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Date : 19990915


Dossier : T-1998-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 SEPTEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :


DEKALB CANADA INC.,


demanderesse,


et


AGRICULTURE ET AGROLIMENTAIRE CANADA,


défendeur.





ORDONNANCE



La demande est rejetée.



Juge




Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.





Date : 19990915


Dossier : T-1998-97


ENTRE :


DEKALB CANADA INC.,


demanderesse,


et


AGRICULTURE ET AGROLIMENTAIRE CANADA,


défendeur.




MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE DUBÉ


[1]      La demanderesse (Dekalb) vise le contrôle d'une décision prise par le défendeur (Agriculture Canada) en date du 26 août 1997, dans laquelle ce dernier acceptait de fournir certains renseignements demandés par un tiers en vertu de la Loi sur l'accès à l'information (la Loi)1. Les renseignements en question se trouvent dans un document (le document) qui contient les résultats d'essais portant sur des échantillons de maïs hybride Dekalb obtenus en 1995 et plantés dans des parcelles expérimentales à l'été 1996. La partie à l'origine de la demande de renseignements est impliquée dans l'une des sept poursuites en dommages-intérêts contre Dekalb intentées par des agriculteurs disant avoir utilisé la variété DK 220.

1.      Les dispositions pertinentes de la Loi

[2]      Les dispositions pertinentes de la loi prévoient :

         2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

         ...

         20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

         ...

         c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

         ...

         20. (2) Le paragraphe (1) n'autorise pas le responsable d'une institution fédérale à refuser la communication de la partie d'un document qui donne les résultats d'essais de produits ou d'essais d'environnement effectués par une institution fédérale ou pour son compte, sauf si les essais constituent une prestation de services fournis à titre onéreux mais non destinés à une institution fédérale.

[3]      L'objectif de la Loi, comme l'expose le paragraphe 2(1), est de fournir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à la communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du gouvernement. L'article 20 porte sur les renseignements de tiers et prévoit que le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents demandés en vertu de la loi qui contiennent (selon l'alinéa 20(1)c)) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes financières appréciables à la partie en cause ou de nuire à sa compétitivité.

[4]      Toutefois, le paragraphe 20(2) prévoit que le paragraphe 20(1) n'autorise pas le responsable d'une institution fédérale à refuser la communication de la partie d'un document qui donne les résultats d'essais de produits ou d'essais d'environnement effectués par une institution fédérale ou pour son compte, sauf si les essais constituent une prestation de services fournis à titre onéreux mais non destinés à une institution fédérale.

[5]      Le principe fondamental est donc que le gouvernement doit accorder le droit d'accès aux renseignements qu'il contrôle. Font exception les renseignements dont la divulgation causerait des pertes financières appréciables à un tiers. Cette exception qui oblige le gouvernement à refuser de divulguer des renseignements souffre de sa propre exception, lorsqu'il s'agit de résultats d'essais de produits ou d'essais d'environnement.

[6]      Dekalb invoque l'exception et Agriculture Canada invoque l'exception à l'exception.


2. Les arguments de Dekalb

[7]      Dekalb soutient que les renseignements demandés portent sur les essais de variétés de semences développées dans le cadre de ses propres activités continues de recherche et développement sur le continent nord-américain. La divulgation de tels renseignements mettrait les tiers bien informés au courant de secrets industriels qui portent sur les travaux de recherche et développement de la demanderesse. Dekalb soutient qu'il s'agit de renseignements confidentiels scientifiques ou techniques, qui ne sont pas communiqués à des tiers. Il s'agit donc de secrets industriels que le public ne peut obtenir d'autres sources. Leur divulgation causerait notamment un préjudice à Dekalb dans le cadre des poursuites susmentionnées, puisque les sept plaignants utiliseraient ces renseignements dans le cadre de leur réclamation de dommages-intérêts.

[8]      De plus, Dekalb soutient que les renseignements demandés sont inexacts et erronés dans la partie qui porte sur les résultats d'essais de la variété de semence DK 220 et a produit une preuve par affidavit à l'appui de ce point de vue.

[9]      Quant à l'exception à l'exception prévue au paragraphe 20(2) de la Loi, l'avocat de Dekalb soutient que le document en cause n'est pas vraiment un document qui " donne les résultats d'essais de produits ou d'essais d'environnement effectués par une institution fédérale ou pour son compte ", mais plutôt le résultat d'inspections visuelles - l'inspecteur a simplement examiné un certain nombre d'échantillons et en a trouvé un certain pourcentage hors-type. Aucune analyse chimique ou technique n'a été menée en laboratoire sur les échantillons.

2. Analyse

[10]      La Cour fédérale a déclaré, dans Société canadienne des postes c. Canada2, que le paragraphe 20(2) avait pour objet de rendre obligatoire la communication de renseignements se rapportant à la santé et à la sécurité publiques. L'aspect primordial est l'intérêt public dans la communication.

[11]      Le document en cause donne les résultats portant sur des échantillons de maïs hybride obtenus en 1995 et plantés dans des parcelles expérimentales à l'été 1996. Il traite de 13 variétés différentes, y compris la variété DK 220. On a planté 300 plants de chaque variété. Le document indique le pourcentage hors-type trouvé dans chaque échantillon. Il est clair que le document donne les résultats d'essais de produits ou d'essais d'environnement. Ces essais ont été effectués par une institution fédérale ou pour son compte et ne constituent pas une prestation de services fournis à quelqu'un à titre onéreux. Le document contient les résultats consécutifs à des essais sur des échantillons de semences de maïs hybride obtenus par Agriculture Canada dans les installations de Dekalb. L'expression " hors-type " vise toute semence qui diffère, dans une ou plusieurs caractéristiques, de la description faite par Dekalb lors de l'enregistrement de la semence. Les semences hors-type ont des impuretés variétales causées par des aberrations ou par des agents de contamination.

[12]      Il ressort des affidavits d'Agriculture Canada que la vérification de la pureté variétale des semences enregistrées par Agriculture Canada (et par l'Agence canadienne d'inspection des aliments depuis le 1er avril 1997) est conduite dans le cadre d'un programme d'inspection. Le but de ce programme est de vérifier la santé, la sécurité et la qualité des produits agricoles et alimentaires canadiens et de promouvoir la protection des consommateurs et la production de semences de qualité répondant à des normes nationales. Le document en cause contient les résultats d'une telle inspection.

[13]      En conséquence, Dekalb ne peut bénéficier de l'exception au paragraphe 20(1), puisque les renseignements sont couverts par l'exception à l'exception prévue au paragraphe 20(2).

[14]      De toute façon, Dekalb ne pourrait se prévaloir de l'exception prévue au paragraphe 20(1). Le document en question ne divulgue pas des " secrets industriels " et ne révèle aucun renseignement qui provienne des activités de recherche et développement de Dekalb. Il ne fait que consigner le résultat d'une inspection gouvernementale. Ces renseignements sont fournis au public sur demande. Le fait que la partie qui présente la demande en l'instance soit le demandeur dans une action contre Dekalb, et qu'il puisse faire usage des renseignements au procès, n'accorde pas au document un caractère confidentiel. Des renseignements ne sont pas confidentiels s'ils peuvent être obtenus par observation, quoique avec plus d'effort du demandeur3. Le document est le fait d'un organisme public qui dépense ses fonds pour protéger le public4.

[15]      Le document n'a pas été fourni par Dekalb sous le sceau de la confidentialité et dans l'attente que son contenu ne serait jamais communiqué au public. Il est la création d'Agriculture Canada. Ces rapports d'inspection sont des " jugements que les inspecteurs gouvernementaux ont portés sur ce qu'ils ont eux-mêmes observé "5.

[16]      La prétention avancée par Dekalb que les renseignements au sujet des résultats des essais sont inexacts et erronés n'est pas pertinente. Le contrôle judiciaire prévu par la Loi n'est pas le forum approprié pour contester l'exactitude de résultats d'essais consignés dans un document, ou pour contester la validité de dossiers dont un organisme gouvernemental a le contrôle.

3. Dispositif

[17]      En conséquence, la demande est rejetée.


OTTAWA (Ontario),

le 15 septembre 1999


Juge



Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-1998-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      DEKALB CANADA INC. c. AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 7 SEPTEMBRE 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE DUBÉ

EN DATE DU :              15 SEPTEMBRE 1999


ONT COMPARU :


SERGE FOURNIER                          POUR LA DEMANDERESSE

VIRGINIE CANTAVE                      POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


BROUILLETTE CHARPENTIER FOURNIER          POUR LA DEMANDERESSE

DOZOIS FORTIN

MONTRÉAL (QUÉBEC)

MINISTÈRE DE LA JUSTICE                  POUR LE DÉFENDEUR

OTTAWA (ONTARIO)

__________________

1      L.R.C. (1985) ch. A-1.

2      [1995] 2 C.F. 110, aux pp. 124 et 125 (C.A.).

3      Air Atonabee Ltd. c. Ministre des Transports (1989), 27 F.T.R. 194, à la p. 208 (1re inst.).

4      International Packers Limited c. Canada (Ministre de l'Agriculture) (1987), 14 F.T.R. 142, à la p. 147 (1re inst.).

5      Canada Packers Inc. c. Canada, [1989] 1 C.F. 47, à la p. 54 (C.A.).

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