé la SSCI Inc. et agit à titre d'expert-conseil pour le compte de cette entreprise; de plus, il occupe la chaire Charles B. Jordan comme professeur de chimie médicinale à l'University Purdue, en Indiana. Il est expert en cristallochimie ainsi qu'en chimie et en procédés pharmaceutiques. M. Bugay est vice-président de la Division de chimie analytique de la SSCI Inc. et expert dans les domaines de la microscopie, de la diffraction X des poudres ( « XRPD » ) et de la spectroscopie, y compris la spectroscopie Raman. M. Stahly est directeur de l'exploitation de la SSCI Inc. et possède de l'expérience dans les domaines de la synthèse organique et de la mise au point de méthodes de cristallisation.

[44]       D'importants extraits de la PADN d'Apotex ont été remis au Dr Stahly, de sorte qu'il pouvait suivre la procédure qui y était indiquée, obtenir l'azithromycine d'Apotex et vérifier s'il contenait du dihydrate. Selon M. Stahly, le processus exposé par Apotex dans sa PADN comporte quatre étapes menant à la cristallisation de l'azithromycine et, par conséquent, à l'obtention de dihydrate :

[visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002]


[1]         Des échantillons obtenus au cours des quatre étapes ont été remis à M. Bugay. Il a analysé les échantillons de M. Stahly à l'aide des techniques appelées XRPD, spectroscopie Raman et RMN à l'état solide. Il a déterminé que le produit obtenu à la suite de [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002] contenait 24 % de dihydrate. Pour ce qui est des autres échantillons, il pouvait seulement conclure qu'ils renfermaient peut-être de petites quantités de dihydrate. M. Bugay a pris l'échantillon contenant le dihydrate et l'a entreposé à la température ambiante ainsi qu'à d'autres températures. Il a analysé les produits entreposés après 1, 2, 3 et 4 semaines en utilisant les mêmes techniques que celles mentionnées précédemment et a constaté que, dans tous les cas, leur teneur en dihydrate avait augmenté.

[2]         Lors de son contre-interrogatoire initial, M. Stahly a fourni ses carnets de laboratoire qui contenaient les détails des expériences qu'il avait supervisées. Les experts d'Apotex ont examiné ces carnets et leur opinion était unanime au sujet des expériences de M. Stahly. Selon les termes mêmes de M. McClelland, expert d'Apotex, les expériences de M. Stahly étaient [traduction] « complètement erronées » . En d'autres termes, selon les experts d'Apotex, M. Stahly avait pris des libertés qu'une personne du métier n'aurait pas prises, s'était écarté sérieusement et sans justification de la procédure indiquée dans la PADN et avait même ajouté une étape supplémentaire qui n'est mentionnée nulle part dans la PADN. Les principales erreurs de M. Stahly peuvent être résumées de la manière suivante :

[visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002]

·            Il n'a pas suffisamment séché son produit final.


[45]       Il convient de rappeler brièvement ce que les experts d'Apotex, après avoir examiné les carnets de laboratoire et la procédure indiquée dans la PADN d'Apotex, avaient à dire au sujet des expériences de M. Stahly.

[46]      M. Robert McClelland est professeur de chimie à l'Université de Toronto et expert de calibre international sur les mécanismes des réactions organiques et bio-organiques. M. McClelland a critiqué l'étape supplémentaire de M. Stahly et le fait qu'il n'a pas filtré la solution chaude pour éliminer les minuscules cristaux non dissous qu'elle contenait, ce qu'une personne du métier aurait fait. Il a également reproché à M. Stahly d'avoir intentionnellement utilisé du dihydrate lors de son expérience. Ces libertés prises par M. Stahly auraient pu, dans un cas comme dans l'autre, introduire dans la solution des cristaux qui, en agissant comme germes, auraient provoqué la formation de dihydrate. M. McClelland a également précisé que les méthodes de séchage utilisées par M. Stahly pourraient très bien provoquer la conversion du produit en dihydrate. M. Stahly s'est écarté des méthodes couramment utilisées en laissant son produit final sur la table de travail pendant 9 heures avant d'entreprendre le séchage et en laissant le produit reposer à mi-chemin de l'étape de séchage alors qu'il renfermait encore 140,8 grammes d'eau.


[47]      M. McClelland a également critiqué M. Stahly, parce que ce dernier n'a utilisé aucune des méthodes classiques pour dissoudre l'azithromycine dans un mélange d'acétone-eau, comme la méthode Vogel décrite dans le Vogel's Textbook of Practical Organic Chemistry, 5e édition, B.S. Furniss, A.J. Hannaford, P.W.G. Smith, A.R. Tatchell, Longman Scientific and Technical, 1989. M. McClelland a précisé qu'un scientifique d'expérience, en se rendant compte qu'il n'a pas procédé correctement pour dissoudre l'azithromycine dans [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002], aurait repris ses expériences et reproduit les conditions pour son [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002], où l'azithromycine a été dissoute et cristallisée sans dihydrate. M. McClelland a conclu que les expériences réalisées par M. Stahly s'écartaient tellement de la PADN qu'on ne peut faire confiance à ses échantillons.

[48]       M. James Hendrickson est un expert en synthèse chimique reconnu à l'échelle internationale, qui travaille à l'University Brandeis au Massachusetts. Il a souligné de nouveau l'importance de s'assurer qu'il n'y avait aucun cristal de dihydrate susceptible de constituer un germe de cristallisation au cours de toutes les étapes du processus de PADN, et a affirmé que M. Stahly a omis des étapes cruciales de purification de la PADN. [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002]. Il s'agit d'une étape très importante, car elle permet d'éliminer l'excès d'eau et, ainsi, de prévenir la production de dihydrate. De plus, comme M. Stahly n'a pas filtré puis purifié le produit aux différentes étapes, la présence de cristaux de dihydrate qui agiraient alors comme germes de cristallisation entraînerait la production de dihydrate. La filtration est une technique courante largement acceptée dans le domaine. Selon M. Hendrickson, l'étape de cristallisation supplémentaire de M. Stahly, étape qui n'était pas mentionnée dans la PADN, était un effort pour amorcer la formation d'une certaine quantité de dihydrate au cours du processus.


[49]      M. Edward Lee-Ruff, professeur de chimie à l'University York, est un expert en synthèse organique et en mécanisme des réactions organiques. Il a affirmé que M. Stahly, en ne procédant pas à toutes les étapes prévues dans la PADN, a permis la contamination et la production possible de dihydrate. [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002] et l'azithromycine ne s'est jamais complètement dissoute. M. Stahly a extrait l'échantillon au cours de cette étape supplémentaire, a gratté le contenant, qu'il avait laissé sur la table de travail pendant une journée, pour détacher les solides qui y adhéraient, a mélangé à l'échantillon la matière ainsi récupérée et [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002]. M. Lee-Ruff a reproché à M. Stahly de ne pas avoir filtré les mélanges sur l'un ou l'autre des milieux [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002], même si plusieurs bonnes raisons justifiaient une telle filtration, par exemple la présence de particules noires [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002] qui étaient visibles à l'oeil nu. M. Lee-Ruff a également affirmé que l'utilisation de dihydrate pur par M. Stahly n'était pas conforme à la PADN, ce qui aurait été évident pour une personne du métier. Enfin, M. Lee-Ruff n'approuvait pas les méthodes que M. Stahly avait employées pour sécher ses échantillons.


[50]       M. George Olah est un chimiste organicien très connu, lauréat du prix Nobel et professeur émérite à l'University of Southern California. M. Olah était du même avis que les autres experts d'Apotex. Il a dit que M. Stahly n'avait pas suivi intégralement la procédure expliquée dans la PADN et, par conséquent, que sa reproduction supposée de la procédure d'Apotex n'est ni précise, ni fiable, ni pertinente. Il a ajouté qu'il n'y avait aucun motif de sauter des étapes comme l'avait fait M. Stahly et, en outre, que cette façon de procéder pouvait certainement avoir affecté les résultats obtenus. M. Olah a fait une analogie intéressante entre la PADN et une recette de cuisine. Une personne ne peut s'écarter d'une recette, obtenir un plat sans saveur et se plaindre ensuite que la recette est mauvaise ou inutile. De plus, même lorsque l'on fait de son mieux, il arrive souvent que la première tentative d'application d'un procédé échoue. Il est habituellement nécessaire de recommencer. De même, lorsque tous les détails ne sont pas fournis, un certain travail est requis pour déterminer les conditions idéales pour obtenir le produit voulu. Une personne visée dans l'art n'aurait pas ajouté les détails manquants à la PADN comme l'a fait M. Stahly. M. Olah a affirmé que M. Stahly n'avait pas agi de bonne foi et avait délibérément utilisé des conditions favorisant la formation de dihydrate. Il a dit qu'il est facile d'obtenir du dihydrate si on le désire et que, même si M. Stahly ne le voulait pas, il a de fait utilisé les conditions pour y arriver.

[51]       M. Terrence Threlfall est un expert en spectroscopie Raman et en diffraction X des poudres. Il est chercheur universitaire honoraire au Department of Chemistry à Southhampton, Royaume-Uni. Il a critiqué les essais de M. Stahly pour les mêmes raisons que les autres experts d'Apotex.

[52]       M. Michael Cima est expert en cristallographie, en spectroscopie Raman et en diffraction X des poudres. Il est professeur en science des matériaux et en ingénierie au Massachusetts Institute of Technology. M. Cima a lui aussi reproché à M. Stahly de ne pas avoir pris les mesures adéquates pour contrôler d'importantes conditions, comme la température et l'eau, de sorte qu'il obtenait de l'IPA monohydraté et non du dihydrate. Il a conclu que M. Stahly n'avait pas suivi la procédure décrite par Apotex dans la PADN.

[53]       M. Peter Griffiths est expert en spectroscopie et professeur de chimie à l'University of Idaho. Il a dit que M. Stahly avait sauté d'importantes étapes lorsqu'il a tenté de reproduire la procédure décrite dans la PADN sans en connaître les conséquences. Selon lui, cela a gravement affecté le produit en résultant.


[54]      M. Stahly s'est opposé avec véhémence à toute suggestion qu'il aurait délibérément provoqué la formation de dihydrate dans ses expériences. Il a affirmé avoir rempli son rôle, qui était de suivre la procédure décrite dans la PADN. La PADN indique dans une phrase que l'azithromycine doit être [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002] et M. Stahly a prétendu que c'était ce qu'il avait fait. Comme la PADN n'indiquait pas comment cela devait être fait, une personne du métier en était réduite à déterminer les conditions dans lesquelles cette instruction devait être exécutée.

[55]       M. Stahly a dit que [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002], la PADN devait contenir des détails au sujet de la manière dont ces cristallisations devaient être effectuées. Comme ces détails n'y sont pas, on ne peut pas reprocher à M. Stahly de s'être écarté de ce qui était indiqué dans la PADN. M. Stahly a déclaré que les experts d'Apotex avaient mal interprété sa prétendue « étape supplémentaire » . Il a dit qu'il essayait simplement de se conformer aux instructions données dans la PADN, [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002]. Il a affirmé que l'azithromycine s'était dissout complètement et qu'il importe peu que cet échantillon ait été combiné avec un autre azithromycine [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002]. Il en est ainsi parce qu'une fois que la matière se dissout [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002], toute trace de cette matière est perdue, c'est-à-dire que le produit cristallisé n'est absolument pas influencé par le contenu de la matière de base.

[56]      Même si je me rends compte que la PADN n'a pas fourni de détails à M. Stahly [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002], il s'agit d'une réponse insatisfaisante aux allégations avancées par les experts d'Apotex au sujet de son omission de filtrer et de purifier ses mélanges pendant ses expériences. [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002]. À mon avis, une personne du métier n'aurait pas cherché à suivre la procédure expliquée dans la PADN dans les conditions qu'a choisies M. Stahly.


[57]       J'ai examiné attentivement les observations faites par les deux parties. Même si MM. Stahly et Byrn ont tenté de défendre les expériences faites par SSCI Inc., il n'en demeure pas moins que M. Stahly a pris des libertés qu'une personne du métier n'aurait pas prises et s'est écarté considérablement de la procédure décrite dans la PADN. M. Stahly a lui-même admis lors de son contre-interrogatoire [traduction] « Je n'ai pas [visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002] et de nombreuses autres choses qui étaient également prévues dans [la PADN] » . Étant donné les critiques judicieuses formulées par de nombreux experts éminents au sujet des expériences faites par M. Stahly, je conviens avec M. McClelland que les expériences de M. Stahly étaient [traduction] « complètement erronées » .

[58]      Pour ces motifs, j'accorderai peu de poids aux expériences de M. Stahly ou aux échantillons obtenus grâce à celles-ci. De plus, étant donné que les échantillons de M. Stahly ont été utilisés pour les études de conversion effectuées par SSCI Inc. et dans les tests de M. Bugay, je considère qu'ils sont également viciés par les erreurs de M. Stahly et, par conséquent, ne peuvent servir aux fins de la présente instance.

b)         Les expériences de M. Tam

[59]       Étant donné le lourd fardeau qui incombait à Pfizer, les doutes que j'ai au sujet des expériences de M. Stahly et de la fiabilité des témoignages de MM. Byrn et Bugay sont probablement suffisants pour me permettre de rejeter la présente demande. Comme je l'ai fait remarquer au paragraphe 10, il n'est pas nécessaire pour Apotex de produire des éléments de preuve. Néanmoins, Apotex a demandé à un employé de l'une de ses filiales, M. Tim Tam, d'essayer de suivre la procédure indiquée dans la PADN et d'obtenir de l'IPA monohydraté exempt de dihydrate. Comme nous le verrons ci-dessous, ces expériences corroborent selon moi l'avis d'allégation d'Apotex et doivent être préférées à celles de M. Stahly.


[60]       M. Tam a effectué de nombreuses expériences et a obtenu des échantillons à différentes étapes de la procédure, y compris le produit final. M. Srebri Petrov travaille à l'University of Toronto et a trente ans d'expérience dans le domaine de la cristallographie. Utilisant la diffraction X des poudres, il a testé huit échantillons que lui avait remis M. Tam. M. Petrov a conclu que les quatre échantillons qui avaient été produits par M. Tam étaient composés d'IPA monohydraté et ne contenaient pas de dihydrate. M. Cima a aussi examiné les diffractogrammes XPDR des échantillons de M. Tam et a conclu que ce dernier avait produit de l'IPA monohydraté exempt de dihydrate. M. Griffiths a examiné le rapport de M. Cima et s'est dit d'accord avec sa méthode de travail, son analyse, ses interprétations et ses conclusions. M. Threlfall a examiné les rapports de MM. Petrov et Cima et s'est dit d'accord avec leurs conclusions et leurs méthodes de travail.


[61]       M. Lee-Ruff a considéré que les expériences de reproduction de M. Tam étaient conformes à la PADN et a dit que les légers changements que M. Tam avait faits au cours de ses expériences ne modifiaient en rien le résultat du procédé. Selon M. Lee-Ruff, M. Tam a démontré qu'il est possible de suivre la PADN et d'éviter la formation de dihydrate. M. Olah a lui aussi déclaré que les expériences de M. Tam confirmaient la prétention d'Apotex que lorsque la procédure prévue dans la PADN est suivie, le produit obtenu est de l'IPA monohydraté. M. McClelland a lui aussi approuvé les expériences de M. Tam. M. Hendrickson a examiné en détail toutes les quantités utilisées par M. Tam dans sa reproduction à l'échelle de banc d'essai de la procédure indiquée dans la PADN et il a conclu qu'elles étaient exactement les mêmes que celles prescrites dans la PADN. Même si M. Tam s'est éloigné de la procédure prévue dans la PADN, cela n'a fait aucune différence selon M. Hendrickson puisque la nature et la qualité des cristaux n'en ont pas été affectées. En fait, puisque M. Stahly critiquait ces légers écarts, M. Tam a repris ses expériences afin de se conformer plus rigoureusement à la procédure prévue dans la PADN et il a encore obtenu de l'IPA monohydraté exempt de dihydrate. En résumé, quatre experts ont confirmé que M. Tam a suivi la procédure prévue dans la PADN et quatre autres experts ont confirmé qu'il a obtenu de l'IPA monohydraté et aucun dihydrate. Enfin, il est révélateur qu'après s'être vu remettre des échantillons de M. Tam et, par conséquent, avoir eu l'occasion de les tester, aucun des experts de Pfizer n'a nié que M. Tam avait effectivement obtenu de l'azithromycine exempt de dihydrate.

[62]       Pfizer soutient que notre Cour ne devrait pas s'appuyer sur les expériences de M. Tim Tam parce qu'il est employé d'une filiale d'Apotex. La Cour s'est déjà prononcée sur l'indépendance des experts dans d'autres instances concernant des demandes d'ordonnance d'interdiction. Toutefois, il est facile d'établir une distinction entre toutes les décisions invoquées par Pfizer et les faits qui ont été soumis à la Cour en l'espèce.


[63]       Dans la décision Norvartis AG c. Apotex Inc. (2000), 6 C.P.R. (4th) 129 (C.F. 1re inst.), la Cour a accordé peu de poids aux témoignages de deux experts. L'un des experts était employé de longue date de la demanderesse et était désigné comme inventeur dans le brevet en litige. L'autre expert avait offert des services de consultation pendant de nombreuses années à la demanderesse qui lui avait versé des honoraires de recherche, et il était inactif sur le plan professionnel depuis de nombreuses années. En fait, il a rédigé son affidavit sans avoir lu le brevet en cause. La situation de M. Tam n'est pas la même que celle de ces experts. Il n'est pas désigné comme l'inventeur de l'IPA monohydraté. De plus, il n'y a pas de motifs qui, ajoutés les uns aux autres, permettent de douter de l'indépendance ou des capacités de M. Tam. Dans la décision AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 78 C.P.R. (3d) 489, p. 503-504 (C.F. 1re inst), le témoignage d'un expert a été rejeté parce que l'expert n'a pas été jugé indépendant vu qu'il était l'inventeur du procédé contesté et, par conséquent, qu'il se prononçait essentiellement sur la question de savoir s'il était parvenu à contourner le brevet de la demanderesse. En l'espèce, M. Tam a répété à maintes reprises qu'il n'avait jamais participé à la fabrication de l'azithromycine d'Apotex. Dans la décision SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc. (2001), 14 C.P.R. (4th) 76, p. 92-93 (C.F. 1re inst.), la Cour a suivi la décision AB Hassle, précitée, parce que l'expert était un employé de la demanderesse; il dirigeait un groupe qui avait la responsabilité de résoudre un problème lié à l'invention; un membre du groupe qu'il dirigeait était un inventeur du procédé de formulation; il avait un intérêt personnel à la découverte d'une solution car c'était important pour son employeur. En l'espèce, M. Tam n'a pas inventé l'azithromycine d'Apotex et n'a pas aidé à remédier aux problèmes qui y sont liés. Dans la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 84 C.P.R. (3d) 492, p. 499 (C.F. 1re inst.), l'un des experts était chef du département de la chimie médicinale chez Apotex, chargé de participer activement à la mise au point du procédé en cause. Encore une fois, M. Tam n'est pas dans une position analogue à celle d'un inventeur ou d'une autre personne qui participe activement à la mise au point d'une invention.


[64]       Ce qui est plus important, contrairement à ce qui a été le cas dans les décisions invoquées par Pfizer, on ne me demande pas de m'appuyer sur les avis de M. Tam. Les échantillons obtenus par M. Tam lors de ses expériences ont été testés par M. Petrov, qui n'est pas un employé d'Apotex ou de l'une de ses filiales. De plus, M. Cima, qui ne travaille pas lui non plus pour Apotex ou ses filiales a examiné les diffractogrammes XRPD des échantillons de M. Tam pour en déterminer le contenu. Ce sont eux, et non M. Tam, qui ont conclu que les expériences de ce dernier avaient donné de l'IPA monohydraté exempt de dihydrate. Qui plus est, d'autres experts d'Apotex ont examiné les notes de laboratoire de M. Tam et ont conclu que ses expériences respectaient la procédure indiquée dans la PADN. Pour ces motifs, il importe peu de savoir aux fins des questions examinées par la Cour si M. Tam est indépendant. Quoi qu'il en soit, même si je n'avais pas conclu que le témoignage de M. Tam est convaincant, l'omission de Pfizer de s'acquitter, par l'intermédiaire du témoignage de ses experts, du fardeau qui lui incombait est plus importante aux fins de la présente analyse.

[65]       En résumé sur ce point, Pfizer n'a pas établi, suivant la prépondérance de la preuve, qu'Apotex contreferait son brevet en produisant du dihydrate que ce soit comme sous-produit ou comme produit final.

b) Entreposage et production à plus grande échelle

[66]       La formation d'IPA monohydraté lors de l'entreposage et de la production à plus grande échelle, qui constituerait une contrefaçon du brevet 876, était un élément important de la présentation de Pfizer.

[67]       M. Byrn a expliqué que, selon les principes de thermodynamique, un composé sous une forme peu stable se convertira en une forme plus stable. De plus, les composés de niveau énergétique élevé tendront vers un niveau énergétique plus faible. M. Byrn a expliqué que la forme dihydratée de l'azithromycine est thermodynamiquement plus stable que l'IPA monohydraté et, donc, que ce dernier aura tendance à se convertir en la forme dihydratée dans certaines conditions. Selon M. Byrn, le produit d'Apotex pourrait se convertir en dihydrate en cours d'entreposage.


[68]       Toutefois, en tirant ses conclusions, M. Byrn s'est appuyé sur les études de conversion effectuées à l'aide des échantillons que M. Stahly avait obtenus irrégulièrement en ne suivant pas la procédure prévue dans la PADN. De plus, MM. Olah, Griffiths, McClelland, Cima et Threlfall ont critiqué M. Byrn parce qu'il n'avait offert rien d'autre que des hypothèses non scientifiques. Fait important, M Byrn a admis, lors du contre-interrogatoire, que si Apotex est extrêmement prudente et entrepose convenablement son produit, elle peut s'assurer qu'il ne sera pas exposé à l'humidité et, ainsi, ne sera pas converti en dihydrate.

[69]      En l'absence de preuve indiquant qu'Apotex a l'intention d'utiliser un type inférieur d'emballage pour son produit, on ne peut affirmer que Pfizer a établi, suivant la prépondérance de la preuve, qu'il y aura conversion lors de l'entreposage de l'azithromycine d'Apotex. À cet égard, je constate qu'Apotex, dans son énoncé détaillé du 4 décembre 2001, affirme que son produit devrait être entreposé dans des « contenants étanches » . L'affirmation par Pfizer que l'entreposage serait inapproprié n'est pas fondée.


[70]       On peut tirer la même conclusion à l'égard de l'affirmation de M. Byrn selon laquelle le produit d'Apotex pourrait être converti en dihydrate lorsque l'échelle de production de l'azithromycine sera augmentée. M. Byrn a conclu, après examen du procédé de fabrication d'Apotex, qu'il sera beaucoup plus difficile de limiter l'absorption d'humidité lorsque ce produit sera fabriqué à grande échelle. Il a déclaré que, lors de la fabrication de comprimés d'azithromycine, l'IPA monohydraté d'Apotex pourrait être converti en dihydrate, en raison de la pression et de l'humidité que comporte ce procédé. Les excipients et les ingrédients inactifs, qui sont ajoutés au produit à cette étape, accéléreraient la conversion, selon M. Byrn. L'un de ces excipients, la cellulose microcristalline, peut renfermer jusqu'à 7 % d'eau. Cette eau pourrait entraîner la formation d'une quantité suffisante d'humidité pour provoquer une certaine conversion. M. Byrn a reconnu que Pfizer pourrait avoir mis en comprimés l'échantillon de M. Tam dans le but d'étayer sa théorie de conversion. Toutefois, Pfizer a affirmé qu'elle avait décidé de ne pas mettre le produit d'Apotex en comprimés en raison de la trop grande difficulté que comportait ce procédé.

[71]       Les observations présentées par Pfizer en l'espèce sont semblables à celles qui ont été examinées par la juge McGillis dans l'affaire SmithKline Beecham Inc. c. Apotex Inc. (1999), 1 C.P.R. (4th) 99 (C.F. 1re inst.), dans laquelle elle a fait les commentaires suivants :

[39]         Dans son avis d'allégation, Apotex soutient que ses comprimés n'emporteront pas la contrefaçon du brevet 060. Cette allégation est tenue pour véridique « sauf dans la mesure que [SmithKline] prouve le contraire » . [Voir Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 à la p. 319 (C.A.F.)]. Selon moi, les éléments de preuve présentés par SmithKline, y compris les résultats des deux expériences, ne soulèvent qu'une possibilité de contrefaçon par Apotex et n'établissent pas, selon la prépondérance des probabilités, que l'allégation de non-contrefaçon formulée par Apotex est non fondée.

[40]          J'arrive donc à la conclusion qu'il n'y a pas lieu d'empêcher Apotex de mettre en marché ses comprimés d'anhydride en raison de la transformation éventuelle de l'anhydride en semi-hydrate à un moment ultérieur indéterminé. Dans le cas où les comprimés d'anhydride d'Apotex se transformerait en semi-hydrate, en totalité ou en partie, Apotex fera face alors à de « très graves conséquences » . [Voir Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)(1996), 70 C.P.R. (3d) 206, à la p. 213 (C.A.F.); Zeneca Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 69 C.P.R. (3d) 451, à la p. 452 (C.A.F.)]. [Non souligné dans l'original.]

[72]       Je fais miens en l'espèce les commentaires de la juge dans cette affaire.


[73]       Encore une fois, en l'absence d'une preuve autre que les conjectures faites par M. Byrn au sujet de ce qui pourrait se produire éventuellement, Pfizer n'a pas démontré suivant la prépondérance de la preuve que la production à plus grande échelle entraînerait la conversion.

CONCLUSION

[74]       En résumé, les éléments de preuve dont j'ai été saisie n'établissent pas, suivant la prépondérance de la preuve, que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex n'est pas fondée. La demande sera rejetée.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-2282-01

INTITULÉ :                                                    PFIZER CANADA INC. et al.

c.

APOTEX INC. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LES 27, 28 ET 30 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    MADAME LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                   LE MERCREDI 21 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Anthony Creber                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Cristin Wagner

Harry Radomski                                                POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX

Andrew Brodkin

Ivor Hughes

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP                        POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Goodmans LLP                                                 POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX

Toronto (Ontario)

Ministère de la Justice                                        POUR LE MINISTRE DÉFENDEUR

Section du contentieux des

affaires civiles

Ottawa (Ontario)


                                                                                                                  Date : 20040121

                                                                                                           Dossier : T-2282-01

OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 21 JANVIER 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                    PFIZER CANADA INC.

                                                           et PFIZER INC.

                                                                                                                      demanderesses

                                                                       et

                                                          APOTEX INC. et

                                              LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                              défendeurs

                                                         ORDONNANCE

VU l'ordonnance datée du 9 décembre 2003 par laquelle la Cour a ordonné que les motifs d'ordonnance dans cette affaire soient mis sous scellés jusqu'à ce qu'elle ait rendu une autre ordonnance et a demandé aux parties de soumettre des observations sur les parties, s'il y a lieu, des motifs de l'ordonnance qui devraient être mises sous scellés en vertu de l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002;

APRÈS avoir lu les observations de la défenderesse Apotex Inc. qui a fait ressortir les parties des motifs de l'ordonnance qui contenaient des questions confidentielles;


APRÈS avoir été informée par les demanderesses que les motifs de l'ordonnance ne contiennent aucun de leurs renseignements confidentiels;

APRÈS qu'une lettre de la défenderesse eut informé la Cour de ce qui semble être une erreur typographique au paragraphe 24 des motifs de l'ordonnance;

LA COUR ORDONNE :

1.         Le mot « Apotex » au paragraphe [24] des motifs de l'ordonnance est remplacé par « Pfizer » de sorte que la phrase est ainsi libellée : « Même si elles étaient incidentes, ces remarques du juge Rothstein affaiblissent considérablement les arguments de Pfizer sur ce point » .

2.         Des parties des paragraphes [44], [45], [46], [49], [50], [51], [56], [57], [58] et [59] continuent d'être visées par l'ordonnance de confidentialité.

3.         Les autres parties des motifs de l'ordonnance ne sont plus visées par l'ordonnance de confidentialité.


4.         Les motifs de l'ordonnance seront rendus publics de la manière habituelle, à l'exception des parties qui font toujours l'objet de l'ordonnance de confidentialité et qui sont indiquées par l'expression « visé par l'ordonnance de confidentialité du 6 juin 2002 » .

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

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