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                                                                                                          Date : 20010302

                                                                                                 Dossier : IMM-641-00

                                                                               Référence neutre : 2001 CFPI 140

Entre :

                                                 Ayodeji Akanmu Alabi

                                                                                                                   demandeur

                                                              - et -

                              Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

                                                                                                                     défendeur

                      MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Le juge Muldoon :

1. Introduction

[1]         Il s'agit d'une demande présentée aux termes de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 20 janvier 2000, par laquelle l'agent chargé de la révision des revendications refusées (l'ARRR) a jugé que la demande du demandeur à titre de DNRSRC n'était pas recevable parce qu'elle avait été présentée en retard. La présente demande a été entendue à Toronto, le 9 janvier 2001.


2. Exposé des faits

[2]         Le demandeur est un citoyen du Nigéria. Le 13 avril 1999, un tribunal de la Section du statut de réfugié (SSR) a prononcé oralement à l'audience une décision défavorable; et le 25 mai 1999, il a rendu par écrit une décision défavorable. Le 9 juin 1999, le greffier a signé l'avis de décision et l'a fait parvenir par la poste au demandeur. Le demandeur a reçu cet avis le 22 juin 1999. Le 7 juillet 1999, le demandeur a présenté une demande par voie de télécopie à titre de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada (DNRSRC). Le 29 janvier 2000, le demandeur a reçu une lettre de l'ARRR qui disait que la demande ne serait pas examinée parce que le demandeur ne l'avait pas présentée dans les 15 jours suivant la décision de la SSR. La lettre disait :

[TRADUCTION] La décision de la Section du statut de réfugié a été envoyée le 9 juin 1999. Compte tenu des sept jours alloués pour la poste, la date limite pour la présentation de votre demande était le 1er juillet 1999. Votre demande a été envoyée par télécopie le 7 juillet 1999 et est donc refusée parce qu'elle n'a pas été présentée à l'intérieur du délai fixé dans le règlement.

[3]         Le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention parce qu'il avait été persécuté au Nigéria en raison de ses convictions politiques. Le demandeur a adhéré à plusieurs organisations politiques et a activement fait campagne pour un candidat à la présidence. Il a été arrêté plusieurs fois et, alors qu'il était en détention, il a été battu et torturé. En 1997, après avoir été arrêté, détenu et battu, il a été informé par des membres compatissants du service de sécurité de l'état que son nom avait été envoyé au gouvernement militaire en tant que fauteur de troubles, et qu'il ferait mieux de quitter le Nigéria.


[4]         En dépit de la décision défavorable de la SSR, le demandeur fait toujours face à un risque au Nigéria malgré le changement de gouvernement, parce que le gouvernement civil ne contrôle pas tout le pays. Les militaires continuent de persécuter des gens en raison de leurs allégeances politiques, religieuses et tribales. Les personnes contre lesquelles le demandeur a fait campagne sont toujours au pouvoir et persécutent des activistes civils.

3. Question en litige

[5]         L'ARRR a-t-il eu tort de refuser d'examiner la demande présentée dans la catégorie des DNRSRC?

4. Argumentation du demandeur

Le paragraphe 11.4(2) du Règlement sur l'immigration prévoit :     

11.4(2) Pour l'application du paragraphe 6(5) de la Loi, la personne à laquelle la section du statut a décidé de ne pas reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention :

b) le 1er mai 1997 ou après cette date, si elle a l'intention de présenter une demande d'établissement à titre de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada, doit présenter à un agent d'immigration une demande visant l'attribution de la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada dans les 15 jours suivant la date où la section du statut l'a avisée de sa décision.

[6]         Le demandeur affirme avoir reçu la décision écrite le 22 juin 1999, et avoir envoyé par télécopie sa demande à titre de DNRSRC le 7 juillet 1999, dans le délai de 15 jours après qu'il a reçu la décision par la poste.

Le paragraphe 2(4) de la Loi sur l'immigration prévoit :

Avis

(4) Pour l'application de la présente loi, une personne, y compris le ministre, est présumée, en l'absence de preuve contraire, être avisée d'une décision rendue sous le régime de la présente loi, à l'exception de toute décision d'un agent des visas_:

...

b) le septième jour suivant l'envoi des motifs écrits, lorsqu'elle y a droit ou lorsqu'elle avait droit de les demander et les a effectivement demandés dans le délai imparti.

L'avis de la décision et les motifs écrits peuvent être envoyés par courrier.


[7]         Le demandeur prétend que ce délai de sept jours pour le port et la livraison de la décision au demandeur est réfutable et que l'affirmation suivante de Lorne Waldman dans l'ouvrage Immigration Law and Practice, Vol. 2, (Toronto : Butterworths, 1999) à 15.24 s'applique en l'espèce :

[TRADUCTION] [S]i, cependant, le revendicateur ne l'a pas reçu [la décision] en temps opportun et pouvait prouver que, sans erreur de sa part, l'avis n'a pas été reçu dans le délai de 7 jours, et qu'il a présenté sa demande dans les 15 jours suivant la réception de l'avis, il est possible de soutenir que la demande aurait respecté les exigences de l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement sur l'immigration de 1978.

[8]         Le demandeur a respecté le délai imparti et a présenté sa demande dans le délai de 15 jours de la date à laquelle il a reçu la décision écrite. Il est injuste de le tenir responsable d'un retard de la poste. En outre, l'ARRR n'a pas de preuve de la réception par le demandeur de la demande, et le délai de sept jours est final seulement quand il n'y a pas de preuve du contraire.

[9]         Dans Filipovic c. M.C.I.[1], M. le juge Dubé affirme à la page 4 :

[12]      La demande visant à obtenir que son cas soit examiné dans le cadre de la catégorie des DNRSRC constitue une partie importante du régime législatif prévu par la Loi, car elle prévoit une évaluation des chances de succès de revendicateurs du statut de réfugié qui, bien qu'ils ne soient pas parvenus à établir de façon définitive qu'ils satisfaisaient aux critères applicables aux réfugiés au sens de la Convention, courraient néanmoins des risques s'ils étaient renvoyés dans leur pays d'origine. [...]

[10]       Le renvoi du demandeur au Nigéria en raison d'un retard de la poste et non du bien-fondé de la présente affaire constituerait un exercice illégal de l'obligation prévue par la loi et serait incompatible avec le devoir d'agir équitablement envers le demandeur.


[11]       Le demandeur soutient que la date correcte à compter de laquelle le délai de 15 jours commence à courir est la date de la décision écrite, parce que la SSR est obligée de motiver par écrit une décision défavorable. De plus, les revendicateurs du statut de réfugié refusés reçoivent les formulaires de demande à titre de DNRSRC avec l'avis écrit de la décision.

5. Argumentation du défendeur

[12]       Le défendeur prétend que l'ARRR n'a pas eu tort de décider que le demandeur n'avait pas respecté l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement sur l'immigration de 1978 et avait donc présenté sa demande à titre de DNRSRC en retard. Le point de vue du défendeur est simplement inexact.

[13]       Il relève du pouvoir discrétionnaire de l'agent d'immigration qui a rendu une décision défavorable de juger si une personne a droit à des raisons d'ordre humanitaire dans la catégorie des DNRSRC. L'admissibilité d'une personne à des raisons d'ordre humanitaire à titre de DNRSRC est une raison spéciale et supplémentaire d'accorder une exemption au droit canadien en matière d'immigration qui exige habituellement qu'une personne sollicite un droit d'établissement de l'extérieur du Canada. La décision d'un agent d'immigration de refuser de recommander l'admissibilité d'une personne à une raison spéciale n'enlève pas de droits à la personne qui demeure libre de présenter une demande d'établissement de l'extérieur du Canada.

[14]       La Cour a déterminé que les décisions discrétionnaires des ARRR peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire si le pouvoir discrétionnaire de ces derniers est exercé conformément à des fins incorrectes ou pour des considérations non pertinentes avec mauvaise foi ou de manière manifestement déraisonnable.


[15]       L'alinéa 11.4(2)b) du Règlement requiert que le demandeur soit avisé de la décision de la SSR. Le 13 avril 1999, la SSR a avisé oralement le demandeur de la décision défavorable. Le demandeur a admis ce fait, mais ce n'est pas pertinent. Le règlement prévoit qu'il faut aviser un agent d'immigration par une demande de reconnaissance de l'appartenance à une catégorie au plus tard 15 jours suivant la date à laquelle le demandeur a été avisé de la décision de la SSR. L'ARRR a signalé que la demande avait été rejetée parce qu'elle n'avait pas été présentée dans le délai de 15 jours prévu par le Règlement. Le Règlement ne permet pas à l'ARRR de prolonger le délai à l'intérieur duquel il est possible de présenter une demande. Par conséquent, il était tenu de rejeter la demande. En outre, le paragraphe 2(4) de la Loi sur l'immigration prévoit que le demandeur est présumé avoir reçu un avis le septième jour suivant l'envoi des motifs écrits à la personne. De nouveau, l'ARRR était tenu en vertu de la loi de rejeter la demande, dit le défendeur, inexactement dans les circonstances.

6. Recours

[16]       Le demandeur demande l'annulation de la décision de l'ARRR et le renvoi de l'affaire pour un nouvel examen du bien-fondé; et, le défendeur sollicite le rejet de la présente demande.

Ottawa (Ontario)

Le 2 mars 2001


                                                O R D O N N A N C E

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire de la décision de l'ARRR, datée du 20 janvier 2000, soit accueillie; et que cette décision soit annulée; et

QUE la demande de révision des revendications refusées soit adressée à un nouvel ARRR pour qu'il en décide du bien-fondé, comme si cette demande n'avait jamais été rejetée, et suivant les principes énoncés dans la présente décision.

« F.C. Muldoon »

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


                                                                 

                                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                     IMM-641-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                Ayodeji Akunmu Alabi c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 9 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :                                     2 mars 2001

ONT COMPARU :

Kingsley Jesuorobo                                           POUR LE DEMANDEUR

Toby Hoffman                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley Jesuorobo                                           POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



     [1]       IMM-3418-98, 29 décembre 1999, le juge Dubé.

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