Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990315


Dossier : T-1207-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 MARS 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EVANS

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


demandeur,


et


SAU FUN LAU,


défenderesse.


ORDONNANCE

La requête est rejetée.


John M. Evans

                                             JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990315


Dossier : T-1207-98

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


demandeur,


et


SAU FUN LAU,


défenderesse.


MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE EVANS

A. INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une requête déposée par Sau Fun Lau (la défenderesse) contre le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (le ministre ou le demandeur), conformément à la Règle 51 des Règles de la Cour fédérale (1998) , DORS/98-106 (les Règles), par laquelle elle interjette appel d"une décision du protonotaire adjoint Giles.

[2]      Le protonotaire adjoint avait rejeté en partie une requête déposée par la défenderesse conformément à la Règle 58 et à la Règle 67. Il s"agissait d"une requête visant à obtenir le rejet de la demande au motif qu"elle ne satisfaisait pas aux Règles et qu"un appel interjeté par le ministre en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté , L.R.C. (1985), ch. C-29 [modifiée] avait été traité avec du retard.

[3]      Le ministre avait interjeté appel d"une décision d"un juge de la citoyenneté qui avait accueilli la demande que la défenderesse avait déposée en vue d"obtenir la citoyenneté canadienne. L"appel interjeté par le ministre était fondé sur la prétention selon laquelle le juge de la citoyenneté avait commis une erreur de droit lorsqu"il avait conclu que, compte tenu des faits établis, la défenderesse avait satisfait aux exigences en matière de résidence prévues à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté.

[4]      Dans la requête qu"elle a déposée devant le protonotaire adjoint, la défenderesse a soutenu que le ministre n"a pas respecté la Règle 306 des Règles du fait qu"elle a omis de déposer et signifier les affidavits qu"elle entendait utiliser à l"appui de sa position, dans les 30 jours suivant la délivrance de l"avis de demande. L"avocat a soutenu que la Règle 306 était de nature obligatoire. En outre, comme elle fait partie de la partie 5 des Règles, qui traite des demandes, la Règle 306 s"applique, en vertu de la Règle 300a ) et de la Règle 300c), aux demandes de contrôle judiciaire et aux appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté. Voici le libellé de la Règle 306 :


306. Within 30 days after issuance of a notice of application, an applicant shall serve and file its supporting affidavits and documentary exhibits.

306. Dans les 30 jours suivant la délivrance de l"avis de demande, le demandeur dépose et signifie les affidavits et les pièces documentaires qu"il entend utiliser à l"appui de la demande.


[5]      Le ministre soutient que, bien qu"elle n"ait déposé aucun affidavit à l"appui de la demande et que plus de 30 jours se soient écoulés entre la délivrance de l"avis de demande et la délivrance de l"avis de la présente requête, la Règle 306 n"a pas été violée, étant donné qu"elle n"entend déposer aucun affidavit à l"appui de sa demande. L"avocate du ministre a soutenu que, suivant une interprétation appropriée de la Règle, celle-ci ne fait qu"établir un délai obligatoire dans lequel les affidavits doivent être déposés, si le demandeur entend déposer des affidavits . Cette règle n"exige pas que des affidavits soient déposés lorsque cela ne servirait à rien. En outre, l"avocate a soutenu que la partie soulignée de la version française de la Règle élimine toute ambiguïté possible de la version anglaise.

[6]      Le problème soulevé dans la présente requête découle de l"application des règles concernant les demandes aux appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté , lesquels prenaient la forme d"un procès de novo avant l"introduction des présentes Règles. L"avocat de la défenderesse a soutenu que la Règle 300 prévoyait que les règles concernant les demandes s"appliquaient de la même façon aux demandes de contrôle judiciaire et aux appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté . En conséquence, a-t-il maintenu, étant donné que les affidavits que le ministre entend utiliser à l"appui de sa demande doivent être signifiés et déposés dans le cas de demandes de contrôle judiciaire, ils doivent maintenant l"être également dans le cas d"appels interjetés en vertu de la Loi sur la citoyenneté .

[7]      L"avocat de la défenderesse a également fait valoir que si l"on acceptait l"interprétation de la Règle 306 que propose le demandeur, un intimé dans le cadre d"un appel d"une décision en matière de citoyenneté ne pourrait déterminer quand les affidavits qu"il entend utiliser à l"appui de sa position devraient être déposés, étant donné que la Règle 307 exige que le défendeur dépose et signifie les affidavits et les pièces documentaires qu"il entend utiliser à l"appui de sa position dans les 30 jours suivant la signification des affidavits du demandeur. Or, si le demandeur n"est pas tenu de signifier des affidavits, à partir de quel moment la période de 30 jours débute-t-elle lorsqu"un demandeur décide de ne pas déposer et signifier d"affidavits à l"appui de sa demande?

[8]      Le protonotaire adjoint a résolu ce problème en considérant que la Règle 307 contient une disposition semblable à celle que contient la Règle 308. Cette règle prévoit que toute partie qui désire contre-interroger l"auteur d"un affidavit doit le faire dans les 20 jours suivant le dépôt des affidavits du défendeur " ou dans les 20 jours suivant l"expiration du délai prévu à cette fin, selon celui de ces délais qui est antérieur à l"autre ". En d"autres termes, il a conclu qu"il convient de considérer que la Règle 307 exige que la défenderesse dépose les documents qu"elle entend utiliser à l"appui de sa position dans les 30 jours suivant la signification des affidavits du demandeur ou dans les 30 jours suivant l"expiration du délai prévu à cette fin, selon celui de ces délai qui est antérieur à l"autre.

[9]      L"avocate du demandeur a soutenu que le protonotaire adjoint ne pouvait considérer que la Règle 307 contenait des mots qu"il ne contient pas en réalité. Les Règles ayant été récemment remaniées de façon à ce qu"un seul ensemble de dispositions s"applique tant aux demandes de contrôle judiciaire qu"aux appels interjetés en vertu de la Loi sur la citoyenneté , on ne saurait prétendre que la Règle 307 est incomplète par suite d"un oubli du législateur et que la Cour peut convenablement pallier ce défaut.

[10]      Il importe également de souligner que la Règle 308 prévoit clairement que, s"il reçoit un conseil à cet effet, un défendeur n"est pas tenu de déposer de document en vertu de la Règle 307. Or, cela mine considérablement l"argument du demandeur selon lequel si l"on considère que la Règle 306 exige que les demandeurs déposent dans tous les cas des affidavits à l"appui de leur demande, la Règle 307, qui est libellée de façon identique, doit également exiger que les défendeurs déposent et signifient dans tous les cas des affidavits à l"appui de leur position. Par conséquent, la défenderesse soutient-elle, le fait que la Règle 307 ne prévoit pas d"autre délai dans lequel les défendeurs doivent déposer et signifier les affidavits qu"ils entendent utiliser à l"appui de leur position indique qu"en adoptant la Règle 306, le législateur a voulu que, dans tous les cas, les demandeurs soient tenus de déposer et signifier leurs affidavits dans les 30 jours suivant la délivrance de l"avis de demande.

[11]      L"avocate du ministre a, de son côté, fait valoir que malgré la Règle 300c ), une instance introduite en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté constitue toujours, au fond, un appel et non une demande de contrôle judiciaire, même si les règles de procédure applicables aux demandes de contrôle judiciaire s"appliquent aussi dorénavant aux appels prévus par la loi décrits à la Règle 300. Cependant, lorsqu"un dossier certifié d"un office fédéral a été déposé en vertu de la Règle 317, comme c"est le cas en l"espèce, et lorsque l"appel de la décision du juge de la citoyenneté est fondée exclusivement sur ce dossier, il n"est pas nécessaire que le demandeur dépose un affidavit.

[12]      De plus, l"avocate a souligné que le ministre n"avait aucune preuve à fournir dans le cadre de cet appel par l"entremise d"un affidavit. Elle n"était pas représentée à l"entrevue que le juge de la citoyenneté a menée dans la présente affaire et elle ignore ce qu"il s"y est dit. En outre, contrairement à un agent des visas, un juge de la citoyenneté est le titulaire indépendant d"un charge et non le fonctionnaire d"un ministère : il n"est donc pas assujetti à des directives du ministre concernant le dépôt de documents.

[13]      En fait, le juge de la citoyenneté a déposé un dossier certifié d"un office fédéral conformément à la Règle 318 et la défenderesse n"a mis en doute ni la véracité ni l"exhaustivité des documents déposés par l"entremise de ce dossier. Le demandeur ayant interjeté appel au motif qu"une erreur de droit aurait été commise, l"appel peut être tranché sur le fondement du dossier et de toute preuve que la défenderesse désire déposer par l"entremise d"un affidavit ou de pièces documentaires. L"avocate a reconnu que si le motif d"appel dépendait d"un fait quelconque dont le dossier ne faisait pas état, telle une allégation de manque d"équité procédurale, une preuve à l"appui de l"appel pourrait être déposée par l"entremise d"un affidavit.

[14]      Il est difficile de ne pas conclure que lorsque l"on a étendu aux appels interjetés en vertu de la Loi sur la citoyenneté les règles applicables aux demandes, on n"a pas prévu le problème qui se pose dans la présente affaire. Néanmoins, je suis convaincu que le protonotaire adjoint a tiré la bonne conclusion et que la Règle 306 n"exige pas que des affidavits à l"appui soient déposés dans le cadre de tous les appels interjetés en vertu de la Loi sur la citoyenneté . Je fais remarquer que le juge Reed est parvenue à la même conclusion dans la décision récente Ma et Chan c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (C.F. 1re inst.; T-978-98; 3 mars 1999).

[15]      Je souscris à l"argument de l"avocate du ministre selon lequel la version française de la Règle 306 étaye clairement l"interprétation qu"elle propose. Je suis également d"accord que l"instance en cause est toujours un appel prévu par la loi, comme le reconnaît la Règle 300c ) elle-même, bien que, sur le plan de la procédure, elle soit assujettie aux règles applicables aux demandes.

[16]      Vu le motif d"appel sur lequel le ministre s"est fondée en l"espèce, et vu qu"un dossier certifié d"un office fédéral a été déposé, je ne vois pas l"utilité d"obliger le ministre à déposer et signifier des affidavits à l"appui de sa position. La défenderesse connaissant parfaitement les arguments que le demandeur présentera, son avocat est en mesure d"y répondre convenablement.

[17]      Je souscris également à la solution que propose le protonotaire adjoint en ce qui concerne le problème de la date à partir de laquelle commence à courir le délai de 30 jours, prévu à la Règle 307, dans lequel la défenderesse peut déposer et signifier des affidavits et des pièces documentaires. Malgré la révision complète des Règles qui a récemment eu lieu, il convient toujours de renvoyer à la Règle 4 pour combler un " manque " dans les cas où, comme en l"espèce, ne rien faire produirait un résultat incompatible avec la nature de l"instance en cause - en l"occurrence un appel prévu par la loi - et le fait de combler un tel manque ne causerait pas d"injustice.

[18]      Je n"estime pas qu"il n"est pas plausible que les rédacteurs des Règles n"ont pas prévu le problème qui s"est posé en l"espèce. S"ils avaient voulu que les Règles soient exhaustives, ils n"y auraient pas inclus le pouvoir prévu à la Règle 4.

[19]      Le protonotaire adjoint a déjà accordé à la défenderesse une prorogation du délai dans lequel elle pouvait déposer et signifier des documents en vertu de la Règle 307, vu que son avocat était confus quant au délai applicable. Il ne fait aucun doute qu"il apportera les correctifs nécessaire de façon à tenir compte du délai causé par le présent appel.

[20]      Par ces motifs, la requête est rejetée

                                     John M. Evans

                                         JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 15 mars 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1207-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L"IMMIGRATION

                     - C. -

                     SAU FUN LAU

LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 25 JANVIER 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE EVANS

EN DATE DU :              15 MARS 1999

ONT COMPARU:

Mme Leena Jaakkimainen                      POUR LE DEMANDEUR

M. Stephen Green                          POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                          POUR LE DEMANDEUR

Green & Spiegel

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)                          POUR LA DÉFENDERESSE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.