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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1re inst.) [1998] 4 C.F. 340

     T-1893-96

Ottawa (Ontario), le 7 mai 1997

En présence de M. le juge Muldoon

Entre :

     THE FRIENDS OF THE WEST COUNTRY ASSOCIATION,

     requérante,

     - et -


LE MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS et

LE DIRECTEUR, PROGRAMMES MARITIMES,

GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE,

     intimés.

     ORDONNANCE

         ATTENDU QUE la présente demande, fondée sur la règle 1612, a été déposée par la requérante à l'encontre des intimés en vue d'obtenir la production de pièces et a été entendue à Vancouver en février 1997;

         ATTENDU QUE la Cour a été avisée que, pendant toute la période pertinente, le ministre responsable était et est toujours le ministre des Transports; et

         ATTENDU QUE la requête incidente des intimés en vue de supprimer le nom du procureur général du Canada de la liste des intimés a été accueillie;


LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.          Le procureur général du Canada est rayé de la liste des intimés et l'intitulé de la cause est modifié comme il est indiqué à la première des présentes.

2.          Les intimés doivent sur-le-champ remettre à la requérante et au greffe de la présente cour (selon le libellé de la règle 1613) à Edmonton ou ailleurs sur l'ordre de la demanderesse une copie certifiée de chacune des pièces demandées, c'est-à-dire :

no 1          Toutes les pièces versées au registre public tenu par les intimés relativement aux propositions touchant les ponts des rivières Prairie (Prairie Creek) et Ram (Ram River);

no 2          Toutes les pièces en possession de l'un ou l'autre des intimés dont il est fait mention dans les rapports d'examen préalable préparés par la Garde côtière canadienne concernant les propositions touchant les ponts des rivières Prairie et Ram;

no 3          Toutes les pièces en possession des intimés qui concernent la proposition faite par Sunpine Forest Products Ltd. en vue de construire et exploiter la route principale et les ponts auxiliaires, et en vue de la récolte du bois dans les bassins hydrographiques des rivières Ram et Prairie, y compris toutes les pièces fournies aux intimés par Sunpine Forest Products Ltd. (la proposition de Sunpine) et toutes les pièces concernant les effets potentiels ou réels de la proposition de Sunpine sur l'habitat du poisson ou sur l'environnement, notamment :

         a) la demande et tous les plans, propositions, rapports, études, correspondance, observations ou autres pièces fournis par Sunpine, directement ou indirectement;
         b) tous les documents définitifs (et non les versions préliminaires ayant été conservées), y compris lettres, notes de service, fac-similés, communications électroniques et autre correspondance préparés à l'interne par le ministère des Pêches et Océans ou la Garde côtière canadienne pour évaluer la proposition de Sunpine ou faire des observations sur celle-ci; et
         c) toutes les pièces, observations et soumissions reçues d'autres organismes du gouvernement concernant la proposition de Sunpine.

no 4          Toutes les lettres d'avis, autorisations, ordonnances ou autre correspondance que le ministère des Pêches et Océans a adressées à Sunpine concernant tout aspect de la proposition de cette dernière.

                             F.C. Muldoon

                        

                         Juge

Traduction certifiée conforme

                         François Blais, LL.L.

     T-1893-96

Entre :

     THE FRIENDS OF THE WEST COUNTRY ASSOCIATION,

     requérante,

     - et -


LE MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS,

LE DIRECTEUR, PROGRAMMES MARITIMES,

GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Muldoon

         Il s'agit d'une requête présentée par la requérante aux termes de la règle 1612 de la Cour en vue d'obliger les intimés à produire certaines pièces qui sont en leur possession. Cette requête a été entendue en même temps que le dossier T-2457-96, Friends of the West Country Association c. le ministre des Pêches et Océans, le directeur, Programmes maritimes, Garde côtière canadienne et le procureur général du Canada. L'affaire qui est à l'origine de la présente requête concerne les décisions du directeur intérimaire des Programmes maritimes, Garde côtière canadienne, qui ont été prises le 16 août 1996 aux termes de l'alinéa 20(1)a) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. C-37 (LCEE) et les autorisations accordées à Sunpine Forest Products Ltd. (Sunpine) par le directeur régional intérimaire pour la Région du Centre et de l'Arctique, Garde côtière canadienne, au nom du ministre des Pêches et Océans, le 17 août 1996 aux termes de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), ch. N-22 (LPEN). Les décisions contestées approuvaient un rapport d'examen préalable concernant la construction d'une route et de deux ponts par Sunpine.

         Sunpine est une société forestière qui propose de construire une route pour accéder à certaines régions forestières sur le versant est des montagnes Rocheuses, à l'ouest de la ville de Rocky Mountain House, en Alberta. La requérante a avisé le ministre des Pêches et Océans (le ministre) des intentions de Sunpine le 7 juin 1995 (affidavit de Martha Kostuch, paragraphe 14). Le ministre a répondu que le ministère des Pêches et Océans (MPO) avait demandé des renseignements à Sunpine et procédait à leur examen.

         Sunpine s'est adressée au ministre pour obtenir l'approbation prévue à l'alinéa 5(1)a) de la LPEN en vue de construire deux ponts enjambant les rivières Ram (Ram River) et Prairie (Prairie Creek), qui sont toutes deux des voies navigables, en décembre 1995. Les cours d'eau soumis à l'examen dans l'autre dossier visé en l'espèce, soit le T-2457-96, ne sont pas navigables mais ils contiennent du poisson et la requérante allègue qu'ils font intervenir une autre loi, c'est-à-dire la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14.

         5.(1) Il est interdit de construire ou de placer un ouvrage dans des eaux navigables ou sur, sous, au-dessus ou à travers de telles eaux à moins que :                 
         a) préalablement au début des travaux, l'ouvrage, ainsi que son emplacement et ses plans, n'aient été approuvés par le ministre selon les modalités qu'il juge à propos;                 
         b) la construction de l'ouvrage ne soit commencée dans les six mois et terminée dans les trois ans qui suivent l'approbation visée à l'alinéa a) ou dans le délai supplémentaire que peut fixer le ministre;                 
         c) la construction, l'emplacement ou l'entretien de l'ouvrage ne soit conforme aux plans, aux règlements et aux modalités que renferme l'approbation visée à l'alinéa a).                 

Étant donné que l'alinéa 5(1)a) de la LPEN figure dans les annexes du Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées, DORS/94-636, la proposition de Sunpine concernant les ponts sur les rivières Ram et Prairie entraîne la tenue d'une évaluation aux termes de l'alinéa 5(1)d) de la LCEE. Les alinéas 59f), 5(1)d) de la LCEE disposent qu'une évaluation en vertu de la LCEE est nécessaire chaque fois que sont invoquées les dispositions législatives figurant dans le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées. L'alinéa 5(1)d) de la LCEE exige la tenue d'une évaluation environnementale au sujet d'un projet avant qu'une autorité fédérale "aux termes d'une disposition prévue par règlement pris en vertu de l'alinéa 59f ), délivre un permis ou une licence, donne toute autorisation ou [prenne] toute mesure en vue de permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie".

         Sous le régime de la LCEE, plusieurs autorités fédérales peuvent être assujetties aux exigences du paragraphe 5(1) de la LCEE concernant un projet donné. Une autorité fédérale a la responsabilité de tenir l'évaluation environnementale et d'assurer le respect de la LCEE lorsque, aux termes de l'article 11, elle est "l'autorité responsable". La plupart des dispositions législatives de la LCEE font référence à l'autorité responsable. L'article 2 de la LCEE définit l'autorité responsable dans les termes suivants : "[l]'autorité fédérale qui, en conformité avec le paragraphe 11(1), est tenue de veiller à ce qu'il soit procédé à l'évaluation environnementale d'un projet". Le paragraphe 11(1) dispose comme suit :

     Dans le cas où l'évaluation environnementale d'un projet est obligatoire, l'autorité fédérale visée à l'article 5 veille à ce que l'évaluation environnementale soit effectuée le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant la prise d'une décision irrévocable, et est appelée, dans la présente loi, l'autorité responsable de ce projet.         

D'après l'alinéa 5(1)d) de la LCEE, l'autorité fédérale est l'entité qui autorisera la mise en oeuvre d'un projet en vertu de l'une des dispositions prescrites par le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées adopté en vertu de l'alinéa 59f). Comme il a été indiqué ci-dessus, l'alinéa 5(1)a) de la LPEN figure dans ce règlement. En l'espèce, le ministre dont il est question à l'alinéa 5(1)a) de la LPEN est défini à l'article 2 de cette loi comme étant le ministre des Transports. En vertu du décret SI/95-46 (C.P. 1995-527) adopté le 28 mars 1995 et entré en vigueur le 1er avril de la même année, la responsabilité concernant la Garde côtière canadienne a été transférée du ministre des Transports au ministre des Pêches et Océans conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique L.R.C. (1985), ch. P-24 (la LRTAAP). Comme il en sera question ci-dessous, cette situation a posé un problème considérable à la Cour.

         Le ministre des Pêches et Océans, M. Fred Mifflin, a délégué l'exécution de l'évaluation au directeur intérimaire des Programmes maritimes, Garde côtière canadienne (le directeur intérimaire) (affidavit de Gary K. Running, pièce A). Cette délégation a apparemment été faite conformément au paragraphe 17(1) de la LCEE. L'article 17 autorise effectivement le ministre à déléguer son pouvoir. Ce paragraphe est rédigé dans les termes suivants :

     17.(1) L'autorité responsable d'un projet peut déléguer à un organisme, une personne ou une instance, au sens du paragraphe 12(5), l'exécution de l'examen préalable ou de l'étude approfondie, ainsi que les rapports correspondants, et la conception et la mise en oeuvre d'un programme de suivi, à l'exclusion de toute prise de décision aux termes du paragraphe 20(1) ou 37(1).         
     (2) Il est entendu que l'autorité responsable qui a délégué l'exécution de l'examen ou de l'étude ainsi que l'établissement des rapports en vertu du paragraphe (1) ne peut prendre une décision aux termes du paragraphe 20(1) ou 37(1) que si elle est convaincue que les attributions déléguées ont été exercées conformément à la présente loi et à ses règlements.         

         Le directeur intérimaire a ordonné l'"examen préalable" en se fondant sur l'article 18 de la LCEE :

     18.(1) Dans le cas où le projet n'est pas visé dans une liste d'étude approfondie ou dans les listes d'exclusion, l'autorité responsable veille :         
     a) à ce qu'en soit effectué l'examen préalable; et         
     b) à ce que soit établi un rapport d'examen préalable.         

Les exigences concernant l'examen préalable sont énoncées au paragraphe 16(1) :

     16.(1) L'examen préalable, l'étude approfondie, la médiation ou l'examen par une commission d'un projet portent notamment sur les éléments suivants :         
     a) les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence d'autres ouvrages ou à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement;         
     b) l'importance des effets visés à l'alinéa a);         
     c) les observations du public à cet égard, envoyées conformément à la présente loi et aux règlements;         
     d) les mesures d'atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, des effets environnementaux importants du projet; et         
     e) tout autre élément pertinent à l'étude approfondie, à la médiation ou à l'examen par une commission, notamment la nécessité du projet et ses solutions de rechange, - dont l'autorité responsable ou, sauf dans le cas d'un examen préalable, le ministre, après consultation de celle-ci, peut exiger la prise en compte.         

Le paragraphe 16(3) oblige l'autorité responsable à déterminer la portée de l'évaluation. Il dispose comme suit :

     (3) L'évaluation de la portée des éléments visés aux alinéas (1)a), b) et d) et (2)b), c) et d) incombe :         
     a) à l'autorité responsable;         
     b) au ministre, après consultation de l'autorité responsable, lors de la détermination du mandat du médiateur ou de la commission d'examen.         

         La portée de l'évaluation, déterminée par l'autorité responsable en vertu du paragraphe 15(1) de la LCEE, pour le projet de construction du pont sur la rivière Ram incluait les éléments suivants :

     [TRADUCTION]         
     la construction et l'entretien d'un pont à double travée et à deux voies enjambant la rivière Ram, y compris les voies d'accès, structures, aires d'entreposage ou autres ouvrages connexes directement associés à la construction du pont. Le projet comprend la préparation du chantier de construction, la construction d'une pile centrale, des culées et de la structure du pont. (Rapport d'examen préalable de la Garde côtière canadienne pour le pont de la rivière Ram, le 8 juillet 1996, dossier du tribunal).

La portée de l'évaluation pour le projet de construction du pont sur la rivière Prairie incluait les éléments suivants :

     [TRADUCTION]         
     la construction et l'entretien d'un pont à simple travée et à deux voies enjambant la rivière Prairie, y compris les voies d'accès, structures, aires d'entreposage ou autres ouvrages connexes directement associés à la construction de ces ponts. Le projet comprend la préparation du chantier de construction, la construction des culées et la structure du pont. (Rapport d'examen préalable de la Garde côtière canadienne pour le pont de la rivière Prairie, le 8 juillet 1996, dossier du tribunal).         

         Une fois l'examen préalable effectué et le rapport d'examen préalable établi, l'autorité responsable doit décider laquelle des mesures prévues au paragraphe 20(1) elle doit prendre. Le paragraphe 20(1) énonce les trois mesures possibles suivantes :

     20.(1) L'autorité responsable prend l'une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3) :         
     a) sous réserve du sous-alinéa c)(iii), si la réalisation du projet n'est pas susceptible, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, exercer ses attributions afin de permettre la mise en oeuvre du projet et veiller à l'application de ces mesures d'atténuation;         
     b) si, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, la réalisation du projet est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants qui ne peuvent être justifiés dans les circonstances, ne pas exercer les attributions qui lui sont conférées sous le régime d'une loi fédérale et qui pourraient lui permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;         
     c) s'adresser au ministre pour une médiation ou un examen par une commission prévu à l'article 29 :         
     (i)      s'il n'est pas clair, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, que la réalisation du projet soit susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants,         
     (ii)      si la réalisation du projet, compte tenu de l'application de mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants et si l'alinéa b) ne s'applique pas,         
     (iii)      si les préoccupations du public le justifient.         

         Ces paragraphes prévoient donc trois mesures possibles. Si le résultat de l'examen préalable indique que le projet à l'étude n'est "pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants" ou que ces effets peuvent être atténués, le projet pourra aller de l'avant et l'autorité responsable pourra prendre toutes les mesures nécessaires pour en permettre la mise en oeuvre en vertu de l'alinéa 20(1)a ) de la LCEE. En l'espèce, le ministre a délivré un permis, vraisemblablement en vertu de la LPEN, étant donné que le directeur intérimaire a pris une décision positive à l'issue de l'examen préalable.

         Lorsque le résultat de l'examen préalable indique que le projet est susceptible d'entraîner "des effets environnementaux négatifs importants" qui ne peuvent être atténués ni justifiés, l'autorité responsable n'exercera pas le pouvoir qui lui est conféré pour permettre la mise en oeuvre du projet (alinéa 20(1)b )). Lorsque l'examen préalable révèle qu'on ne sait pas avec certitude si le projet aura des effets environnementaux négatifs importants, l'autorité responsable renvoie le projet à un médiateur ou à une commission d'examen en vertu de l'article 29 comme le prévoit l'alinéa 20(1)c). Cette décision entraîne une étude approfondie, c'est-à-dire une évaluation environnementale complète.

         En guise de question préliminaire, les intimés demandent à ce que les noms du ministre des Pêches et Océans et du procureur général du Canada soient rayés de la liste des intimés. Pour ce qui a trait au procureur général du Canada, aucun élément n'indique, et les parties n'ont jamais laissé entendre, que le procureur général pouvait être désigné comme autorité fédérale en vertu de l'alinéa 5(1)b) de la LCEE. La règle 1602(3) dispose que "toute personne intéressée qui avait des intérêts opposés à ceux de la partie requérante lors de l'instance devant l'office fédéral est désignée à titre d'intimée dans l'avis de requête" (qu'en est-il de Sunpine?). Le procureur général n'était pas partie à l'évaluation environnementale, et par conséquent, il n'avait pas d'intérêts opposés à ceux de la requérante. Certains pourraient penser que le procureur général peut être mis en cause du fait de l'alinéa 18(1)b ) de la Loi sur la Cour fédérale, mais ce ne semble pas être la pratique suivie. Par conséquent, le procureur général est rayé de la liste des intimés.

         Pour ce qui est du ministre des Pêches et Océans, qui semble croire qu'il était l'autorité responsable, il est approprié que son nom figure parmi les intimés étant donné qu'il a agi en croyant qu'il pouvait déléguer l'exécution de l'évaluation et la délivrance de l'autorisation en vertu de la LPEN à la Garde côtière. Le pouvoir d'autoriser l'examen préalable a été délégué au directeur intérimaire. Au cours de son plaidoyer, l'avocat des intimés a fait valoir que, parce que le ministre avait délégué le processus décisionnel, il n'avait pas participé à ce processus et qu'il n'était pas une partie. La difficulté que pose cet argument, c'est que la LCEE dicte que le ministre ne peut se dérober aux responsabilités qui lui incombent en vertu de la LCEE en déléguant ses pouvoirs décisionnels. La disposition pertinente est l'article 17 de la LCEE, qui est reproduit ci-dessus. Le paragraphe 17(2) impose à l'autorité responsable l'obligation de s'assurer que la loi a été respectée avant d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Ainsi donc, le ministre ne sera pas supprimé de la liste des intimés où son nom figure à bon droit simplement parce que la décision dont il croit être responsable est attaquée.

         Ces faits constituent pour la Cour une énigme. La Cour doit en effet décider si elle doit ordonner au ministre des Pêches et Océans de communiquer les pièces demandées. Au moment où l'évaluation a été faite, le ministre des Pêches et Océans n'avait pas et il n'a toujours pas le pouvoir de donner des autorisations en vertu de la LPEN ou de déléguer son pouvoir d'accorder de telles autorisations à la Garde côtière canadienne. Il aura le pouvoir d'agir de la sorte en vertu de la LPEN lorsque le projet de loi C-62 ou son successeur aura été adopté au cours de la 36e législature. Ce projet de loi modifiera, ou pourrait modifier, la définition du terme "ministre" dans la LPEN. Ce qui semble à l'origine de la confusion, c'est le transfert de l'autorité ministérielle à l'égard de la Garde côtière du ministre des Transports au ministre des Pêches et Océans, comme il a été indiqué ci-dessus.

         Dans les observations supplémentaires formulées sur ce point, l'avocat des intimés indique ceci :

     [TRADUCTION]         
     6. L'article 3 de la LRTAAP [reproduit ci-dessus] a l'effet suivant : lorsque la responsabilité à l'égard de la Garde côtière canadienne a été transférée du ministre des Transports au ministre des Pêches et Océans, ce dernier et les responsables concernés de la Garde côtière canadienne ont remplacé le ministre des Transports et ont exercé les pouvoirs et responsabilités respectifs qui incombaient à ce dernier à l'égard de la Garde côtière canadienne. Donc, depuis la date du décret adopté en vertu de la LRTAAP (le 1er avril 1995), le ministre des Pêches et Océans est habilité à exercer les pouvoirs et fonctions qui ressortissaient au ministre des Transports d'après le paragraphe 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigables.         
     7. Le projet de loi C-62 modifie, notamment, le paragraphe 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigables de sorte que les références au ministre des Transports renvoient au ministre des Pêches et Océans. Avec égards, nous croyons que cette modification est une mesure d'ordre administratif ayant pour but de traduire le changement qui a été effectué en vertu du décret.         

La Cour n'accepte pas l'argument des intimés selon lequel le décret, une simple "mesure d'ordre administratif", a pu ou pourrait réaliser un transfert de pouvoir par intérim. À moins que la loi ne le permette, un décret ne peut modifier une loi même s'il facilite l'administration du pouvoir. Le fait que le ministre des Pêches et Océans a, en vertu de l'article 3 de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique , "le plein exercice des pouvoirs et fonctions dévolus à [ses] prédécesseurs" ne signifie pas que le ministre des Pêches et Océans a le pouvoir, en vertu de la LPEN, d'accorder une autorisation. Le décret n'a pas modifié la LPEN. Le décret adopté en vertu de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique a pour effet de transférer au ministre des Pêches et Océans tous les pouvoirs qui étaient auparavant dévolus au ministre des Transports relativement à l'administration de la Garde côtière. La LPEN stipule que c'est le ministre des Transports, et non le ministre des Pêches et Océans, qui accorde les autorisations. Le ministre des Transports peut déléguer ces pouvoirs à n'importe qui, et pas nécessairement à la Garde côtière. (Le ministre des Pêches et Océans le pourra également, mais uniquement après que la loi aura été modifiée, si tant est qu'elle l'est.) La manière dont le ministre des Pêches et Océans a pu être impliqué dans cette affaire demeure pour la Cour un mystère.

         Tout le processus est vicié depuis le début. Autrement dit, pour les fins de la LPEN, le ministre qui accorde les autorisations en vertu de cette loi et qui est l'autorité responsable en vertu de la LCEE était le ministre des Transports et il le demeurera jusqu'à ce que le projet de loi C-62 soit adopté au cours de la 36e législature ou quelque temps après, si tant est qu'il l'est.

         En réponse à la question posée par la Cour pour savoir ce qui a été fait quand on a découvert que le ministre qui a accordé l'autorisation en vertu de la LPEN n'était pas celui qui était désigné par la Loi, les deux parties ont convenu que cette question (et ses répercussions) devait être décidée dans le cadre de l'action principale, étant donné que la Cour n'en est pas saisie. Les parties ont convenu que la seule question qui doit être décidée dans le cadre de la présente requête consiste à savoir si d'autres pièces doivent être communiquées. Après réflexion, la Cour est d'avis que tel est le cas. Il y a des incertitudes quant à l'effet qu'aurait l'invalidation de la décision à ce stade, ou même quant à savoir si la Cour a le pouvoir de procéder à cette invalidation. Les parties devraient avoir la possibilité de présenter des observations pour qu'il soit déterminé si le ministre des Transports peut simplement adopter le rapport de la Garde côtière ou si un nouvel examen préalable doit être effectué. Quand la validité d'une décision administrative est contestée au motif qu'elle est ultra vires, c'est à la Cour qui entend la demande de contrôle judiciaire qu'il incombe de se prononcer sur cette question. L'effet d'un vice procédural aussi fondamental dépasse le cadre de la question dont la Cour est actuellement saisie et, bien qu'elle ne puisse se prononcer sur la question, la Cour ne peut toutefois ignorer son existence. Il semble plutôt bizarre de trancher ces questions quand l'une des parties, c'est-à-dire les intimés, ne devrait apparemment pas figurer parmi les parties et quand la décision alléguée des intimées est apparemment nulle. C'est l'énigme dont nous parlions un peu plus tôt. Sunpine devrait très certainement être avisée que sa position pourrait être gravement compromise.

         Cela dit, les intimés doivent-ils communiquer et certifier les pièces que la requérante demande? La règle 1612 est rédigée dans les termes suivants :

     (1) La partie qui désire se servir de pièces qui ne sont pas en sa possession mais qui sont en possession de l'office fédéral dépose une demande écrite au greffe et la signifie à l'office fédéral, enjoignant à ce dernier de fournir une copie certifiée de ces pièces.         
     (2) La demande de la partie requérante peut être incorporée à l'avis de requête.         
     (3) Une copie de la demande est signifiée aux autres parties.         
     (4) La demande indique de façon précise les pièces en possession de l'office fédéral; ces pièces doivent être pertinentes à la demande de contrôle judiciaire.         

             [les italiques ne figurent pas dans l'original]

         Plusieurs observations ont été présentées concernant les pièces que devraient communiquer les intimés. Dans le mémoire de leur avocat, les intimés font valoir qu'une fois que la décision du directeur intérimaire a été prise - une décision susceptible de révision - l'autorité responsable peut exercer tout pouvoir ou fonction qui permet la mise en oeuvre du projet. Ils font valoir qu'il s'agit d'une décision purement discrétionnaire qui n'est pas assujettie au contrôle judiciaire et que, par conséquent, le ministre ne figure pas à bon droit parmi les parties. Comme on pouvait s'y attendre, cet argument n'a pas été repris au cours des plaidoiries étant donné qu'un abus de pouvoir discrétionnaire a toujours été assujetti au contrôle judiciaire. On pourra consulter à ce sujet, notamment, Padfield v. Minister of Agriculture, [1968] All.E.R. 694, p. 702 et l'affaire canadienne classique, Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, à la page 141.

         Les intimés font également valoir, et cet argument est plus intéressant, qu'elles ne devraient communiquer que les pièces dont était saisi le directeur intérimaire quand il a pris sa décision. Selon les propres mots de l'avocat, figurant aux pages 66 et 67 de la transcription :

     [TRADUCTION]         
     C'est ce que nous soutenons, dans la mesure où l'une ou l'autre de ces catégories de documents qui ont été demandés en vertu de la règle 1612 respectent les dispositions de la règle, que ces documents étaient véritablement devant le tribunal, c'est-à-dire le capitaine McCann, et qu'ils ont été examinés.         

Ceci exclurait tous les documents ayant trait à la proposition qui sont en possession du ministre et qui n'ont pas été examinés par le directeur intérimaire.

         Les intimés s'appuient sur l'arrêt Canada [Commission des droits de la personne] c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (C.A.F.) (autorisation de pourvoi rejetée par la Cour suprême du Canada, dossier no 24809, le 5 décembre 1995). Dans l'arrêt Pathak, la Cour devait décider si la Commission canadienne des droits de la personne devait communiquer les documents dont avait été saisi l'enquêteur mais non la Commission. Le juge MacGuigan conclut en ce sens :

     Seuls le rapport de l'enquêteur et les observations des parties sont nécessaires pour la décision de la Commission. Tout le reste est laissé au bon plaisir de la Commission. Si la Commission choisit donc de ne pas demander tel ou tel document, alors on ne peut dire que ce document se trouve devant la Commission pour l'étape de la décision, par opposition à l'étape de l'enquête. Ledit document ne saurait donc faire l'objet d'une demande de production à titre de document utilisé par la Commission dans sa décision, même s'il a fort bien pu être utilisé par l'enquêteur dans son rapport. Ce sont là deux moments différents de la vie de la Commission, des moments distincts qui ne sauraient être confondus par l'effet d'une fiction juridique. (p. 464)         

Les intimés font valoir que l'espèce est semblable à un scénario qui pourrait se présenter devant la Commission des droits de la personne parce que le paragraphe 20(1) de la LCEE dispose comme suit : "L'autorité responsable prend l'une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3)". Cet argument doit être rejeté au vu du paragraphe 17(2) de la LCEE (reproduit ci-dessus) qui dispose qu'aucune des mesures prévues au paragraphe 20(1) ne peut être prise que si l'autorité responsable est convaincue que les attributions déléguées ont été exercées conformément à la LCEE. Il n'y a pas deux étapes distinctes, savoir l'enquête et la décision, parce que le paragraphe 17(2) de la LCEE oblige le ministre (ou toute autre autorité responsable) à assumer un rôle de supervision sur l'enquête, non pas une simple participation passive.

         Les intimés font également valoir qu'autoriser la communication des documents autres que ceux qui ont été examinés par le directeur intérimaire équivaudrait à permettre une attaque indirecte de la portée de l'examen. Il ne s'agit pas d'un moyen de défense que l'on peut opposer à une requête fondée sur la règle 1612. La requérante doit être autorisée à préparer sa cause. Si elle compte faire valoir dans le cadre de cette cause que la portée est trop restreinte, la requérante doit disposer de tous les documents pertinents qui lui permettront de faire la preuve de son argument, si elle le peut. Conclure autrement causerait un préjudice à la requérante. Dans l'arrêt La Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada c. Le directeur du Parc national de Banff, (1997), 202 N.R. 132 (l'affaire "Sunshine Village"), Madame le juge Desjardins indique que "[l]es alinéas 16(1)a ) et e), et 16(2)a) de la Loi prévoient que la commission doit évaluer "les effets cumulatifs sur l'environnement" qu'un projet est susceptible de causer, "la nécessité du projet" et "les raisons d'être du projet"" (p. 153, version française, A-586-94, p. 33). Essentiellement, si les conditions du paragraphe 16(1) ne sont pas respectées, une erreur susceptible de révision est commise. Si la question concerne le respect de la Loi, elle est assujettie au contrôle judiciaire. Bien que la Cour n'ait pas à décider à ce stade ce qui est ou n'est pas un motif de contrôle approprié au niveau de l'examen préalable, elle peut toutefois conclure que les intimés ne subiront pas de préjudice parce qu'ils ont encore la chance de présenter leur défense au cours de l'audience relative au contrôle judiciaire.

         En outre, cette affaire traite d'une question qui est, depuis le début jusqu'à la fin, une procédure très publique. L'article 55 de la LCEE est particulièrement approprié à faire valoir étant donné qu'il rend obligatoire la tenue d'un registre où sont versés les documents liés à l'évaluation. Pour chaque évaluation d'un projet en vertu de la LCEE, un registre public doit être établi. Les dispositions pertinentes de l'article 55 sont formulées dans les termes suivants :

         55. (1) Est tenu, conformément à la présente loi et aux règlements, un registre public pour chacun des projets pour lesquels une évaluation environnementale est effectuée afin de faciliter l'accès aux documents relatifs à cette évaluation.         
     (2) Le registre public est tenu :         
     a) par l'autorité responsable dès le début de l'évaluation environnementale et jusqu'à ce que le programme de suivi soit terminé;         
     b) par l'Agence, dans les cas où une médiation ou un examen par une commission est effectuée, dès la nomination du médiateur ou des membres de la commission jusqu'au moment de la remise du rapport au ministre.         
     (3) Sous réserve du paragraphe (4), le registre public contient tous les documents produits, recueillis ou reçus relativement à l'évaluation environnementale d'un projet, notamment :         
     a) tout rapport relatif à l'évaluation environnementale du projet;         
     b) tout commentaire donné par le public relativement à l'évaluation;         
     c) tous les documents que l'autorité responsable a préparés pour l'application de l'article 38;         
     d) tous les documents produits par l'application d'un programme de suivi;         
     e) le mandat du médiateur ou d'une commission;         
     f) tous les documents exigeant l'application de mesures d'atténuation.         
     (4) Le registre public permet l'accès aux documents visés au paragraphe (3) si ceux-ci appartiennent à l'une des catégories suivantes :         
     a) documents qui sont mis à la disposition du public dans le registre conformément à la présente loi ainsi que tout autre document qui a déjà été rendu public;         
     b) tout ou partie d'un document qui, de l'avis de l'autorité responsable, dans le cas d'un document qu'elle contrôle, ou de l'avis du ministre dans le cas d'un document que l'Agence contrôle, serait communiqué conformément à la Loi sur l'accès à l'information si une demande en ce sens était faite aux termes de celle-ci au moment où l'Agence prend le contrôle du document, y compris tout document qui serait communiqué dans l'intérêt public aux termes du paragraphe 20(6) de cette loi;         
     c) tout ou partie d'un document, à l'exception d'un document contenant des renseignements relatifs à un tiers, si l'autorité responsable, dans le cas d'un document qu'elle contrôle ou le ministre, dans le cas d'un document que l'Agence contrôle, a des motifs raisonnables de croire qu'il serait d'intérêt public de le communiquer parce qu'il est nécessaire à une participation efficace du public à l'évaluation environnementale.         

             [les italiques ne figurent pas dans l'original]

Les paragraphes 55(5) et (7) énoncent les exceptions qui peuvent s'appliquer concernant l'accès du public aux documents.

     (5) Les articles 27, 28 et 44 de la Loi sur l'accès à l'information s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, à toute détermination faite aux termes de l'alinéa (4)b) à l'égard de renseignements relatifs à un tiers, et tout document visé à cet alinéa est réputé, pour l'application de l'article 27 de cette loi, constituer un document que le ministre ou l'autorité responsable a l'intention de communiquer; pour l'application de cette loi, il ne doit pas être tenu compte de la mention de la personne qui a demandé la communication des renseignements si nul ne l'a demandée.         

     *** *** ***

     (7) Au présent article, "renseignements relatifs à un tiers" s'entend des renseignements suivants :         
     a) secrets industriels de tiers;         
     b) renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;         
     c) renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;         
     d) renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.                  

         Seuls ces documents qui sont directement à la disposition du public ou ceux qui, de l'avis du ministre, ne doivent pas être communiqués aux termes d'une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.C. 1980-81-82-83, ch. 111 (LAI) échappent à l'obligation de communication. L'article 27 de la LAI exige que les tiers intéressés soient avisés qu'une demande de renseignements a été présentée. Les renseignements relatifs à un tiers sont précisés au paragraphe 20(1) de la LAI et cette définition est identique à celle des "renseignements relatifs à un tiers" donnée au paragraphe 55(7) de la LCEE. Les renseignements relatifs à un tiers sont de ceux qui concernent des secrets industriels, des renseignements commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle et les renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes financières appréciables dans la mesure où le tiers traite ces renseignements de façon confidentielle ou qu'il est véritablement justifié de le faire.

         En résumé, la LCEE exige que l'autorité responsable tienne un registre public accessible à tous, sous réserve de certaines exceptions. Le registre est public; il n'est pas privé ni même inaccessible. Le texte de l'article 55 est clair : si une évaluation environnementale doit être effectuée, il doit y avoir un registre public et ce registre doit renfermer tous les documents ayant trait à la proposition. (On pourrait se demander si les rédacteurs de la LCEE essayaient de rivaliser avec ceux de la Loi de l'impôt sur le revenu pour rendre les dispositions le plus complexe possible ou pour décourager les contestations judiciaires.)

         En vertu de la règle 1612, une partie requérante peut demander à un tribunal de lui fournir une copie certifiée des pièces qui sont en sa possession, et non en sa possession à elle. La partie requérante doit indiquer "de façon précise" les pièces demandées qui "doivent être pertinentes à la demande de contrôle judiciaire". Les critères visés dans cet article sont la possession et la pertinence.

         La condition relative à la possession est relativement claire en l'espèce. Les pièces en question soit figurent dans le registre public, soit devraient s'y trouver aux termes du paragraphe 55(4) de la LCEE. Il est manifeste, comme le signale la requérante, que les pièces en question sont en possession de l'autorité responsable. Le libellé de l'article 55 est très général et englobant. Par exemple, aux termes de l'alinéa 55(3)a), "tout rapport relatif à l'évaluation environnementale du projet" doit être conservé dans le registre public; d'après l'alinéa 55(3)b ), "tout commentaire donné par le public relativement à l'évaluation" doit également s'y trouver. Mais le caractère très exhaustif de ce texte révèle également une autre caractéristique manifeste du registre, c'est-à-dire que tout ce qui est contenu dans le registre est pertinent.

         La Division d'appel de la présente Cour s'est penchée sur la question de la "pertinence" visée à la règle 1612. Dans l'arrêt Terminaux portuaires du Québec c. Conseil canadien des relations du travail , (1993), 164 N.R. 60, le juge Décary indique ceci à la p. 66 :

     Le fait que la partie adverse ne se voit pas reconnaître le droit de recevoir une copie de la pièce en question, même aux fins de préparer une objection à son obtention, permet aussi de supposer qu'il s'agit d'une pièce dont elle connaît l'existence et la nature, qu'elle sait être en la possession du tribunal et qu'elle-même a peut-être en sa possession.         

Selon le juge Décary, le tribunal est simplement tenu de remettre les documents pertinents qui se trouvent en sa possession. Il n'a pas à chercher de nouveaux éléments de preuve pour la partie requérante. Dans le contexte du processus visé à la LCEE, cela signifie que tous les renseignements qui sont en possession des intimés concernant le projet de Sunpine sont pertinents à la proposition précise.

         Dans l'arrêt Pathak, reproduit ci-dessus, la portée de cet élément de pertinence a été examinée. Le juge Pratte (aux motifs duquel souscrit le juge Décary) indique ceci à la p. 460 :

     Un document intéresse une demande de contrôle judiciaire s'il peut influer sur la manière dont la Cour disposera de la demande. Comme la décision de la Cour ne portera que sur les motifs de contrôle invoqués par l'intimé, la pertinence des documents demandés doit nécessairement être établie en fonction des motifs de contrôle énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance et l'affidavit produits par l'intimé.         

Ni l'arrêt Terminaux portuaires du Québec ni l'arrêt Pathak n'appuient la proposition selon laquelle un document pertinent est un document qui a été "examiné" ou sur lequel on s'est "appuyé". L'arrêt Pathak indique clairement que le critère applicable à la pertinence consiste à déterminer de quelle façon le document se rattache aux motifs énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance et l'affidavit produits à l'appui.

         La question dont est maintenant saisie la Cour est de savoir si les pièces demandées par la requérante tombent sous le coup de la règle 1612. La requérante a présenté six demandes de documents concernant des pièces qu'elle dit pertinentes et qui sont en possession des intimés. L'argument général des intimés indique que les documents pertinents ont déjà été inclus dans le dossier du tribunal et que la règle 1612 a été entièrement respectée.

         La règle 1613(2) autorise l'office fédéral à qui a été signifiée une demande visée à la règle 1612 à s'opposer à cette demande. Il doit cependant répondre par écrit à cette demande. La règle 1613(4) confère à un juge le pouvoir d'ordonner qu'une copie certifiée des pièces demandées ou d'une partie de celle-ci soit transmise à la partie qui en a fait la demande et au greffe. Ce n'est pas une "recherche à l'aveuglette" : (Pfizer Can. Inc. c. Nu-Pharm Inc. (1993), 72 F.T.R. 103, à la p. 109).

         L'étape suivante consiste à déterminer si les documents demandés sont pertinents au regard des motifs énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance de la requérante. Cela justifie l'examen des six demandes présentées par la requérante, et des réponses qu'elle a reçues.

         Il est important de noter que les intimés n'ont pas essayé d'invoquer l'une ou l'autre des exceptions prévues à l'article 55 dans leurs réponses aux demandes de la requérante. Les intimés ont formulé leurs réponses conformément à la règle 1613(2) dans une lettre en date du 8 novembre 1995 (pièce 5, affidavit de Carol McDonald).

         Selon l'arrêt Pathak, la pertinence doit être établie après avoir examiné la demande au vu des motifs énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance. Il sera utile de les reprendre ici :

         [TRADUCTION]                 
         1.      Le directeur, Programmes maritimes, Garde côtière canadienne, dans la tenue présumée d'une évaluation environnementale des propositions faites par Sunpine Forest Products Ltd.'s pour la construction des ponts sur les rivières Prairie et Ram, a manqué aux exigences de la LCEE, notamment :
         (i)      à la condition du paragraphe 15(3) qui l'oblige à effectuer l'évaluation environnementale de toute opération, construction ou autre constituant un projet lié à un ouvrage,
         (ii)      à la condition qui l'oblige à tenir compte de tous les facteurs énumérés au paragraphe 16(1), notamment :
         a)      tous les effets environnementaux du projet, y compris les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence d'autres ouvrages ou à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement,
         b)      l'importance des effets visés à l'alinéa a), et
         c)      les observations du public à cet égard;
         (iii)      aux conditions du paragraphe 18(3) et de l'article 55 l'obligeant à établir un registre public et à le tenir d'une façon qui facilite l'accès du public à ce registre, et à donner au public la possibilité de l'examiner et de formuler des commentaires sur les pièces qui y sont consignées,
         et par conséquent, il a commis une erreur de droit, a outrepassé sa compétence et n'a pas tenu compte de tous les éléments pertinents.
         2.      Le directeur, Programmes maritimes, Garde côtière canadienne, par suite des manquements juridiques indiqués ci-dessus dans le cadre du processus d'évaluation environnementale, a commis une erreur de droit et a outrepassé sa compétence en décidant, en vertu de l'alinéa 20(1)a) et du sous-alinéa (c)iii) de la LCEE, que les propositions faites par Sunpine Forest Products Ltd. concernant les ponts des rivières Prairie et Ram ne sont pas susceptibles d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants et que les préoccupations du public ne justifient pas le renvoi à une commission d'examen.
         3.      Tant que les conditions de la LCEE ci-dessus n'auront pas été respectées, le ministre des Pêches et Océans n'a pas compétence pour exercer le pouvoir décisionnel qui lui est conféré en vertu du paragraphe 5(1) de la LPEN, ou en vertu de toute autre loi dont il est question au paragraphe 5(1) de la LCEE, pour ce qui a trait au projet de construction par Sunpine des ponts sur les rivières Prairie et Ram.

De même, l'affidavit du Dr Martha Kostuch a été déposé avec l'avis de requête introductif d'instance.

Demande no 1

"Tous les documents contenus dans le registre public concernant les propositions relatives aux ponts des rivières Prairie et Ram."

Réponse

"Tous les documents contenus dans le registre public qui ont été examinés par le tribunal ont été certifiés et déposés le 21 octobre 1996. À notre avis, cela est conforme à la règle 1612."

         La requérante demande la copie certifiée de la proposition de Sunpine. Les seules parties de la proposition versées au dossier du tribunal sont les pages i, 1.3 et 4 de la proposition et "plusieurs pages non consécutives" de l'une des dix annexes. La proposition est un document de 21 pages comportant dix annexes. [L'intimé a fourni une copie non certifiée de la proposition à la requérante le 22 octobre 1996 (affidavit de Carol McDonald), mais, apparemment, aucune copie certifiée n'a encore été envoyée au greffe ni remise à la requérante.]

         La requérante fait valoir qu'elle a droit à une copie certifiée de la proposition de Sunpine parce que ce document constitue le fondement du rapport d'examen préalable et des propositions relatives à la LPEN. Non seulement faut-il que la proposition soit dans le registre public, mais elle est manifestement pertinente au vu des motifs énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance. Elle porte sur le fond de la présente demande de contrôle judiciaire. L'argument invoqué par les intimés, c'est-à-dire que seuls les renseignements pertinents qui ont été examinés par le tribunal doivent être remis à la partie requérante, n'est pas appuyé par la jurisprudence. Il est difficile d'imaginer que l'autorité responsable n'a examiné que quatre pages d'une proposition qui en contenait 21. Elle s'est peut-être appuyée sur ces quatre pages seulement, mais cela n'est pas un critère pour les fins de la règle 1612. (Comment a-t-on pu choisir les pages fournies sans examiner l'ensemble du document?) Se pourrait-il que les intimés aient été tout simplement trop occupés ou trop fatigués pour se conformer à la règle?

         En outre, la requérante allègue que d'autres documents qui se trouvaient dans le registre public ont été omis par les intimés. Ces documents renfermaient notamment des observations sur la proposition formulés par l'Alberta Environmental Protection - Surface Water Rights Branch et l'Alberta Environmental Protection - Resources Administration Division, qui selon les rapports d'examen préalable, ont été reçues. La requérante demande également tous les autres documents conservés dans le registre public dont les intimés connaissent l'existence. Il ne s'agit pas d'une tentative d'obtenir des documents non publiés : ces demandes portent sur des documents qui sont déjà publics. Ces documents sont pertinents et ils doivent donc être certifiés et remis à la requérante, même si cela semble exiger des efforts épuisants de la part des intimés.

Demande no2

"Tous les documents dont il est question dans les rapports d'examen préalable portant sur les propositions de construction des ponts sur les rivières Prairie et Ram, notamment tous les documents reçus de Sunpine, toutes les réponses reçues de tous les fonctionnaires fédéraux et provinciaux, et toutes les observations reçues du public."

Réponse

"Tous les documents contenus dans le registre public qui ont été examinés par le tribunal ont été certifiés et déposés le 21 octobre 1996. À notre avis, cela est conforme à la règle 1612."

         La requérante demande les documents dont il est question dans les rapports d'examen préalable qui étaient ou qui n'étaient peut-être pas dans le registre public. Par exemple, à la page 5 du rapport d'examen préalable concernant la rivière Prairie :

         1. Le rapport d'étude sur le pont de la rivière Prairie fourni à la Division de la gestion de l'habitat du MPO le 13 septembre 1995.
         2. La demande CW1461.04 fondée sur la LPEN, en date de décembre 1995 et remise à la Garde côtière canadienne par AGRA Earth and Environmental Ltd.
         3. Les renseignements supplémentaires fournis à la DGH du MPO en date du 18 mars 1996.

Il existe également une liste semblable de documents concernant le rapport d'examen préalable sur le pont de la rivière Ram, à la page 5.

         La requérante prétend que, pour ce qui a trait à règle 1612, ces documents sont en possession de l'intimé et sont pertinents à la demande parce qu'ils portent sur les effets environnementaux de la proposition de Sunpine. Bien que cela n'ait pas été débattu, le paragraphe 55(3) de la LCEE est suffisamment large pour les inclure dans le registre public. Ces document sont pertinents à la demande au vu des motifs énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance. C'est ce qui ressort clairement des motifs 1(ii) et 1(iii). Ces documents doivent être certifiés et communiqués.

Demande no3

"Tous les documents concernant la construction et le projet de construction de la route principale par Sunpine Forest Products Ltd., y compris les projets de construction des ponts sur les rivières Prairie et Ram, et les effets environnementaux s'y rapportant, notamment : toute la correspondance, tous les rapports, études ou observations reçus des fonctionnaires ou d'autres personnes; toutes les notes ou notes de service concernant les réunions, entretiens ou inspections de chantier; ainsi que toutes les photographies, bandes-vidéo et autres pièces."

Réponse

"Dans la mesure où ces documents sont en possession du tribunal, qu'ils sont pertinents et qu'ils ont été examinés, ils ont été certifiés et déposés le 13 octobre 1995. À notre avis, cela est conforme à la règle 1612."

Les intimés affirment gratuitement que ces documents ont été "examinés". Cela n'est pas un élément prévu à la règle 1612.

         La requérante demande des renseignements qui sont en possession du tribunal concernant la route principale, qui est un ouvrage concret. Sa pertinence est liée au paragraphe 15(3) de la LCEE et est de plus énoncée au motif 1(i) de l'avis de requête introductif d'instance : "toute opération - construction [...] ou autre" constituant un projet lié à un ouvrage doit être évaluée. Le paragraphe 16(1) de la LCEE est également pertinent, comme l'indique le motif 1(ii) de l'avis de requête introductif d'instance, qui exige que soit communiqué "tous les effets environnementaux du projet, y compris [...] les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence d'autre ouvrages ou à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement", "l'importance de [ces] effets" et "les observations du public à cet égard".

         Encore une fois, ces pièces devraient faire partie du registre. Les rapports d'examen préalable font également mention de documents reçus par le MPO concernant la proposition de Sunpine et ses effets environnementaux. Cela suppose que ces documents étaient en sa possession. Ces documents doivent être certifiés et remis à la requérante.

Requête no4

"Tous les documents concernant la construction ou l'exploitation de la route, la récolte du bois et d'autres activités commerciales qui ont eu lieu dans les dernières années et que l'on planifie dans les bassins hydrographiques des rivières Ram et Prairie, et les effets environnementaux de ces activités, particulièrement leurs effets sur le poisson et l'habitat du poisson. Cela devrait inclure, notamment, les documents concernant toutes les activité de ce genre prévues par Sunpine Forest Products Ltd. Ces documents devraient inclure toute les lettres et observations, tous les plans, rapports, études, photographies, bandes-vidéo et procès-verbaux de réunions ou d'entretiens."

Réponse

"Ces documents ne sont pas pertinents à la demande de contrôle judiciaire et ne sont pas en possession du tribunal dont la décision est contestée."

         Il s'agit d'une demande très large, mais, je le répète, sa pertinence est rattachée aux motifs 1(i) et (ii) de l'avis de requête introductif d'instance. Ces documents sont manifestement pertinents au projet de construction d'une route principale par Sunpine. Cette demande s'appuie sur le critère de la possession. La requérante prétend que le MPO a en sa possession des documents concernant la route principale proposée par Sunpine et les effets environnementaux de celle-ci. L'objet proposé de cette route est de faciliter la récolte du bois. Je le répète, il s'agit de documents qui, selon l'article 55 de la LCEE, devraient se trouver dans le registre public. Dans la mesure où les documents sont visés par le paragraphe 16(1) de la Loi, et ils le sont, ils doivent se trouver dans le registre. Il s'agit d'une exigence bien précise de la Loi. Tous les documents demandés qui se rapportent à la proposition de Sunpine doivent être certifiés et communiqués à la requérante.

Demande no5

"Tous les documents, études, rapports ou photographies décrivant les effets que peuvent entraîner la construction des ponts et de la route et leur utilisation, et les activités forestières sur l'environnement, et plus particulièrement leurs effets réels et potentiels sur le poisson et l'habitat du poisson."

Réponse

"Dans la mesure où ces documents étaient en possession du tribunal, qu'ils sont pertinents et qu'ils ont été examinés, ils ont été certifiés et déposés le 21 octobre 1996. Le reste des documents demandés semble à la fois spéculatif et non pertinent."

         Cette demande est à la limite de la pertinence. Ce qui permet de la justifier au regard de la proposition de Sunpine, c'est que "les effets cumulatifs" de celle-ci doivent être évalués, comme le prévoit l'alinéa 16(1)a ) de la LCEE, et que ce motif est énoncé à l'alinéa 1(ii) de l'avis de requête introductif d'instance. À l'audience relative au contrôle judiciaire, la requérante fera valoir qu'en vertu de l'alinéa 16(1)a) de la LCEE, les intimés n'ont pas examiné les effets cumulatifs découlant de la construction et de l'utilisation de la route, de la récolte du bois dans les bassins hydrographiques des rivières Prairie et Ram en combinaison avec les effets potentiels de la construction des ponts, quand les intimés ont effectué les examens préalables. Ces documents sont directement pertinents à la présente question. Tous les documents de cette catégorie ayant trait à la proposition de Sunpine seront certifiés et communiqués.

Demande no6

"Tous les documents, politiques, lignes directrices et directives concernant l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale par la Garde côtière canadienne ou le ministère des Pêches et Océans."

Réponse

"Ces documents ne sont pas pertinents à la demande de contrôle judiciaire et n'étaient pas en possession du tribunal dont la décision est contestée."

         C'est une proposition extrêmement générale. La portée de la demande sera vraisemblablement très onéreuse pour les intimés. La demande semble inclure les évaluations environnementales antérieures et tous les documents pertinents établis par la Garde côtière canadienne et le MPO. Je doute que la loi oblige à déposer ces documents dans le registre public. La limite de la pertinence peut être tirée ici. Les motifs de l'avis de requête introductif d'instance ont trait à la proposition de Sunpine, et uniquement à celle-ci. L'énormité potentielle de la requête est époustouflante. Cela équivaudrait à obliger le MPO à communiquer une partie de ses archives. Cette demande est accueillie uniquement dans la mesure où il existe des documents qui ont trait à la proposition de Sunpine.

         Par conséquent, la requête présentée par les intimés afin de rayer le nom du procureur général du Canada de la liste des intimés est accueillie, au même titre que la demande de la requérante fondée sur la règle 1612 selon les conditions que l'avocat a suggéré d'inclure dans l'ordonnance de la présente Cour. Le projet d'ordonnance suggéré par l'avocat est peut-être plus restrictif que ce qu'auraient permis les présents motifs.

                             F.C. Muldoon

                        

                         Juge

Ottawa (Ontario)

le 7 mai 1997

Traduction certifiée conforme

                         François Blais, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1893-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          The Friends of the West Country Association c. Le ministre des Pêches et Océans et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 6 février 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          LE JUGE MULDOON

DATE :                      le 7 mai 1997

ONT COMPARU :

Gregory J. McDade, c.r.                  POUR LA REQUÉRANTE

M. Barber

Patrick Hodgkinson                      POUR LES INTIMÉS

Ursula Tauscher

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Sierra Legal Defence Fund                  POUR LA REQUÉRANTE

Avocats et procureurs

Vancouver (C.-B.)

George Thomson                      POUR LES INTIMÉS

Sous-procureur général du Canada

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