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Date : 20020719

Dossier : T-137-02

Référence neutre : 2002 CFPI 808

ENTRE :

                 THE SCHWARZ HOSPITALITY GROUP LIMITED

                                                                 demandeur

                                    et

                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                 défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

   La présente demande de contrôle judiciaire fait partie d'une série de demandes de ce genre qui concernent la mise en valeur de la Storm Mountain Lodge dans le parc national de Banff. La date à laquelle la décision attaquée a été effectivement prise est contestée, à cause de l'emploi malheureux du terme « sans préjudice » par Parcs Canada, mais cette décision est datée du 11 juillet 2001.


   Dans la présente instance de contrôle judiciaire, le demandeur sollicite maintenant, par voie de requête écrite, l'autorisation de déposer hors délai deux affidavits à l'appui qui contiennent, à titre de pièces, des documents.

EXAMEN

   L'argumentation qui se rapporte à la présente requête est très fournie et comporte même des éléments non pertinents.

Délai de présentation de la demande de contrôle judiciaire


   Je vais me prononcer sur la demande de prorogation du délai accordépour le dépôt des affidavits sans examiner l'argument du défendeur selon lequel la demande de contrôle judiciaire a été déposée bien après l'expiration de délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.2(1), sans que le demandeur ait obtenu l'autorisation d'un juge de la Cour fédérale, comme cela est exigé. La procédure me semble exiger que, lorsque le délai accordé pour présenter une demande de contrôle judiciaire est expiré, le demandeur doit déposer une requête dans laquelle il demande la prorogation du délai conformément au paragraphe 18.1(2), il doit obtenir un numéro de dossier provisoire et verser le montant des frais exigés. Au lieu d'obtenir une directive ex parte, le demandeur doit ensuite signifier au défendeur la requête en prorogation de délai. Le défendeur a dix jours pour y répondre, et le demandeur a ensuite quatre jours pour signifier et déposer ses observations en réponse. L'affaire est ensuite entendue par un juge, comme s'il s'agissait d'une requête écrite présentée en vertu de la règle 369. Il faut qu'un juge accorde la prorogation du délai, ce qui permet au demandeur d'obtenir un nouveau numéro de dossier permanent, avant de pouvoir déposer la demande de contrôle judiciaire. La question de la tardiveté éventuelle de la demande de contrôle judiciaire demeure donc ouverte.

Les principes applicables en matière de prorogation de délai

   La question en litige dans la présente requête concerne la prorogation du délai prévu par la règle 306 pour déposer les affidavits à l'appui d'une demande de contrôle judiciaire. L'autorisation est accordée conformément au principe selon lequel il y a lieu d'examiner deux aspects, le motif du retard et la valeur intrinsèque de l'affidavit, ce qui comprend la prise en compte de sa pertinence, de son admissibilité et de son utilité éventuelle pour le tribunal. Je me réfère ici à l'arrêt Canadian Parks and Wilderness Society c. Banff National Park (1994), 77 F.T.R. 218 (C.F. 1re instance), une décision du juge MacKay :

[13] Dans l'arrêt Munsingwear Inc. c. Prouvost S.A., [1992] 2 C.F. 541; 141 N.R. 241 (C.A.F.), le juge Décary, qui parlait au nom de la Cour d'appel, a traité des critères applicables à la production tardive d'affidavits en vertu de la règle 704(8) dans un appel formé contre une décision rendue par le registraire des marques de commerce sous le régime de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, où par l'application de la règle 704 il y a un délai limité pour la production d'une preuve additionnelle. Même si tel n'est pas le cas en l'espèce, à mon avis les critères employés dans cette affaire sont applicables à la présente espèce où la Cour est saisie d'une demande de production de documents une fois expiré le délai qu'elle a fixé par ordonnance. Selon ces critères, la Cour doit examiner les raisons du retard de même que la valeur intrinsèque des affidavits, c'est-à-dire leur pertinence, leur recevabilité et leur utilité éventuelle pour la Cour.

(page 222)


L'arrêt Canadian Parks and Wilderness Society a été confirmépar la Cour d'appel fédérale (1996), 199 N.R. 8. Quelques semaines après l'arrêt Banff National Park prononcé par le juge MacKay, le juge Jerome, juge en chef adjoint, a pratiquement utilisé le même critère, à savoir l'existence d'un motif valide expliquant le retard et celle de preuves pertinentes et admissibles, dans la décision Mapei Inc. c. Flextile Ltd. (1995), 59 C.P.R (3d) 211 (C.F. 1 re inst.) àla p. 213.

   Plus récemment, le juge Muldoon a appliqué ce principe dans l'arrêt Strykiwsky c. Stony Mountain Institution (2000), 193 F.T.R. 59 (C.F. 1re inst.), àla p. 62, dans lequel il a examiné les motifs de la tardiveté du dépôt de documents et la question de savoir si les affidavits contenaient des preuves pertinentes et admissibles, en citant l'arrêt Mapei Inc. (précité). Le dernier mot appartient peut-être au juge Strayer, tel était alors son titre, non pas parce qu'il s'est prononcéplus récemment, mais à cause de la clarté avec laquelle il a formulé la règle et la méthode à suivre dans Maxim's Ltd. c. Maxim's Bakery Ltd. (1990), 37 F.T.R. 199 (C.F. 1re inst.) àla p. 200 :

[3] Il ressort nettement de la jurisprudence que, lorsque la Cour étudie une demande prorogation de délai, en conformité avec la règle 704(8), elle doit tenir compte à la fois des raisons invoquées pour justifier le retard et de la valeur intrinsèque des affidavits (c.-à-d., de leur pertinence, de leur recevabilité, de leur utilité éventuelle pour la Cour). Le tribunal a déclaré dans certains précédents qu'il fallait apprécier ensemble les deux facteurs. Estimant qu'il s'agit de la méthode qui convient en l'espèce, je conclus qu'elle signifie qu'il faut peser l'importance du retard par rapport à la valeur possible des affidavits et que l'un de ces deux facteurs peut l'emporter sur l'autre. Je crois qu'en l'espèce, si on applique cette méthode, le retard et l'absence de justification de celui-ci l'emportent sur la valeur éventuelle de ces affidavits.

   Pour résumer, je dois maintenant examiner les raisons expliquant le retard et apprécier l'importance du retard par rapport à la valeur intrinsèque des documents, en tenant compte de leur pertinente, de leur admissibilitéet de leur utilitééventuelle pour le tribunal.


L'affidavit d'Anita Ethiers

[8]                  Le demandeur souhaite maintenant déposer tardivement deux affidavits contestés. L'affidavit du 13 mai 2002 d'Anita Ethiers ne comporte qu'une seule pièce, le Review of Parks Canada 2000 Land Values for Outlying Commercial Accommodations, qui porte la date du 8 février 2002. Il a été envoyé par le Comité d'examen à Parcs Canada le 3 mars 2002, accompagné d'une préface précisant le mandat du comité et il est daté du 15 janvier 2002.

[9]                  La réception tardive d'un document peut expliquer le dépôt tardif d'un affidavit. Cependant, du fait de sa date, il est impossible que ce document, qui traite de la valeur de certains terrains, ait été en la possession du tribunal lorsqu'il a pris sa décision en juillet 2001. Ce document est par conséquent non pertinent, inadmissible et d'aucune utilité pour le tribunal. Mentionnons, à titre d'exemple, que le juge Nadon, tel était alors son titre, a examiné la production de documents qui n'avaient pas été soumis au tribunal dans 1185470 Ontario Ltd. c. Ministre du Revenu national (1998), 150 F.T.R. 60 (C.F. 1re inst.). Il a écrit à la page 65 :


[10]       Dans l'affaire Sovereign Life Insurance Co. c. Canada (Minister of Finance) (1995), 100 F.T.R. 81, j'ai examiné l'ancienne règle 1305 qui était l'équivalent de la règle 1612 dans le contexte des appels prévus par la loi. Suivant cette règle, le tribunal dont la décision faisait l'objet de l'appel devait envoyer au Greffe de la Cour tous les documents se rapportant à l'affaire dont il avait été saisi et qui étaient en sa possession ou sous son contrôle. Pour parvenir à une conclusion dans cette affaire, j'ai examiné un certain nombre de décisions de la Cour fédérale, notamment la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Trans Quebec & Maritimes Pipeline Inc. c. Office national de l'énergie, [1984] 2 C.F. 432. À la page 93 de l'affaire Sovereign, j'ai conclu :

« En plus d'être pertinents en ce qui concerne la question soumise au tribunal, les documents demandés doivent, à mon avis, avoir été présentés au tribunal ou mis à sa disposition. Sur ce point, je tiens à mettre en évidence le passage des observations du juge en chef Thurlow, précité, dans l'arrêt Trans Quebec & Maritimes Pipeline Inc., où il dit que « [l]e tribunal saura ce qu'il a ou a eu en sa possession qui est pertinent, l'usage qui en a été fait et son rapport avec la décision en cause » . Dans l'arrêt Pacific Press Ltd. et autre c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et autre (No. 2) (1990), 127 N.R. 323, la Cour d'appel fédérale devait décider s'il convenait d'ajouter des documents au dossier dans une demande en vertu de l'article 28. À la page 324, le juge Heald a dit ceci :

[traduction]

‹ Par cette requête, la Cour est priée d'ajouter au dossier des documents qui n'ont pas été soumis à l'arbitre au moment où il a pris sa décision et qui n'auraient pas pu lui être soumis parce qu'ils n'existaient pas à ce moment-là. La présente Cour a refusé de rendre une telle ordonnance en pareille situation. › »

L'opinion du juge Nadon sur ce point a été confirmée par la Cour d'appel fédérale (1999), 247 N.R. 287, p. 289.


[10]            Je connais effectivement la décision Friends of the West Country Association c. Canada (1997), 130 F.T.R. 223 (C.F. 1re inst.) et les décisions apparentées (1997), 130 F.T.R. 206 (C.F. 1re inst.) et (1998), 150 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.). Cependant, ces décisions inspirées de Friends of the West Country constituent, comme je l'ai fait remarquer dans Comité canadien des ressources arctiques Inc. c. Diavik Diamond Mines Inc. (2000), 183 F.T.R. 267, aux p. 272 et suivantes, la seule exception à une jurisprudence constante, une exception qui ne s'applique que dans des circonstances très précises, qui ne sont pas celles de la présente affaire. J'ajouterais que le juge Pelletier a examiné la décision Friends of the West Country in Hiebert c. Price (1999) 182 F.T.R. 18, à la p. 21, et a ensuite appliqué la jurisprudence dont fait partie 1185740 Ontario Ltd. La Cour d'appel a fait remarquer dans Provitgo Distribution Inc. c. Union agricole des coopératives latières Isigny-sur-mer & Sainte-Mère-Église, décision non rapportée [1994] A.C.F. no. 1945 (C.A.F.) du 14 décembre 1994, que le dépôt tardif d'un affidavit n'aurait pas dû être autorisé parce que l'affidavit ne pouvait aucunement influencer l'issue de l'affaire.

[11]            Le meilleur argument que le demandeur pourrait présenter pour écarter l'application des principes établis, d'après lesquels seuls les éléments de preuve soumis au tribunal peuvent être pris en considération dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, consisterait à invoquer le fait que le surintendant du parc national de Banff n'a pas fondé sa décision sur un dossier précis, ni sur le compte rendu de l'audience. Le défendeur fait valoir que le demandeur n'a pas encore présenté au directeur une demande fondée sur la règle 317 en vue d'obtenir les documents pertinents qui étaient en sa possession et sur lesquels il a fondé sa décision. La seule conclusion à laquelle je puisse en arriver ici, et c'est un point sur lequel je reviendrai, est qu'il est fort possible que le directeur ait fondé sa décision sur un ensemble de documents qui pourraient être produits à la suite d'une demande fondée sur la règle 317 et être alors versés au dossier. Le document relatif à la valeur des terres n'est pas pertinent, comme je l'ai dit, et n'est d'aucune utilité possible pour le tribunal. L'affidavit d'Anita Ethiers est manifestement inadmissible.


[12]            Le dépôt tardif de l'affidavit du 30 mai 2002 d'Anita Ethiers est refusé parce que, comme je l'ai fait remarquer dans President Asian Enterprises Inc. c. President Group Realty Ltd. (1997) 74 C.P.R. (3d) 29, à la page 37, pour que l'on puisse comparer l'importance du retard et la valeur intrinsèque de l'affidavit, il faut qu'il y ait quelque chose à comparer :

Dans l'affaire Seagram, précitée, le juge Collier a considéré la justification d'un retard comme un obstacle à franchir. Toutefois, la Cour a aussi insisté sur le fait d'évaluer le retard par rapport à la valeur intrinsèque du document dans une demande de dépôt tardif : voir, par exemple, les affaires Seagram et Munsingwear, précitées. Suivant cette analyse, j'éprouve de la difficulté à évaluer les deux aspects, d'une part, le retard et, d'autre part, l'affidavit qui a une valeur intrinsèque. Rien ne permet de faire pencher la balance du côté du retard. S'il existait des éléments de preuve raisonnables, même peu nombreux, qui justifieraient le retard, je serais enclin à ne pas tenir compte du léger retard et à accueillir la requête. Toutefois, il n'est pas possible de faire abstraction des délais prescrits par les règles traitant des affaires sommaires sans une justification raisonnable. Aucune justification n'ayant été présentée en l'espèce, la requête est rejetée.

Dans President Asian Enterprises, aucune explication du retard n'avait été fournie, même si le matériel avait une forte valeur intrinsèque. En l'espèce, le retard est expliquéen partie mais le document en question n'a aucune valeur intrinsèque et il est donc impossible de procéder à une comparaison. Comme je l'ai également mentionné dans President Asian Enterprises, les délais doivent être respectés. Ils doivent être respectés parce que leur non-respect, sans motif valide, irait àl'encontre des principes sous-jacents àla règle Grewal selon laquelle justice doit être faite entre les parties. Je passe maintenant à l'affidavit de George Schwarz.

L'affidavit de George Schwarz


[13]            Le deuxième affidavit, celui de George Schwarz, le président du demandeur, The Schwarz Hospitality Group Limited, a été apparemment préparé en janvier 2002, à peu près à la date à laquelle la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée, soit le 23 janvier 2002. L'affidavit Schwarz, qui comprend deux gros volumes, n'a été souscrit que le 8 mars 2002, soit bien après l'expiration du délai prévu pour le dépôt des affidavits par la règle 306.

[14]            Toutes les pièces contenues dans l'affidavit Schwarz, à l'exception d'une partie de la pièce CC, une lettre du tribunal qui est essentielle parce qu'elle confirme la décision, la pièce EE qui n'est pas pertinente, tout comme je le pense les pièces FF et GG, semblent être antérieures à la décision. La pertinence de la plupart des pièces contenues dans l'affidavit Schwarz n'est pas vraiment en litige ici.

[15]            Le dépôt tardif de l'affidavit Schwarz s'explique par le fait que le demandeur espérait en arriver à une entente à l'amiable, espoir qui ne s'est pas concrétisé. Le demandeur soutient que refuser le dépôt de l'affidavit Schwarz, qui contient des documents pertinents, reviendrait à le priver du droit de présenter une demande de contrôle judiciaire.


[16]            Il existe de nombreuses règles applicables aux négociations préalables à un règlement et à la prescription : voir par exemple, Mew on the Law of Limitations, 1991, Butterworths, Toronto. Pour paraphraser Mew, aux pages 84 et suivantes, le fait de négocier en vue d'en arriver à un règlement ne permet pas, d'une façon générale, au tribunal d'en déduire qu'une partie a renoncé au respect d'un délai. Bien entendu, lorsque le défendeur suscite chez le demandeur un faux sentiment de sécurité, cette manoeuvre trompeuse peut entraîner l'application de la notion de préclusion, à moins que le défendeur n'en avise le demandeur. Dans ce cas-ci, aucune preuve précise concernant des négociations n'a été apportée. Il semble plutôt que le demandeur ait retenu une cause d'action, une allégation d'outrage, qui n'est pas reliée à l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Il semble qu'en fait cette voie distincte, qui n'a d'ailleurs donné encore aucun résultat, ait égaré le demandeur, même avec la lettre que lui a envoyée le défendeur pour lui rappeler que les délais étaient presque expirés. D'après moi, les négociations invoquées, et il s'agit en fait d'allégations de négociations ne reposant sur aucune preuve, ne sauraient constituer un motif valide expliquant ce retard.

[17]            En réponse, le défendeur reconnaît que l'objectif général applicable aux demandes de prorogation est de faire justice entre les parties, comme cela est énoncé dans l'arrêt Grewal c. Canada, [1985] 2 C.F. 263 (C.A.), mais il soutient qu'il y a eu une série de retards dans cette affaire qui remontent au mois d'août ou de novembre 2001, et, plus récemment, un retard dans le cas de l'affidavit Schwarz qui aurait dû être déposé avant le 28 février 2002. Le défendeur soutien que ce retard, ou cette supposée série de retards, a nuit à la fois au défendeur et à l'administration de la justice. Il n'est toutefois pas nécessaire que je m'engage dans la voie où cet argument m'amènerait, à savoir l'existence de retard et un manque apparent d'intérêt dans l'objet principal de cette instance. Il est préférable que les parties s'occupent de la demande de contrôle judiciaire. Le retard qui nous intéresse dans le cadre de la présente requête est celui qui touche l'introduction de la présente instance.

[18]            Pour ce qui est de l'explication du retard fournie par le demandeur, il me semble que l'espoir d'en arriver à un règlement négocié n'était qu'un simple espoir, parce qu'à l'exception d'une brève déclaration laconique figurant dans l'affidavit de Mme Ethiers, les documents n'indiquent aucunement qu'il y a eu des négociations pendant la période qui a précédé la présente instance. Il semble plutôt que le demandeur ait perdu de vue son objectif principal lorsqu'il s'est attaché, sans succès jusqu'ici, à faire déclarer par un tribunal que le directeur du parc national de Banff avait commis un outrage, demande qui n'a même pas survécu à la première étape du processus, qui consistait à établir les éléments constitutifs d'un outrage en vue d'obtenir une ordonnance de justifier. L'appel dont a fait l'objet cette demande semble avoir été retardé par une demande de prorogation du délai accordée pour définir le contenu du dossier d'appel qui a été présenté à la Cour d'appel. Je crois savoir que l'appel se déroule maintenant normalement.

[19]            Le défendeur présente deux autres arguments. Premièrement, le demandeur n'a jamais présenté de demande de prorogation de délai sur consentement, comme le permet la règle 7, et deuxièmement, le défendeur a signalé au demandeur au mois de mars, soit quelque deux mois et demi avant le dépôt de la présente requête, que les délais risquaient de ne pas être respectés.


[20]            Le juge d'appel Décary a proposé, dans Munsingwear Inc. c. Prouvost S.A., [1992] 2 C.F. 541, une façon de procéder qui aurait sans doute pu éviter d'avoir à présenter une requête en vue de proroger le délai prévu pour le dépôt de l'affidavit Schwarz. Le juge Décary a déclaré dans cette affaire qu'une partie devrait signaler à l'autre partie la possibilité qu'elle soit obligée de déposer tardivement certains affidavits :

La procédure appropriée serait que la partie qui se trouve dans l'impossibilité de déposer ses affidavits en temps utile en informe la partie adverse et prévienne celle-ci qu'elle présentera ultérieurement une demande d'extension de délai, quand les affidavits seront disponibles.

L'idée d'avertir le plus tôt possible l'autre partie de la possibilitéque des affidavits soient déposés tardivement permettrait peut-être de répondre aux arguments voulant qu'un retard interdit parfois l'octroi d'une réparation discrétionnaire et que la tardiveté d'un dépôt est une question litigieuse.

[21]            Ce qui fait problème en l'espèce, c'est que, d'une part, l'affidavit Schwarz est pertinent à la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur mais que celui-ci n'a fourni aucun motif valide pour expliquer la tardiveté du dépôt de cet affidavit. Le demandeur reconnaît lui-même que cet affidavit a été préparé au moment du dépôt de la demande introductive d'instance en contrôle judiciaire. Par conséquent, étant donné qu'il n'existe aucun motif valable expliquant le retard, un élément nécessaire ici, il est impossible de procéder à une comparaison. Si le demandeur avait présenté un motif même relativement faible pour expliquer le retard, il est possible que la prorogation eût été accordée. Par contre, refuser de proroger le délai accordé pour déposer l'affidavit Schwarz serait juste pour le défendeur mais compliquerait la tâche du demandeur, étant donné que, dans l'état actuel des choses, aucun document n'aurait été présenté au tribunal. Cela ne reviendrait pas toutefois à refuser au demandeur de se faire entendre par le tribunal.

[22]            Pour poursuivre dans cette veine, à savoir que, sans cet affidavit, le demandeur ne pourrait se faire entendre en justice, je ferais remarquer que le fait d'autoriser le demandeur, qui n'a pas été en mesure de répondre aux deux conditions applicables en matière de dépôt tardif d'un affidavit, constituerait une véritable injustice, parce que cela serait contraire à la jurisprudence. Il existe toutefois une solution. Le demandeur a déclaré dans ses observations écrites que le directeur du parc national de Banff [traduction] « ... est tenu de faire référence à un vaste ensemble de renseignements, d'expertises, d'études et d'évaluations environnementales, » lorsqu'il prend la décision qu'il est légalement tenu de prendre. (Paragraphe 21 du dossier de réponse du demandeur.) Il suffirait donc que le demandeur présente au directeur une demande fondée sur la règle 317 dans laquelle il préciserait les documents souhaités et lui demanderait de les transmettre au Greffe de la Cour. Le demandeur devrait alors obtenir une ordonnance autorisant le versement au dossier, ou dans un dossier supplémentaire, de ces documents.

CONCLUSION

[23]            L'affidavit du 30 mai 2002 d'Anita Ethiers et l'affidavit du 8 mars 2002 de George Schwarz ne peuvent être déposés tardivement. Dans le premier cas, l'affidavit est manifestement non pertinent. Dans le second, même si l'affidavit Schwarz contient des éléments pertinents, aucun motif valide n'a été avancé pour expliquer le retard.


[24]            Le défendeur a droit immédiatement aux dépens de la requête.

  

                                                                                                                                « John A. Hargrave »            

                                                                                                                                                  Protonotaire                   

   

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 19 juillet 2002

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               DIVISION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                             T-137-02

INTITULÉ :                                             The Schwarz Hospitality Group Limited c. Le Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Requête écrite

DATE DE L'AUDIENCE :                  -

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    Le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :                         Le 19 juillet 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Judson E. Virtue                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Mme Michele Vincent                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Macleod Dixon LLP                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Calgary (Alberta)

M. Morris Rosenberg                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

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